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Lettre d'Expression médicale n°278


Hebdomadaire francophone de santé
27 Janvier 2003

Vocabulaire en "e"
par Dr Jacques Blais

Retrouvons ici un principe déjà plusieurs fois mis en action, celui d'un choix de mots issus du vocabulaire médical, mais pas uniquement, pour en illustrer certains usages, quelques contrastes, et diverses applications instructives. Nous retiendrons aujourd'hui plusieurs mots par groupes de deux, aisément appariés ou opposables en apparence, comme Écouter et entendre, ou bien Échec et efficacité, eu encore Évaluation et évidence.  Et nous resterons un moment sur l'intérêt apporté par l'étude de l'empathie, de l'érection, et de l'écriture. Avec une escale instructive sur la fonction de l'ergothérapeute.



Retrouver la confiance:
C'est dans cette optique initiale que nous allons considérer les notions, jointes, consistant à écouter et entendre.  Illustrons par un exemple. Un patient déclare : "j'ai parlé trois fois à mon urologue de mes ennuis urinaires depuis l'intervention, il ne m'a jamais écouté" Or, à l'interrogatoire soigneux, il est évident que, lors de la première consultation l'urologue a prescrit pour cette incontinence séquellaire une rééducation, la deuxième fois un médicament, la troisième fois une nouvelle série de rééducation. "Disons plutôt, Monsieur, que vous ne vous êtes pas entendus, mais votre urologue vous a bel et bien écouté, puisqu'il a répondu à votre plainte par trois prescriptions. En fait, tout en vous écoutant réciproquement, vous n'êtes pas parvenus à vous entendre sur vos objectifs réciproques. Celui du chirurgien urologue était de vous guérir de votre cancer, il est atteint, le vôtre était apparemment de n'avoir aucune séquelle urinaire, et vous n'êtes alors pas en concordance"
Il arrive donc manifestement qu'en s'efforçant d'écouter on n'écoute que soi-même, sans parvenir à entendre la vraie plainte de l'autre, tout comme parfois derrière les symptômes répétés de l'autre, parfaitement entendus, le thérapeute n'a pas réussi à écouter la vie, l'existence, la détresse, la peur... Encore un cas de figure, "n'écoutant que son courage, le patient est allé au delà des limites pourtant bien signalées par le soignant, qui entendait bien le prévenir. De malentendus en erreurs dépassant l'entendement, patient et soignant ne se sentaient pas écoutés..."
Autre abord de vocabulaire : échec et efficacité.
"Votre nouveau traitement, tout comme les précédents, ne m'a encore rien fait" déclare la patiente à un praticien commencant à éprouver, à la longue, plusieurs sentiments. Une vague inquiétude : serait-il mauvais au point de ne pas trouver de solution thérapeutique pour cette patiente ? Une interrogation sournoise : la patiente ne serait-elle pas de ce type hypocondriaque, s'inventant de nouveaux symptômes agaçants à chaque épisode ? Et enfin un malaise diffus : pourquoi cette forme d'échec le rend-elle triste, énervé, abattu, et douloureux en même temps ? Et si, de nouveau ici, les objectifs des deux protagonistes acteurs du théâtre n'étaient pas du tout les mêmes ? Le médecin est formé à diagnostiquer, traiter, apporter une solution efficace, et le sentiment d'échec devant l'inefficacité apparente le perturbe nettement. La patiente, celle-ci en tout cas, a un tout autre objectif inconscient, celui d'un bénéfice secondaire à retirer de cette rencontre répétitive avec le médecin. Il lui témoigne une attention, il est gentil, aimable, il l'écoute, il l'aide beaucoup finalement, elle se sent bien après ces consultations, et tout ce qu'elle souhaite, c'est que ce sentiment de bien-être dure, se poursuive, et se répète. Et en mettant en apparence en échec ce praticien, elle n'exprime qu'une seule demande vraie : "laissez-moi revenir, donnez-moi cette autorisation, j'ai besoin de vous, si vous "me guérissez" je n'ai plus de motif valable pour vous retrouver régulièrement. Alors vous ne parviendrez pas à me guérir selon vos critères appris, par contre, vous arrivez à m'aider considérablement selon mes attentes à moi".
Existe-t-il une solution ? Oui, la parole. "Madame, au fil de nos rencontres et de nos échanges, j'ai réfléchi, il me semble que vos attentes ne sont pas tant celles d'un médicament, comme je le croyais au départ, alors si vous le voulez bien parlons-en, quelle "efficacité" réelle attendez-vous de moi, qu'avez-vous à me dire bien au delà des signes que vous décrivez ?"

