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 N° 671
 
 
    

  20 septembre 2010  


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Construire l'université virtuelle des métiers des soins de santé

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Docteur Bruno Blaive, lui écrire
( Illustration docteur Cécile Bour 2008 )

 

 

 

     Le concept d'une telle UVMSS est né sur Exmed (1) d'une longue réflexion collective sur << l'être médecin >> et être médecin aujourd'hui dans le respect des valeurs humanistes. Le constat qui en a découlé reconnaît  la nécessité d'induire un changement radical des pratiques et des comportements de tous les professionnels de santé mais cela concerne également les patients qui ont un rôle actif à jouer.
La démarche de sa construction, facilement qualifiable d'utopique, est certainement difficile à mener à terme. Elle ne peut pas se concevoir sans tenir compte de la nécessité d' une approche initiale globale, et non plus fragmentée par discipline, des soins de santé. Et, bien entendu, il faut tenir le plus grand compte des acquis sociaux, des expériences et des publications scientifiques réalisées dans ce domaine.
Le cadre dans lequel l'UVMSS peut se réaliser doit être indépendant des intérêts économiques, institutionnels et politiques, comme ce serait le cas au sein d'une de nos universités nationales. Et bien entendu, cela doit être conçu sur un mode de développement de type expérimental.


retrouver la confiance

   La confiance des patients vis-à-vis de la médecine et des médecins a évolué ces dernières décennies. Cela est souvent attribué à une prise en charge médicale considérée comme moins humaniste qu'autrefois. Mais c'est surtout lié à un déficit d'informations et de communication dans la relation directe. Ce constat est confirmé par les patients et les familles dans les toutes les enquêtes concernant la relation médecin malade.
Il n'a pas, comme certains ont pu l'espérer, été compensé par l'abondance et la facilité d'accès des patients aux informations médicales sur le Web .
La confiance des patients dans la capacité des << politiques de santé >> à assurer à tous une couverture médicale de qualité et gratuite est remise en cause devant la difficulté croissante des Pouvoirs publics à équilibrer les dépenses de santé. Par ailleurs la part de contributions supplémentaires demandée aux patients pour couvrir l'évolution des dépenses de santé (CSG et déremboursements divers de ce qui était jadis pris en charge ) est toujours plus importante pour une offre de prestations en constante évolution sur la planète. Ainsi aujourd'hui le contrat de solidarité sociale en matière de santé sur lequel tout notre système a reposé n'est plus du tout respecté.


restaurer la conscience

    La perte de confiance dans la relation médecin-malade est probablement << compensée >> par une surprescription d'examens médicaux de la part des praticiens. Ceux ci, notons-le, ne répondent pas nécessairement à l'attente du patient mais apportent la confirmation de la maladie, nouvelle exigence de la Médecine Basée sur la Preuve (EBM). Plus prosaïquement, mais cette dimension est très importante, ces explorations dans tous les sens servent aussi de pièces justificatives en cas de litige (Justice) d'expertise (Assurances) ou de demande de remboursement (Mutuelles, Sécurité sociale). Une sorte de bouclier médico-légal en quelque sorte.
Cette évolution de la façon de pratiquer la médecine, encadrée par la science et le droit lus que par l'intérêt du malade, a amené à considérer les soins médicaux comme un bien de consommation ordinaire, soumis aux lois du marché, aux modes ou la publicité. Comme si maintenir ou retrouver notre santé défaillante constituait une marchandise comme les autres.
Dans ces conditions, comment une société libérale peut elle financer des soins de qualité accessibles à tous et de façon durable notamment lorsque les membres actifs de cette société deviennent minoritaires et les inactifs plus nombreux et plus consommateur de soins ?
La réponse à ce problème commun à de nombreuses démocraties est difficile d'autant que certains économistes  proposent de produire et de consommer davantage alors que les responsables politiques de la Santé incitent les citoyens à consommer moins, et les professionnels à réduire l'offre. Dans cette vision officielle réductrice, le couple médecin-malade est souvent désigné comme le seul responsable de l'inflation des dépenses de la santé.
Dans ces conditions comment peut on espérer faire changer de comportement des patients qu'on invite d'un coté à réduire leur consommation de soins de santé couverte par la collectivité (impôt ou assurances), alors que de l'autre on les incite de fait à consommer plus, jusqu'à l'endettement des générations futures, comme pour les autres biens de consommation ?

