Poussez-vous
de là

16 janvier 2012

Docteur François-Marie Michaut
lui écrire

« Poussez-vous de là que je m'y mette ». Tel est en clair le message que la Fédération hospitalière de France (FHS) vient d'envoyer à la collectivité nationale selon le site JIM.fr du 11 janvier 2012.
Comme son nom ne le dit pas, ce syndicat se veut depuis 1927, le porte-parole des hôpitaux publics et des services médico-sociaux (1).
  Qui doit donc se pousser dans cette affaire ?
Rien moins que la médecine privée, qualifiée dans le jargon ambiant, non sans quelque dédain, de libérale, nous disent les croisés de la médecine publique.

Retrouver la confiance

Pourquoi mettre à la poubelle les médecins qui ont fait le choix d'ouvrir leur propre cabinet, que le public apprécie et dont il a le plus facilement l'usage près de chez eux ? C'est le cas dans notre pays, inutile de le souligner, de tous les médecins généralistes et de la plus grande partie des spécialistes.
- Alors, oui, la moyenne d'âge de ces professionnels augmente régulièrement.
- Oui, certains praticiens sont tellement las des contraintes tracassières du métier qu'ils ferment leur cabinet.
- Oui, de nombreux endroits du territoire national se trouvent boudés au point que l'on parle de «déserts médicaux». En oubliant au passage que la densité médicale s'est accrue de façon fantastique. En 1970, nous avions en France 130 médecins pour 100 000 habitants (2). Nous avons dépassé en 2011 le niveau de 306/ 100 000 (3). Certes la population s'est enrichie, certes les soins de santé se sont perfectionnés, mais qui peut soutenir que nous pourrions être plus de deux fois plus malades qu'au lendemain de 1968 ?
Que voilà un désert quand même bien habité. Pleurnicheurs chroniques, s'il vous plait, modérez vos sécrétions lacrymales.

Restaurer la conscience

Nos jeunes confrères refusent dans leur majorité de se mettre sur le dos la responsabilité de leur propre entreprise médicale. Le salariat a leurs faveurs. Ils ont de solides raisons de vouloir vivre autrement leur métier et de disposer d'une vie personnelle de qualité. Ils ont raison de vouloir mettre fin à une exploitation que vivent les plus anciens, devenue trop injuste. Le sort des médecins, tristes candidats au suicide ou au décès précoce, mais toujours considérés comme des riches enviables,ne fait pleurer personne dans les chaumières.
Les instances politiques sont localement assiégées de demandes pour que «leurs» cabinets médicaux ne ferment pas. Elles font tout ce qu'elles peuvent, y compris des expériences, souvent éphémères et cuisantes, d'importation de médecins mercenaires venus de pays plus pauvres que le notre. La solution n'est pas là.
Les autorités nationales se montrent totalement démunies devant la métamorphose culturelle des jeunes médecins. Les inusables incitations financières, comme les menaces en l'air, n'ont aucun effet. Tant mieux pour la liberté. L'exercice libéral que nous avons connu depuis des siècles se meurt doucement sous nos yeux d'une hémorragie en nappe.
Personne ne veut faire l'effort de comprendre quelles en sont les causes culturelles profondes. Tant pis pour nous.

Renforcer la compétence

C'est dans ce contexte que la FHF lance sa tentative de hold-up. Haut les mains : les engagements personnels, les initiatives privées, les gens qui veulent choisir leur façon de vivre ! C'est l'hôpital public, jouant les Zorro de service, qui va prendre sous son aile toute la médecine de ville.
Et on va voir ce qu'on va voir. Tout sous gestion administrative, tous les médecins salariés, affectés d'office, et sans aucune voie au chapître. Juste aux ordres.
Ce serait très intéressant de calculer combien il faudrait de généralistes salariés (travaillant 35 heures hebdomadaires) pour faire le travail d'un seull généraliste libéral actuel.
Et ce serait on ne peut plus prudent, avant d'aller plus loin, d'aller interroger nos confrères hospitaliers sur la réalité des relations de pouvoir chez eux entre l'administration et le corps médical. Les échos sont édifiants.
La mise sous tutelle, avec tout ce que cela comporte d'incapacité au sens le plus juridique, de désespoir absolu pour l'épanouissement humain de chacun, semble même un terme bien fade pour qualifier une orientation aussi dictatorialement totalitaire. Indispensable pléonasme.
  Tout compte fait, et indispensable prise de recul effectué, un immense éclat de rire devant une rodomontade (4) aussi puérile est probablement la réponse la plus conforme à notre génie national !

Références:
(1) Site FHS
(2) Démographie médicale
(3) Ordre Médecins atlas démographie
(4) À propos de Rodomont

Photo Jean-Claude Deschamps : Dragon de Komodo, jusqu'à 3 mètres de long et 80 kilogrammes.


Os court : «En France, tout se termine par des chansons.»
Proverbe canadien
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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