Restaurer la conscience
Nous parvenons tout doucement à ces chapitres d' évaluation et d'évidence.  L'évaluation est devenue une nécessité, un passage obligé, de toute action se voulant thérapeutique, pédagogique, formatrice. Qu'a-t-on transmis, traité, comment mesurer les résultats objectifs de nos actions ? Quels critères définir ? Et en particulier en matière de non tangible, de non mathématique ? Pourquoi tel praticien a-t-il deux fois plus de "clientèle" que tel autre ? Meilleurs résultats cliniques, thérapeutiques, ou meilleure qualité relationnelle, meilleure écoute, plus grande disponibilité, respect plus important des êtres ? Ou horaires de travail tout simplement plus vastes, ou prescriptions moins chères ? Mais sont-elles alors nécessairement plus adaptées, plus efficaces ? L'observance des traitements, terme appréciant le respect des prescriptions dans la qualité et la quantité, la durée, est-elle une mesure ?
Le mot évidence est celui des anglo-saxons pour dire la preuve. Nous avons souvent évoqué cette notion, celle de la médecine par les preuves, un mode de référence utile, au moins un guide, une orientation, une manière de jauger plus que de juger l'opportunité de traitements, d'examens complémentaires utiles ou non, apportant un progrès appréciable ou non. Il est assez probable que la combinaison des deux éléments, évaluation et évidence, représente une des clefs de cette prise de conscience de la partie de maniement d'un savoir, et d'un savoir-faire, du praticien. Le savoir-être s'avérant d'un autre domaine, l'évaluation en serait-elle alors celle du miroir renvoyé par les patients ?


Renforcer la compétence:
Comment devenir alors compétent en empathie, cette capacité d'un praticien de placer son niveau d'humeur, d'accueil, d'écoute, de compassion, ou d'aide, exactement à celui nécessaire, utile, attendu, par son patient, comme si les sympathies spontanées ou naturelles entraient en contact profond pour se mêler ? Est-ce que cela s'apprend, s'enseigne, ou la part d'instinct, de vocation, d'appel vers les autres, suffit-elle ? Il est probable qu'en ajoutant à ces éléments la prise de conscience de la part "médicament" du médecin dans son exercice, qu'en complétant avec l'apprentissage s'il est nécessaire des attitudes, de la signification et de la représentation, de l'interprétation du non-verbal, un progrès considérable est apporté.
Dans ce "vocabulaire en E" que vient faire ici le mot d'érection ? Un simple constat, environ 40 % des hommes à partir de 45 ans, porteurs ou non de pathologies ou de traitements, auraient besoin de parler de leurs difficultés érectiles avec leur médecin, et seul un sur deux y parviendra. Dans cette impuissance réelle ou non, qui "ne peut pas" ? Le praticien, apeuré, non formé, inhibé, fuyant le sujet, trop rigoureusement organiciste, mal à l'aise ? Ou le patient, apeuré, non informé, inhibé, fuyant le sujet, trop rigoureusement orienté vers ses organes, mal à l'aise ? Une éducation, une incitation, un apprentissage, à prévoir....
Juste pour le vocabulaire, et la compétence, qu'est donc dans la réalité un ergothérapeute  ? D'une part un intervenant qui, après des études éventuellement issues d'une passerelle avec celles de début des kinés, va avoir pour premier axe de fonction spécialisée celle de travailler dans des centres souvent institutionnels, pour se servir de tâches comme la peinture, le dessin, les travaux manuels, afin d'aider des sujets en difficulté à retrouver une coordination, une agilité, une mémorisation, lorsqu'ils sont touchés par des pathologies très variées, physiques ou mentales. Et une toute autre partie de ces professionnels vont s'attacher à la réadaptation des patients handicapés dans leur quotidien, inventant, calculant, trouvant pour eux des solutions techniques pour faire installer à leur domicile par exemple des appareillages, des plans inclinés, des monte-charges, des travellings de fauteuils, des matériels à bonne hauteur, des bricolages ingénieux pleins de trouvailles facilitant leur(s) évolution(s) et leurs actes.

