Dans un trio bien républicain des temps révolus, l'instituteur, le médecin et le maire constituait la colonne vertébrale de tout village de France.
Le flirt des médecins et de la politique ne date pas d'hier. Pêle-mêle, les Jean-Paul Marat,Georges Clémenceau,Che Guevara, Bernard Kouchner et Jérôme Cahuzac, ont, à des titres divers, marqué leur époque par leurs activités politiques.
Localement, les médecins ont toujours été très implantés dans la vie sociale. Après le temps des nobles, l'ère des notables a constitué un terrain favorable au prestige des praticiens. Les contacts quotidiens avec une population où l'on vit pendant des années ne sont pas neutres. Si l'état des foies, des coeurs et des articulations des uns et des autres est bien connu, ce que les gens de proximité peuvent penser de leurs élus transparait souvent dans le huis-clos du cabinet médical. Officiellement, on n'y fait pas de politique, mais la politique y est partout, et on y fait et défait (salle d'attente comprise) la politique du coin.
Si le métier de médecin est choisi (au moins de façon consciente et publiquement avouable) par des personnes animées du désir de consacrer leur vie à apporter leur aide à des malades, rien de bien surprenant qu'un jour ou l'autre le virus de la politique locale puisse titiller les blouses blanches. Prendre soin d'une communauté est-il d'une autre nature que prendre soin d'une personne rencontrant la maladie, l'accident ou le handicap dans sa vie ? En tout cas, rien ne semble se contredire. Autour du clocher ou de la mosquée, du temple et de la synagogue personne d'autre ne vit que des anciens, actuels ou futurs malades.
Toute question de culture de l'ego ou de recherche personnelle de pouvoir ou de reconnaissance doit être mise à part, car cela concerne autant les médecins que les autres citoyens.
L'effritement de l'image publique du bon docteur, bien paternaliste, d'antan est une réalité. La transformation des fonctions électives en métier d'homme politique à vie, nécessitant une formation spécifique de type universitaire, met sur la touche des candidats éventuels issus d'une autre formation.
Que cela soit repéré ou occulté par les observateurs de la vie publique, la prochaine campagne électorale municipale est obligatoirement influencée par la vie des cabinets de consultation. Aussi limité soit le temps de la rencontre, jusque sur le pas de la porte, on parle de beaucoup de choses avec son médecin. De médecine, de traitement, certes, mais pas seulement. Ces échanges, qui semblent a priori hors sujet, font toute la richesse humaine de la fonction médicale hors des murs hospitaliers.
Et, curieusement, ils contribuent de façon puissante à la mystérieuse fonction soignante de la personne même du médecin. Vous savez celle que les pharmacologues nomment, sans être capables d'en déterminer la nature, l'effet placebo. Comprendre, comme le dit Balint, que le médecin lui-même est un médicament, avec ses indications, ses contrindications, ses effets thérapeutiques et ses effets toxiques.
Confier le sort de sa commune à une personne dont l'image et le parcours professionnel sont connus de chacun n'est pas plus stupide que de voter pour le candidat désigné par un lointain parti politique, enchaîné par son idéologie fondée sur la division et l'opposition pour assurer son pouvoir.
Puisque nous avons la chance, encore si rare sur la planète, de pouvoir exprimer notre préférence sur ceux qui ont à gérer notre quotidien collectif immédiat, considérons que c'est une fête de mettre notre bulletin dans l'urne. Pas une triste corvée, quoi qu'en disent les ronchons de service.
Bon sang, même si nous ne pouvons plus croire au Père Noël, ne boudons pas notre plaisir. Dans l'étrange climat général de morosité ambiante, de féroce chacun pour soi, de tout pour moi tout de suite, faire (ou défaire) son maire, ce n'est pas rien. Une fête de l'expression personnelle.