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 N° 580
 
 
 
    22 décembre 2008
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Plus mais moins

Photo de l'auteurJacques Grieu lui écrire

On ne supporte plus rien ; cette époque est bizarre
Plus rien qui nous ennuie, nous froisse, nous désempare,
Plus rien qui n’ait été, prévu, organisé,
Dans les normes et testé, formaté, enregistré.
Nous sommes empêtrés dans nos contradictions
A l’image de ces fruits qu’on aime hors de saison.
Plus personne n’en veut, de terre dans la salade,
Des tomates pas très rondes, des pommes aux peaux malades
Des carottes biscornues, des viandes trop bien lardées,
Des fraises dites « trop petites », des aubergines coudées,
Des enfants fatigants, des pluies pas bien prévues,
Des routes pas assez droites aux nids-de-poule incongrus.
Gratte-ciels toujours plus hauts, aux records assénés,
Mais aux fenêtres closes par pression condamnées.
Les canicules odieuses, les verglas, les congères
Sont gêneurs obsolètes que plus on ne tolère.
Plus personne ne veut boire notre eau du robinet,
Mais on laisse mourir abeilles et martinets.

Toujours plus on dépense, toujours plus nous voulons
Toujours plus nous avons, toujours moins nous donnons.
Toujours plus d’instruction : toujours moins de bon sens.
Plus les choix sont divers, moins on a d’appétence.
On cherche dans les étoiles d’autres terres exotiques
Sans savoir, pour la nôtre, imposer une éthique.
On dénigre sans cesse notre chère Sécu
En oubliant bien vite que nous l’avons voulue.
Ses fraudeurs sont légion. Mais ils nous font sourire
Alors que c’est un vol qui devrait faire bondir.
Est-ce la faute à la ville ? A l’absence de nature ?
La boue n’existe plus ; ni les grandes froidures.
Tout doit être soumis à notre dictature
Même si ce chloroforme, notre vie dénature.
Tout doit être propret, policé et bien fait
Sans effort et pratique, programmé et parfait.
Le rhume ? Insupportable ! La grippe ? Un grave danger !
Les efforts ? Pernicieux ! Il faut se ménager.

L’ennemi, c’est l’imprévu, qui agresse, qui dérange
Ne pas sortir des rails, ne faire rien qui nous change,
C’est la Sécurité ! Avec une majuscule,
En toute majesté, la reposante formule.
Les radars sauvent des vies, mais on les vilipende :
On sauve des fumeurs mais leur colère est grande
Donc petit à petit vient la monotonie,
Et nos chères habitudes deviennent règles de vie.
La surpêche vide les mers mais personne ne l’arrête
On déboise à tout va même pour faire des palettes …
On veut bien évoluer, mais alors pas trop fort.
D’accord pour le progrès, mais juste pour le confort.
Le riz trop long à cuire ou bien l’eau à bouillir,
Comme des enfants gâtés, on voudrait raccourcir.
Le portable est le roi : mais n’est-il pas dangereux ?
La télé est la reine : mais ses programmes piteux.
Les PC sont superbes, mais ils nous coûtent trop cher
Et leurs adsl sont pour des millionnaires …

On n’est jamais contents, tout nous choque, tout nous nuit :
Le parking est trop loin, les enfants font du bruit,
Le métro qu’on attend, le vent qui souffle trop,
Les remèdes pas rapides, les escaliers trop hauts …
Sans notre GPS, nous craignons l’inconnu ;
Sans le gilet airbag, nous nous sentons perdus.
On enferme les méchants, les voleurs, les truands
Mais on encense Mesrine comme un sage exaltant !
Plus on veut aller vite, plus on trouve que c’est lent.
Plus on mange rapidement, moins on digère content.
Plus d’années à nos vies ? Moins de vie aux années …
Plus de médicaments ? Plus on est enchaîné !
Plus on obtient de tout, plus on désire encore :
L’envie de l’inutile devient notre veau d’or.
On admire, on adore, les images d’Epinal
Et les vieux lieux communs nous tiennent lieu d’idéal

La mode est aux grognons, aux prophètes de malheur
Qui nous cernent de stress et souvent nous font peur.
Alors, nous compensons, dressons nos barricades,
Pour protéger nos vies des chocs et des brimades.
Pour nous le superflu devient indispensable,
Et se rend nécessaire comme un but raisonnable.
Entre l’avoir et l’être, on choisit sans vergogne,
Et rarement nos consciences se révoltent ou bien grognent.
On oublie l’essentiel, mais on ne le sait pas
On n’a plus d’indulgence dès qu’on sort des schémas
Consommons, consommons, c’est là le principal
Toujours plus , tout pour nous, voilà notre morale.
Du bonheur nous sommes donc les subtils praticiens ;
Heureux ! Nous sommes heureux ! Désespérément bien …



Droits réservés Jacques Grieu



retrouver la confiance

restaurer la conscience

renforcer la compétence


NDLR : Cette lettre illustre l’article 8 de notre Charte d’Hippocrate. Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 8°) Je ne renoncerai pas à protéger les personnes affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou dans leur dignité.


Os court : << Fuir : prendre son courage à deux pieds.>>
Alexandre Breffort


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