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 N° 517
 
 
 
    24 septembre 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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L'EBM, une question de choix

Photo de l'auteur Docteur Françoise Dencuff lui écrire

Evidence-Based Medecine ( EBM ) ou la médecine basée sur des faits prouvés. Est-ce la dernière trouvaille en date de tous ceux qui veulent faire de notre métier une simple application de toute une succession de protocoles et processus ?

retrouver la confiance

Mais d’où vient donc cette riche idée ? Ce terme a été défini dans les années 80 à l’école de médecine Mac Master d’Hamilton (près de Toronto). A ces débuts l’EBM s’appliquait tout autant à l’apprentissage qu’à l’exercice de la médecine. Pour les promoteurs l’EBM se divise en quatre stades :
- formuler clairement le problème clinique à résoudre dans le cas du malade considéré
- réaliser une revue de la littérature en excluant les articles critiquables
- apprécier la validité et l'applicabilité des conclusions pratiques des publications
- en déduire la conduite à tenir pour le malade en cause
De prime abord la mariée est plutôt belle : Pratiquer l'EBM, c'est s'investir dans un processus d'apprentissage permanent, centré sur la résolution de problèmes rencontrés dans notre activité clinique, qui crée un besoin de repères fiables en matière de diagnostic, de pronostic, de traitement, ou d'autres domaines touchant à la santé de nos patients.
Dans ce cadre, l'EBM se propose :
- de transformer ces besoins d'information en questions claires, auxquelles il est possible d'apporter une réponse
- de rechercher, aussi efficacement que possible, les meilleurs arguments pour y répondre (qu'ils soient fournis par l'examen clinique, le diagnostic biologique, les données de la littérature ou par d'autres moyens)
- d'évaluer ces arguments de manière critique en ce qui concerne leur validité (degré de fiabilité) et de leur utilité (faisabilité pratique)
- d'appliquer effectivement les conclusions dans notre pratique
- d'évaluer nos résultats ultérieurs.
A priori nous sommes tous enchantés par un tel engagement au service du mieux être de notre exercice. La formation vraiment continue d’un généraliste demanderait un temps incroyable pour lire tous les articles. Et notre profession, qui fonde une grande partie de la connaissance sur les publications, n’en est pas avare.
D’autre part une étude intéressante chez nos confrères canadiens a montré que les sujets de FMC choisis n’étaient pas ceux dont les médecins participants avaient le plus besoin. Rien d’étonnant à cela quand on voit dans tous les secteurs d’activité fleurirent des formations à la poterie ou à l’art de la composition florale. En effet nous avons tous des sujets de prédilection et quelques zones aveugles dans nos apprentissages. (Je suis absolument lamentable en cardiologie…mes amis psys y trouveront certainement une explication).

restaurer la conscience

Alors pourquoi sommes-nous tellement résistants à appliquer de si beaux principes ? Nous devrions au contraire profiter de ce que d’autres valident comme étant la « substantifique moelle » des découvertes.
Oui mais…comment faire confiance aux autres, surtout s’ils sont en grande partie…anglo-saxons et le plus souvent eux-mêmes chercheurs ?
Une grande partie de la réticence des « Latins » envers ce type d’intervention vient de ce que notre méthode d’apprentissage n’a rien à voir avec les méthodes anglaises ou américaines. Nous avons développé une sorte de complexe de la faute, abusivement défini comme judéo-chrétien puisqu’à ce que je sache les protestants sont aussi chrétiens. Autrement dit nous sommes toujours persuadés que l’erreur est une faute impardonnable. Alors qu’elle n’est qu’une étape de l’apprentissage. Et qui dit erreur dit sanction. Nous avons donc beaucoup de difficultés à partager nos informations, nos interrogations, nos doutes.
Par essence le médecin est un solitaire, peu enclin à partager, en tout cas pour ce qui est de sa pratique. La relation duelle avec le patient crée une sorte de méfiance envers tout ce qui pourrait altérer la confiance. Et l’intrusion de « savoirs prédigérés » en fait partie. Un patient est un individu unique nous a-t-on seriné sur les bancs de la faculté. Comment penser alors que nous pouvons toujours traiter les symptômes de la même façon chez M. Durant et Mme Dupont ?

renforcer la compétence

Alors que faire de cette médecine basée sur des faits prouvés ? Je dois avouer que j’aurai préféré le terme avérés ou motivés car tout bon scientifique sait bien qu’un fait n’est prouvé que jusqu’à ce qu’on prouve qu’il est faux…
A priori malgré tout, cette nouvelle dimension clinique amène un certain confort dans notre pratique. Surtout lorsque nous nous retrouvons devant les tribunaux (pas franchement un hasard que l’EBM soit nord américaine d’origine). Mais quelles en sont les limites ? Devons-nous devenir des sortes de robots appliquant sans état d’âme les « meilleures protocoles » pour éviter le jugement de nos patients et de nos pairs ? Car n’en doutons pas les patients sont de mieux en mieux informés de ce qu’il faut pour leur « mal ». Comment faire rentrer dans le cadre de l’EBM la relation à l’autre et à soi-même ?
La limite comme toujours se posera face aux exagérations. Si l’évaluation de nos pratiques professionnelles ne se fait que sur les faits prouvés nous avons du souci à nous faire. Après des siècles de médecine empirique nous devons entrer dans le millénaire de la médecine des protocoles. Le danger réside dans l’obligation que nous aurons de plus en plus d’appliquer les directives de l’EBM.
La revue Prescrire, depuis 30 ans, a pour raison d’être que les professionnels de santé ont besoin de fonder leur activité et leurs décisions sur des données claires, solides et indépendantes pour les meilleurs soins possibles, au regard du seul intérêt des patients.
Plus encore cette revue présente une absence totale de revenus publicitaires et de subventions publiques ; financement uniquement par les abonnés de ses productions ; refus du paiement des abonnements par des tiers industriels. Nous retrouvons la même démarche que celle de l’EBM avec deux différences majeures :
Nous avons le choix d’appliquer les conseils donnés,
Les rédacteurs des « bonnes pratiques » ne sont pas dépendants des financements de Big Pharma…ce qui dans le cadre des chercheurs est loin d’être le cas.
Références :
www.ebm-journal.presse.fr
www.prescrire.org

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :« Le siècle devenait grandiloquent, donneur de leçons, “ Père-la-vertu”... »
Françoise Chandernagor ( Couleur du temps )


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