renforcer la compétence

   Tenter d'éviter un tel comportement schizophrénique nécessite de tenir compte de trois analyses :
- L'analyse de la littérature montre que responsabiliser les patients dans leur consommation des biens de santé, ou augmenter leur charge financière dans la prise en charge de leur traitement n'est pas toujours suffisant pour obtenir un changement de comportement (2).
Ce dernier est toujours difficile à obtenir puisque un comportement se construit dans le temps et sous de multiples influences.
Le modifier ou le faire évoluer nécessitera nécessairement du temps (éducation –formation-) de la constance (répétition des messages) et surtout une forte motivation..
-L'analyse des statistiques médicales en Europe montre que les six pathologies chroniques les plus fréquentes et les plus coûteuses (60%) des pays développés sont acquises et liées à nos comportements (alimentaires, sédentarité...) et donc aux effets collatéraux de notre société de consommation.
Tenter de réduire les dépenses de santé justifie logiquement de cibler en priorité ces comportements et de s'attaquer à l'environnement qui favorise leur éclosion et leur maintien (3).
-L'analyse des enquêtes européens réalisées à dix ans d'intervalle (1998 et 2008) concernant la priorité des citoyens en matière de soins de santé et de responsabilisation montre une tendance confirmée et croissante à responsabiliser plutôt la société dans son ensemble, que les individus ou les familles, à la prise en charge des problèmes de santé ou de vieillissement (4).

   Ces trois analyses permettent de proposer des pistes de réflexion pour une UPMSS.
L'objectif initial de l'UPMSS pourrait être de fixer les priorités de soins de santé. Puis de définir les << cibles >> dont on souhaite modifier le comportement et la consommation. Les patients ? Les personnels de santé ? Les citoyens ? Comment le faire de façon judicieuse sans que ces catégories puissent exprimer directement de façon complémentaire et coordonnée leurs choix en matière de soins de santé ?
-Ces priorités, à mes yeux, pourraient concerner les << consommations à risque pour la santé >> responsables des principales pathologies chroniques, (60%) mais aussi chercher à valoriser simultanément le bien être des citoyens. Ou si l'on préfère le capital santé des discours à la mode.

   Le principe des formations que l' UVMSS peut proposer pourrait s'inspirer des techniques utilisées pour modifier le comportement des sujets addictifs.
Celles ci (thérapies cognitivo comportementales, techniques de motivation etc... ) ont été validées pour acquérir et maintenir de nouveaux comportements. Ces formations seraient délivrables à partir d'une structure à définir, mais indépendante des tutelles et des lobbies, si possible en partenariat avec une université française déjà engagée dans la formation ou l'éducation à distance (TICE)
- Ces formations nécessitent avant d'être << diffusées >> d'avoir l'aval et le concours des professionnels de la santé. Cela constituera le point le plus difficile à obtenir car il nécessite une profonde connaissance des besoins des patients ou des citoyens (capacité d'écoute), des qualités pédagogiques et scientifiques dans des domaines variés des sciences médicales ou de la psychologie. Mais le contenu de cet enseignement doit aussi être validé par une majorité de prestataires médicaux notamment sur ce qui leur parait essentiel (l'annonce, le suivi, la fin,) ou superflu à transmettre.
-La diffusion de << l'information-formation-éducation >> bénéficierait de l'utilisation des TICE (4). Ces outils actuels de la communication interactive permettent d'assurer un enseignement de façon fiable et peu coûteuse en s'affranchissant du temps et des distances. Elles permettent une prise en charge de groupes de parole (un peu sur le modèle Balint) mais aussi de répéter régulièrement l'enseignement (préenregistré) , d'en proposer un accès en fonction d'un programme préalablement établi (calendrier) etc.
Les dispositifs techniques permettent de donner la parole à tous les participants, de les voir en vidéo conférence et de les accompagner au cours de leur formation ou de leur changement de comportement.

Bibliographie
(1) Michaut F-M Jalons pour l'université virtuelle des métiers des soins de santé. LEM 670, 13 septembre 2010
(2) Gallup organisation Expectation of Europe citizens regarding the social reality in 20 years time: Flash Eurobarometers Series 2008 227:90 p.
(3) Leonard C Croissance contre santé, quelle responsabilisation du malade ? Bruxelles 2006
(4) Revue Prescrire: Agir pour l'accès de chacun aux soins de qualité N° spécial 322 Août 2010

 

Cette lettre illustre l'intégralité de notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html


Os court :
<<Qui inventera la passoire à passer le temps ?>>
Pierre Dac


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