Abécédaire 3
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Abécédaire médicalement poètique

Serge RATTEL, docteur en Médecine

suite de l'Abécédaire

VENT DE NORDET

 

Un froid matin, saison d'hiver,

Destinée déposa sur terre

Un nourrisson au coeur des Flandres,

Là où la Deule creuse méandres.

 

La neige tombait abondamment,

Fin saupoudrage du firmament.

Entre flocons se faufiler,

Première astuce pour exister.

 

Lille l'accueillit en murs d'enceinte,

Près des malades, femmes enceintes

Pour déglutir bonne parole

Auprès de maîtres ès paraboles.

 

Enseignement de chirurgie,

Médecine, gynécologie,

Pour transformer le carabin

En gentilhomme bon médecin.

 

Des pontes butinant le savoir

Dans l'espoir de le faire valoir.

A cette fin, battre campagne,

Ne pas jouer à "qui perd gagne".

 

A subsister, parfois comblé

En semant petits grains de blé,

Distraitement, sans y penser,

Capital vie fut dépensé !

 

LE MANDARIN

 

A mes Maîtres, en souvenir de reconnaissance

 

Mai soixante-huit, furent dénigrés, Aujourd'hui, dans l'ombre portés, Vénérés Maîtres, nos mandarins Laissèrent une empreinte, c'est certain.

 

Celui d'endocrinologie

Un maître de cérémonie,

Précieux à la phrase ampoulée,

Bon enseignant, marquis lettré.

 

L'angiologue, véritable cabris,

Feu follet, de science un puits ;

Des anecdotes il nous contait,

En s'amusant, on apprenait.

 

Cloclo le prof de dermato,

Toujours pressé, genre parano,

Au cirque exhibe les cas curieux, Petites véroles et pellagreux.

 

En chirurgie abdominale,

Le diagnostic se veut banal ;

Toujours on peut le rectifier,

A ventre ouvert, le vérifier.

 

En neuro-psy, le cinéma,

Le boss marquis de Carabas,

Cape noire posée sur les épaules, L'homme en blanc interprète un rôle.

 

En neuro-chir, un grand patron

Dont le savoir sidère, confond ;

Habile dans le neurologique

Un novateur, figure mythique.

 

En obstétrique et gynéco,

L'expert en muscles périnéaux ; Patron paisible, chef de famille,

Suit le "travail" en père tranquille.

 

Notre gériatre, imbu, cassant,

Regard hautain et méprisant.

Émile, empereur aux pieds des lits, Se fait narrer pathologie.

 

Médecine interne, honoré Maître,

Homme toujours prêt à s'entremettre Pour apaiser les pires souffrances, Minimiser toutes les outrances.

 

Paternalistes, proches ou hautains,

Du grand savoir des mandarins

On engrangeait progressivement

Des connaissances, les éléments.

 

Décriés, à l'opprobre voués,

Un héritage ils ont laissé

Et nous devons à leur mémoire

Transmettre à d'autres leur faire savoir.

 

 

 

TEBESSA

 

 

Époque rêvée des colonies

Où, dit-on, régnait l'infamie.

Piètre figure en vérité

Que ce tableau du temps passé, Comparé aux événements

De guerre civile du moment.

 

 

Jeunesse dorée, pas de soucis.

De l'Algérie, un raccourci

D'idées prônées par les Médias,

Romans célèbres de Jules Roy.

L'aventure nous tendait les bras,

Motivée par un doctorat.

 

 

Plongeon dans une "guerre sans non"

Odeur de poudre, bruit du canon. Jouxtant les ruines Gallo-Romaines S'édifia la base aérienne,

Après un travail de forçat,

Route de Négrine à Tébessa.

 

 

Pistes baignées par le soleil Réverbèrent chaleur sans pareille. Telles des miroirs aux alouettes,

Attirent les machines insectes, Hélicoptères du même nom

En parallèle près des avions.

 

 

Avions T1 et "sky-readers",

Sans pilote ni navigateur,

Semblent assoupis à digérer

La chair humaine fraîchement tirée. Délabrer qui ? bombarder quoi ?

Tout ce qui vit, l'homme aux abois.

 

 

En long et large du barrage,

On survole bas pour que Carthage

Soit isolé de l'Algérie,

Jardin de France aux fleurs flétries.

Au sol, l'électrification

Punit de mort la transgression.

 

 

France divisée, Pieds-Noirs trahis ! Grand bien te fasse, fière Algérie,

De conquérir l'indépendance

D'afficher haut ta suffisance.

Encore te faut-il élaguer

Rameaux pourris de l'olivier.

 

 

 

UN REMPLACEMENT

 

 

Fraîchement débarqué d'Algérie

Plein de ressource et d'énergie

Se mit en quête d'un remplacement

En lieu et place du commandement.