Terminons sur écriture.  Le monde moderne n'écrit plus guère, dans le sens du script, de la plume courant sur le papier. Les ordonnances, les courriers, sont tapés sur ordinateur. Cette part là, si graphologique, de la personnalité, disparaît. Reste l'échange fondamental, celui de la forme, des idées, de l'expression, de l'émotion, qui dans le sujet nous occupant ici en permanence, celui de la relation, est remplacé dans la rencontre patient-médecin par l'oral surtout, mais dont nous retrouvons sur des sites d'échange la saveur et le suc, par l'écrit et le lu. Nous pourrions y ajouter un ultime mot en "E" celui d' envie. Dans deux sens, selon l'habitude, donner envie, ou faire envie, ce qui corrobore tout simplement l'idée habituelle : dans la vie comme dans la biologie, il y a des donneurs, et des receveurs, le tout est d'être conscient d'une part de son état propre à un instant précis, d'autre part de la réversibilité permanente de cette fonction. Et on aurait "si envie" bien souvent, d'écrire cela EN VIE, non ?

Un tour d'horizon sombre, mais lucide, et non dépourvu d'énergie, issu de la Lettre mensuelle d'information publiée par Equilibre et Populations  (<mailto:info@equipop.org>info@equipop.org)  Terminons sur un slogan publicitaire ancien mais si aisément reproductible dans de si nombreux lieux de consultation, dans tout l'hexagone : "le monde entier est dans ma salle d'attente", un très grand nombre de soignants se trouvent confrontés au quotidien à toute cette problématique. Seule l'échelle varie. Affaire de niveau. Exactement comme l'étage pour les pompiers, ou les déménageurs, seule l'échelle varie. Tous les jours, à leur échelle, des citoyens impliqués, des soignants affairés, des travailleurs sociaux, des enseignants, des thérapeutes, etc, prennent conscience d'une autre mondialisation, non plus seulement celle des politiques, des médias, des producteurs, des commerçants, mais celle des êtres humains dans leur détresse et leurs besoins incommensurables.

l'os court :   «La vie est un compte de faits.»   Henri Jeanson


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Lettre d'Expression médicale n°279

Hebdomadaire francophone de santé
3 Février 2003

Repérer la manipulation mentale
par Dr François Michaut

Depuis longtemps déjà, nous abordons ici un certain nombre de dossiers dans lesquels la manipulation mentale apparaît régulièrement en toile de fond. Qu’il s’agisse de harcèlement moral, de fonctionnement des sectes, de systémique ou de dévoiement des informations, c’est une évidence. Plus subtilement, des attitudes de soignants sont plus proches de cette destructrice réalité que des images presque (trop) angéliques de thérapeutes que nous prenons tant de plaisir à exprimer sur Exmed. Tout cela risque cependant de paraître au lecteur un peu trop ésotérique, et, en fait peu utilisable en pratique. Voilà pourquoi, au risque de schématiser à l’excès, nous souhaitons livrer à votre analyse critique une grille simple pour déterminer si la personne en face de qui nous nous trouvons est un manipulateur ou non. Notre guide est Isabelle Nazare-Aga, qui se définit elle-même comme psychothérapeute, avec un extrait de son livre : Les manipulateurs et l’amour ( Éditions de l’Homme 2000, Québec, Canada).




Retrouver la confiance:
Environ trois personnes sur cent dans une population fonctionneraient sur le modèle qui va être défini au moyen des trente items suivants d’observation clinique simple.
« - Il culpabilise les autres, au nom du lien familial, de l’amitié, de l’amour, de la conscience professionnelle etc
- Il fait croire aux autres qu’ils doivent être parfaits, qu’ils ne doivent jamais changer d’avis, qu’ils doivent tout savoir et répondre immédiatement aux demandes et aux questions.
- Il utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins (courtoisie, humanisme, solidarité, antiracisme, “gentillesse”, “générosité’, “ bonne ou mauvaise mère” etc.).
- Il met en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres : il critique, dévalorise et juge.
- Il peut être jaloux, même s’il est un parent ou un conjoint
- Il utilise des flatteries pour nous plaire, fait des cadeaux ou se met soudain aux petits soins pour nous.
- Il joue le rôle de la victime pour qu’on le plaigne (maladie exagérée, entourage “difficile”, surcharge de travail, etc.
- Il se démet de ses responsabilités en les reportant sur les autres.
- Il ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses sentiments et ses opinions
- Il répond souvent de façon floue.

