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La Lettre d'Expression Médicale
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 N° 494
 
 
 
    10 avril 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Ethique des futurs soignants

Photo de l'auteur Docteur François-Marie Michaut lui écrire

Ce fut le 10 janvier 1969 l’une des toutes dernières soutenances de thèse de ce qui était encore l’unique faculté de médecine de Paris. La salle des thèses était impressionnante avec ses dorures, ses hauts plafonds et ses multiples bois cirés. Nous étions une dizaine de carabins, avec nos professeurs de médecine entogés qui constituaient notre jury. Des familles étaient là aussi, manifestement fières de leur rejeton. Avant de nous déclarer docteurs en médecine, on désigna le plus jeune d’entre nous, et on lui fit passer à ce moment là un texte qu’il lut à haute et hésitante voix. Voilà, c’était fait, ce serment dit d’Hippocrate, celui que nous devions respecter comme guide de notre vie de soignants, fut ainsi expédié comme une formalité purement administrative. Nous n’avions même pas pris la peine de l’apprendre par cœur. Ce qui est un comble quand on songe à la quantité de choses d’interêt fort discutable que nos études nous avaient contraints d’ingurgiter de force pendant des années.

retrouver la confiance

Avec le recul d’une longue activité, la question se pose. Quelle degré de confiance peut-on accorder à ce modèle idéal du comportement médical ? En vérité, il semble tout simplement illogique que le serment hippocratique constitue l’acte final de la formation universitaire médicale. Après plus de sept ans d’apprentissage laborieux et éprouvant, nous avons déjà acquis de multiples automatismes, nous nous sommes trouvés moulés malgré nous par les exemples rencontrés en milieu hospitalier. Avec la naïveté qui fait tout le charme de la jeunesse, nous avons calqué nos façons d’être sur les ainés que nous admirions. Se couler dans le moule des plus anciens, auréolés du prestige de ceux qui savent déjà, qui ont déjà vécu ce que nous découvrons avec notre sensibilité toute fraîche de profane, il n’y a guère moyen de faire autrement. Cette fameuse imitation, comme moteur des comportements humains, telle que René Girard l’a illustrée, là nous l’avons vécue, avec son corollaire inévitable. On ne se pose pas ou peu de questions sur ce qu’on voit, sur ce qu’on vit, ce que vivent tous les vivants, animaux ou humains, on se garde bien de s’exprimer sur ce qui nous choque , nous attriste , nous réjouit ou nous intrigue dans ce monde des blouses blanches en action.

restaurer la conscience

Et pourtant, il semble évident qu’étudier pour devenir un jour quelqu’un dont le métier est de soigner les autres ne peut pas se faire correctement quand l’impasse totale est faite sur la dimension éthique qui devrait s’imposer dès les premiers enseignements du jeune étudiant. Il n’est ni souhaitable, ni utile, de rechercher dans les structures d’enseignement les failles qui ont conduit à ce manque grave de tout apprentissage progressif et adapté de la déontologie. Car, il existe une déontologie qui s’impose aux étudiants. D’abord sommaire, elle devrait peu à peu s’affiner pour être un acquis solide dès l’entrée dans la profession. Partir avec la définition claire, puis l’acceptation publique et solennelle ( pourquoi pas ?) d’une simple charte éthique applicable dès les premiers contacts avec le vivant pourrait constituer un premier pas. Que refuser de respecter ces valeurs élémentaires puisse être considéré comme un motif suffisant pour un échec aux examens indiquerait le prix que la communauté médicale attache à cette dimension de sa fonction si particulière dans la société.

renforcer la compétence

L’éthique des métiers de santé n’est pas une affaire de vieux, ou de sages, elle ne doit pas être servie sur un plateau par un corps enseignant censé tout savoir, tout planifier et tout diriger. Elle est du domaine de chacun de nous tout au long de notre vie avant, pendant et après notre exercice professionnel. C’est à nos étudiants de monter au créneau, de demander comme ils savent depuis toujours le faire, d’être des acteurs responsables de leur statut étudiant. Cette compétence, ils peuvent tout à fait travailler à la faire reconnaître par leurs aînés si ceux-ci ne veulent pas les entendre.
Ce qui n’est pas du tout impossible. La construction progressive tout au long des études d’une telle capacité d’analyse et de décision éthique qu’on utilisera toute sa vie pour ne pas demeurer un pion passif, manipulable, et rapidement usé, cela ne vaut-il pas la peine de se donner un peu de mal ? Si vous aviez le courage, malgré votre charge de travail, et la guillotine stupide des sélections et des concours fondés uniquement sur les capacités cognitives et en particulier mnésiques, de vouloir aller dans cette direction, vous auriez certainement la possibilité de trouver autour de vous des appuis de gens expérimentés ne demandant pas mieux que de partager avec vous.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« Qu’est-ce que l’éthique ? »
Ann O’Rexick


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