Rendre leur liberté aux assurés sociaux en matière de choix d'assurance maladie est non seulement pertinent - voire inévitable au plan économique et européen - mais conforme à l'éthique médicale comme aux valeurs républicaines nationales.
La notion même de "tutelle" du pouvoir sur la sécurité sociale est liée à l'intégration inopportune et ruineuse des dépenses de santé dans le champ des dépenses publiques.
Les difficultés croissantes du financement de l'assurance maladie servent à justifier toutes les dérives autoritaires - illégitimes et malthusiennes - de la part des autorités de "tutelle". Le prétexte est toujours le même : celui d'une maîtrise (jamais atteinte) des dépenses.
Ne faisant jamais l'objet d'un débat public contradictoire, la volonté de régulation de l'offre médicale ainsi que le rôle d'expertise,de contrôle et d'organisation des soins par l'Etat et les organismes payeurs finit par être considérée comme naturelle et inéluctable par les citoyens comme par les économistes de la santé.
La défense des patients et des professionnels de santé pour le respect de leur indépendance et de leur dignité, passe donc par une remise en question totale de l'assurance maladie, avec un changement de cap radical.
- En 1946, dans le paradigme initial de l'assurance maladie, les CPAM (Caisses Primaires d'Assurance Maladie) sont des organismes de droit privé, chargées de gérer de façon paritaire les cotisations des assurés. Faut il le rappeler, il ne s'agit pas de l'argent public mais celui des cotisants ponctionné automatiquement sur leurs salaires (1).
La volonté des créateurs du système n'était donc pas son étatisation ni sa fiscalisation. Il s'agissait d'un système qui se voulait indépendant et proche de la population. Celle-ci était en effet directement représentée au niveau des directions des caisses locales
- Au fil du temps, les difficultés de financement de ce système, d'abord prévisibles puis probables, plus tard préoccupantes jusqu'à devenir insurmontables ont fait passer le système du paritarisme à une sorte de dictature technocratique étatisée. Celle-ci continue à se prétendre solidaire , fonctionnant et se maintenant sur un mode de plus en plus contraignant pour les professionnels comme pour les assujettis sociaux, sans que les problèmes de financement trouvent la moindre solution crédible.
- Le refus d'envisager de façon critique une libéralisation et une privatisation totale de l'assurance maladie est un a priori idéologique. Il ne repose sur aucune réalité économique ni sur aucune valeur éthique. À la fois juges et parties, l'État et les organismes payeurs ne peuvent avoir qu'une vision biaisée de la qualité des soins. L'autorité en matière de santé ne peut, en toute équité, se fonder que sur l'indépendance des soignants et des patients vis à vis de l'État et des organismes d'assurance.
- On ne peut qu'assister à un désengagement progressif et inévitable de l'assurance collectivisée qui s'appuie sur des finances publiques délabrées laissant un boulevard aux mutuelles qui s'y engouffrent . La privatisation, tant redoutée par les tenants de l'assurance maladie dite solidaire, est donc déjà un fait.
Le système mis en place en 1946 est mort. Les médecins libéraux pourraient y voir une évolution historique souhaitable et inévitable, si cette privatisation rampante sauvage et non organisée se faisait avec des garanties pour eux et pour leurs malades.
- L'irruption d'une nomenklatura mutualiste, qui après l'assurance collectivisée ambitionne, à son tour, d'expertiser, de contrôler et d'organiser les soins dans des réseaux, en fonction de ses propres intérêts est totalement inacceptable dans un pays qui se dit démocratique
En conclusion
-Il est indispensable de faire sortir les dépenses d'assurance maladie des dépenses publiques Les cotisations d'assurance ne sont pas de l'argent public à la différence des moyens fiscaux dédiés aux mécanismes solidaires pour les plus démunis.
-L'autorité en matière médicale ne peut être exercée que par une entité totalement indépendante de l'État et des caisses d'assurance quelles qu'elles soient L'offre médicale n'a pas à être pilotée, et surtout pas par l'Etat et les organismes payeurs qui doivent être éloignés de toute mission d'expertise de contrôle et d'organisation des soins.
- Les assurés sociaux doivent avoir le choix de leur assureur maladie
Leur liberté en matière de soins doit être garantie sans qu'une autorité décident pour eux. L'État et les assureurs n'ont aucun droit pour s'immiscer dans le colloque singulier entre patient et médecin.
- Le même degré de liberté de décision doit être réservé aux bénéficiaires de la solidarité d'État, qu'aux autres assurés sociaux.
- L'indépendance réaffirmée des médecins est nécessaire à l'égalité de traitement des citoyens et elle la garantit.
-Les droits du patient sont du domaine constitutionnel, tout comme l'indépendance professionnelle des médecins dont l'état devient, de ce fait, le garant.
- L'État devient le promoteur et le surveillant d'une charte du patient servant de guide à l'accréditation des assureurs dans le domaine de l'assurance maladie.
En pratique, selon moi, les médecins doivent dès à présent manifester clairement leur opposition à l'autoritarisme politico-financier en matière de santé car il est nuisible, inefficace, et totalement contraire à l'éthique médicale.
NDLR :
- 1 :
La cotisation de sécurité sociale comporte deux parties. La part salariale ET la part dite patronale parce qu'elle est payée par l'employeur. Il s'agit d'une fiction comptable : le salaire vrai, c'est celui «charges comprises» qui est facturé au client, et non celui, bien inférieur parce qu'amputé de la part patronale, qui tombe dans la poche du travailleur à la fin du mois. Combien de citoyens ont pleinement conscience qu'il s'agit d'un faux cadeau pour faire semblant de «faire payer les riches» dont ils sont les seules victimes ?
- 2 : Le terme technocrature utilisé dans le titre est un néologisme de la rédaction cherchant à décrire un certain vécu de la situation actuelle du côté des soignants et des soignés.