Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°251
Hebdomadaire
francophone de santé
22 Juillet 2002
Cancers
en questions
Dr François-Marie
Michaut
La lutte contre le cancer, comme il a été annoncé
dans notre coup doeil du 17 juillet sur Exmed, sera une priorité
du gouvernement français dans les cinq ans à venir.
Un médecin ne peut que se réjouir dune telle
déclaration dintention. Tout juste doit-il faire remarquer
discrètement quil ny a pas un cancer, mais de
multiples cancers tous différents. Et doit-il dire et redire
que son métier à lui est daccompagner, aussi
bien quil le peut, des cancéreux en chair et en os
dans leur difficile itinéraire ? Cest cette expérience,
souvent fort lourde pour tous, y compris pour les thérapeutes,
qui peut le pousser à poser des questions sans concession.
Acceptons le risque quelles ne soient pas toutes politiquement
correctes.
Retrouver
la confiance:
Quel
degré de confiance méritent les différents
discours tenus ici et là sur ce type de pathologie dont on
parle tant ? Ne sagit-il pas , bien souvent, dobtenir
des crédits de recherche pour des équipes démunies
de moyens suffisants de survie ? Ne tente-t-on pas, au moyen de
la peur attachée à la maladie, de faire modifier des
comportements individuels jugés à risque
? Par exemple lusage excessif du tabac, de lalcool,
du soleil ou du sexe. Ne sagit-il pas ailleurs de faire ,
plus ou moins discrétement, la promotion habile déquipements
médicaux de dépistage ou de traitement de plus en
plus onéreux ? Les revues scientiques de qualité en
langue anglaise exigent que les intérêts des auteurs
de publications soient clairement mentionnés. Ne serait-ce
pas une saine pratique pour le public français que ceux qui
parlent des questions de cancers disent pour qui ils sexpriment?
Restaurer
la conscience:
Peut-on
échapper à la conscience que, même pour
éradiquer le cancer ,aucune fin ne justifie les moyens
? Quoi de plus généreux, en apparence, que de lutter
contre nos maladies les plus effrayantes ? Lappel aux dons
privés - parfois hélas cyniquement détournés-
ne risque-t-il pas de dédouaner les pouvoirs publics de leurs
obligations politiques élémentaires ? Lachat
à peu de frais dun brevet dhonorabilité
par des firmes aux activités pour le moins peu claires en
matière de santé des hommes est-il acceptable par
des citoyens lucides ?
Renforcer
la compétence:
Peut-on
sérieusement croire à la compétence des autorités
publiques tant quelles ne sintéressent quaux
conséquences extrêmes des pathologies cancéreuses
déjà déclarées ? Il est question de
prévention afin daller plus au fond des choses ? Fort
bien, allons-y ensemble. Comment allons-nous entreprendre la gigantesque
étude des multiples substances que nous respirons, absorbons,
captons par tous nos sens ? Sans arrêt, par milliers chaque
année, de nouvelles molécules nous sont imposées
par lindustrie et par lagriculture. Personne nen
connaît en vérité le risque cancérigène
à court, à moyen ou à long terme. Personne
encore, ou presque, ne semble sen soucier vraiment. Comment
nous y prendre pour que nous les humains nous arrivions à
modifier nos habitudes ? Chacun sait depuis plus de cinquante ans
que tout pot déchappement dautomobile est un
redoutable émetteur de substances hautement cancérigènes
dont nos bronches et celle de nos petits enfants se repaissent à
longueur de rues, dautoroutes et de routes. Cela ne change
en rien notre usage de plus en plus intensif de la voiture individuelle,
y compris pour aller acheter notre alimentation au super marché
bio du secteur.
Décidemment notre société est belle et bien
devenue la société du risque ( Beck, 1986). Désormais,
et cest là où les querelles traditionnelles
entre les partis deviennent insoutenables, le seul vrai rôle
du politique - de ceux qui ont à faire fonctionner la cité
le mieux possible - prend désormais une autre direction .
