EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 451
 
 
 
    5 juin 2006
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

Questions bien dérangeantes

Docteur Gabriel Nahmani Lui écrire

Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore
déclarait savamment notre cher confrère, le Dr Knock ( “ Le triomphe de la médecine”, comédie de Jules Renard, 1923, NDLR )
et deux articles récents nous conduisent à nous poser enfin des questions…dérangeantes.

retrouver la confiance

1 / Les médecins posent-ils trop de diagnostics et traitent-ils trop? ( www.CyberSciences.com de juin 2006 )
Le cancer fait peur. Trop peur pour rien! C’est un médecin qui le dit. Le docteur Fernand Turcotte, 64 ans, prêche par l’exemple: "Je n’ai jamais subi de test de dépistage du cancer de la prostate. Si je suis atteint, je ne veux pas le savoir! "
Cet épidémiologiste, professeur à l’Université Laval, est convaincu que cette peur nous entraîne sur une pente dangereuse. On fait trop de dépistage, estime-t-il, et cela a des conséquences très fâcheuses : tests et traitements inutiles, anxiété, etc.
Il vient de traduire le livre d’un confrère américain, le docteur Gilbert Welch, dont le titre donne le ton: Dois-je me faire tester pour le cancer? Peut-être pas et voici pourquoi.
À son âge, le docteur Turcotte aurait déjà subi au moins 6 ou 7 tests s’il s’était plié aux recommandations en vogue visant à s’assurer de la bonne santé de la prostate des Québécois de plus de 50 ans. S’il n’en a rien fait, ce n’est pas qu’il n’aime pas la vie. C’est plutôt que le cancer de la prostate n’est pas ce tueur redoutable que l’on craint. " Pour la majorité des hommes, c’est une pseudo- maladie: ça ne les tue pas et ça ne les rend même pas malades!" affirme le médecin…

restaurer la conscience

2 /" Pour vendre des médicaments, inventons des maladies " ( Le Monde diplomatique numéro 626 )
Le Monde diplomatique publie un extrait du livre de Ray Moynihan, journaliste, et Alan Cassels, chercheur en politique des médicaments à l’université de Victoria, au Canada, intitulé " Selling Sickness. How Drug Companies Are Turning Us All Into Patients ", Allen & Unwin, Crows Nest.
Les deux auteurs écrivent ainsi que " les stratégies marketing des plus grosses firmes pharmaceutiques ciblent dorénavant les bien-portants de manière agressive. Les hauts et les bas de la vie de tous les jours sont devenus des troubles mentaux, des plaintes somme toute communes sont transformées en affections effrayantes, et de plus en plus de gens ordinaires sont métamorphosés en malades ".
" Au moyen de campagnes de promotion, l’industrie pharmaceutique […] exploite nos peurs les plus profondes : de la mort, du délabrement physique et de la maladie – changeant ainsi littéralement ce qu’être humain signifie ", poursuivent Ray Moynihan et Alan Cassels.
Les auteurs remarquent que " l’épicentre de ce type de vente se situe aux Etats-Unis ", et notent que le " rugissement du marketing s’amplifie " et " l’emprise des multinationales sur le système de santé se consolide ".

renforcer la compétence

Que sommes-nous devenus, en vérité ? Qu'entend-on, dans les moindres conversations, au coin des rues, dans les réunions amicales ou de voisinage ? très fréquemment, les mots magiques " mon médecin, le labo, les radios, le scanner, l'IRM, la scinti, la SÉCU, le bilan…" On a fabriqué une population d' inquiets, les laboratoires d'analyses et les cabinets de radiologie croulent sous le nombre de patients, les feuilles de maladie s'accumulent, les pharmaciens délivrent de plus en plus de produits, les labos pharmaceutiques prospèrent, l'attente anxieuse augmente insidieusement, les conseils anti-ceci et anti-cela pullulent, censés nous enseigner et nous protéger contre presque tout…sauf contre la peur de vieillir et de mourir, terme normal et terme final à toutes nos angoisses, justifiées ou non.
Le Dr Turcotte, 64 ans, ne veut rien savoir ? Votre exmédien de service ( qui ne fut jamais médecin de sévices !), 72 ans, se moque royalement de ses lendemains à venir et vit normalement, sainement, sagement, et se contente d'attendre, sans crainte, sans obsession, ce que demain ou après-demain il aura à connaître et à subir.
Au secours ? Non, pour une fois cet Os peu court conclura ce propos.


NDLR : Comme l'Internet est le moyen idéal pour le faire, il ne faut vraiment pas s'en priver, ami lecteur. Si ce texte vous touche, vous plaît, vous déplaît ou vous semble mériter telle ou telle réponse, d'un simple clic sur le lien "Lui écrire" en haut de page, un courrier électronique de votre part parviendra à l'auteur.
FMM, webmestre.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« Un corps débile affaiblit l’âme, de là l’emprise de la Médecine, art plus pernicieux aux hommes que tous les maux qu’elle prétend guérir. Je ne sais pour moi de quelle maladie nous guérissent les médecins, mais je sais qu’ils nous en donnent de bien funestes : la lâcheté, la pusillanimité, la crédulité, la terreur de la mort : s’ils guérissent de la mort, ils tuent le courage.»
J.J. Rousseau


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________
Lire la LEM 450 Hôtels de soins de Françoise Dencuff

Lire la LEM 449 Soigner ... les emplois de Dominique Estérez

Lire la LEM 448 A la ligne ou au chalut de François-Marie Michaut