 

 

Vers le Gris Nez, la côte d'Opale

Le vent souffla amicalement

Se déportant timidement

Pour déposer le visage pâle.

 

 

Un temps d'Articque, tempête et bise

En médecine, gelures exquises

Chez l'habitant, se surpasser.

 

 

Menace de prématurité

Rapidement évacuée

Fut déclenchée terme dépassé.

 

 

 

MÉDECIN DES CHAMPS

 

 

Bien autrefois, jadis, naguère,

Les bons élèves littéraires,

De la carrière médicale

Pouvaient envisager l'aval.

La belle époque tôt révolue,

Comme tout ce qui ne se fait plus,

A emporté, mis en oubli

L'hippocratique poésie.

Termes colorés d'anatomie,

Noms condamnés à l'amnésie

Ou d'autres que l'on oublie pas,

Tel le triangle de Scarpa.

 

 

La prestigieuse et ordinale

Savante prescription magistrale

Précéda l'ordonnance bâclée,

Rejeton des spécialités.

On y trouvait du bon latin,

Qu'un vieux potard, toujours malin,

Se faisait fort de déchiffrer

Avant de vous l'administrer.

La chirurgie du bon pays,

De couleur n'était pas avare.

Sang bleu royal, rouge des bâtards

Coulait sans le moindre dépit.

 

 

Ne pouvant guère péter plus haut

Que son cul, le médecin des champs Fréquente rustres et paysans

Dont la nature est le suppôt.

Les fleurs, les bois, petits oiseaux,

Compagnons aux vifs oripeaux,

Un plaisir simple de campagne,

Sain, pétillant comme le champagne.

On y retrouve Marcel Aymé,

La jument verte renommée,

Fermettes au délicat fumé,

Des écuries, l'air parfumé.

 

 

 

Pour les saisons, les vieux dictons, Ainsi, en septembre dit-on :

"Purgez, saignez plus que jamais

Pour maintenir votre sang frais." Tâcheron humble, non conformiste, Inculte sachant raisonner.

Poète quelques heures dans l'année, Médecin des champs, un humaniste Dont le temps semble mesuré.

 

 

 

Rare privilège incontesté,

La candeur de s'émerveiller,

Au corps, lui reste chevillée.

Un bon bougre, ce médecin des champs,

Par bien des côtés attachant !

 

 

 

 

INCANTATIONS

 

 

On en revient au moyen âge,

Les défilés, les processions,

Des prières aux incantations,

Que signifie tout ce tapage ?

 

 

Autrefois peste et choléra,

Ce jour, combattre le SIDA.

Il ne se passe de jour de mois

Sans que le monde ne larmoie.

 

 

Devant ces vaines lamentations

Dont on constate l'immixtion,

Gardons la raison sans ambages.

 

 

Fuyons tous ces aréopages,

Leurs allusions, leur persiflage.

Soignons, traitons hors marchandage.

 

 

 

CE BON DOCTEUR

 

Toujours souriant, ironique,

Réminiscence nostalgique

Du bon docteur de mon enfance,

Visage qui inspirait confiance.

Autant que mémoire se souvienne,

Puisse pensée vivre à l'ancienne,

L'image fixée dans mon esprit

Par sa constance me surprit.

Ombre portée campant le corps

Du médecin et son abord.

 

 

A une ascèse extravertie

Dès l'origine se convertit.

Battre campagne jour et nuit

Pour remédier aux maux d'autrui,

Soulager et dire un bon mot,

Prescrire remèdes pianissimo.

Vaquant de maison en maison,

Conforte, rassure l'opinion.

Joue parfois même le trublion

En s'arrogeant la direction.

 

 

Le beau ne suffit pas au vrai,

Bonté n'efface pas méfait.

La charité bien appliquée

Commence par bien diagnostiquer.

D'aucun peut être bon praticien

Sans être aimable, un peu chagrin.

Heureux qui dans le saint des saints

Trouve phénix, bon médecin,

Alliant douceur et compétence,

Éléments d'une sainte alliance.

 

 

ANTIBIOTHÉRAPIE

 

En professant au quotidien,

On persévère, on se maintient

Dans la routine habituelle

Du mouvement universel.

Un médecin en réflexion

Sur son savoir, ses illusions,

Ne trouve en la thérapeutique

Qu'une vertu hypothétique.

 

Dans de nombreuses maladies

Le virus peut être soumis

A la bonne volonté du temps,

Guérison vient spontanément.

Prématurée, l'antibiose

Ceindrait d'une couronne de roses

Le médecin à tête pleine

De prescriptions à perdre haleine.

Intempestive l'antibiose,

Insecticide que l'on arrose,

Sélectionne les germes résistants,

Agents du mal persévérant.

 

Loin de moi la vile pensée

Du remède à controverser.