Celle de la gestion des risques qui menacent notre santé
et notre vie à tous, où que nous soyons et qui que
nous soyons sur cette planète. Tant que ce virage conceptuel
naura pas été correctement négocié,
les citoyens continueront à se sentir de moins en moins concernés
par la vie de la cité commune.
l'os
court :
<< Les politiciens sont les mêmes partout. Ils promettent
de construire un pont même sil ny a pas de fleuve
>> . Nikita
Khrouchtchev
Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°252
Hebdomadaire
francophone de santé
29 Juillet 2002
La
peur, outil thérapeuthique
Dr François-Marie
Michaut
Après avoir longtemps joué sur le clavier bien tempéré
de la rationalité dite scientifique, ou de lhumour
au second degré, la prévention des maladies évitables
change vigoureusement de registre. Tout simplement, parce que tous
les efforts de modification des comportements humains dangereux
se soldent par un échec. On ne meurt toujours pas moins dalcool,
de tabac, de suicide ou daccidents routiers dans nos pays
industrialisés. Bien entendu, des commentateurs, pas toujours
désintéressés, ne manquent jamais de fustiger
le manque de moyens financiers que nos sociétés acceptent
dinvestir dans la médecine préventive. Serrer
davantage les boulons dun mécanisme qui ne fonctionne
pas est rarement une bonne méthode pour régler un
problème.
Retrouver la confiance:
Alors,
si la douceur et la persuasion sont en échec, essayer autre
chose devient nécessaire. Quel ressort de lâme
humaine tenter de faire jouer, se demandent ceux qui ne se résignent
pas à constater les bras croisés les terribles dégâts
que nous connaissons ? Visons avant tout lefficacité.
Frappons les esprits, aussi fort que nous le pouvons. Montrons ouvertement
ce qui nétait que pudiquement suggéré.
Voilà pourquoi, des messages violents vont être présentés
au public français. Par exemple un homme atteint dun
cancer du poumon cinq jours avant son décès causé
par le tabagisme. Comment ne pas éprouver une violente émotion
devant un tel spectacle ? Comment continuer de fumer quand on a
vu cela ?
Restaurer
la conscience:
Pourtant, qui dentre nous na pas ralenti fortement son
allure en passant devant un accident de la circulation ? Combien
de temps a duré la peur de subir le même sort ? Du
côté des médecins, la fréquentation quotidienne
des patients souffrant des multiples dégâts du tabac
et de lalcool, quen est-il? Tout simplement pas moins
de sujets dépendants de lherbe à Nicot ou des
boissons fortes que parmi leurs patients. Faites ce que je
dis, ne faîtes-pas ce que je fais, selon la formule
bien connue. Les soignants doivent-ils alors se sentir obligés
de donner le bon exemple, comme il est sugéré ça
et là ? Au nom de quoi ? Doivent-ils être des surhommes
?
Renforcer
la compétence:
Des messieurs très sérieux et très prudents
dans leurs activités professionnelles deviennent soudain
des dangers publics sans foi ni loi au volant de leur puissante
voiture. Rien à faire, nous sommes si facilement, nous les
humains, en contradiction entre ce quil serait sage de faire
et ce que nous faisons effectivement. Conflit entre notre conscience
qui rationalise si facilement et notre inconscient qui, sans rien
dire, nous actionne avec une telle violence. Imaginer quagiter
le grelot de la peur suffirait à modifier des comportements
- comme des religions ont tenté en vain de le faire avec
leurs paradis - est gravement réducteur. Cela revient en
effet à nier lexistence du psychisme humain dans toute
sa complexité. Et plus gravement encore, cette partie sombre
de notre passé qui ignore le temps qui passe, qui fait fi
de toute logique, qui ne sexprime quen nous agissant.
Y compris en nous poussant, malgré nous, à notre mort
lente ou violente. Les choses seraient plus claires pour chacun
si nous reconnaissions ouvertement que nous ne disposons actuellement
daucun modèle fiable de prévention des comportements
nuisibles à la santé. Voilà un secteur de la
recherche de santé qui mériterait à lévidence
dêtre développé en dehors de tout esprit
puritain ou manipulateur.
Os court: A lhôpital :
<< Jai peur du passé, du présent, du futur,
du passé simple et du plus-que-parfait du subjonctif >>
. Wolinski
Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°253
Hebdomadaire
francophone de santé
5 Août 2002
Un
livre sur l'éthique de l'internet de santé
Dr François
Michaut
Il faut bien le reconnaître, à lusage, la lecture
de documents imprimés reste inégalée pour le
confort des yeux et de lesprit. Réfléchir aux
implications éthiques de ce qui se publie sur la Toile du
réseau des réseaux en matière de santé
nest pas un luxe, mais une nécessité impérieuse.
