EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 521
 
 
 
    22 octobre 2007
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

Avez-vous peur des médecins ?

Photo de l'auteur Docteur Françoise Dencuff lui écrire

Avec stupéfaction j’ai entendu dire que les hautes instances avaient peur des médecins. Nous étions en train d’échanger autour de la nouvelle version de la certification des établissements de santé et à ma question : pourquoi l’HAS ( la haute autorité de santé) ou le ministère n’ont-ils pas mieux communiqué sur les avantages d’une culture de la qualité, j’ai eu la surprise de m’entendre répondre : les médecins font peur.
Il me semble intéressant de se pencher quelques instants sur cette peur et sur les comportements qu’elle génère.

retrouver la confiance

Sommes-nous donc si dangereux pour faire peur ? La peur est une émotion directement liée à la survie. Une émotion puissante et protectrice. Alors que vient-elle faire dans la relation du patient avec son médecin ou entre la société (et ses représentants) et le corps des médecins ?
Nous ne pouvons parler de cette peur sans nous pencher sur la fonction du médecin : nous avons le redoutable privilège d’être perçus comme des « négociateurs avec la mort ». La maladie, quelle qu’elle soit, renvoie la personne à sa finitude, à son impuissance et nous serions là pour neutraliser l’échéance. Cette croyance existe depuis toujours. Nous étions prêtre ou sorciers, nous connaissions les rituels susceptibles de calmer la fureur divine.
Et les progrès scientifiques n’ont fait que renforcer cette croyance puisque l’âge de la mort a reculé. Il nous suffit d’écouter les publicités vantant la prévention : 3000 morts auraient été évitées si… C’est un mensonge éhonté bien entendu. Il eût fallu dire : 3000 personnes seraient mortes plus tard si… Nous pouvons imaginer dans ce type de formulations imbéciles une partie de l’explication de l’échec de ces campagnes.
Cette place à mi-chemin entre la vie et la mort fait donc peur, comme si nous détenions encore, dans l’inconscient collectif, le pouvoir de décider qui va vivre ou mourir.

restaurer la conscience

Il est évident que ce pouvoir n’existe que dans les fantasmes et que nous ne sommes pas les petites mains de la Faucheuse (l’Ankou pour les bretons). Mais visiblement la peur est toujours présente.
Outre mon étonnement, j’ai vite réalisé à quel point cette peur (peut-être soigneusement alimentée d’ailleurs) nous mettait dans une position particulièrement difficile. Nous serions donc « les hommes (ou femmes) à abattre », les boucs émissaires responsables de tous les dysfonctionnements de la société.
Ceux et celles qui ont suivi des formations de communication ont certainement entendu parler des trois positions relationnelles immatures sources de tous les conflits : les positions de sauveur, de bourreau et de victime.
Le sauveur : c’est la position dans laquelle nous nous mettons lorsque nous restons persuadés que nous arriverons à sauver et à protéger tout le monde, la victime est la position de force qui oblige l’interlocuteur à se positionner en sauveur (ne t’inquiètes pas, nous allons vous guérir…) ou en bourreau (de toute façon tu es nulle, c’est dans la tête…).
Si nous faisons peur, c’est donc toute la société qui est victime des vilains médecins, descendants directs des bourreaux, ou sauveurs incapables puisque la mort existe toujours.
Au passage il est important de remarquer la concordance entre une société qui valorise de plus en plus les victimes et la volonté tutoriale de mettre les médecins au pli.

renforcer la compétence

Il est évident que le seul moyen de sortir de ce triangle infernal : sauveur, bourreau, victime est de se placer dans un raisonnement pragmatique et rationnel. Et ce aussi bien dans le discours autour de la médecine et du soin que dans la formation des soignants ou l’éducation des patients.
Le médecin n’a pas à faire peur puisqu’il est là pour soigner, soigner le corps et la tête jusqu’au jour où, le plus tard possible, ses compétences s’arrêteront devant l’inéluctable.
C’est un véritable bouleversement des pratiques et de l’image de la médecine qui s’appuie sur une vertu fort peu pratiquée de nos jours: l’humilité.
Mais aussi un bouleversement de la société qui doit arrêter de voir le médecin comme le « grand manitou » et lui donner les moyens d’exercer correctement son art.
Bref, en continuité avec une précédente LEM sur l’Humanisme Médical (1), il semblerait que l’humilité et la responsabilité soient sans conteste les deux mamelles d’une santé sans peur et sans reproche.

(1)Michaut F-M. Le défit d’un humanisme médical LEM 519, 6 oct. 2007
lien : http://www.exmed.org/archives07/circu519.html

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :«J’ai peur du passé, du présent, du futur, du passé simple et du plus-que-parfait du subjonctif. »
Wolinski


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________

Lire La LEM 520 Médecine, science dure ou science molle ? Bruno Blaive

Lire La LEM 519 Le défit d’un humanisme médical François-Marie Michaut

Lire La LEM 518 Evolution du monde infirmier et médical Bruno Blaive