Bien-fondé de stériliser,

D'éradiquer, aseptiser.

Confrères, évitons d'annexer

De la nature le franc succès

Qui lui revient du fond des âges

Avant que l'homme ne devint sage.

Dieu nous préserve des faux amis

Plus dangereux que l'ennemi.

Réservons là aux insoumis,

Chère antibiothérapie

 

 

Médecine, art d'incertitude,

Liée aux mauvaises habitudes.

Science des probabilités

Qui conduit à l'humilité,

A celle de ne jamais savoir

Le résultat du bon vouloir

 

 

 

L'H.T.A. ou le triomphe de la médecine

 

L'hypertension c'est mon dada,

Illustre cheval de bataille,

Mon idole ma passionnaria,

Sans elle pas de médecine qui vaille.

L'unique outil du beau travail

Porte le nom de tensiomètre.

Dans le métier pas de détail,

En son sein règne le souffle en maître

 

L'hypertension dites "essentielle",

Le gagne pain confraternel.

Les médecins et leur chapelle

Lui doivent un culte, fière chandelle.

Maladie dégénérative

Numériquement bien définie,

Avec approche qualitative

N'excluant pas chiffres insoumis.

Concept plutôt que maladie

Entité des plus passionnantes,

Découvrir en catimini

Des symptômes chez les biens portantes

 

 

Terrain de choix ou l'on essaime,

Le traitement doit se suivre a vie,

N'existent guère dans ce domaine

Demi-mesures ni pénurie.

Choix varié des hypotenseurs :

Antihypertenseurs centraux,

Alpha bloquants, béta bloqueurs,

Normotenseurs, vaseur-vaso.

I E C et diurétiques,

Leurs multiples associations.

Tous les inhibiteurs calciques

Et descendance à profusion.

 

 

L'hypertension dites organique,

De chirurgie bénéficie.

D'origine moins ésotérique,

L'étiologie différencie.

Mesure de pression artérielle,

Développée par Riva-Rocci,

D'une médecine moment essentiel

Puisque l'hypertension guérit.

 

Sidaction

 

 

Déesse drogue et Dieu capote

Dorment satisfaits. Messe consommée,

Des médias l'oracle a parlé !

En partition quelques fausses notes,

La sécession des affidés

D'un groupuscule bien faisandé.

Tristesse, amertume, affliction

Résument la soirée "SIDACTION".

 

 

L'apothéose Télévision

Rendre coupables les biens portants

De l'être, s'avère désobligeant,

Pouvant prêter à confusion.

On s'efforce de faire acclamer

La séropositivité

Par une salle entièrement acquise

A l'immortalité promise.

D'éminents maîtres es verbiage

Exhibent une brochette de paumés,

Telles des bêtes curieuses d'un autre âge,

Des marginaux, des frelatés.

Ceux mêmes qui roulent carrosse en or

Décrètent le bien, plantent le décors,

Ordonnent au bon peuple exploité,

En clair, de se déshabiller.

Résultante d'une société

D'éloquente permissivité.

Produit de la facilité,

Laisser-aller, prix à payer !

Paradoxe de modernité,

Encourager toutes les grossesses

A risque. Étudier leurs faiblesses

Pour mieux s'adapter à traiter,

Risquer une prématurité.

Louanger les avortements

Des femmes et bébés bien portants.

D'un même élan très spontané,

Une vie, une mort pour s'acharner !

 

 

Depuis le serment d'Hippocrate,

Les médecins ignorent les diktats.

Ils soignent tout, indistinctement,

Malades qui souffrent et leurs tourments.

Personne ne peut leur demander

De faire un choix ou d'honorer,

Pathologie privilégiée

D'étiologie à négliger.

A chacun sa spécialité,

Les moutons seront bien gardés.

Les bons apôtres, les échotiers

A leur écran, chasse gardée.

Les politiques au parlement,

S'il plaît à Dieu, le jugement !

 

 

 

SOUFFRIR DE DOULEURS

"Nous ne sommes pas immortels, et la médecine ne nous guérira pas de tous les maux, contrairement à ce que veulent nous faire croire les délires médiatiques."

Docteur J. M. Gomas. Médecin de fin de vie

 

 

Sans remonter à la genèse

Prophétisant nombre malaises,

La souffrance toujours existât

Quelque fut desiderata.

Si enfanter dans la douleur,

Pendant des siècles fut un honneur,

Présentement calamité

De mettre au monde un nouveau-né.

Pensez donc ce qu'il faut souffrir,

Les statistiques parlent de mourir,

Comme si la mort, coquin de sort,

Épargnait toujours matador.

 

 

Comme les trompettes de Jéricho

Le sonnent à tout vent tous échos,

Souffrance prévient, témoigne, alarme

Sans entraver le flot des larmes.

