8 juillet 2019
Une terrifiante comptabilité nous heurte de plein fouet. Celle des femmes qui périssent en France sous les coups de leur partenaire sexuel habituel, actuel ou passé. Il est même question pour le gouvernement de lancer des «états généraux des violences faites aux femmes» ( source : France Info du 7 juillet 2O19).
Serait-ce donc un sujet politique ? Quelques mesures réglementaires ou textes législatifs sévères seraient-ils en mesure d'empécher les meurtriers domestiques d'agir comme ils le font ? Des actions dites de prévention pourraient-elles empécher un seul de ces drames absolus pour des familles entières ? Il est, hélas, facile de ne pas y croire.
L'émotion est grande. Elle est justifiée, même si elle pose la question du silence qui a régné de tout temps (1) sur cette réalité. Faisons l'effort d'essayer non pas de supprimer, cette émotion, car, son nom le dit, elle est une force motrice, mais de tenter de réfléchir au lieu de nous précipiter sur les «mesures» immédiates. Ces hommes, que leurs voisins, leurs camarades de sport ou de travail décrivent souvent comme «sans histoire», comme des gens «normaux» peuvent-ils en arriver à ce paroxysme de fureur destructrice ?
Eux-mêmes ont été des enfants, ont vécu leur vie d'enfant heureuse, malheureuse ou terne. Ils ont fréquenté l'école, le contact avec les maîtres et surtout l'apprentissage sans amortisseur de la cour de récréation. Faites donc un tour vers la cour de l'école des petits proche de chez vous. Observez ce qui s'y passe. Dans un mélange de cris aigus, des mots fusent dans tous les sens. Souvent des insultes ouvertement homophobes, des vociférations à visée provocatrice. Voilà qui contraint les moins habiles à ce sport à utiliser la seule réponse qui leur reste : l'affrontement physique direct, la bousculade et les coups. Il n'échappe à personne que ce sont massivement les garçons qui agissent ainsi, les filles à prudente distance se contentent de se servir de leur langue. Quant aux adultes responsables de cette petite société, ils semblaient de mon temps plus occupés à parler interminablement entre eux, parfois le dos tourné aux enfants, qu'à observer leurs élèves interagir hors de la classe. Vision au trait forcé par l'observateur extérieur, j'en conviens.
Il y a pourtant là des histoires personnelles qui se nouent pour une vie entière. La mode du moment est de parler de harcèlement, de mobbing (2). Comment ne voit-on pas cette déficience manifeste de capacité d'expression verbale chez les petits garçons ? Je ne sais pas quoi ni comment dire à l'autre en face : je frappe. L'autre en face sait dire des choses qui me font mal, faute de capacité de riposte avec des mots adaptés, il ne me reste que la violence physique.
Tout faire, partout où c'est possible, pour encourager les garçons à utiliser leur langue avec autant d'habileté que savent le faire les filles, ce serait impossible, impensable au XXIème siècle ? Bon sang, une des plus extraordinaires caractéristiques de l'espèce Homo Sapiens (3) est de disposer d'un cerveau doté de la parole. Être un «taiseux» n'est pas obligatoirement une qualité, être un «bavard» n'est finalement jamais un défaut. Tout cela semble si simple, si évident, qu'on se demande pourquoi règne encore dans toutes les institutions, et pas seulement l'armée ou les facultés, la loi du silence. Silence, on tue ? Bigre.
Qui peut se vanter d'avoir un jour gardé le silence alors qu'il aurait dû parler ? Qui peut se vanter de ne pas avoir encouragé et aidé un autre être humain à s'exprimer avec... des mots, ses mots ?
|