Que les médecins ne cessent de chercher durant toute leur vie comment améliorer la qualité des soins qu'ils prodiguent à leurs malades, au lieu de rester figés sur les acquis de leur formation universitaire, devrait sembler une évidence déontologique. Sur ce site, le refrain incitatif est répété chaque semaine : Renforcer la compétence.
Une élémentaire investigation historique montre que les dogmes de l'époque de Descartes, fondant toute la pensée médicale sur les seuls commentaires d'Hippocrate et d'Aristote (cf Molière), ont, depuis belle lurette, volé en éclat. Je n'aurais pas la cruauté de remettre en mémoire la façon dont les sommités médicales du XIX ème siècle ont traité les découvertes de Louis Pasteur, le chimiste non médecin qui osait traiter de la cause des maladies.
Combien de fois n'ai-je entendu quelque admirateur naïf de la modernité médicale vanter les mérites d'un jeune praticien, sous le prétexte qu'il était beaucoup plus au courant des prometteuses nouveautés de la science que ses anciens ?
La peur que les médecins ne fassent aucun effort personnel pour mettre à jour leurs connaissances ( sous entendu, jamais exprimé, qu'ils soient au fil des ans moins «efficaces» et donc, pire que tout, plus dispendieux pour l'assurance maladie) (1) a gagné les sphères administratives et gestionnaires. Cela à un point tel qu'un décret ( Développement professionnel continu des médecins N° 2011-2116 en date du 30 décembre 2011) en précise de façon pointilleuse les modalités, le contenu et les obligations. Pour les plus curieux, la lecture est des plus instructives de... ce qui n'est pas dit.
Le développement, le mot lui-même le dit, c'est le fait de mettre au jour ce qui restait replié jusqu'alors. C'est donc bien plus que l'acquisition de connaissances théorico-pratiques inédites ou de techniques nouvelles.
C'est le diagnostic puis l'exploitation intelligente et personnalisée de virtualités encore jamais utilisées, ni même parfois connues, de chaque personne humaine ayant pour métier de soigner le mieux possible ses semblables. Donc, pour pouvoir développer quoi que ce soit, un savoir, un savoir faire ou, bien plus subtil, un savoir être, il faut que quelque chose soit déjà présente dans les cerveaux. Illusion absolue que penser qu'en partant de rien, il soit possible d'aboutir à quelque chose de palpable.
L'échec patent de multiples tentatives dites de formation (2) touchant des publics culturellement stériles en est la preuve.
Il y a là un état d'esprit et une compréhension des choses qui vont totalement à l'encontre du fameux développement professionnel continu (DPC) qui a été mis en place par le gouvernement, sans entrainer l'adhésion de ses supposés bénéficiaires.
Tout simplement parce qu'il est vide de sens pour des gens de métiers centrés sur la relation humaine et la responsabilité personnelle.
Objectif, améliorer la compétence des médecins ? Personne ne peut être contre. Mais sans perdre de vue qu'aucun développement de ce qui reste plié n'est possible sans un véritable climat de confiance avec la profession et un respect non feint de la conscience de chacun de ceux qui soignent les autres.
Notes :
(1) Le plan Juppé de préretraite, dit MICA, à 57 ans (au lieu de 65) mis en place en 1996 était fondé sur l'idée que les vieux médecins prescrivaient plus que les plus jeunes. Au bout de deux ans, aucune économie n'ayant été constatée dans les dépenses de maladie, il a été brutalement supprimé.
(2) Pour rester dans notre domaine, sous cette rubrique des formations imposées d'en haut, se retrouvent des diplômes universitaires, des actions de prévention et d'éducation sanitaire.
« Si les hommes comprenaient mieux les dangers que comporte l'emploi de certains mots, les dictionnaires, aux devantures des libraires, seraient enveloppés d'une bande rouge : Explosifs. À manier avec soin. »