Restaurer la conscience
- Il change carrément de sujet au cours d’une conversation.
- il évite ou s’échappe de l’entretien,de la réunion.
- Il fait faire ses messages par autrui ou par des intermédiaires ( téléphone au lieu du face à face, laisse des notes écrites).
- Il invoque des raisons logiques pour déguiser ses demandes.
- Il prêche le faux pour savoir le vrai, déforme et interprète.
- Il ne supporte pas la critique et nie des évidences.
- Il menace de façon déguisée ou fait un chantage ouvert.
- Il sème la zizanie et crée la suspicion, divise pour mieux régner et peut provoquer la rupture d’un couple.
- Il change ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon les personnes et les situations.
- Il ment.


Renforcer la compétence:
- Il mise sur l’ignorance des autres et fait croire à sa supériorité.
- Il est égocentrique
- Son discours paraît logique ou cohérent alors que ses attitudes, ses actes ou son mode de vie répondent au schéma opposé.
- Il utilise souvent le dernier moment pour demander, ordonner ou faire agir autrui.
- Il ne tient pas compte des droits, des besoins et des désirs des autres.
- Il ignore les demandes (même s’il dit s’en occuper).
- Il produit un état de malaise ou un sentiment de non-liberté (piège).
- Il nous fait faire des choses que nous n’aurions probablement pas faites de notre propre gré.
- Il est efficace pour atteindre ses propres buts mais au détriment d’autrui.
- Il est constamment l’objet de discussions entre gens qui le connaissent, même s’il n’est pas là ».
Le côté sommaire de cette grille, sa volonté bien américaine d’efficacité peuvent froisser nos esprits latins. Et pourtant, si nous cessions de passer régulièrement à côté de la compréhension de ce système de fonctionnement, qui peut être utilisé par notre médecin ( et oui, ce n’est pas du tout exceptionnel), de notre collègue de travail ou de tel ou tel membre de notre famille, de certains patients, nous parviendrions beaucoup mieux à nous protéger des dégâts sur la santé physique et psychique que crée partout cette “ vampirisation psychologique”. Étrange cécité de notre médecine qui poursuit, impavide, son bonhomme de chemin comme si tout allait toujours de soi ( et pour le mieux) de façon quasi mécanique dans les rapports humains. Passez donc à cette moulinette un certain nombre de gens que vous connaissez, ou que vous avez connu, et vous m’en direz des nouvelles. Les manipulateurs sont bien parmi nous, et leurs dégâts sont d’autant plus terrifiants que nous avons tant de mal à les démasquer.

l'os court :    « A certains êtres, ne donne même pas la main gauche.»  José Artur


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Lettre d'Expression médicale n°280

Hebdomadaire francophone de santé
10 Février 2003

Perception et conception
par Dr Jacques Blais

Les dix dernières années de la gestion par des gouvernements successifs de toutes couleurs, rose, bleue, verte, rouge, avec et sans cohabitations, ont eu des caractéristiques spécifiques relatives à la perception du monde de la santé. Différents dirigeants ont tenté de placer aux gouvernes d'abord des politiques, J.Barrot, C.Evin, C.Aymard, ou des personnes issues des affaires, R.Teulade, en leur associant, avec l'idée d'amadouer le corps médical, divers médecins comme P.Douste-Blazy, E.Hubert, B.Kouchner, au profil généralement aussi politique avant tout, et au pouvoir totalement inopérant  sur les orientations du système de santé, puisqu'ils ne possèdaient jamais les clefs du budget, travaillant aux ordres et sous dépendance des ministères de tutelle. Ensuite deux figures féminines du pouvoir rose se sont succèdées pour achever la rupture et l'incompréhension, de nouveau deux personnages à forte personnalité complètement étrangers et au monde de la santé et à la conception réaliste des difficultés des professionnels, M.Aubry et E. Guigou. Résumé cruel, dur, lucide, réaliste.

