« En vérité, je vous le dis », ainsi, selon la traduction actuelle des évangélistes, commençaient tous les sermons publics de Jésus. Une ordinaire expérience de pratique médicale au siècle dernier m'a conduit à une affirmation paradoxale : la vérité n'est jamais vraie. Dans le fonctionnement de l'humain, de la naissance à la mort, rien n'est jamais stable, définitif et immuable.
Ce qui est vrai - c'est le sens de vérité - est-il accessible au cerveau humain ? Sommes-nous capables d'avoir conscience et connaissance de l'intégralité d'un aspect de la réalité ? Les limites bien connues des organes des sens ( vision, audition, olfaction, toucher) d'Homo Sapiens sèment le doute.
Les neurosciences et leurs merveilleuses machines à produire des images ne sont pas très bavardes sur cette question. Pas de centre cérébral spécifique, pas de molécule, de neuromédiateur ou de gène «véridique» à nous mettre sous la dent. La pensée matérialiste butte sur un mur, conduisant plus d'un esprit à la conclusion métaphysique désespérante que la vérité n'existe pas. Comme si, bel orgueil anthropomorphique, non atteignable signifiait inexistante.
Il me fut fait cadeau au cours de mes études de volumes de pathologie médicale et chirurgicale des années 1930. Ce qui m'a frappé, c'est que la cause affirmée ex cathedra de pratiquement toutes nos maladies se résumait à la tuberculose et à la syphilis. C'était la vérité du moment, et comme le petit ignorant prétentieux que j'étais, j'ai trouvé que les vieux étaient quand même bien ridicules !
La vérité, et pas seulement dans les enquêtes policières, on en a besoin. On ne cesse de courir après. Un peu comme le navigateur le fait avec la ligne d'horizon. Temporaire, fragile, limitée, toujours remise en question, un peu à l'image du monde du vivant, ainsi nous apparait-elle.
Les religions, c'est leur grande force, se sont toujours présentées comme les détentrices exclusives de la vérité ultime : la Vérité. Il est aisé pour tout humain non inféodé à une révélation de faire le rapprochement entre la notion de Dieu et la notion de Vérité.
Faut-il conclure sur un point de suspension cette lettre en levant nos verres avec la formule bacchique bien connue : In vino veritas ?
Os court :
« De temps en temps, les hommes tombent sur la vérité. La plupart se relèvent comme si rien n'était.»
Winston Churchill
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