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L'Est
Australien
Il
se distribue très différemment du haut en bas.
" Le haut ", la région de Cairns, est encore
tropicale, il est vrai que les distances sont si énormes
d'une berge à l'autre de ce continent, avec de très
gros restes de civilisation aborigène, des " réserves
" un mot abominable évoquant les indiens d'Amérique,
des petites villes côtières vieillottes.
La grosse partie de la rive orientale est
celle de la richesse. Les sports de glisse, la plongée,
le vent, la barrière de corail, les villas de milliardaires,
les ilôts privés en mer gagnés à
tire de pales d'hélicoptères pour quelques réceptions,
la jet set mondaine. J'avoue ne m'être pas attardé
dans ces lieux, pour m'intéresser vivement, plus au sud
à partir de Brisbane, à l'élevage du mouton.
La grande région.
On retrouve des couleurs d'herbe irlandaise, des baroudeurs
fermiers, le concours où le vieux Josh, c'était
en combien déjà les gars, en 52 ? avait gagné
le trophée en tondant plus de moutons en une heure que
personne ne l'avait fait. Et il faut être diablement costaud,
même avec les tondeuses électriques actuelles,
pour coincer la bête entre les jambes, la maîtriser
d'un bras terrible, et la tondre à toute allure de l'autre
main. Les fermiers sont si fiers de vous présenter la
reconstitution de la ferme d'origine, quasiment un village avec
son école, les maisons du personnel, la charrue tirée
par cinq chevaux qui représentait la fierté du
lieu, et toute l'histoire de la laine. Des cultures abondantes
aussi.
En bas, on est à Sydney, une baie merveilleuse, une luminosité
incroyable. Et puis cet Opera prodigieux, en forme de voilure
de bateau, on ne se lasse pas de l'admirer, ce pont métallique
en arc de cercle, ce quartier du port et ses vieilles maisons
d'époque, son histoire, la nostalgie des rêves
et des épopées d'autrefois. Une très belle
ville, spectaculaire et aimable même si on la dit, comme
toute avoir changé d'âme avec l'argent, le trafic.
Et un arrière pays superbe, ces montagnes des "
Trois surs " et les forêts d'eucalyptus. Le
bleu, car il en existe tant de variétés dans le
pays, odorants, touffus, résistants, et qui servent à
tout. Y compris à fabriquer ces didjeridoos, les instruments
à vent étranges des aborigènes, des sortes
de trompes courbes et un peu évasées creusées
dans des branches de bois choisis. Qui provoquent des sons difficiles
à produire, un art musical mis à la mode dans
le monde actuel, mais surtout à l'origine un rituel avec
des dessins si particuliers, travaillés selon des règles
et des traditions.
Le Centre Rouge
C'est l'entrée dans la couleur, les sensations fortes,
la poussière, la piste, le mystère, le sable,
c'est le bonheur !
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Le
sud du centre est constitué de quelques villes un peu
sombres et lourdes, solennelle comme Melbourne, ou académique
comme Adélaïde, sans évoquer la ville administrative
de Canberra, capitale économique.
On " mérite " en quelque sorte, son éruption
vers la lumière du Centre, après quelques promenades
tristounettes dans des rues de brique sombre, dans un petit
vent gallois, une atmosphère écossaise, et parfois
sous une menace de pluie toute anglaise.
Et puis, et puis Alice Springs ! Il est tentant d'affirmer
Alice Springs, le roman, l'intrigue, et Ayers Rock, le spectacle,
la contemplation.
La ville d'Alice Springs a inspiré des pages
et des histoires, le mystère, l'exotisme,
le drame de l'éloignement de la terre patrie, et puis
cette ville à l'imitation des villes de western, perdue
dans la nature, la chaleur, le soleil et le plein centre d'un
continent énorme!
A distance, quelques kilomètres, le fabuleux
" tas de roche " d'Ayers Rock. Un gigantesque météorite,
affirme-t-on dans la plupart des hypothèses, écrasé
" un beau jour d'il y a si longtemps ", sur notre
planète. A part pour les dinosaures écrabouillés,
ou d'autres habitants, quel magnifique, incomparable cadeau.