Retrouver la confiance:
En même temps se développait cette pensée unique, si ancrée dans le monde politique en général : les professionnels de santé sont les  responsables exclusifs des dépenses, (les usagers n'existent donc pas)  par leurs excès de prescription, leur absence de volonté d'implication dans la régulation et l'objectivité, leurs revendications tarifaires exclusives. S'est ensuivie, à partir de cette perception biaisée, une conception minimaliste : pour réduire les dépenses, réduisons le nombre des professionnels, d'abord. Numerus clausus étriqué, en dépit des alertes rapides des statisticiens avertissant d'une pénurie prévisible à l'horizon 2008 alors. Mises en retraite anticipée des vieux praticiens, présumant à l'envers et au mépris de toutes les études également statistiques en provenance des Caisses elles-mêmes qu'ils coûtaient cher. Or au contraire, un praticien chevronné, expérimenté, aguerri, n'ayant plus de souci de rentabilité, et moins d'angoisses diagnostiques et thérapeutiques, est nettement plus économe qu'un jeune formé aux technologies modernes, angoissé et par sa nécessité de gagner sa vie et de ne pas perdre ses patients. Du coup la prévision statistique de pénurie a été revue à l'avance de 2005.
Après le nombre des professionnels, la tendance a été de réduire le nombre des actes. Application déguisée ou non selon les catégories professionnelles de quotas, réels pour les actes infirmiers, et de kinésithérapie par exemple, indirecte pour les médecins par application de coefficients normatifs et coercitifs. Encore un problème de conception et de perception. Les professionnels de santé ont depuis toujours été d'accord pour optimiser une prestation de qualité, médecine par les preuves, application et évaluation de critères de rapport entre coût et utilité, choix pour un même résultat des thérapeutiques les moins onéreuses. Ceci pour la conception.
En dépit des cris d'alarme des professionnels, une autre utopie a été intégralement négligée, celle qui suppose que la gratuité des soins en offre et demande, rigoureusement indispensable pour nombre de personnes, indispensable répétons le, et qui devait être inventée, a cependant une conséquence parfaitement prévisible, humaine, statistiquement prouvée cette année pour la CMU par exemple, celle de faire croître inexorablement la dépense au delà de la consommation logique. Pour la seule raison que personne n'a décidé de contrôler l'attribution, et ensuite l'utilisation de ces prestations gratuites et nécessaires pour ne pas les laisser transformer en opportunités, en trafics, en circuits, en modes de vie inappropriés. Seulement parce que personne n'aura voulu imaginer la réalité humaine, et prendre sa mesure lucidement. Changer de conception.

Restaurer la conscience
Dans le cadre de la perception, comment imaginer qu'un praticien dont tous les coefficients du RIAP (rapports individuels d'activité du praticien) sont situés "dans la bonne zone" il ne coûte pas cher en prescriptions pharmaceutiques, en arrêt de travail, en soins infirmiers et de kinésithérapie, en examens de laboratoire, soit averti par sa Caisse de ce qu'il travaille nettement plus que ses collègues du même secteur, et montré du doigt. Alors que tout simplement il se lève plus tôt le matin, termine plus tard le soir, travaille par exemple le samedi, ne prend qu'une courte pause à midi ? Et quand son coefficient de nombre d'actes pour un même patient n'est pas supérieur à celui de ses confrères, que donc il ne provoque pas de retour inutile des patients vers sa consultation ? Pourquoi vouloir perpétuellement normaliser tout par le bas, sans laisser à chacun sa propre manière, son rythme, sa disponibilité, du moment que le critère qualité est respecté ?
Il est visible qu'au fil des années, des réformes, des politiques décideurs gouvernementaux exclusivement à l'affût des cirtères et indices financiers du CAC 40, c'est à dire en permanence ignorant du quotidien des professionnels, qui consiste à aider, soigner, écouter, traiter, accompagner, faire vivre et exister des êtres humains, les professionnels de santé se sont totalement découragés, parfois tragiquement désinvestis. A force de voir traduire sa conception à lui et sa perception de vocation dans des directions aussi incompréhensibles qu'inadmissibles, le soignant se lasse. Je suis un humain à vocation d'aide et d'écoute aux autres, de soins et d'amour, conscient de ce que l'être face à moi est en attente des meilleurs soins au meilleur coût pour le respecter et me respecter dans ma fonction. Traduire je suis un irresponsable dépensier capable de faire n'importe quoi pour obéir à un usager consommateur lui-même désireux des soins et de la prévention la plus irréfléchie véhiculée par des médias poussant à dépenser.

