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N° 683

 
 

     13 décembre 2010
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Illustration LEM




« Dengue», la santé en Colombie





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Giomar Meléndez ,
lui écrire


 

 

 

La privatisation du secteur de la santé a été imposée par le FMI ( Fonds monétaire international) et la Banque Mondiale.
Depuis les années 1980, le fait d'imposer les «programmes d'ajustement structurels (PAS)» imposés par ces instances - préconisant  de faire payer les patients pour les soins qu'ils reçoivent dans plus de 115 pays du monde a eu des effets dramatiques sur les budgets de santé publique des pays du Sud. Si le patient paie tout, il n'y a plus besoin de prévoir de budget public de santé.
Aujourd'hui, l'ensemble des États du Tiers monde ne dépense pas plus de 125 milliards de dollars par an pour la santé de leurs populations. Ce qui représente moins de 30 dollars par habitant et par an contre 2 000 dollars par patient dans les pays de l'OCDE. (source : Oxfam France).

En Colombie, comme dans les autres pays de la région, les gouvernements qui ont privatisé le secteur de la santé tentent de faire croire qu'il subsiste un système national de Santé alors que la santé est devenue une "marchandise", très rentable. Le droit de chaque citoyen à accéder à des soins n'est plus qu'une chimère. Si le système de santé en Colombie peut sembler être un peu meilleur qu'aux États-Unis (l'équivalent du Sisben (1) n'y existant pas ), le grand problème reste celui d'un véritable accès aux soins car la lettre de la loi et des contrats n'est pas respectée.

   Le rôle de l'État a été restreint à la coordination, à la direction et au contrôle des systèmes de distribution des soins. Trois axes d'intervention qui, nous allons le voir, laissent souvent à désirer.
 
                                              La santé au moindre coût

   Au début des années 1990, lorsque la privatisation de la santé débuta, nombre d'entreprises privées de santé –EPS- prirent le relais. Une nébuleuse d'entreprises (privées ou issues de coopératives) existe, dont les propriétaires et actionnaires restent encore dans l'ombre ou l'anonymat. Chaque citoyen devait alors s'affilier dans une EPS et payer chaque mois sa cotisation. Mais il y a eu de gros ratés : si vous arriviez à la porte des urgences sans être affilié, ou sans avoir de quoi payer à l'avance, vous n'étiez pas pris en charge.
Ainsi des dizaines de personnes sont mortes sur le trottoir devant les portes des hôpitaux et sous le regard impuissant ou pleutre des médecins pris en tenaille par le dilemme : respecter le serment d'Hippocrate ou être renvoyé. Par la suite, de nombreux hôpitaux publics ont été fermés ou continuent aujourd'hui de fonctionner de manière mixte, pour l'État (régime allocation) ou sous contrat avec les EPS.
Depuis 2004, deux régimes de santé ont été appliqués : par contributions ou par allocations.
Le régime par allocations : appelé Sisben, destiné aux classes démunies, est totalement ou partiellement pris en charge par l'État. Il concerne 70% de la population. Près de 21 millions de personnes en bénéficient, soit presque la moitié de la population [2].

