Tel est le titre du dernier roman de Jacques Grieu paru en juin 2008. Pour être précis aux éditions du Pierregord en Dordogne . Les Internautes familiers de notre site savent que Jacques Grieu a bien voulu confier à Exmed la publication de quelques uns de ses poèmes. Vous y constaterez que les préoccupations concernant la santé, et les grandes maladies y occupent une place non négligeable. Comme en plus l’auteur participe régulièrement à la vie de la liste d’échanges Exmed-1, c’est avec une grande curiosité que nous avons ouvert ce pavé de 397 pages. Diffusion Rando Diffusion, Groupe Sud-Ouest, prix 20 euros.
En guise de mise en bouche, cette analyse a commencé par la lecture de la quatrième de couverture, comme on nomme le texte bref destiné à donner au lecteur l’envie de lire un ouvrage. Et là, franchement, tout commence de façon à donner de l’urticaire aux soignants : “ Une description féroce du milieu hospitalier “. Ce serait donc cela, la façon dont Jacques avec qui nous avons déjà tellement échangé sur de multiples sujets entourant la santé des hommes et la médecine envisage son expression médicale à lui ? Comme une entreprise bien dans l’air du temps de règlements de comptes avec une institution dont nous ne pouvons pas nous passer ? Et bien, pardon à la personne qui a composé ce texte malheureux, mais il me semble qu’il y a un immense contresens. Voilà qui mérite quelques explications.
Jacques Grieu sait fort bien raconter une histoire, probablement en partie comme bien souvent, son histoire. L’un des grands personnages est en effet le CHU de Caen, et la façon dont son héros Sébastien paysan jusqu’au bout des ongles le voit et le vit, avec son architecture écrasante et froide, ses rites et ses rythmes, la valse incessante de ses prêtres en blouse. Bien sûr, il y a de l’ironie, il y a aussi tout un bon sens populaire qui a les oreilles, et les yeux ouverts sur la vraie vie du monde extérieur. Toute sa vie défile peu à peu, sans jamais le moindre larmoiement, sans rien dissimuler de ses amours et des femmes qui ont compté pour lui. Une histoire à l’eau de rose ? Pas du tout, un hymne plein de tendresse à la vie, à la vraie vie des hommes avec toutes leurs grandeurs et toutes leurs saloperies.
Moi qui ne suis pas passionné par les romans, j’ai lu celui-ci avec un grand plaisir et sans aucun sentiment de lassitude. Et puis, le fait qu’il n’y ait pas, pardon de la verdeur de l’expression, la moindre scène de cul, et c’est devenu une rareté tant les éditeurs en sont friands pour mieux vendre leurs livres, m’a beaucoup plu. La poésie, parfois dure, parfois drue, parfois crue, est infiniment plus puissante que de laborieuses descriptions pour tenter d’actionner l’imaginaire paresseux du lecteur. Et l’entrainer sans difficultés dans les comportements humains les plus sombres et les plus indicibles.
Jacques Grieu n’est pas soignant, il a été ingénieur. Il a vraiment beaucoup à nous apprendre pour élargir notre champ traditionnel de vision avec cette étude clinique systémique approfondie d’une trajectoire d’homme à travers la vie, sa vie et la maladie, sa maladie. Il redonne la parole, et quelle parole sonnant vrai, à ceux que la maladie confine souvent au rang de patients muets et passifs devant la toute-puissance des gens en blanc.
Voilà pourquoi je me permets d’affirmer qu’aux antipodes d’un pamphlet destructeur, ce roman est un bon outil de travail pour les soignants comme pour les soignés. En un mot, c’est, bien que Jacques ne soit pas un médecin, ou peut-être justement parce qu’il n’en est pas un, un véritable ouvrage d’expression médicale comme on la comprend à Exmed. C’est une voix authentique, et non sans humour, qui se révèle en contrepoint d’un assourdissant bruit d’usine de soins. Plus que jamais se confirme à merveille le diagnostic paradoxal de Jean Cocteau : le poète est un menteur qui a toujours raison.
NDLR : Six séances de dédicace de ce livre sont prévues cet été en Bretagne. Jacques Grieu sera aux salons du Livre (où il faut être invité, donc déjà connu) de Hossegor, Vannes, probablement Nancy et surtout Brive la Gaillarde (le plus gros en France) où son ouvrage précédent "Un Peu de Neige dans la Mer" avait, selon la presse, “fait un malheur” l'année dernière.
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