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La Lettre d'Expression Médicale
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N° 711

 
 

      27 juin 2011
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Dessin de la LEM


Le défi du moins de médicaments
   

     Docteur François-Marie Michaut lui écrire

 

 
Branle-bas de combat au ministère de la santé en France, annonce le Quotidien du Médecin le 23 juin 2011. Conséquence logique de l'affaire du Médiator (et de beaucoup d'autres), c'est l'usage même des médicaments, et leur prescription intensive par les médecins, qui devient un enjeu de société.
Hélas, monsieur Xavier Bertrand et ses services administratifs, selon une méthode trop coutumière dans un pays qui se dit démocratique, ont déjà lancé leur plan d'action pour une politique du médicament qui doit faire l'objet d'une loi ( encore une de plus) que votera le parlement.
Revenons au niveau des réalités quotidienne pour parler de ce qui concerne notre vie à chacun.
Que les praticiens prescrivent moins de médicaments dans leurs consultations de chaque jour ne peut pas se décréter d'en haut par la contrainte d'un dispositif légal.
Que les citoyens ne se précipitent plus avec délices vers les petites boîtes colorées dès que survient la moindre broutille dans leur fonctionnement optimal, qu'ils n'obéissent plus aux publicités directes et indirectes de la presse, c'est d'une révolution culturelle de grande ampleur dont il s'agit.


retrouver la confiance

       Et bien ici, pour y voir clair, il faut envisager deux confiances. La première, celle de la foi populaire, consiste à accorder une confiance aveugle aux vertus des produits pharmaceutiques pour nous permettre de surmonter tous les aléas de la vie. La course après les pilules de l'immortalité future et du bonheur biochimique, même si elle n'est pas formulée aussi clairement, est une réalité. Cette confiance est dangereuse, donc à abandonner.
Si le rôle qu'on attend de nos médecins pour nous soigner ne se limite plus à la délivrance quasi obligatoire d'une liste de médicaments à ingérer, les esprits vont être troublés. La question du degré de confiance à accorder à la qualité des directives et conseils pour vivre au mieux le temps de la maladie, terriblement difficile à chiffrer et évaluer, revient au centre de la relation médicale. Nous le réclamons sans arrêt sur ce site.
Que représente pour les soignants l'abandon du réflexe prescripteur mettant le point final de chaque rencontre clinique ?
Ne pas minimiser l'avantage de la rapidité de la rédaction d'une ordonnance point-final, de plus en plus informatisée.
   Moins prescrire va demander de pouvoir consacrer beaucoup plus de temps à dialoguer avec le malade. Et, attention, même si cela donne de l'urticaire aux stratèges sanitaires, cela exige des médecins infiniment plus que de sortir le même discours stéréotypé à chacun.
Le succès des pratiquants de l'homéopathie, quelles que soient les querelles théoriques interminables des médecins, est, j'en suis convaincu, lié au fait que l'investigation détaillée sur le vécu quotidien dure au moins une demi-heure. Une médecine qui se soucie de la façon dont chaque humain vit sa vie donne l'impression d'exister en tant que personne et non en tant que cas ou que numéro matricule.

restaurer la conscience

   Du côté des thérapeutes, le trouble risque d'être considérable. «Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui donner pour le/la soigner?». La tentation de la facilité est évidente. Jadis, nous nommions ces remèdes non médicamenteux sous le titre aussi vague que vide de sens de « prescriptions hygièno-diététiques». Répétitions rituelles des injonctions dites préventives sur, entre autres, le surpoids, l'exercice physique, le suicide, la stimulation intellectuelle, le tabac, l'alcool, les relations sexuelles à risque.
Univers parfaitement ennuyeux des indestructibles ayatollahs de « ce qu'il faut faire pour votre santé», dont l'impact, dans quelque pays du monde que ce soit, sur les façons de vivre n'a jamais été démontré.
   La parole du médecin, comme ses gestes, sa façon d'être, ses intonations, en un mot sa personne même ( je n'ose pas parler ici du trop dévoyé charisme), tout cela retrouve une importance thérapeutique de tout premier plan.
  Le produit fini médecin « post-médiator» n'est plus le prescripteur du meilleur traitement médicamenteux pour soigner les malades. Voilà, si l'université veut bien se mettre à l'écoute de l'évolution en cours de la pratique médicale, qui devrait avoir des répercussions directes pour la sélection et la formation des jeunes médecins.

renforcer la compétence
   Il faut bien le dire, renforcer la compétence des praticiens pour que se développent d'une façon profitable aux patients (et non à court terme aux responsables politiques) les presciptions non médicamenteuses est une gigantesque entreprise. N'oublions pas que l'industrie pharmaceutique a pris, au fil du temps, une importance majeure dans la recherche médicale, avec des alliances fortes avec toutes les sciences fondamentales dans leurs domaines les plus pointus comme la biochimie moléculaire. La même industrie, pour des objectifs purement commerciaux a subventionné les sociétés savantes ( qui lui doivent, chacun doit le savoir, la plus grande partie de leurs ressources financières). S'il existe encore en France une presse médicale, beaucoup plus informative que scientifique ( les grands titres faisant autorité sont tous de langue anglaise), ce n'est que grâce à la publicité sur les médicaments visant les prescripteurs.
La médecine générale, malgré de récents efforts encore bien trop timides, demeurant le parent délaissé de la famille médicale, tout un pan de la recherche clinique est demeuré négligée.
Elle concerne trois secteurs.

   D'abord, le domaine des maladies les plus banales, superbement ignoré, et pour cause, des praticiens hospitaliers formant les étudiants.
C'est là principalement où des prescriptions non médicamenteuses, donc moins riches en dangers toxiques que les produits conçus pour des pathologies graves et employés par défaut ( les exemples sont légion) seraient du plus grand intérêt. A condition que soient établis des outils permettant aux praticiens d'avoir une idée argumentée sur leur intérêt. Le domaine des opinions, des pratiques personnelles purement empiriques, des utilisations hâtives de connaissances approximatives, a toujours constitué un danger pour les patients, avec sa fuite vers l'irrationnel toujours en embuscade à notre époque.

   C'est aussi ce qu'il est convenu de nommer la prévention qui nécessite un immense coup de balai afin d'accéder à une rigueur conceptuelle qui lui manque encore cruellement. Le domaine du militantisme plus ou moins imprégné de puritanisme et d'écologie au goût du jour, le seul à se faire entendre est une impasse à la fois collective ( alcool, tabac, obésité) et individuelle.

   Car la dernière étape de cette recherche d'amélioration de nos compétences de médecins concerne, encore et toujours, la relation malade médecin. Retour en force inattendu pour sauver une médecine dans l'impasse du tout-médicament d'une psychologie que de bien médiocres esprits se permettent -sans visiblement savoir ce dont ils parlent- de juger tellement inutile qu'il faudrait en supprimer les études supérieures.

  
  


 

Os court : «Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si c'est l'État qui te le demande. ».


Albert Einstein

 

Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html


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