EXMED.org Lire toutes les LEM
La Lettre d'Expression Médicale
Exmed.org

retour sommaire
 
 
 
 
 
 
 
 N° 594
 
 
 
     30 mars 2009
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
      Pour s'inscrire 
 
     
     toutes les lem depuis 1997

Business et péri-médicaux

Dr Cécile BourDocteur Cécile Bour lui écrire

xxxDébut février 09, Lilian Thuram, footballeur de son état, refusait le ministère de la Diversité que le Chef de l’Etat lui proposait, arguant que « la politique est quelque chose de très noble qui ne tolère pas l’à-peu-près.»
Ce que ce sympathique et charismatique sportif voulait dire, en clair, c’est qu’il lui répugnait de faire n’importe quoi. Outre l’immense talent footballistique du défenseur français, force est de lui reconnaître un solide bon sens et une intelligente honnêteté. Il n’en est pas de même pour tout le monde et dans tous les secteurs. Nous nous pencherons sur trois phénomènes de tentative de certains corps de métiers à s’approprier et à exercer des compétences médicales, après des formations très courtes et plus ou moins adaptées, un peu à l’instar des chanteurs que l’on voit se produire dans diverses émissions populaires type Star Ac’, et qui manifestement ne savent pas plus chanter que vous et moi sous la douche. Si le massacre musical en société et en public est tolérable, dans le domaine de la médecine, il en va tout autrement.

retrouver la confiance

xxxLes Sociétés d’échographie fœtale à visée commerciale.
Il s’agit d’infirmiers ou de techniciens formés à l’échographie qui proposent de l’imagerie fœtale sans divulgation aucune de renseignements médicaux, (d’après eux du moins), un peu de façon ludique, pour permettre aux futurs parents de visualiser leur futur enfant, mettant en avant l’examen échographique souvent trop rapide et dénué d’émotion de la part du radiologue. Ce serait une imagerie d ‘ << appoint » pour les parents, souvent frustrés de l’examen médical où les images sur l’écran ne sont pas bien comprises, et/ou pas toujours bien expliquées par le médecin faute de temps. Quelle est l’utilité médicale de ces séances, par ailleurs coûteuses et non remboursées ? Elle est nulle, et le procédé même délétère.
Car on a tout de même un peu de mal à s’imaginer le déroulement de l’examen de façon parfaitement muette. Il paraît quasi sûr que le technicien non médecin effectuant l’examen  montre  et  désigne les différents organes observés et que s’instaure un dialogue avec l’assistance. Qu’advient-il si réellement l’exécutant reste muet comme une carpe? Un faux sentiment rassurant peut s’installer, ce silence pouvant être pris pour l’approbation d’un examen normal . A l’inverse, si le technicien découvre une anomalie ? La dire ? Ne pas la dire ? Comment faire l’annonce, n’étant pas formé à cet exercice délicat ? Et si un diagnostic est émis et s’avère erroné après consultation chez le radiologue? Au risque anxiogène inutile s’ajoute un autre risque, celui de la potentielle nocivité de l’examen. Il est vrai que l’examen échographique est réputé anodin, toutefois le nombre d’examens est limité en pratique courante, et les examens effectués sur des appareils vérifiés, testés. On ne peut être sûr qu’il en soit de même dans ces sociétés d’échographie, et à l’heure du principe de précaution on pourrait se demander si la multiplication des examens reste réellement sans dommage sur des tissus en voie de formation. Le risque posé par la pénurie médicale, mais aussi par le fait que bon nombre de radiologues aient cessé l’activité d’échographie obstétricale en raison de la menace croissante de poursuites judiciaires, est que les couples recourent plus facilement vers ces groupes non médicaux, où ni le personnel, ni le matériel ne sont soumis à un quelconque contrôle.

