Médecine 2025

26 août 2013
Docteur François-Marie Michaut
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La rentrée du gouvernement de monsieur Ayrault a été marquée par un étrange exercice. Celui de se doter d'une ligne d'action qui puisse s'inscrire dans notre réalité, non pas du jour, ni même - cela se comprendrait - de la prochaine élection, mais celle de 2025. Fichtre, 12 ans d'avance sur le calendrier. De quoi faire pâlir de jalousie les stratèges soviétiques jadis arcboutés sur leurs plans quinquennaux, et même décennaux, qui jamais ne furent accomplis.

Les contorsions intellectuelles des experts, priés de lire dans le marc de café pour que soient tirés des plans sur la comète afin de diriger habilement la France, ne manquent pas de sel. Une fois encore, il semble bien que le raisonnement soit le même. On accumule scientifiquement de multiples données, on analyse avec précision leur évolution dans les dernières années et on tire une ligne droite du passé au présent pour déterminer l'avenir le plus probable.
C'est ainsi, par exemple, que les résultats attendus des nouvelles technologies sont hissés au rang d'un des principaux moteurs de nos façons de travailler.
Sans vouloir être médisant, le moins que l'on puisse dire est que l'exercice horizon 2025 n'a pas déclenché de vague d'enthousiasme populaire.

Qui serons-nous en 2025, dans quel état sera notre société, que sera devenue notre fragile planète ? Les interrogations pullulent, les réponses deviennent de plus en plus prudentes. C'est la conséquence logique de notre immersion irréversible dans un monde de la circulation brownienne de toutes les informations auquel notre culture ne nous a pas préparés. Nous vivions dans un monde orienté par quelques idées simples, par des croyances à prendre ou à rejeter en bloc, comme dans un bon vieux western. Faute de points d'appui assez solides, le seul recours intellectuellement reconnu demeure les applications techniques des sciences. Ces machines qui nous colonisent joyeusement chaque jour un peu plus, laminant notre humanité dans l'indifférence générale, ce sont encore elles dont nous attendons des jours meilleurs que ceux que nous vivons. À chaque problème sa machine. Curieux crédo dont l'humain est exclu.

À l'horizon 2025, que sera devenue notre médecine ? Avez-vous remarqué que personne n'ose plus faire la moindre prédiction. Le temps de la foi en une science médicale capable de résoudre tous nos dysfonctionnements présents et à venir et de nous conduire à cet «état de complet état de bien-être physique, mental et social» que vise l'Organisation mondiale de la santé est révolu.
Les sciences médicales, depuis des années, produisent de moins en moins de grandes découvertes. Comme si leur ressort était cassé. Nos connaissances ne progressent que dans des détails. Les retours de bâton des méthodes de soins que nous utilisons depuis des années ne cessent pas de se succéder. Les atteintes que les activités humaines font subir à notre fragile biotope deviennent de plus en plus évidentes. Et difficiles à corriger. Nous savons de mieux en mieux ce que nous risquons, sans que cela nous conduise pour autant à renoncer de poursuivre dans les mêmes errements. Force incroyable du non-changement disent les systémiciens.

La médecine de 2025, personne, absolument personne, n'est capable de dire ce qu'elle sera. Quelques réveils de bactéries ou de virus que nous pensions naïvement avoir fait disparaitre du globe, et tout est bouleversé comme au temps des grandes épidémies médiévales. Un effondrement du système de protection sociale devenu intolérable, et rien ne peut plus être comme avant.
On ne sait rien de ce que sera notre avenir, tant les inconnues de l'équation sont multiples. Des systèmes devenus coupés de toute réalité disparaitront, d'autres surgiront poussés par la nécessité.

   Ce que je crois pouvoir dire, sans chercher à jouer les Nostradamus, c'est que, comme toujours, ce sont les cerveaux des médecins qui seront les seuls à donner une réalité à la médecine des années à venir. Rien n'est à attendre d'en haut. Puissent ces médecins, au cours des années qui s'annoncent, ne pas renoncer à leur mission personnelle, aussi malmenés soient-ils dans la médecine grégaire et précaire de 2013.



Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience

 

Renforcer la compétence


Os court : «Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu'à inventer. »
Gaston Berger (1896-1960)
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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