23 septembre 2019
Feuillets de systémique médicale (9)
Les études médicales nous familiarisent avec la notion de système. De l'embryologie à la physiologie, en passant par l'anatomie et la physiologie, sans oublier la biochimie, notre mémoire se charge d'histoires de cycles et de systèmes s'entrecroisant les uns et les autres. Sans qu'il soit précisé, les barrières entre les disciplines demeurant solidement étanches, s'il existe dans cette machinerie du vivant un ordre. Et si oui, lequel ? Si ce n'est pas le cas, impossible d'échapper à une interrogation gênante. Comment un système peut se créer, s'harmoniser avec les autres, enfin durer un certain temps s'il n'est lui-même que le résultat du hasard. Façon commode de donner un nom (1) à... notre ignorance.
Nous n'avons aucune difficulté, depuis les travaux de Darwin, à admettre que le vivant, depuis ses origines, a une histoire qui évolue sans arrêt (2). Les études de médecine proposent deux modes d'exercice. Soit celui de généraliste sachant un peu de chaque spécialité, en tout cas assez pour orienter une personne qui en a besoin vers un spécialiste. Soit, ce qui est fort prisé des étudiants, la limitation et l'approfondissement d'une pratique limitée à... un système organique bien défini. Un horizon professionnel bien balisé, pourquoi se poser des questions qu'il est si facile de ridiculiser en les traitant de «métaphysiques» ?
Un monde constitué d'une infinité de systèmes obéissant chacun à son propre mode de fonctionnement, avec, des hiérarchies inévitables, des interactions complexes. Pas franchement confortable, ni stimulant pour un quelconque futur à vivre, me semble-t-il. Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On s'enfonce la tête dans le sable ? Quand on a été formé à des études revendiquant fièrement leur soumission inconditionnelle aux lois de la science, c'est la connaissance scientifique elle-même qu'il faut d'abord convoquer à la barre des témoins. Pour nous, plongés dans le vivant et formés comme nous l'avons été, les échos les plus facilement audibles ne peuvent venir que des sphères intellectuelles de la biologie. Deux auteurs contemporains s'imposent, reconnus par leurs pairs comme des gens de haute valeur, même si leurs travaux ne font pas l'unanimité(3).
Le britannique Ruppert Sheldrake, pour le situer rapidement, biochimiste de formation est le père de la théorie de la résonance morphique. La lecture de son livre : Réenchanter la science ( Albin Michel, 2013) est un stimulant remarquable de tout esprit commençant à prendre conscience des limites des technosciences actuelles (4). Voici comment se termine cet ouvrage ( page 388) : « Se rendre compte que les sciences ne connaissent pas toutes les réponses fondamentales conduit à l'humilité plutôt qu'à l'arrogance, à l'ouverture d'esprit plutôt qu'au dogmatisme. Il reste beaucoup à découvrir et à redécouvrir- sagesse incluse.»
Notre deuxième homme est professeur de neurosciences, de neurologie, de psychologie et de philosophie à Los Angeles (Californie). Il se nomme Antonio Damasio et a écrit ( entre autres livres de qualité) : «L'Ordre étrange des choses»(5). Un ordre des choses, mais nous voici sur une piste sérieuse. Un Ordre - avec une majuscule s'il vous plait - cela ne concernerait-il pas également nos mystérieux systèmes ? Selon la même méthode que plus haut, reprenons ici l'ultime phrase du livre (page 345). Mais nous ne disposons d'aucune interprétation scientifique satisfaisante quant à l'origine et à la finalité de ce même univers ; d'aucune théorie expliquant l'alpha et l'oméga de notre réalité. Ces lacunes ont valeur d'avertissement. [...]
Avertissement reçu, rien à ce jour n'existe du côté de la connaissance scientifique pour répondre à notre interrogation. Le cerveau humain dispose-t-il d'une autre source de connaissance qui puise ailleurs ses ressources ? Chacun peut affirmer que c'est pas possible, que ce n'est pas logique, que ce n'est pas crédible. Il ne s'agit alors que d'une croyance, aussi répandue soit-elle.
Ne pas trouver du côté de la science incite un esprit curieux à aller voir ailleurs. Bien entendu, sans ignorer les risques certains d'égarement des explorations en terrains inconnus. Je proposerais alors de pousser les feux de la curiosité vers une oeuvre exigeante qui a réussi à démontrer, en s'appuyant sur les apports solides des sciences reconnues autant que sur une exploration des grandes traditions initiatiques du monde entier qu'une convergence entre tous ces savoirs existe. Les dangers de notre évolution humaine en soulignent la pressante nécessité. Dominique Aubier (1922-2014) a consacré sa vie à nous montrer qu'il est possible de penser que notre réalité est dirigée par ce qu'elle nomme le Système absolu. Tant pis si l'adjectif et les majuscules font peur, si la lecture est ardue, si les références peuvent dérouter, si le style n'est pas celui des écrits scientifiques. Il ne faut plus passer à côté malgré les conservatismes. Nos descendants nous en feraient le reproche. Un gros ouvrage en deux tomes existe, incomparable à aucun autre écrit : La Face cachée du Cerveau. Aux têtes scientifiques de s'emparer de ce travail et de débattre pour savoir si - oui, non, ou on ne sait pas - notre cerveau humain (6) correspond à ce qui pourrait être le système des systèmes.
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