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La Lettre d'Expression Médicale
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N° 682

 
 

     6 décembre 2010
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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Illustration LEM






Apprendre la médecine dès l'école secondaire





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Docteur François-Marie Michaut,
lui écrire

( dessin Cécile Bour sept. 2007)

 

 

 

Jouer au docteur est un des amusements favoris des enfants. En laissant de côté les allusions égrillardes des adultes, cette fascination infantile mérite qu'on y porte une grande attention.
Que se passe-t-il dans nos petites têtes en construction avec l'idée que nous nous faisons de notre corps et de ce qui peut le menacer ou le soigner ? Nous singeons les gestes qui nous fascinent étrangement, sans parvenir pour autant à en pénétrer le sens. Le monde adulte réagit, comme trop souvent, au premier degré, en fuyant dans « le faire ».
Il se précipite pour fabriquer et acheter des panoplies d'instruments factices et de costumes grotesques, comme pour canaliser ce goût en le caricaturant. Et nous, enfants, nous enfonçons tout cela en silence dans notre imaginaire. Jusqu'à quand ?



retrouver la confiance

   Bon, les enfants, maintenant vous avez grandi. Le temps des jeux est fini, il faut passer aux choses sérieuses. Le sérieux, c'est l'école, et toutes ces choses qu'il vous faut apprendre en quelques années. Lire, écrire, compter, un peu dessiner, bricoler, chanter, apprendre : pas facile tout cela.
Mais, étrangement, un élément qui nous intéresse avant tous les autres a disparu du paysage de nos apprentissages : notre corps, et plus particulièrement comment il peut bien fonctionner quand il est en relation avec le monde extérieur.
Cet escamotage a des relents idéologiques de l'époque où l'on se sentait obligé de défendre les enfants, pauvres petits êtres sans défense, contre les misères de la vie en les en tenant éloignés. L'inusable : «ce n'est pas de leur âge» conforté du non moins conventionnel : «cela pourrait les troubler».
Ce ne sont pas les initiatives, pleines de bonne volonté, pour catéchiser les enfants aux messages officiels dits «de prévention» pour une vie saine, toujours très directifs, qui peuvent changer les choses au delà d'un très court terme. Le discours farouchement hostile à l'usage du tabac tenu aux adultes par les dix ans ( j'en ai fait l'expérience) fond comme neige au soleil dès le début de l'adolescence.
Tout ce qui touche à sa propre santé ( et celle de ses proches) devient une sorte de secret, un monde magique dont on n'a même pas le droit de parler.
Et pourtant, les grands tout autour ne cessent d'en discuter, parfois comme de véritables faits d'armes. Les écrans de télévision en livrent à foison des images à faire rêver et à faire trembler en même temps. Ce sont nos contes de fée modernes. Regardez le succès populaire incomparable des feuilletons qui ont pour cadre le monde des soins !

restaurer la conscience

 Les médecins, comme tous les autres soignants, devant la complexité croissante de leurs interventions, quittent peu à peu leur superbe isolement. Pour bien soigner les patients, ils ont de plus en plus besoin d'interlocuteurs qui comprennent ce qu'ils font et ce qu'ils veulent faire.
Il est désolant de constater l'ignorance crasse en matière de santé de sujets aux études approfondies et exerçant les plus hautes responsabilités dans leur métier. Combien de gens brillants par ailleurs se trouvent ainsi démunis de toute possibilité d'esprit critique dès qu'ilest question de santé.
 Cette situation est particulièrement dangereuse, car elle constitue une brèche dans la connaissance redoutable. Tout simplement parce que cela constitue la voie royale dans laquelle se bousculent ceux qui n'hésitent pas, pour leur plus grand profit, à promettre les miracles les plus extraordinaires. Naguère, on parlait, et avec les adjectifs les plus sévères, d'obscurantisme. Aujourd'hui, on s'inquiète, non sans raison, des dérives sectaires et mercantilistes.
Le citoyen du 21ème siècle ne peut plus d'avantage faire l'impasse sur une culture médicale minimale que sur l'utilisation des technologies de l'information.

renforcer la compétence

   C'est tout au long de l'enseignement secondaire que doit s'enseigner la médecine si on veut la sortir de son statut encore actuel de savoir magique, afin que chacun puisse mieux savoir ce qu'il est possible d'attendre de ceux dont c'est ( et ce sera toujours) le métier de diagnostiquer et de traiter les maladies qui nous touchent tous un jour ou l'autre.
Il serait stupide et dangereux de vouloir former des petits médecins au rabais. La médecine n'est pas un domaine compatible avec l'amateurisme. Faire passer cette idée dans les têtes quand fleurissent sur Internet toutes les propositions et informations, des plus solides aux plus sordides, dans un mélange inextricable, concernant le domaine de la santé est une nécessité civique évidente.
Et puisque nous sommes dans un temps où les considérations économiques ont une telle importance, des sujets disposant d'une culture médicale, même rudimentaire, seraient certainement beaucoup moins enclins à se comporter comme des consommateurs aussi passifs que toujours attirés par les bonimenteurs à la langue bien pendue.
Faire en sorte que cet enseignement soit l'occasion de rencontres et d'échanges directs des jeunes avec des professionnels des soins, c'est aussi contribuer à ne plus mettre les médecins sur une sorte de piédestal de gens à part, à qui on peut demander tout et n'importe quoi.
   Faire entrer la culture médicale, car c'est bien de cela et uniquement de cela dont il s'agit, dans l'enseignement secondaire heurte probablement beaucoup d'opinions et d'habitudes. Il serait des plus instructif de faire une enquête directement auprès des premiers concernés : les enfants.
Cet élargissement du spectre des disciplines scolaires stimulerait, mais c'est aux professeurs de confirmer ou d'infirmer ce point de vue, l'intérêt d'un bon nombre d'élèves pour ce qui se passe en classeæ. Ce qui pimenterait bien utilement et renforcerait le contenu de disciplines très complémentaires.
Et peut-être aussi, si cette idée semblait à étudier, demander à des professionnels des soins s'ils accepteraient d'y consacrer un peu de leur temps de travail. Moyennant rétribution décente, ce qui ne serait pas du tout impensable s'ils étaient dans le même temps déchargés d'une partie des contraintes administratives lassantes qu'ils assurent.
   Enfin, impossible de ne pas terminer ici cette plaidoirie pour nos enfants sans évoquer quelle importance cette culture médicale pourrait avoir pour orienter en meilleure connaissance de cause le choix des futurs étudiants vers les métiers soignants. Le saut vers un univers inconnu que font les jeunes quand ils s'orientent après le bac vers des métiers dont ils ne connaissent encore rien, est à très haut risque.
Quand le taux d'échec au concours de première année de médecine dépasse les 80%, il est plus que temps de se poser quelques questions.
Que de fausses routes, ruineuses et inhumaines pour tout le monde, et nos adolescents en tête, seraient ainsi évitées.

 

Os court :
<<Pour que je sache ce que je sais, je dois nécessairement savoir d'abord. >>
Baruch Spinoza

 

Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.

Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html


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