Un beau matin de commémoration de la reddition de l'Allemagne nazie, je me suis réveillé avec une idée que je n'avais jamais eue auparavant.
Comme rien ne se crée jamais (enfin pour moi, parce que pour les autres, je sais pas) de nihilo, il doit y avoir là-dessous quelques associations libérées, comme le souhaite si bien Max Dorra .
La libération, ce fut, des souvenirs précis m'en restent, la fin des hostilités. « Alors, il n'y aura plus jamais de guerre ? » demanda un galopin de tout juste cinq ans à sa mère. Fin des hostilités militaires, du moins les plus évidentes. Mais aussi, déjà, retour de trains entiers de prisonniers de guerre où les grands tentaient de reconnaître les leurs. Sortir de captivité, c'est ça aussi la libération.
Les affaires récentes des otages retenus en Afrique ont montré que cette réalité demeurait bien trop vivante (1). Les gamines otages de Boko Haram ravivent encore la plaie. Arrêt sur le mot de Boko Haram. Cela veut dire exactement en langue haoussa : « L'éducation occidentale est un péché ». Ouvrons les yeux, une guerre est ouverte. « Boko », c'est la traduction de l'anglais book : le livre.
Le livre, encore le livre. Ceux qu'on a brûlé pendant la Sainte Inquisition pour crime d'hérésie, ceux que les Nazis on fait partir en fumée dès leur arrivée au pouvoir pour réduire en cendres les richesses culturelles issues du peuple Juif, ceux que des extrêmistes, au nom d'Allah, ont détruit à Tombouctou.
Le livre, c'est biblos ( La Bible) en grec. Premier livre imprimé au monde, et même imprimerie inventée pour sa diffusion, juste suivi dans ce classement planétaire par un certain Don Quichotte de Miguel de Cervantes. Mais livre se dit aussi, en langue latine, notre ancêtre, liber.
Libération, cela commence avec les cinq premières lettres signifiant le livre. Le fil de la pensée est là, il suffit de tenter de le dérouler.
Sacré bouquin, tu contiens en toi cette capacité unique de nous faire sortir de nos prisons.
Bien entendu, comme toute invention humaine, on a réussi à faire avec toi les choses les plus extraordinaires dans tous les domaines, comme les plus abjectes et les plus dangereuses. Inutile de faire de la publicité en mentionnant des exemples qui sont dans toutes les mémoires de ceux qui ont le privilège inouï de ne pas rester dans l'ignorance.
Peut-être faut-il alors entendre, de façon un peu différente, ce qu'est une véritable libération. Telle une forme de traitement de l'esprit humain, l'imprégnation, la métabolisation et la progressive assimilation de la « substantifique moele » des livres de qualité constitue le seul remède qui existe contre la douleur de se sentir captif d'une réalité dont on souffre.
Un remède culturel, une médication spirituelle, un enrichissement intellectuel, il y a de quoi faire hausser les épaules de ceux qui sont persuadés qu'en dehors de ce qui peut se vendre et s'acheter ( comme un otage, hélas), il n'existe rien.
Des librairies jumelées à des pharmacies, pourquoi pas ?
Alors ne le lâchons pas, notre fameux livre libérateur, en cultivant ce qu'il convient de nommer un certain équilibrisme.
Tiens, magie de la langue, équi-librisme : à côté de la chose livresque vient d'apparaitre dans ce mot en isme l'ombre d'un cheval.
La plus noble conquête de l'homme dit Buffon, image symbolique particulièrement forte et complexe dans toutes les cultures depuis la préhistoire. Lucky Luke, Zoro et, bien plus encore, Don Quichotte nous ont dit vrai.
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(1) Sur ce site, Coup d'Oeil du 7 au 11 mai 2014, «Quand la connaissance est un crime» F-M Michaut.