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La Lettre d'Expression Médicale
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 N° 555
 
 
 
    30 juin 2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Plaidoyer

Photo de l'auteur Docteur Françoise Dencuff lui écrire

Encore une fois notre Président ( de la République Française ndlr ) plaide pour le développement des Soins Palliatifs. Rejoignant Marie de Hennezel, il fait le constat, malheureux, de l’absence de culture palliative dans notre société en général et dans le monde soignant en particulier.

retrouver la confiance

De quelle confiance peut-il s’agir ? Celle des patients envers leurs médecins ? Celle des humains que nous sommes face à notre fin incontournable ?
Car c’est cela, n’est-ce pas, qu’il nous faut affronter : La peur de la mort. Pourquoi charger les épaules des médecins de régler cette peur existentielle ?
Notre société fait tout pour oublier la mort dans une agitation stérile : prévention tous azimuts, consumérisme effréné, règles de « bonne conduite » de plus en plus culpabilisantes, éviction des « complexes funéraires » le plus loin possible des lieux de vie.
Alors pourquoi vouloir tout à coup que les soignants se conduisent autrement ? Qu’est-ce que cache cet intérêt pour la fin de vie ? Et surtout qu’attend la société de ses médecins ?
Nous éviterons de penser qu’il s’agit seulement d’une sorte de clientélisme politique pour essayer de comprendre ce que peut-être la « culture palliative ».

restaurer la conscience

Le médecin est en charge de la maladie et ce depuis toujours. Contrairement à la croyance générale, la santé n’est pas son domaine. Nous pouvons le déplorer mais c’est un état de fait. Ni ses études, ni ses motivations ne sont là pour maintenir la santé. Elles sont entièrement dirigées vers la lutte contre la maladie.
Entrer dans une « culture palliative » demande donc un changement de paradigme. Faire des médecins les gardiens de la santé en lieu et place d’une armée de soldats en guerre contre les maladies.
Pour l’instant les médecins (et les soignants en général d’ailleurs) n’ont pas voulu regarder en face ce changement majeur et ils ont laissé la santé aux mains des politiques, des médias et des industries agro-alimentaires avec les résultats que l’on sait : mangez 5 fruits et légumes par jour, vive les yaourts anti cholestérols, haro sur les vilains fumeurs (mais préservons l’alcoolisme, lobby des vins oblige)…etc. Scandale absolu des décorations qui fleurissent les devantures de nos pharmacies : Tombez malade aujourd’hui, demain il sera peut-être trop tard. Comment des soi-disant « acteurs de la santé » peuvent-ils se moquer ainsi de la souffrance des malades ? Aucune campagne anti-vente en supermarché ne peut justifier un tel slogan.
Les médias et les politiques essaient bien de donner un air de respectabilité à toutes ces exigences en invitant régulièrement des toubibs maniant le politiquement correct mais il n’y a pas de véritable consensus autour de la santé. Le concept même de santé est impossible à mettre en fiche, en normes, en protocoles. Et il serait temps de réaliser qu’il est impossible d’implanter une culture de la santé sans les médecins.

renforcer la compétence

Alors qu’il s’agisse d’une culture de la santé et par extension d’une culture palliative, il faut tout changer.
Pour commencer changer le recrutement des médecins et des soignants. Refuser ceux et celles qui pensent devoir s’immoler sur le champ de bataille contre les vilaines maladies. Ceux et celles qui font de cette guerre un moyen de reconnaissance et d’aisance financière. Bref, inviter les futurs étudiants à réfléchir sur leur motivation. Il est beaucoup moins glorieux d’accompagner les patients sur le chemin de la santé que de penser les avoir sauvés de la mort.
Ensuite changer bien sûr le contenu même des études. Apprendre aux carabins qu’ils ne sont pas Dieu et que leur parcours se devra d’être au service de la santé, c'est-à-dire renforcer vraiment la conscience de l’équilibre fragile de notre physiologie, connaître en profondeur les risques liés à nos environnements, bâtir une véritable psychologie de la prévention (sans aucune mesure avec la culpabilisation ambiante), développer l’esprit critique, apprendre à résister aux sirènes de la gloire et de Big Pharma.
Revoir de fond en comble la carte sanitaire, le parcours de soins, le poids des industries dites de la santé, les fonctions des grands administrateurs.
Apprendre aux patients que la maladie n’est pas une fin en soi, qu’ils sont les principaux responsables de leur santé et donc qu’ils se doivent de développer un esprit critique face aux injonctions culpabilisantes politico-médiatiques.
Et plus que tout accepter que la santé ne sera jamais antagoniste avec la mort.
Voilà Mr le Président ce qu’il faudrait faire pour établir une culture palliative, et une culture de la santé. Ce n’est pas en dépensant sans fin des sommes extravagantes que nous arriverons à faire changer la culture médicale. Les soins palliatifs ne devraient pas exister comme spécialité. Ils ne sont que le prolongement de la guerre contre la maladie, de la volonté d’agir à tout prix, de la croyance en une « bonne mort ».
Oui, Mr le Président nous pouvons mourir en bonne santé. Mais ce que vous, et vos prédécesseurs, nous préparez c’est la mort d’un monde de la « santé » malade de ses peurs et son incapacité à changer de paradigme.
Voulez-vous prendre le risque de ce changement ? Nous sommes partants et nous avons des tas d’idées. Nous attendons seulement votre convocation.

NDLA : Sur ce sujet un article de la revue Prescrire (la seule à être libre de publicité) se penche sur l’importance de connaître l’histoire naturelle des maladies pour mieux les soigner. Autrement dit l’évolution des maladies sans intervention médicale…. (juin 2008)

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :<<Ce qui était hier ne se voit aujourd’hui.
Heureux, trois fois heureux qui au temps ne s’oblige,
Qui suit son naturel et qui, sage, corrige
Ses fautes en vivant par les fautes d’autrui>>
Ronsard ( Mascarades)


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