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Solution de continuité

11 août 2014
Docteur François-Marie Michaut
lui répondre

Cette expression, utilisée en médecine pour définir une fracture, le plus souvent osseuse, m'a toujours causé un curieux malaise. Comme il faut toujours aller très vite pour engranger vaille que vaille la somme considérable de connaissances indispensables, le carabin que je fus jadis n'est pas allé plus loin que ce ressenti vague. Pas plus d'ailleurs que le praticien en activité, toujours dévoré par le rythme de son activité.
Bon, la continuité, c'est clair. Une chose, quelle qu'elle soit, qui ne connait pas de changement, cela parle à n'importe quel esprit aussi bien qu'une ligne blanche au milieu d'une route pour un conducteur.
   Le mot solution a été si tôt associé à la réponse adéquate à apporter aux fameux problèmes de l'école primaire qu'il est difficile de le débarrasser de la signification de succès. Et, les valeurs scolaires, université comprise, étant ce qu'elles sont... de bonne note à la clé !
Alors comprendre qu'il y a un moyen garanti pour que les choses persistent telles qu'elles sont est une erreur d'aiguillage. C'est bien difficile, il faut le reconnaître, à éviter pour qui n'a pas quelques notions de chimie. Une solution est alors une sorte de soupe d'un corps bien défini dans un solvant adapté. Le café et le sucre par exemple. Solution et dissolution, c'est le même combat.

En vérité, cette vieille histoire purement sémantique, pour ne pas dire anecdotique, est revenue à la surface en creusant la question de la place de la physique dans tout notre univers de la connaissance. Médecine comprise, mais au sens le plus large, puisque c'est la marque de fabrique de ce site. Les premiers pas ici ont été esquissés dans la LEM 872 «Physicians, avez-vous dit ?». Avant le XVIIème siècle et son trio de choc Galilée-Descartes-Newton, nous avions l'habitude de parler de philosophie naturelle, plus exactement, dit le latin, de philosophie de la nature (1).

Le temps passe, les techniques triomphent en notre début de troisième millénaire de l'ère actuelle. Que devient cette fameuse physique, peut-elle toujours servir de phare solide à la pensée scientifique ? Si j'ai bien compris Philippe Guillemant (2), lui-même au coeur de cette discipline, la physique doit faire face à une gigantesque fracture dans sa vision de la réalité qui nous entoure, et dont nous-mêmes sommes faits.
D'un côté, disons pour simplifier, celui de la physique traditionnelle qui nous a nourris à l'école, tout l'univers a débuté par le fameux Big Bang il y a quelques treize milliards d'années. Il est aisé d'imaginer la fabuleuse explosion de «quelque chose» d'extrêmement dense dans le vide absolu. Depuis, les cosmologues, dans leur majorité, nous décrivent un univers matériel en constante expansion. À ce mouvement de dispersion, ils associent, sous le nom d'entropie, une notion à la fois de complexité croissante et de désordre inévitable.
D'un autre côté, depuis bientôt un siècle, la physique des constituants ultimes des atomes ne peut pas obéir aux mêmes lois que celles qui sont appliquées (et avec quel succès) au domaine macroscopique, dont l'homme est un échelon parmi tant d'autres. La compréhension de la physique quantique demeure ardue, tant elle nous semble paradoxale. Une particule qui peut être en même temps là et ailleurs, qui peut être en même temps un grain d'énergie ou de matière, cela fait tourner les têtes. Le fameux chat de Schrödinger de 1935 en est une illustration classique. La continuité (de la pensée de notre existence), pour reprendre notre titre, est rompue. Il est impossible de ne conserver qu'un seul regard.
Quelle solution trouver pour surmonter cette dissolution de la compréhension de la réalité ?

Si vous le voulez-bien, et pour ne pas prolonger à l'excès le supplice du courageux lecteur, restons pour le moment sur cette idée simple. La physique est atteinte d'un trouble des plus gênants, qui, chez les humains serait qualifié de diplopie ( c'est à dire voir en même temps deux images sur la rétine). Quel remède demeure possible, sans sombrer dans le charlatanisme ou l'illusion plus ou moins sophistiquée ?

   Ce sont des interrogations sur lesquelles je vous convierai à vous pencher dans de prochaines LEM, quand le temps des vacances ne sera plus à l'ordre du jour.


Notes :

(1) Sur la philosophie naturelle
(2) Guillemant Philippe, La route du temps, théorie de la double causalité, éditions Le Temps Présent 2014; (357 pages,22 euros)
ISBN 978-2-35185-163-0


 


Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience


Renforcer la compétence


Os court :

«Quiconque n'est pas choqué par la mécanique quantique ne la comprend pas.»


Niels Bohr
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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