27 janvier 2020
Un personnage douteux n'attire pas la sympathie des foules. Pas plus que des manoeuvres douteuses n'incitent à la confiance. Et, par décence, laissons de côté ce que peut ressentir un soignant devant les preuves objectives de l'hygiène défaillante du patient dont il a la charge. Le doute, un sentiment bien peu agréable quand périt, à tort ou à raison, la confiance en quelqu'un ou en quelque chose.
Alors faudrait-il jeter à la corbeille à papier ce qui tue la confiance, ce ciment indispensable à tous les échanges humains ? De grands panneaux publicitaires un peu partout : ici il est interdit de douter. Et pourquoi pas des lois contraignantes pour une société se voulant parfaite?
Nos prédécesseurs, faute de trouver des arguments dans les Saintes Ecritures qu'ils fréquentaient, convoquaient facilement à la barre les antiques. Faute d'Hippocrate contentons-nous de son complice Aristote : « Le doute est le commencement de la sagesse» . La piste du doute comme une méthode pour, restons modestes, progresser vers un plus de sagesse, ce n'est pas sans intérêt. Le je sais que je pense parce que je constate que mon esprit est capable de douter de René Descartes dans les prémices de son Discours de la méthode est à prendre en considération.
Il est superflu dans ces lignes de faire l'apologie de l'extraordinaire productivité du mouvement scientifique mondial qui s'est inspiré de la méthode cartésienne depuis le XVIIème siècle. Toute découverte scientifique, toute amélioration de ses applications techniques n'ont qu'un détonateur unique. La mise en cause de ce que pensions exact auparavant. La fin rituelle de toutes les publications scientifiques le proclament. Des études complémentaires doivent être réalisées pour affiner et confirmer ce qui vient d'être prouvé par les chercheurs. La pensée scientifique l'exige autant que l'intérêt personnel des chercheurs. C'est sa justification sociale même qui est en jeu : une recherche infinie de nouvelles connaissances.
Hélas, la pensée scientifique se heurte à une frontière absolue que lui impose sa méthode. Elle est incapable de franchir la limite qu'elle s'impose. Pour résumer : ne peut être scientifiquement admis que ce qui est scientifiquement, donc expérimentalement, étudiable et prouvable. Cela suppose un dogme (1). La seule réalité possiblement accessible à nos cerveaux est celle que peut étudier la science.
Ce parcage de la pensée nous contraignant dans un univers mental de déterminisme matérialiste est heureusement mis en question par de solides esprits scientifiques (2).
Si savoir douter est une nécessité pour que se fasse le travail de la connaissance scientifique, personne normalement informé ne peut le contester. Est-il alors logiquement défendable que toute forme de connaissance humainement accessible doive demeurer cantonnée dans les limites de ce que le physicien Philippe Guillemant (3) nomme « le parc de la pensée» ? La sagesse, comme l'esprit, l'inventivité ou le talent, sont-ils des grandeurs scientifiques mesurables ? Devons-nous, pour autant, les considérer comme quantités négligeables ?
« Comment peut-on identifier un doute avec certitude ? »
Raymond Devos
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