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 N° 435
 
 
 
    13 février 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Infirmières

Docteur Françoise Dencuff Lui écrire

Difficile d’aborder ce sujet lorsque l’on est médecin. Les générations qui nous ont précédés, en tout cas jusqu’aux années 50, avaient statué sur la place des unes et des autres. Le métier de médecin, reconnu, glorieux et celui d’infirmière tout au service à la fois du seigneur des lieux (le médecin) et des patients. Il est vrai que l’origine du métier est liée très fortement et anciennement à celui de religieuse. Se donner toute entière au service de Dieu et des malades, sous le regard autoritaire du chef de service.
Il me semble pourtant que dans la maladie qui gangrène notre corps de santé, les infirmières comme les médecins ont leurs responsabilités. Le corpus economicus n’est pas le seul à blâmer.
Comme souvent le balancier des comportements est allé trop loin, trop vite, trop fort dans la remise en cause sans discernement de tout ce que prônaient nos anciens.

retrouver la confiance

Comme toujours pour retrouver la confiance il nous faut revenir aux origines. En premier lieu l’étymologie : de firmus, ferme qui donnera firmitas : solidité et infirmitas : faiblesse.
L’origine de ce mot contient donc l’essence même du rôle de l’infirmière. Vous avez du remarquer que nous parlons de ce métier au féminin. Vieille habitude des anciens temps, toujours d’actualité puisque le sexe faible est bien plus important en nombre.
Donc des femmes, en grande majorité, se devant d’assister Le médecin au chevet du patient. Comme pour le corps médical, la disponibilité était une valeur sure.
Que s’est-il donc passé pour que la pénurie se fasse grandissante (comme chez les toubib) ?
Il est évident que nous avons certainement confondus le but et les moyens.
Je m’explique. Jusqu’à peu, le but était la réalisation d’une sorte d’idéal de service. Le sens était clair : être utile à plus souffrant que soi. Les moyens étaient la disponibilité, la générosité, une certaine qualité de présence, de toucher, de sécurité dans les gestes techniques.
Je reste convaincue qu’un certain nombre de soignants, médecins ou pas, ont toujours cet idéal au fond du cœur. Mais ce qui a changé c’est que la société a transformé la notion de service. En mieux lorsqu’il faut remplir le frigidaire mais en pire lorsque la notion de gratuité se retrouve casée sur l’étagère des antiquités poussiéreuses.

restaurer la conscience

Il est parfaitement normal que l’on puisse tirer profit de l’exercice de son métier. Ce n’est donc pas vraiment de la rémunération dont je parle. Plutôt de l’esprit dans lequel on choisit de servir l’autre. L’inconscient collectif assimile encore la notion de service à la servitude. Pas très loin de l’esclavage. Et il est certain que dans des services souvent surchargés, soumises aux exigences de plus en plus « féroces » des patients le sentiment d’être esclave de son métier doit exister. Sans parler des rémunérations.
Et que dire de la relation avec nous, les médecins. Las ! Qu’il est loin le temps béni de l’adoration sans partage ! Nous étions les grands couturiers de nos petites mains dévouées. Sauf que d’humiliation en parties fines, nous avons montré trop souvent les limites de notre humanité. Et voilà, plus d’adoration, les syndicats, les 35 heures et de jeunes infirmières formées par des protocoles qui ont oublié l’individu. A force de vouloir tout sécuriser leur formation ressemble de plus en plus à la nôtre : grosse tête et cœur absent. Il ne faudrait qu’un pas d’énarque pour inventer le minutage des poses de perf.
Plus grave encore, elles ont enfilées le costume préféré des médecins : l’urgence. Souvenez-vous : de longs couloirs traversés à toute vitesse par les internes et chefs de cliniques, cols relevés, blouses flottantes…qui me faisaient penser au lapin d’Alice au Pays des Merveilles. Pas le temps pour sourire, pour échanger, partager, toucher. Pourtant quelle que soit notre rapidité, nous mourons tous. Alors prenons notre temps.

renforcer la compétence

En 2004, d'après la Revue de l'infirmière, 60 % des infirmières travaillant dans des services de long séjour ne participent aux soins dits " de base " qu'entre 0 et 1 fois par jour. Comme l'écrivent les auteurs de ce numéro de la revue: " Pour ce qui concerne des tâches relevant théoriquement du rôle propre infirmier avec l'aide à l'alimentation, à la mobilisation et à l'hygiène, l'organisation actuelle du travail écarte de fait les infirmières de ces tâches. "
La partie de ce rôle propre concernant l'hygiène et la toilette serait-elle en fait un " rôle sale ", qui ne serait bon qu'à être délégué à une sous catégorie de soignants que seraient les aides soignantes. Quel ressenti ces aides-soignantes peuvent-elles alors avoir de leur travail et du corps des patients ?
Entre les soins techniques, les réunions, les formations et l’avalanche de paperasseries les soins de base sont en effet dévolus aux aides soignants. Avec chez eux aussi un tel sentiment de dévalorisation que les gestes deviennent impersonnels.
D’ailleurs ce sentiment existe dans toute la chaîne de la santé : le patient dévalorisé dans sa plainte, le médecin dans la reconnaissance financière des ses années d’étude et par les Grands Administrateurs, les infirmières par les médecins et les patients, les aides soignants et les administratifs par tout le monde. Est-ce donc là que nous pouvons trouver l’origine de la pourriture du corps de santé ? Est-ce que la maladie aurait le pouvoir étonnant d’enlever de la valeur aux personnes ?
Alors en ce début d’année, nous pouvons rêver. Rêver que les études valorisent enfin « les humanités », que les médiatico-politico-technocrates nous laissent travailler en paix, que les soignants soient déchargés des contraintes administratives (téléphone, rendez-vous radio…, course à la place en soins de suite…).
Oui, nous pouvons rêver que le mot vocation soit encore une invitation au service et pas une voix qui crie dans le désert.

NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

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