Renforcer la compétence:
Actuellement hélas, usagers et professionnels touchent du doigt une situation devenant critique, avant de toucher un fond imité des anglais nos voisins, ou d'à peu près tous les systèmes de santé environnants, allemand, italien, espagnol, portugais à titre d'exemple. Pénurie gravissime de médecins, d'infirmières, de soignants, de lits, de matériel, de crédits. Solutions extrêmes de repli menant des infirmières à ne plus pouvoir assurer des soins coûteux parce que paradoxalement sanctionnées alors par la Sécurité Sociale. Kinésithérapeutes obligés de choisir pour limiter leurs actes, avec les risques que cela comporte en période d'épidémies de bronchiolite. N'importe quel examen spécialisé, rendez-vous technique, intervention particulière, en gynécologie, maternité, ophtalmologie, urologie, etc, repoussé à des délais à comper en mois comme au Royaume Uni. Evacuation des patients pour ne pas dire éjection de leur lit à peine chauffé de leur présence, pour raisons d'économies.
Fuites de nombreuses compétences à l'étranger. Depuis très longtemps nos confrères britanniques exercent au Canada et aux USA, remplacés chez eux par des médecins Pakistanais. Les praticiens Français sont en train d'effectuer la même démarche, ce qui en ajoutant à la pénurie totalement prévisible et négligée depuis 10 ans par toutes les autorités, mène peu à peu tous les patients à des probabilités de rencontrer pour tous soins des praticiens Libanais, Syriens, Espagnols, Maghrébins. Certes compétents, mais probablement si nettement plus utiles dans leurs propres pays
Une nouvelle compétence approche, celle du patient. A lui d'apprendre la patience, la débrouillardise, les moyens du bord. A lui d'apprendre encore plus le caractère collectif du système de santé, la courtoisie, la hiérarchie des pathologies, le partage, l'importance et la qualité de l'existence, au delà de la vie. A cet appelant téléphonique pour un rendez-vous hospitalier, qui va insister dix minutes, pour obtenir une date qui ne tombe ni durant les congés de ses petits-enfants dont il ou elle doit s'occuper, ce qui est louable, ni pendant sa cure de thalasso, ou sa croisière aux Caraïbes, et pas le matin car il a horreur de se lever tôt, et pas tard l'après-midi, parce qu'avec les embouteillages, la nuit qui arrive, et Questions pour un Champion à ne pas rater à la télé, et puis surtout jamais un vendredi, non, c'est son jour de cartes avec les amis.... à cet appelant inconscient de sa chance, de son égocentrisme, de l'invraisemblable capacité de soins de son pays en dépit des difficultés croissantes, il va être nécessaire de donner quasiment un cours de morale collective. "Voyez-vous, Monsieur ou Madame, depuis ce matin vous avez été 74 à demander la même chose, avec les mêmes exigences correspondant à votre logique à vous, mais dans la même période 13 personnes ont appelé pour des problèmes de cancer. Et ces patients là, eux, ont accepté les délais, les horaires, les jours proposés parce que leur priorité était à leur santé, à leur vie, à leur avenir. Alors n'oubliez s'il vous plaît jamais, derrière vos privilèges d'usagers bénéficiaires, même dans l'optique des énormes difficultés qui nous attendent tous en logistique de santé, que chaque jour des êtres sont en vraie souffrance, silencieuse et sans exigences irrecevables. Et eux ne diront pas "cela fait trois heures que j'essaie de vous joindre", eux diront "merci de m'avoir écouté et guidé"
Une autre compétence. Monsieur J-F Mattéï a été trente ans un médecin en exercice vrai, hautement responsable et respecté, il semble bien être un homme d'écoute et de dialogue, et pour la toute première fois depuis vingt ans un ministre médecin, également chargé du budget de son ministère, tente de rassembler, de proposer, de réunir. Il paraît avoir compris le désespoir et la détresse des professionnels, entendu la nécessité d'élargir, de renforcer, de réformer, de modifier, d'écouter. Reste à attendre pour évaluer sa capacité à durer même s'il persuade (ou surtout s'il y parvient ?) soudain les gouvernants, financiers, décideurs, que si la vie a forcément un prix la santé a nécessairement un coût, que les patients sont des êtres humains nécessitant des soins et une approche globale, les professionnels de santé des humains nécessitant un respect, une écoute et une approche responsable, et qu'une vision humaniste de notre monde devrait nécessairement placer avant le CAC 40 la Santé, l'Education, et la Justice, valeurs susceptibles de rendre un pays fier de son image. Infiniment plus qu'un porte-avions à 5 milliards (?), ou le CAC 40 à 5000 points.
Notre perception à nous de la Santé, un monde d'humanisme et d'échange pour un soin optimal égalitaire, notre conception de votre rôle, Monsieur Mattéi, confiance, conscience et compétence, pour répondre aux attentes et entreprendre.

l'os court :    « La solution est au problème ce que le résultat est à l’entreprise.»   Pierre Dac