Rien de neuf docteur

23 juillet 2012
Docteur François-Marie Michaut
lui laisser un message

Telle est la réponse implacable de l'actualité - faisant un coup d'oeil à la série télévisée américaine des années 1980 « Quoi de neuf docteur» , sous son titre original signé Neal Marlens : «Growing Pains» .
La très officielle Haute autorité de santé (HAS), émanation du ministère homonyme, qui se définit comme « autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale» vient de rendre son verdict. Passons ici, bien que cela ne soit pas sans importance,sur la question logique de savoir si le fait de dépendre d'un statut public est compatible avec l'indépendance d'esprit indispensable à toute démarche scientifique.

Retrouver la confiance

Selon le Quotidien du médecin du 9 juillet 2012, un seul médicament à visée antihémorragique, le Riastap, a mérité le qualificatif de médicament apportant un progrès majeur dans la thérapeutique au cours de l'année 2011. Les industriels avaient pourtant présenté à la HAS quelque 209 dossiers d'inscription de nouveaux médicaments ou d'extension d'indication thérapeutique de remèdes anciens.
   Mauvaise récolte, comme il peut en exister en agriculture. Mais là, foin des saisons et des caprices de dame Nature, un médicament subit une longue gestation avant de voir le jour. Il faut au moins trois ou quatre ans avant que des recherches puissent aboutir à une utilisation clinique.
La mondialisation des connaissances médicales est une réalité depuis des dizaines et des dizaines d'années. Personne, à ma connaissance, ne semble s'y opposer tant nous en avons tous régulièrement bénéficié.

Restaurer la conscience

La communauté scientifique, sorte d'ONU informelle des ressources intellectuelles, fonctionne fort bien sans qu'il ait été nécessaire de la mettre dans le carcan d'une organisation unificatrice structurée. Depuis les temps les plus anciens, les échanges entre lettrés et savants ont été une réalité. Nos universités médiévales, pour rester dans notre univers culturel immédiat, ont toujours su échanger entre elles et se fertiliser mutuellement, l'histoire de la médecine et des sciences en témoigne.
La panne de l'innovation thérapeutique stigmatisée par les outils d'évaluation de la HAS que nous vivons est sans précédent. Elle n'est pas liée à quelque cause franco-française que ce soit, ce qui en rendrait le dépannage assez accessible, elle est la conséquence d'un épuisement planétaire de l'innovation thérapeutique.
   Naïvement, nous pensions que la créativité humaine était sans limite, et que les ressources de la science ne pouvaient pas avoir de fond. Pourtant, chacun de nous sait parfaitement qu'il n'existe au monde aucune mine dont les filons ne finissent par être tellement épuisés qu'il faut la fermer car elle est devenue inexploitable.

Renforcer la compétence

La science que nous avons vénérée depuis des générations comme une ( sinon la seule véritable) religion planétaire se révèle peu à peu comme une entreprise humaine aussi vulnérable, fragile et mortelle que toutes les autres.
Faut-il alors se couvrir la tête de cendres et pleurer jusqu'à la mort notre triste sort d'orphelins démunis, face à une réalité qui ne se laisse plus prendre au lasso de nos outils cognitifs ?
N'avons-nous pas laissé au bord de la route de notre cheminement culturel depuis nos origines quelques territoires moins faciles à explorer, et surtout à exploiter pour un bénéfice sonnant et trébuchant immédiat ?
L'inventaire sans complaisance comme sans frontière a priori de tous les acquis humains s'impose d'urgence pour un esprit libre de quelque inféodation que ce soit.
   Cette liberté ne court pas les rues, c'est une évidence. Ce n'est pas une raison acceptable de nier son existence ou de renoncer à sa recherche patiente.
C'est une version contemporaine de nos chercheurs d'or, donc bien inscrite dans notre tropisme le plus ordinaire.
De nouvelles pages encore inédites de l'aventure des hommes sont à écrire. Au boulot.

                                       (Cliché J-C Deschamps)

Os court : «La foule croit qu'elle sait et comprend tout ; et plus elle est sotte, plus ses horizons lui semblent vastes.»

Anton Tchekhov


Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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