Tragi-comédie médicale
en 4 actes

19 août 2013
Docteur François-Marie Michaut
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La rédaction d'Exmed a eu plus de chance que D.Marche (LEM 822 «Je m'attendais»). Sans l'avoir aucunement sollicité, elle a pu recueillir en toute liberté le témoignage d'une personne impliquée jusqu'au cou dans la pratique de la médecine générale. La décision a été prise de conserver l'anonymat de la source. Pour quelle raison ? Pour éviter des réactions qui pourraient nuire à qui a osé briser la loi du silence. Vous trouvez que , poussé par ma fièvre chronique de l'expression bien connue ici, j'exagère la noirceur de l'ambiance de la pratique médicale en France en 2013 ?
Je vais tenter de vous informer au plus près, et, sans oublier le précieux conseil de Paul Watzlawick donné en Os Court, ce sera à chaque lecteur de juger.

Mais, d'abord, comme dans un bon scénario, zoom arrière de 13 ans. C'est Jacques Blais qui s'exprime dans «Lucidité systémique» le 29 août 2000. Lien: Lucidité systémique Parcours professionnel JB 29 août 2000 http://www.exmed.org/exmed/reflexion2.html
« Le constat de carence de cette systémique est qu'aucun contrôle n'est effectué jusqu'alors, qu'un multiconsultant ne sera jamais inquiété. Le médecin oui, en sus d'être révolté, outré, scandalisé, écoeuré au point ... d'opter pour le MICA de la pré-retraite. Aux dernières nouvelles (QDM du 28 juin 2000) la donne irait vers un changement. Sans les sanctionner encore (le médecin oui, le patient non) on irait vers un contrôle, un signalement des surconsommateurs. ».
Rappelons pour les plus jeunes que le MICA fut en 1997, déjà pour faire faire des économies à la sécurité sociale avec le plan Juppé, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité. Payer nos médecins les plus expérimentés pour qu'ils ne prescrivent plus. Il fallait le faire. Ce fut fait sans rire : inutile de dire que l'échec a été total que... discret.

Voici donc une réalité individuelle de 2013.

    En deux ans, un praticien a été mis en cause (pour ne pas dire en accusation) quatre fois.
1°) Il y a un an, un prétendu «patient», de façon anonyme saisit l'ordre des médecins, au niveau départemental et régional (instance disciplinaire) ainsi que la Sécurité sociale. La cause invoquée ? Le fait de «dire du mal de la sécu» sur internet en signant de son nom. À remettre d'autorité dans le droit chemin des serviteurs silencieux. Heureusement sans suite, si ce n'est un avis pas franchement rassurant du conseil de l'Ordre. En substance : « faites attention, il n'y a pas de fumée sans feu ».
2°) Il y a deux ans, plainte d'un confrère auprès du conseil ordinal disciplinaire. Motif : il aurait été critiqué par son confrère à propos d'un patient en fin de vie gardé en hospitalisation à domicile (HAD). Et décédé trois jours plus tard. Une procédure d'un an est mise en oeuvre. Résultat nul. L'incriminé n'avait JAMAIS vu le patient en question !
3°) Il y a six mois, convocation expresse au Tribunal de grande instance pour une affaire datant de cinq ans. Une patiente vue en garde et hospitalisée par notre médecin a intenté une action en justice à l'encontre de l'établissement. Première nouvelle. L'avocat recruté d'urgence parvient à grand peine à démêler cette histoire et à démontrer que le tribunal avait fait une erreur et que le médecin de garde n'aurait pas du être inclus dans la plainte. Une expertise judiciaire est quand même demandée : la patiente aurait-elle du être hospitalisée plus tôt ? Cette dame n'était connue de notre médecin de garde que parce qu'elle habitait le même quartier et ... Passait souvent devant chez lui à vélo.

4°)Cerise sur le gâteau. Il y a un mois, c'est la Caisse primaire d'assurance maladie qui lance une procédure. Le directeur de la caisse et le médecin-conseil chef en personne demandent à rencontrer notre Hippocrate. Des explications sont demandées pour des prescriptions d'arrêt de travail supérieures à la moyenne de la région. Cas typique de délinquance statistique. Visiblement peu importe que le lieu d'exercice se situe dans un quartier deshérité depuis des années, avec un taux de chômage flirtant avec les 30%. Ne compte pas plus le fait qu'un parti ultra nationaliste recueille 60% des suffrages aux dernières élections. Tout généraliste de 2013 dont dépasse la tête, ou toute autre partie de l'anatomie, doit être mis au format standard général. Sinon, il doit être éliminé par le système obligatoire d'assurance.

Pour parachever le tableau, je laisse la parole à la personne qui a eu le courage et la lucidité de s'exprimer :
« Heureusement, un jour, j'aurai l'âge de J Blais, au crépuscule de ma «vie professionnelle» , et je partirai avec bien plus d'amertume.
Bon vent à EXMED qui reste le SEUL site lucide dans le domaine de la santé notamment.
» .

Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : «La volonté de renoncer à son indépendance, de troquer le témoignage de ses sens contre le sentiment confortable mais déformant la réalité, d'être en harmonie avec un goupe, est l'aliment dont se nourissent les démagogues.»
Paul Watzlawick
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

      Lire les dernières LEM:

  • J'attendais, D.Marche LEM 822
  • Devoir d'inventaire des savoirs médicaux, François-Marie Michaut LEM 821
  • Verroteries, Jacques Grieu LEM 820
  • Le comment et le pourquoi, François-Marie Michaut LEM 819
  • Feux follets COUPS DE FEU, Jacques Grieu LEM 818