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 N° 641
 
 
      21 février 2010  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Bien vieillir

Photo auteur Nicole Bétrencourt, lui écrire

xxx  En 2050, le nombre de personnes âgées aura dépassé celui des jeunes dans les pays développés. La proportion de personnes âgées est actuellemnt de 21 %. Et 54 % de la population âgée vit en Asie. Loin derrière elle, vient en seconde position l’Europe avec ses 24 %. Selon L’INED (Institut National d’Études Démographiques), l’espérance de vie dépasse les 81 ans pour les hommes et les femmes. Cette espérance de vie à des âges élevés s’accompagne souvent d’une augmentation de vie sans incapacité. Ce bouleversement psychosocial s’accompagnera de répercussions dans toutes les sphères de la société et notamment sur le système de santé.
Dans un article du Monde Diplomatique, le philosophe Lucien Seve pense que la priorité est de « reconsidérer le bien vieillir. » Il est clair qu’il faut que le regard de la société sur les personnes âgées change rapidement. Car pour l’instant comme le constate Lucien Seve, « le senior serait par essence un oisif social ». Si la vieillesse est aujourd’hui devenue un problème social et politique, elle fait pourtant bien partie de la condition humaine.


retrouver la confiance

xxxIl faut oser le dire : la vieillesse est d’abord une construction culturelle. Pour en être convaincu, il n’y qu’à regarder l’extrême variabilité du traitement social que les cultures réservent aux personnes âgées. Dans certaines sociétés traditionnelles, comme le fut le Burundi avant la modernisation, « l’âge conférait une sorte d’antiquité, respectable comme le vin qui se bonifie en vieillissant », fait observer la psychologue Léandra Nishmimrimana. En Occident, la vieillesse est une maladie honteuse, et le senior est devenu un être standard. Or, on peut-être vieux et en pleine forme.
L’ennui est que pour le grand public et pour les politiques, il y a un glissement sémantique qui s’opère entre le vieillissement individuel, biologique et le vieillissement démographique.
Ce dernier est le rapport entre les plus vieux et les plus jeunes d’une même population, et le vieillissement individuel est en rapport avec la longévité. Et là, on est en prise directe avec le déterminant de « l’âge de santé encore bonne » évoqué ici l’année dernière par le Dr F.M Michaut (1)
Le regard que la société projette au sujet de la longévité est négatif. La personne d’âge avancé vit quelque chose de bizarre de l’ordre du pathologique : l’état de vieillesse. L’histoire de la médecine est révélatrice. La médecine s’est fragmentée une fois de plus pour répondre à cette nouvelle question sociale en créant la gérontologie en 1950 et la gériatrie en 1961.


restaurer la conscience

xxxAvec un certain amusement, on peut observer qu’à l’instar des enfants, les personnes âgées sont classées en troisième âge et quatrième âge. D’accord, on saute le premier et deuxième âge mais ils sont implicites dans le terme fourre-tout de seniors. Cet état flexible commence dès 50 ans, et bien avant dans le monde du travail. Cette manie d’accoler les deux extrêmes de la vie que sont l’enfance et la vieillesse se retrouve dans la très sérieuse Déclaration des devoirs et responsabilités de l’homme de Valencia (1998) sous la direction de Richard J.Goldstone et sous les auspices de l’Unesco. Le chapitre 9 s’appelle Droits des enfants et des personnes âgées !
Le système de soins étant un système intégré à l’économie, le coût du vieillissement est évalué. On assiste à l’émergence de questions type comme : jusqu’à quel âge peut-on reculer l’âge de la retraite ? Ou comment financer les personnes dépendantes ? Et mille autres interrogations qui occupent les faiseurs de lois. Cette question sociale de la vieillesse s’est concrétisée dans notre pays en 2009 par la création d’un Secrétariat aux Aînés inspiré du Canada.
Et toujours dans une perspective économique, on évalue le coût du vieillissement. En 1997, lors d’une conférence organisée par des assureurs, le professeur Françoise Forette monte au créneau pour défendre la cause du coût du vieillissement. Pour elle, le coût des dépenses de santé n’est pas dû au vieillissement de la population mais au coût de la médecine technique, et au droit d’accès aux soins. « Le coût du vieillissement, loin d’être anormalement élevé, se révèle même faible. » Face à des assureurs, elle souligne que les personnes âgées sont un élément essentiel du circuit économique. Cette analyse reste en 2010 d’actualité.
Cet excès de sollicitude principalement d’ordre économique pour les personnes âgées risque de se retourner contre elles. Le risque d’ostracisme par les jeunes générations est fort. Les seniors sont en train de devenir une catégorie de citoyens à part forcément malades et dépendants, et s’ils ne le sont pas, ils sont hors course car retraités, ils deviennent un fardeau pour la collectivité. Aussi s’exerce de plus en plus à leur encontre une forme de coercition collective pour qu’ils appliquent des recettes anti-âge à la validité scientifique douteuse, faire les dépistages et avoir une hygiène de vie concoctée pour eux.
À l’idée de vieillesse, on associe trop facilement le déclin physique et cognitif. L’Arlésienne Jeanne Calment morte à l’âge de 122 ans faisait encore du vélo à l’âge de 100 ans. Marie Marvengt (1875-1963) détentrice de 17 records était une grande sportive dont la devise était « je décide de faire mieux encore et toujours. » Âgée de 85 ans, elle a piloté le premier hélicoptère à réaction français.


