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 N° 563
 
 
 
     25 août 2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Primes aux résultats

Photo de l'auteur Docteur Françoise Dencuff lui écrire

C’était dans le quotidien La Croix du 4 juillet .
A la question : Quels changements entraînerait une rémunération aux résultats des médecins ? La « spécialiste » Marine Bungener (INSERM et CNRS) répond que ce projet de la CNAM réintroduit la médecine dans le même type de logique que celle que l’on impose aux autres secteurs d’activité de la société, à savoir la nécessité d’évaluation, de mise en concurrence et de responsabilisation des professionnels. Cette évolution est semble-t-il inévitable et elle sera bénéfique aux patients, à condition que l’on se donne les moyens de cette ambition ». Et de conclure que ce type de pratique sera bénéfique à la prévention… Autrement dit encore plus de culpabilité et de normes.
Rassurez-vous, chers confrères, les toubibs anglais ne sont pas mieux traités puisque leur ministère de la santé vient d’introduire une « prime à la survie » pour les chirurgiens anglo-saxons. Cette prime serait vraisemblablement versée aux chirurgiens à partir du taux de survie de leurs patients.

retrouver la confiance

A dire vrai, de quelle confiance peut-il s’agir ? Celle que nous devrons avoir dans les « experts » qui nous évalueraient ? Les anglais beaucoup plus rationnels ont rapidement évalué le coût de telles opérations. Faramineux puisqu’il faudra la présence de spécialistes capables d’évaluer le taux de survie. The Telegraph rajoute d’ailleurs fort à propos que ce type de mesure ne fera qu’augmenter le déséquilibre croissant entre soignants et administratifs. Car c’est bien de cela dont il s’agit : une administration pléthorique qui doit bien justifier sa présence.
Mais notre spécialiste hexagonale n’en démord pas : « cela engage la médecine dans une double rupture. Ce serait la première fois qu’on lierait une partie de la rémunération du médecin à ses résultats. […] L’autre rupture consiste à demander aux médecins un engagement individuel. […] C’est un droit de regard supplémentaire sur leur pratique qui est envisagé ». Il est vrai qu’elle ne nous voit que comme un secteur d’activité commerciale comme les autres.

restaurer la conscience

Nous voilà au cœur du problème : le droit de regard ! Mais aurions-nous oublié le patient ? N’est-ce pas SON droit de regard avant tout ?
Ce n’est certes pas moi qui défendrais le peu de cas que notre formation a fait de l’évaluation de nos pratiques professionnelles. Toute notre formation est à revoir afin que la culture de l’évaluation entre enfin dans notre métier. Mais de là à accorder la « revanche » aux administratifs… Ce qui est étonnant c’est que je n’ai lu nulle part une réponse à ce projet pourtant largement engagé dans les tuyaux de la CNAM. Qui d’ailleurs ne fait que reprendre les « bonnes idées » des mutuelles américaines.
Sous couvert d’amélioration des soins, que nous promet cette « révolution » ? C’est encore The Telegraph qui nous l’apprend : plus aucune intervention à risque. Plus de greffe, plus de chirurgie cardiaque au-delà de 40 ans, plus de césarienne pour prématurité… Et encore ne s’agit-il chez eux que des chirurgiens. Chez nous, tout le monde sera à la peine.
Bref, plus de conscience médicale. Car c’est de notre conscience professionnelle dont il est question. La conscience qui nous permet de discerner le fameux bénéfice risque. Et cette conscience est arqueboutée sur la confiance du patient et son désir de vie. Même parfois pour seulement quelques semaines, quelques jours ou quelques heures.

renforcer la compétence

Devant de telles aberrations nous ne pouvons que nous indigner, non pas devant l’idée de toujours mieux contrôler notre travail et nos connaissances mais devant la négation totale de sa part d’incontrôlable. La vie et la mort sont encore des domaines inconnus, le patient n’est pas une « belle mécanique » qu’une armée de techniciens protocolisés peuvent régler au stand.
Comment oublier la relation entre nous ? Un dossier dans Que Choisir Santé de juillet août rend pourtant compte d’une étude américaine du British Medical Journal sur l’effet placebo. Une même pathologie : l’intestin irritable et trois groupes de patients. Les premiers inscrits sur une liste d’attente, les seconds bénéficiant d’une fausse séance d’acupuncture et les troisième la même fausse séance mais avec le bonus d’une relation chaleureuse et rassurante avec l’acupuncteur. Après 3 semaines, un soulagement significatif a été obtenu chez 28 % des «en attente», 44 % des «faussement traités» et 62 % du groupe «la totale» ». Il serait donc démontré que, pour des maladies aux causes non identifiées, un bon médecin vaut mieux qu’un traitement.
Pour des raisons obscures de maîtrise, non seulement des coûts mais surtout de la profession nous allons donc devenir des enfants très sages qui auront leurs bons points. Le patient sera rassuré, nous prendrons plus aucun risque et pourrons étudier le devenir naturel des maladies !
Réagissons vite, prenons en main la refonte de notre formation et cessons de laisser la part belle aux prêcheurs de catastrophes.
C’est au journal londonien que je laisserai la conclusion : « Plutôt que de primer les meilleurs, il faudrait pouvoir se débarrasser des incompétents ». Encore faudrait-il pouvoir les détecter au début de leurs études, avant qu’ils n’aient fait trop de mal et amené nos Hautes Instances à de telles extrémités.

 


Pour ceux qui ne connaissent pas encore notre Charte d’Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html




Os court :<< Cela ne m’intéresse pas, cela me hante. >>
Louis Scutenaire


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