Telle est la première réaction que peut entraîner
la consultation de louvrage Éthique de lInternet
santé publié par les éditions Ellipses. Son
auteur, le docteur Philippe Eveillard, cardiologue, est le principal
rédacteur de la chronique Internet publiée depuis
cinq ans dans La revue du Praticien Médecine Générale.
Il est également bien connu du petit monde de la Toile médicale
pour son indépendance et son franc-parler.
Retrouver
la confiance:
Le
développement massif de linternet de santé rend
accessible à chaque internaute une masse impressionnante
dinformations. Le problème du visiteur, surtout quand
il nest pas lui-même un professionnel, est de se retrouver
dans ce maquis où le meilleur côtoie le pire. Comment
trouver des réponses correctes aux questions quon se
pose, aux attentes quon a de ce moyen déchanges
? Une des réponses est lutilisation de moteurs de recherche.
Or, ceux-ci deviennent de plus en plus dépendants de la vogue
des référencements dits prioritaires obtenus au moyen
de paiements des sites. Qui peut se permettre de tels investissements,
si ce nest des sites commerciaux ? La santé, pour attirer
le public et tout faire pour lui vendre dans la foulée ses
produits, voilà une cible de choix pour des industriels.
Si les choses ne sont pas clairement formulées, si la frontière
nest pas bien définie entre les textes dinformation
et les publications promotionnelles, si les intérêts
de ceux qui publient ne sont pas clairement indiqués, il
y a un abus de confiance qui devrait être sanctionné
par la fuite des internautes.
Restaurer
la conscience:
LInternet, en particulier au moyen des listes de discussion,
peut aussi devenir un moyen de choix pour faire évoluer vers
plus dégalité les relations entre les patients
et les soignants. Ce nest pas une question de morale ou de
justice, mais defficacité thérapeutique. Le
praticien nest plus dans ce cas celui qui a le monopole de
la connaissance, donc du pouvoir thérapeutique. La contrepartie
à ce renoncement volontaire à la position paternaliste
traditionnelle du médecin est le développement de
la conscience du patient. Conscience que lon est un être
libre, seul responsable de ses décisions et de ses choix.
Voilà qui va à lopposé du patient consommateur
passif de soins, toujours prêt à accuser lautre
qui le soigne - y compris en justice- de ne pas avoir tout fait
à sa place, ou de ne pas avoir réussi à accomplir
linfaisable.
Renforcer
la compétence:
Cest dune véritable révolution culturelle
dont il sagit. Ne soyons pas naïfs. Ce nest pas
la profession médicale qui prendra delle-même
cette initiative de partager un pouvoir dont elle se sentait naguère
la seule légitime propriétaire. Cest par une
approche intelligente, prudente, documentée et habile que
les patients sortiront de leur position dinfériorité.
Ils ont bien commencé à le faire dans des associations
de malades. Tout un domaine de compétence est à développer
avec opiniâtreté du côté des utilisateurs
des soins de santé. LInternet peut être un moyen
de choix pour aller dans cette direction. A deux seules conditions.
Dune part que restent accessibles à tous pour cela
des lieux déchanges fidèles à cette éthique.
Dautre part, et surtout, quil existe un nombre suffisant
de citoyens qui ne se satisfont ni de la persistance des insuffisances
actuelles de notre médecine, ni dune attitude destructrice
par le biais si facile dune critique systématique des
soins de santé. Louvrage dEveillard est un document
de qualité pour renforcer sa propre compétence.
Os
court: «
<< Lavenir du passé n'est jamais très
sûr. >> Eugen
Weber
Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°254
Hebdomadaire
francophone de santé
12 Août 2002
La
trinité et le tertiaire
Dr Jacques
Blais
Une
opposition de notions qui n'a pas pour but que de créer un
titre contrasté, mais plutôt une réflexion générale
née de la pratique du voyage, avec pour particulière
attention celle portée aux êtres, aux lieux, aux conditions
d'existence dans un monde multiple. Un récent périple
à travers cette zone d'Asie un peu floue, nettement tourmentée,
multiforme et polyvalente, située entre l'immense groupe
des îles Philippines et la très grande courbe fragmentée
de l'Indonésie, apporte une acuité, fait quasiment
sauter à la conscience l'importance prégnante extrème
des religions sur le comportement des individus, l'évolution
des moeurs, des mentalités, et par la suite de l'économie,
des orientations culturelles. De la vie, en somme...