Indissociable du plaisir,

Considérer peiner, souffrir

Comme la suprême récompense,

Martyr sublime, pardon d'offense,

Du chrétien c'est la Rédemption,

Du païen l'abomination.

Peste à combattre pour le commun,

A écarter de son chemin.

 

 

A la souffrance insoutenable,

Un nombre d'antalgiques valables

Opposent un utile recours,

Lâche qui ne porterait secours.

Le moribond, le cancéreux

Trouveront refuge heureux en eux.

Tout à la gloire médicale

 

 

De soulager misère fatale.

Le recours aux tranquillisants,

Remède miracle de notre temps,

Diminuera à point nommé

Grâce au courage à volonté.

 

 

Sans être adepte de l'ascétisme

Ni vain disciple du dolorisme,

Loisible et sage d'admirer

Les hommes enclin à respecter,

Les grandes lois universelles

D'évolution bien naturelle.

Certes, la recherche du plaisir

Se poursuivra dans l'avenir,

Comme on le fit dans le passé.

De la douleur, en effacer

Les affres universalisées,

Le rêve fou d'hommes insensés.

 

JEANNE

 

La cécité qui sévissait

Progressait vite à mon regret.

Les ans passant m'accoutumaient

A rejeter la vérité.

 

 

Je redoutais le jour venu

D'un clair matin n'y voyant plus

Où le ciel bleu, dit superflu,

Ne me tomberait plus des nues.

En désespoir, voûte à chérir

Sera l'objet de mes soupirs.

 

 

Le bruit souligne la non voyance,

Infirmité d'une existence.

Lointain, je reconnus le pas

Heurté de marche cahin-caha.

Mauvais présage, celui du rat

Dont la présence sonne le trépas.

Du syndrome de Bonnet,* victime,

Jeanne fut prise de peur légitime,

Celle d'être folle, perdre raison

En proie aux hallucinations.

Ouïr d'enfants les cris joyeux,

Cantines, complaintes rendent radieux.

De la mélodie, les couplets

Réchauffent le coeur tout à souhait

Comme le vin chaud lors des gelées.

 

 

Je redoutais le jour venu

D'un clair matin, n'y voyant plus,

Où le ciel bleu, dit superflu,

Ne me tomberait plus des nues.

En désespoir, voûte à chérir

Sera l'objet de mes soupirs.

 

 

Bon souvenir garde de vous,

Exact, fidèle au rendez-vous.

Jeune praticien, alerte chien-loup,

Bride abattue, vif sur le coup,

Prompt à venir au moindre appel

Et à sortir votre scalpel.

 

 

 

Rapports faciles de beaux esprits,

En un clin d'oeil on se comprit.

Mon malheureux époux et moi

Proclamions d'emblée notre foi !

Souvenez- vous de la chapelle,

Des bois, du jardin, des tonnelles

Où soirs d'été nous devisions

Des guerres passés, de religion ?

Devenue veuve, moins aguichante,

Dépendante et vue défaillante,

Sont envolées mes illusions

En entrant en institution.

Que puis-je attendre de la vie

Sinon souffrances, douleurs, oubli ?

Votre visite est le rayon

De soleil dont subsiste le nom.

 

 

Je redoutais le jour venu

D'un clair matin, n'y voyant plus,

Où le ciel bleu, dit superflu,

Ne me tomberait plus des nues.

En désespoir, voûte à chérir

Sera l'objet de mes soupirs.

 

 

Ciel ! au revoir à l'arc en ciel,

Plaisirs d'hier, péchés véniels.

Au temps jadis, on me choya,

Bonjour tristesse, adieu veaux gras.

Tragique pénombre, mauvais augure,

Pierre tombale elle préfigure.

 

Mon cher docteur, ne sombrons point

Dans une mélancolie d'appoint

Il faut laisser du temps au temps,

Encore espérer le printemps,

Mais de mes yeux ne rien attendre

Car ils n'ont plus rien à m'apprendre.

Je ne redoute plus l'avenir,

S'il plaît à Dieu, je peux partir !

 

 

Syndrome de Bonnet : Hallucinations provoquées par la perte de la vue transitoire ou définitive.

FRACTURE DU COL

 

 

La vie tient parfois à un fil !

Malencontreuse peau de banane

Propice à faire chuter peau d'âne

Avant même qu'elle ne se défile.

 

 

Histoire d'un frêle col de fémur

Dont on découvre le pot aux roses

Ramassis d'ostéoporose

Qui se fracture sans un murmure.

 

 

Certaines années elles sont légions

Comme converties en religion

Vénérables dames patronnesses.

 

 

Elles grèvent de la société

Les fonds de "la Sécurité"*.

Seule solution : garder jeunesse !

 

* Sécurité Sociale

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