On le devine de si loin, on le voit émerger peu à
peu, comme une cathédrale de Chartres au bout d'un
pèlerinage, cet amas de caillou de centaines de milliers
de tonnes, de plus de cent mètres de hauteur, et puis
ensuite on ne le quitte plus des yeux. Il change de couleur
avec le soleil, avec l'angle, la distance, ce pâté
écrasé dans la terre d'un rouge admirable, avec
un peu de verdure autour pour souligner. L'astre joue avec
ce partenaire à sa hauteur, les piétons lui
grimpent sur le dos comme à un animal familier, une
ascension épuisante mais qui récompense l'obstination
d'une vue merveilleuse alentour, avec des refuges en route
dans des recoins de roche rose et brune.
Ce lieu est d'une beauté de poète, à
s'asseoir pour contempler des heures durant en trouvant la
vie élégante, aimable, gaie, et à songer
que la terre sait offrir ainsi des dizaines de lieux privilégiés,
propices à méditer, chanter ou songer, sourire,
ou seulement s'abandonner aux absences de la mesure du temps!
J'avoue que je suis extrêmement contemplatif et outrageusement
sensible à ces beautés, du genre à demeurer
sans un mot si ce n'est déjà dans la tête,
des musiques et des strophes, des images, et cet endroit est
à ajouter au nombre d'autres sites naturels étourdissants,
la baie de Rio, le désert du Namib, la montagne de
La Table, au dessus de la ville du Cap, la baie d'Acapulco,
celle d'Avachinski, le Lac Titicaca, ou ces incroyables vapeurs
des geysers du nord chilien, reflétées sur les
bleus minéraux des salars bordés de flamants
roses. Le vol d'un albatros en mer, les suavités de
dix bleus de nuances différentes sur un atoll du nord
du Pacifique, ou l'irréelle nuance du vert des lagons
de Lifou, au réel bout du monde, quand le soleil atteint
la verticale!
Secouons nous, la piste nous attend, celle que les
locaux nomment affectueusement the track.
Il nous est nécessaire et utile de planter le décor
:
La piste elle-même est, des centaines de kilomètres
durant, rectiligne, le milieu de l'espace offert aux véhicules
est vaguement durci d'un ancien revêtement à
certains endroits, cette manière de stabiliser le terrain
se retrouve dans l'ouest également. Ce qui veut dire
que, lorsque vous voyez, dix kilomètres en amont, se
soulever un nuage de sable rouge signalant l'arrivée
proche d'un train de la route fondant sur vous, vous préparez
vos roues gauches (on roule on the left side of the road ici),
vous bandez vos muscles, armez vos nerfs, et vous apprêtez
à croiser le monstre qui vous projètera dans
la bordure.
Le train de la route, incapable de s'arrêter, passe
à travers les troupeaux s'il en rencontre, et des centaines
de cadavres éventrés de vaches jonchent les
fossés de la piste, sur lesquels tournent ces sortes
de petits vautours qui représentent le symbole sur
le drapeau de la Province du Nord. Nourriture de nombreux
autres animaux, les ventres boursoufflés attendent.
Les camping-cars de ces régions sont munis de grilles
de protection métalliques devant le pare-brise, pour
le cas où des oiseaux percutent vos carreaux. La végétation,
le bush célèbre qui est un buisson dont la taille
grimpe du sud vers le nord, s'éparpille chichement
dans un paysage de terre rouge, de canyons déssèchés,
de buttes de cailloux surmontées de fragments déstabilisés
par des années d'érosion.
La première découverte pleine d'amusement concerne
le gros point sur la carte, après 250 kilomètres
de piste sans croiser un seul véhicule, dans le vent
de sable, un point qui vous annonce un nom, une ville, un
poste d'essence, un ravitaillement, sur la piste rectiligne.