Le régime par contribution : versé par les travailleurs ou les employeurs (12% du salaire) . Le Prépayé, accessible aux classes moyennes, permet un accès limité aux soins et aux médicaments . Le Post-payé, accessible aux classes aisées, a un accès plus large aux soins et médicaments ainsi qu' aux meilleures cliniques.
La devise de la santé privée étant « la santé au moindre coût mais avec le profit maximum », les EPS imposent aux trois types d'affiliation des restrictions telles que « la pré-existence ».
Si avant de vous affilier, vous avez souffert d'une pathologie X, les soins, examens, médicaments, etc, liés à cette pathologie ne seront pas pris en charge. Entendez que dans la réalité, l'EPS tentera toujours de lier de nouvelles affections avec la pathologie antérieure. Un traitement contre l'Hélicobacter pylori pourra vous exclure de tous les soins liés à de futurs troubles gastriques, par exemple.
   Un cas ahurissant, dont j'ai eu ouïe récemment, est le suivant : le sénateur X, qui a été enlevé par les FARC, a passé 7 ans en captivité (dans le groupe d'Ingrid Betancourt) et a été libéré depuis 2 ans. Il souffrait lors de son enlèvement d'un diabète de type 2, dit diabète gras ne nécessitant pas d'insuline comme remède. Après des années de mauvais traitements, de stress, de mauvaise alimentation ainsi que plusieurs incidents cardiaques et quelques-unes des traditionnelles maladies tropicales (leishmaniose, etc), et une fois revenu à la liberté, les examens médicaux qu'il a passé ont révélé un diabète de type 1 insulino-dépendant ainsi que d'autres pathologies. Mais son EPS refuse d'assumer les coûts de ces traitements sous prétexte de « pré-existence ». Si cela arrive à un sénateur de la république, dont la détention et la libération ont été mondialement médiatisées, imaginez le sort réservé à un Colombien lambda !
   Puis, malgré le versement mensuel de la cotisation, le patient doit continuer à débourser. Des sommes moindres mais qui sur un parcours consultation, examens de laboratoires, obtention des médicaments, renvoi vers un spécialiste, nouveaux examens, etc, peuvent atteindre au bas mot un tiers du montant de la cotisation mensuelle. Car pour accéder à chaque acte médical le patient doit s'acquitter de cette espèce de «péage ». Sans compter les médicaments qui peuvent lui être prescrits mais qui ne sont pas inclus dans la liste (toujours très réduite) de son EPS et qu'il devra payer de sa poche.
 
                                   Les médecins expérimentés coûtent trop cher

Puis pour continuer avec cette devise de « la santé au moindre coût », il semble que les médecins généralistes âgés de plus de 40 ans n'ont pas le profil pour les EPS qui embauchent presque exclusivement de jeunes diplômés à la sortie de leur internat. De jeunes généralistes, payés à un salaire de bas d'échelle, qui du jour au lendemain se retrouvent avec un « fond de commerce » de dizaines de patients qu'ils examineront –selon les directives imposées par leur EPS- dans un laps de temps de 10 à 15 minutes alors que le temps réglementaire est de 20 minutes par patient. Le patient est traité comme du bétail qui n'a pas le droit à la parole ou à poser une question. Aucun contrôle n'est fait sur leur capacité comme clinicien. Aucune supervision d'un aîné n'est prévue. Nombre de ces jeunes généralistes se sentent très vite devenir des dieux et traitent leurs patients avec un mépris et un dédain évidents. Bien évidemment, lors de ces consultations express, les antécédents du patient sont à peine effleurés ou ne sont pas du tout pris en compte.
Le critère de performance pris en compte n'est plus professionnel mais uniquement économique.
 
                                  Et ce qui devait arriver, arriva
 
Sur près de cinq consultations, on compte une erreur médicale, soit 18%. (source : Enquête Ministère de la protection sociale - santé)
Les erreurs les plus courantes en consultation, hôpitaux et cliniques sont, selon la même source : erreur de diagnostic, chute du patient du haut du brancard, intervention chirurgicale sur un organe sain.
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Notes et références :
[1] En 2010 : 45% des Colombiens vivent en dessous du seuil de pauvreté et 16% dans l'indigence (ONU-PNUD). La Colombie, troisième pays d'Amérique latine par la superficie après le Brésil et le Mexique, comptait 44,6 millions d'habitants en 2008.
[2] Source : ElTiempo.com

Cliché © SINDESS - Sindicato Nacional de la Salud y la Seguridad Social - Colombie



retrouver la confiance


restaurer la conscience

 

renforcer la compétence



 

Os court :
<< Les sciences sont des lunettes pour grossir les problèmes. >>
Louis Scutenaire

 

Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html


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