renforcer la compétence

XXXLes récentes découvertes scientifiques montrent que tout est possible à tout âge. Au début des années 1990, Élisabeth Gould de l’Université de Princeton (USA) a montré que le cerveau adulte était capable de produire des nouveaux neurones à partir de cellules souches différenciées. Cette découverte de neurobiologie a balayé la croyance que la capacité de neurogénèse était l’apanage des jeunes cerveaux.
La mémoire sémantique étant bien meilleure chez les personnes âgées, l’apprentissage, la formation et la découverte de nouvelles activités sont possibles pour les personnes âgées. D’ailleurs, la stimulation cognitive s’avère fondamentale pour bien vieillir. Manipuler la technologie moderne comme l’ordinateur stimule le cerveau. L’étude comparative du Dr Moody, Gaddipati, GW Wall publiée au dernier trimestre 2009 a montré que faire des recherches en ligne sur Internet était un exercice cérébral qui boostait des zones du cerveau. Chapitre psychothérapie, les TCC ( thérapies comportementalo cognitivistes) sont efficaces pour améliorer les changements d’état psychologique, et principalement les capacités d’apprentissage et de mémoire. Alors tout est permis !
Le vrai bien vieillir est celui qui permet l’épanouissement de l’individu. La personnalité se construit tout au cours de la vie. Il faut tenir compte de la personnalité sociobiographique qu’il faut ajouter aux traits de personnalité. Quel que soit l’âge, nous avons tous un potentiel. Lucien Sève, longtemps membre du comité consultatif national d’éthique, a promu le concept de personne potentielle pour résoudre les nombreux problèmes d’éthique. Et ce concept s’applique également aux personnes d’un âge avancé. Les exemples de longévité intellectuelle sont nombreux. Verdi créa Falstaff à l’âge de 80 ans. Le sociologue Lucien Levy-Bruhl (1857-1939) célèbre pour ses recherches sur la mentalité pré-logique remet en cause sa théorie, et à 80 ans passés esquisse tout un nouveau programme de recherche à entreprendre. La longévité créatrice pourrait devenir la règle si, évidemment, les conditions environnementales la favorisent.

(1) François-Marie Michaut, Coûts de santé et grand âge, Coup d’oeil du 26 mars 2009 http://www.exmed.org/exmed/co2009a.html

Sources:

-Tracey Shors, Préservons nos nouveaux neurones
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/f/fiche-article-preservons-nos-nouveaux-neurones-22833.php
http://www.aidh.org/drtsoblig/09.htm
-Lucien Sève, Reconsidérer le « bien vieillir», Le monde diplomatique, Janvier 2010
http://www.monde-diplomatique.fr/2010/01/SEVE/18751
- Conférence pour les entretiens de l’assurance 1997, professeur Françoise Forette, chef de service de gérontologie de l’hôpital Broca
http://www.ffsa.fr/webffsa/portailffsa.nsf/html/LDHA-4U7CKH.html/$file/p2.pdf
-Catherine Paddock, Using Internet Boosts Older brains
http://www.medicalnewstoday.com/articles/167958.php
http://www.lemarchedesseniors.com/Strategie_Marketing/documents/vieillissement_population_monde_mondial.pdf



 


Cette lettre illustre l’article 8 de notre Charte d’Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html repris ci-dessous :
- 8°) Je ne renoncerai pas à protéger les personnes affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou dans leur dignité.



Os court : << Il ne faut pas attribuer à la vieillesse tous les défauts des vieillards.>>
Alphonse Karr,
1808 - 1890, romancier et journaliste français.


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