Vous arrivez à la " ville " et vous découvrez
une! pompe à essence, en réalité, et
c'est tout, le lieu de rassemblement, d'échange, de
vie, de réapprovisionnement, de l'Australie des pistes
et du bush. Par crainte de manquer plus loin de carburant,
vous ne la ratez pas, par curiosité encore moins, par
éventuel besoin de quelques provisions aussi. Vous
avez repéré sans difficulté les trois
trains de la route envahissant le champ en arrière,
garés. Vous pénétrez dans la supérette
de ving mètres carrés, agréablement fraîche,
qui sert de bureau, de boutique de la pompe. Et vous trouvez
les frères Dalton, les trois chauffeurs debout devant
un comptoir, en train de boire tous la même bière
XXXX, celle qui tue, tenant dans leurs énormes pattes
la minuscule canette. Ils tournent tous trois d'un quart de
tour, tous en même temps comme dans les films, la tête
vers vous, grommellent un salut poli, sans ajouter un mot.
Un gros silence s'installe, sur fond de murmures à
mi-voix parfois, ou de musique, le patron encaisse votre plein
d'essence, vos achats de gâteaux secs ou de bricoles,
et puis au bout d'un très long moment, le " bavard
" du lot va se lancer. On n'aborde pas les gens facilement,
dans le désert, et pourtant tout vous démontrera
que le désert est une apparence. Le routier va vous
annoncer : " ya Johnny qui dit qu'il vous a vus il y
a trois jours, vous étiez à Ti Tree Wells, avec
votre pauvre motor-home de location, il dit que vous avez
dû coucher là-bas parce que le lendemain c'est
Sunderland qui vous a croisés entre Katherine et la
Crique " N'en attendez pas davantage, le gars a plus
parlé ce soir à un étranger que dans
sa vie, et après ce ne serait ni raisonnable ni poli.
En fait vous comprenez au fil du temps que la route est un
lieu, une famille, un groupe, que l'on se surveille plus que
l'on ne s'épie.
Si vous vous arrêtez pour une photo, ou prendre l'air,
humer l'atmosphère, et que l'unique véhicule
de l'après-midi, le 4X4 ou la bétaillière
de Joshua vous croise, il s'arrêtera juste une seconde,
pour demander si cela va, si vous n'avez besoin de rien. Et
le jour où, classique incident bête du camping-car,
votre frigo est resté sur batterie au lieu de basculer
le commutateur sur gaz quand vous êtes en train de pique-niquer
à l'abri, résultat impossibilité de repartir,
vous serez soulagé et ravi que les trois minettes aux
carrures de nageuses papillon, aux cheveux de lin, aux peaux
tachées de son, arrêtent aussi leur Pick-Up pour
vous proposer de l'aide et vous permettre, d'un coup de câbles
de batterie, de repartir.
Des années plus tard, reconnaissant absolument, en
Namibie, ces blocs énormes de roche rose et brune ronde
érodée, posés comme en équilibre
sur des carrières de cailloux, d'orgues de basalte
et de mica, ces galets si étonnants, vous irez dès
que possible vérifier que oui, la latitude est la même,
l'explication logique. L'affaire de la dérive des continents
aussi, qui liait par exemple dans le sud, Mozambique, Madagascar,
et ce bloc austral.
Le tenancier du " village " vous aura bien sûr
proposé de garer pour la nuit votre véhicule
derrière son bâtiment-village-commerce-garage,
il y a une prise de courant de force, avec le groupe électrogène
qui marche sur une éolienne, et puis de l'eau à
la pompe avec la même source d'énergie. Et, en
grillant des saucisses sur le barbecue du terrain, vous mangerez
sous l'incendie d'un coucher de soleil à illuminer
la mémoire.
Heureux, Ulysse ou non dans l'affaire!
En atteignant le nord, une sacrée route au total, Darwin
apparaît comme la ville coloniale, tropicale, des bâtiments
qui datent dans des espaces verts, des palmiers et une végétation
importante, des fruits, des marais à crocodiles et
des réserves préservées
Presque une sorte de regret du monde de la piste.
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