Les Philippins sont supposés être en grande majorité
catholiques, n'oublions pas leurs premières colonisations
espagnoles, et pourtant la tendance actuelle est de n'évoquer
à leur propos que la fraction remuante et visible des 5 %
de musulmans. Les Indonésiens peuvent proposer une représentativité
globalement hindouiste à Bali par exemple, quand elle sera
islamiste à Java, avec des reliquats bouddhistes marqués.
Une situation non exceptionnelle, le Pakistan en est une autre illustration,
où maints lieux de culte musulmans sont bâtis sur des
anciens temples bouddhiques.
Retrouver
la confiance
A
quel moment s'est située cette confiance qui a poussé
des populations vulnérables vers une pratique plutôt
qu'une autre ? Il est très intéressant de noter tant
de similitudes, qui apporteront aux Chrétiens une notion
difficile de Trinité, aux Hindouistes asiatiques une même
trinité entre Brahma, l'ordonnateur, Vishnu, le conservateur,
et Civa, le "destructeur qui peut être bienveillant"
si les rituels et offrandes permettent de l'amadouer. De même
la notion d'un Père adressant son Fils comme représentant
au peuple se retrouve dans bien des religions. Celle de l'immaculée
conception de Bouddha, dont la mère Maïa avait été
fécondée par un éléphant blanc, n'est
vraimant pas sans rappeler la même histoire à quelques
siècles d'écart pour la Marie des catholiques.
Que l'on nomme foi, confiance, ou crédulité (et il
n'entre naturellement dans ce propos aucun, pas le moindre, esprit
de polémique, d'ironie, de critique absurde, juste une sorte
d'observation clinique comme nous autres praticiens la pratiquons
avec tolérance et souci de comprendre) les éléments
fournis aux populations, on perçoit aisément que les
histoires qui leur sont servies, en particulier au sein de peuples
sans grande culture ou pratique de l'écriture et de la lecture,
de la critique, et terriblement affaiblis par des conditions économiques
suprèmement difficiles, auront une répercussion majeure
sur leurs orientations et croyances.
Restaurer
la conscience
Avec la plus limpide et totale lucidité, le visiteur
parcourant une rue de ville grouillante des Philippines, dans laquelle
pas moins de 7 églises chrétiennes "privées"
fournissent leurs "services" à la population, moyennant
une cotisation de 10 % de leurs revenus, à verser sur un
compte américain "incorporated" de société,
l'idée vient d'une certaine...exploitation de la vulnérabilité
à des fins pour le moins discutables. A observer, à
Bali, ces processions, certes esthétiques, d'offrandes dont
la facturation et les prélèvements sont fixés
par le prêtre du rituel concerné par l'Hindouisme,
gage bien sûr d'une récolte satisfaisante et de santé,
la même idée d'exploitation d'une vulnérabilité
de populations en demande de magie, de miracle, de trinité
toute puissante, d'excuses de toutes sortes au prix de culpabilités
de tous ordres, surgit naturellement. Le rituel, au sein de pratiquement
toutes les pratiques religieuses, est expiatoire, limitatif, restrictif
: règles alimentaires, jeûne, interdits multiples,
place des femmes déconsidérée, voire exclue
complètement, notions de faute, d'insuffisance.
L'opposition du titre, entre tertiaire et trinité, n'est
pas qu'artificielle. L'ère tertiaire a vu la diversification
du règne animal, et la plicature des continents. Mais surtout
le secteur tertiaire a été économiquement une
arrivée de services, d'administrations, de fonctionnaires,
créant une caractéristique des développements,
avec leurs défauts et qualités. Rester, sans pour
autant se montrer iconoclaste, au niveau des diverses hypothèses
trinitaires proposées, a créé progressivement
le fossé gigantesque entre civilisations, celles où
la religion est demeurée le moteur de la culture, de l'économie,
des relations entre les populations, des répartitions
des richesses et du pouvoir, et celles où la nouvelle religion,
ce qui relie, est l'argent, tel l'occident dont les pratiques rituelles
appartiennent maintenant au règne laïc du CAC 40 (*).