restaurer la conscience

xxxLa profession des « doulas ».
Il s’agit d’assistantes à l’accouchement, ni médecins, ni sages-femmes, qui s’adoubent accoucheuses en se fondant sur leur simple expérience personnelle, leurs connaissances empiriques, une formation théorique et pratique courtes (quelques stages de durée limitée). Il n’y a aucun encadrement légal, pas de formation validée par un organisme officiel, pas de statut juridique. Les doulas prônent l’accouchement le plus naturel et le moins médicalisé possible et encouragent à l’accouchement à domicile. Elles mettent également en avant leur utilité par rapport à la pénurie des sages-femmes, la meilleure réponse à la surcharge de travail de ces dernières toutefois serait tout simplement qu’on en forme davantage.
Les problèmes qui se posent sont multiples, par leur relation intime et privilégiée envers la parturiente, les doulas influencent cette dernière à privilégier l’accouchement à domicile. Par crainte de surmédicalisation de l’accouchement , les parents se retrouvent au milieu d’un antagonisme entre les conseils des doulas et l’obligation des médecins d’appliquer leur science sous peine de poursuites. Les doulas sont censées prodiguer des conseils non médicaux aux parturientes, mais là aussi, qui vérifie leurs dires ?
Alors que la mortalité infantile régresse par le fait même de la médicalisation de l’accouchement, peut-on tolérer un retour en arrière, avec une perte de chance pour la mère et l’enfant, seulement par crainte de surmédicalisation ? Comment justifier ce retour à l’obscurantisme dans une époque en plein progrès médical? Où est l’utilité médicale de cette démarche ? Quel est son avantage pour la santé, à part l’épanouissement égoïste , individuel avant tout, à la mode, qui est à la base de ces « médecines » alternativement douteuses?

renforcer la compétence

xxxxxLe contrôle de la vision par les opticiens.
Il s’agit d’une profession commerciale qui souhaite effectuer des examens de la vision et des examens de dépistage des maladies de l’appareil visuel… tout en restant commerçants. Là aussi, la formation est courte et n’est pas médicale. La conclusion de l’examen effectué par l’opticien, son diagnostic, outre le danger d’être potentiellement faux en sous estimant ou au contraire en sur estimant la pathologie, ce pseudo diagnostic risque fort d’être assujetti aux considérations commerciales et orienté par ces dernières. On risque en conséquence d’assister à la multiplication d’examens secondaires et de surcharger la consultation ophtalmologique par des diagnostics alarmistes, infondés, erronés du fait de l’absence de connaissance médicale, d’expérience insuffisante, éléments qui permettent au médecin d’intégrer plusieurs données dans son diagnostic et de relativiser celui-ci. Là aussi, la meilleure réponse à la pénurie d’ophtalmologistes est tout simplement d’augmenter les postes formateurs des médecins ophtalmologistes, ou/et d’habiliter des collaborateurs sans implication commerciale, genre orthoptistes.
Trois facteurs se dégagent pour expliquer ce dérapage général vers la culture de la médiocrité actuelle qui n’épargne pas le secteur médical, et qui met en danger toute la société, par l’absence de rigueur professionnelle, par la perte de l’honnêteté et de l’éthique du travail.
- Le premier facteur est la pénurie médicale, qui permet l’installation de ces dérives parmi des professions en marge de la médecine.
- La deuxième cause que l’on peut invoquer est justement cette tendance à dévaloriser et banaliser les compétences de professions exigeantes et ce mépris sociétal des instances.
- Enfin en troisième lieu, et concernant plutôt les deux premiers chapitres, il faut souligner l’effet de mode du « coaching » pour n’importe quoi y compris l’accouchement , l’engouement pour le développement et l’épanouissement en tout genre de l’individu avant tout, la recherche éperdue du « bien-être » personnel, constituant le lit des « médecines alternatives », faisant passer au second plan les éventuels dommages sur sa santé, la santé d’autrui, y compris de son propre enfant à venir, occasionnés par ces comportements égoïstes et irresponsables.
Nous nous trouvons malheureusement dans une époque de culture de masse, de médiocrité, qui a perdu son sens du raisonnement pertinent dans des domaines capitaux comme ceux, par exemple, de l’éducation ou de la santé.

 

 


NDLR : Cette lettre illustre l’article 6 de notre
CHARTE D'HIPPOCRATE
. Lien
- 6°) Je ne détournerai pas l’exercice médical de son objectif premier, le service du patient, en le réduisant au seul appât du gain ou de la gloire personnelle.


Os court : << Au secours !>>, tout le monde viendra t’en demander. >>
Louis Scutenaire


Recherche sur le site Exmed.org par mot clé :

______________________

Lire la LEM 593 Application de la loi sur la fin de vie - Nicole Bétrencourt

Lire la LEM 592 Docteur Dupont, à l'ouest de la médecine -Jacques Grieu

Lire la LEM 591 Médecine générale, continent noir - F-M Michaut