Hallucinant spectacle que celui du jeune patron de Facebook, avec son allure d'extra terrestre de cinéma, s'expliquant devant le Congrès américain à propos des détournements de données confidentielles des utilisateurs de son emblématique réseau social. Plates excuses et reconnaissance qu'il y a des failles dans la sécurité mais que nous ne savons pas encore comment y remédier. Qui saura alors ? Marc Zuckerberg affirme que ce sera l'intelligence artificielle qui le fera, cette IA dont tout le monde parle sans trop savoir ce que c'est.
Pour ceux qui ont peu de temps disponible, je suggère un survol journalistique de ce qu'un professeur de médecine parisien (gynécologie), qualifié d'expert, peut en dire.
Il faut bien reconnaitre que cet exposé, au demeurant intéressant, se heurte à un mur. L'IA est présentée comme un système capable de contenir et de manipuler ce que les meilleurs experts d'un domaine médical connaissent. Il n'y a là aucune fabrication possible de nouveaux savoirs. Si quelqu'un vous disait qu'en mélangeant à l'aveugle des acides nucléIques, il pouvait créer de nouvelles formes de vie, vous lui ririez au nez. Le fait, déjà ancien, que les machines soient capables de percevoir des informations inaccessibles aux sens de notre corps humain ne change rien à l'affaire.
L'intelligence est-elle l'accumulation de connaissances de plus en plus précises ? Depuis les encyclopédistes des siècles derniers, on sait bien que non. Est-elle l'habileté à trouver des utilisations encore inédites de ces données ? On sent bien que ce genre de travail ne peut se faire que s'il y a derrière une volonté, une direction. Trouver des armes pour occire ses ennemis ou nourrir les populations affamées, peu importe. Il y a toujours une conscience pour que soit une intelligence. Cette capacité de faire un lien entre les choses.
Le plus troublant, que le lecteur me pardonne cette redite insistante, c'est que la physique de l'information la plus actuelle, malmenant pour de solides raisons théoriques notre classique vision de l'espace-temps et de la matière, est contrainte à faire de la conscience une énergie incontournable (1).
Alors, que l'on nous explique par quel miracle technoscientifique une machine numérique, juste avec ses petits zéro et ses modestes un, peut à un moment donné se trouver dotée de conscience ?
Et là, coup de massue de l'auteur - lui-même, par ailleurs spécialiste international des robots visuels - sur nos confortables systèmes de penser la réalité :
«... en fabriquant des systèmes hyperintelligents nous allons comprendre que la vraie intelligence de l'homme n'est pas dans son cerveau matériel». Précision supplémentaire précieuse pour les soignants :
« Les neuroscientifiques( ...) pensent actuellement que l'intelligence de l'homme est dans son cerveau, car celui-ci renferme des myriades d'interconnections. Or ces interconnexions ne nous servent pas à penser mais à capter toutes les données de notre environnement, à identifier des objets pertinents et à construire une représentation qu'il ne faut pas confondre avec la conscience, ce qui reviendrait à confondre l'image et l'observateur, le contenant et le contenu, etc.» (fin de citation)(2)
On le voit, les arrogants chantres du transhumanisme n'ont pas en main, loin s'en faut, tous les atouts pour déterminer l'avenir de notre humanité bouillonnante.
C'est au public des non spécialistes d'ouvrir les yeux pour que nous ne subissions pas passivement leur course folle vers on ne sait quoi. Lourde responsabilité collective, certes, mais à laquelle il est devenu impossible de se soustraire individuellement sans devenir complice.
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Notes :
(1) Guillemant Philippe, Morisson Jocelin, La physique de la conscience, Trédaniel, 2016, 326 p. ISBN : 978-2-9132-0841-5
(2) opus cité p.232
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Os Court :
« Il n'est d'intelligence que créatrice. »
Amélie Nothomb
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