Une grande lucidité indispensable amène à constater
que les guerres, si effroyables soient-elles en coût, en prix
de vies humaines et de tragédies, en deuils, ont une fin
qui est généralement suivie d'une reconstruction,
d'un sursaut de dynamisme. Les religions, elles, génératrices
encore de guerres et conflits, ne finissent jamais, car leurs rituels,
leurs croyances, leurs moteurs, sont d'un tout autre ordre. Et la
méthode, le mécanisme de guerre, génère
une résistance, une adaptation, une lutte, qui deviennent
les moteurs de certaines religions, quand nombre d'entre elles utilisent
la fragilité, la vulnérabilité, la dépendance
économique, culturelle, pour étendre leur pouvoir
et leur domination.
Renforcer
la compétence
Ces simples réflexions ne veulent ici illustrer qu'un constat,
celui du voyageur. Qui observe, goûte, guette, apprécie,
les éléments à l'oeuvre au fil des siècles,
le vent, l'eau, la terre, la mer, le soleil. Qui admire, apprécie,
mesure, les incroyables capacités des hommes à s'adapter,
à créer, à construire, à inventer, avec
ces innombrables traces des découvertes et civilisations,
depuis le feu, l'irrigation, la culture raisonnée, l'utilisation
des métaux, et tant d'inventions qui subjuguent par le génie
des êtres. Et le même voyageur ne peut aussi que constater,
mesurer de même, l'incroyable influence encore des religions
partout, dont les rituels coercitifs, parfois destructeurs par leurs
interdits, leurs discriminations, leurs jugements, l'imposition
de places et de rôles et de pouvoirs tout particulièrement
vis à vis, ou à l'encontre des femmes, vont exploiter
une misère sociale, économique, intellectuelle ou
culturelle, pour mieux tenir et dominer des populations intégralement
vulnérables.
Où est alors la compétence ? Celle des puissants de
l'économie, qui imposent leur religion du profit monétaire
exclusif ? Celles des puissants de la politique, qui imposent leur
vision du monde, leur perpétuel souci de pouvoir, de territoire,
de défense, de domination ? Celle, si diverse et multiple,
des scientifiques, des philosophes, des penseurs, des intellectuels,
des gens de la culture, qui analysent, discutent, argumentent, tentent
de justifier ou seulement d'expliquer ? Ou celle des nombreux "desperados"
de l'être humain, qui envers et contre tout essaient de suggérer
la paix, une santé améliorée, une qualité
de vie, une harmonie entre les êtres, un droit à l'existence
au delà de celui à la vie, un respect absolu de l'être
jusque dans ses origines, croyances, et caractéristiques
?
Soudain me vient une vision, ce peintre bolivien en train d'expliquer
un de ses tableaux de laque sur bois, dans de doux tons bleus, représentant
quatre femmes à proximité d'un ruisseau, l'une d'entre
elles portant un récipient. Toutes sont attentives, en paix
apparente, mais également concentrées, occupées
à un rituel laïque ou d'autre nature ? Et le commentaire
de l'artiste est précisément celui-ci : c'est cela
la religion, dit-il, ces femmes sont toutes reliées ensemble
ici, préparent-elles une sorte de baptême, recueillant
de l'eau, s'apprètent-elles à vider au ruisseau une
urne, entament-elles la confection d'un repas de fête qui
rassemblera, elles sont de toute manière réunies par
un évènement humain, naissance, mort, toilette funéraire
ou festive, préparation d'une célébration,
et nous sommes dans un rituel de construction, de communion, de
paix et de vie quotidienne....
J'avoue un plaisir, un avantage et une paix immense à regarder
chaque jour cette scène sur un mur de mon appartement, il
n'existe rien, dans cette vision là du rituel qui relie les
êtres, qui me dérange.
(*) CAC 40 = indice des 40 premières actions à la
bourse de Paris. ndlr
Os
court:
<< Dieu est un, mais alors la Sainte-Trinité ? - Jamais
deux sans trois >> Roland
Bacri
Consulter un autre numéro de la LEM
Lettre
d'Expression médicale n°255
Hebdomadaire francophone de santé
19 Août 2002
En vrai bois de vrais arbres
Dr François
Michaut
Lidée
fut folle de créer au 17ème siècle le grand
port de guerre français de lAtlantique en plein milieu
des marais infestés de paludisme de lestuaire de la
Charente. Jusque là seuls existaient les terribles pontons
du bagne de Rochefort. Le port fortifié voisin de la Rochelle
était aux mains des protestants ouvertement opposés
au pouvoir royal. Larsenal a construit de nombreux navires,
dont un à lhistoire remarquable. En six mois, grâce
à la présence de multiples chênes alors dans
les environs, fut construite et armée lHermione. Ce
modeste bâtiment de guerre devint célèbre, car
cest à son bord que le marquis de Lafayette se porta
au secours des insurgés de la guerre dindépendance
américaine de 1777 à 1779. Peu dannées
plus tard, après avoir bourlingué beaucoup moins glorieusement,
ce navire termina sa carrière en échouant banalement
sur un haut fond. Et tout disparut.
Retrouver
la confiance
Lidée
fut tout aussi folle, dans le même port historique de Rochefort,
il y a quatre ans. Celle de reconstruire lHermione. Le seul
vestige restait les plans des architectes constructeurs. Un groupe
de passionnés se constitua, et se demanda comment réaliser
ce rêve. Le choix fut fait de se faire confiance à
eux-mêmes, plutôt que de chercher des aides extérieures,
notamment des pouvoirs publics. Comment organiser un tel projet
, sans disposer des sommes dargent nécessaires ? Tout
simplement en associant le public en faisant visiter le chantier
de lHermione au fur et à mesure de son avancement.
Restaurer
la conscience
Comment
reconstruire lHermione à lidentique ? Le bassin
de larsenal, dite forme de radoub, fut bien entendu à
nouveau utilisé. La recherche du bois de chêne nécessaire
fut compliquée, et nécessita environ 3000 arbres,
dont un bon nombre donnés par leurs propriétaires.
Le plus difficile fut de trouver des pièces correctement
arquées. Car au 18 ème siècle, on prenait le
soin de courber correctement les troncs des jeunes arbres en prévision
de ce type de constructions. LHermione, avec 150 ouvriers
au travail, fut achevée en 6 mois. Cest dix ans que
se sont donnés nos modernes constructeurs pour y parvenir,
avec de 5 à 10 personnes sur le chantier !
Renforcer
la compétence
Car,
il fallut se rendre à lévidence : les savoirs
techniques dil y a deux cents ans avaient été
perdus. Plus de charpentiers de marine capables de construire une
frégate de ce type, que faire ? Demander à une entreprise
spécialisée dans la charpente des monuments historiques
de satteler à la tâche, avant que des spécialistes
venus dautres continents ninterviennent. Nos amis américains,
rapidement informés de ce projet, furent vite sur les rangs
pour que lHermione fasse à nouveau la traversée
vers Boston. Mais là, encore de nouvelles contraintes sont
apparues. A la fois nécessité de respecter les plans
et les matériaux dorigine, mais aussi répondre
aux normes modernes de sécurité ... et de lutte contre
la pollution, avec le traitement des eaux usées du bord,
la présence discrète dun moteur, dordinateurs
et autres aides à la navigationafin davoir le droit
daccoster aux Etats-Unis.
Alors, si vos pas vous conduisent par là, juste à
quelques kilomètres de Fort-Boyard, ne manquez pas de visiter
le chantier de lHermione. Vous en sortirez convaincu par vos
yeux, vos oreilles et votre nez que les conquérants de linutile
qui savent rester dans la réalité nous apportent une
précieuse bouffée dair pur. La loi de la réalisation
du plus grand profit financier possible nest pas partout le
moteur de laction.
A défaut de ce plongeon dans un univers bien réél,
on peut consulter avec profit le site http://www.hermione.com
.
Bon vent à tous, selon la formule des marins,où que
vous soyez dans le vaste monde.
Os
court:<<
La jeunesse de lAmérique est sa plus vieille tradition.
Elle dure depuis trois cents ans.>> Oscar
Wilde
|