18 janvier 2021
Bien académiquement, partons d'une définition empruntée au bavard Wiki : « L'ignorance est un décalage entre la réalité et une perception de cette réalité, décalage qui est la conséquence d'une croyance, d'un préjugé, d'une illusion ou d'un fait avéré de ne pas savoir ».
Quelle que soit la façon de le dire, nous vivons depuis un an sur toute la planète un retour de bâton culturel jusqu'alors inimaginable. Un insignifiant virus s'introduit dans notre machinerie humaine et toute la vie habituelle que nous pensions si solide s'effrite. Et pourtant, que nous étions fiers de notre niveau de connaissance du monde où nous vivons de plus en plus nombreux (1). La médecine, pour rester dans notre domaine, laissait entendre aux populations qu'elle maitrisait désormais pratiquement toutes les maladies infectieuses. Avant de terrasser définitivement les autres maux nous faisant passer de vie à trépas.
Rien, en vérité, ne semblait pouvoir nous résister, grâce aux merveilleuses applications techniques des sciences (2). Les discours autour de la santé, et des sciences en général, laissaient majoritairement entendre qu'en injectant encore plus de moyens matériels et humains (3) que nous ne faisions, nous allions vers une vie merveilleuse et de plus en plus allongée. Le journaliste François de Closets envoyait déjà en 1982 - bien que dans un autre domaine - un titre claironnant : « Toujours plus ! » (Grasset).
La pandémie nous a mis, sans le moindre ménagement, le nez dans quelque chose de malodorant. Notre ignorance. Une méthode scientifique hissée au rang de valeur insurpassable des capacités de compréhension du réel se révèle ce qu'elle est. Non pas une sorte de machine à produire des certitudes, des vérités, mais un cheminement sans fin, une remise en question obligatoire de tout ce qui a été exploré auparavant.
La notion même d'urgence sanitaire utilisée indique notre désarroi. Vite, agir. D'incertitudes et de temporisations imposées par les esprits authentiquement scientifiques, les responsables de l'état de santé d'une population ont la mission de répondre collectivement dans l'immédiat aux dangers encourus par chacun. Cela ressemble fort à ce qu'en aéronautique on nomme la navigation aux instruments. Sauf qu'ici, il n' y aucun instrument pour déterminer comment peut et va évoluer la relation entre les organismes humains et les coronavirus. Heureux généraux antiques qui ne livraient jamais bataille avant d'avoir consulté leurs auspices.
La religion scientifique ( qui n'est pas la science vraie) en déconfiture n'est pas la boussole salvatrice dont rêvait notre Premier Ministre, parce qu'elle n'a aucun moyen solide (4) de prévoir ce qui sera demain.
Notre ignorance butte sur les limites que se donne à elle-même, et fort judicieusement, la science.
Terminons de façon positive. La prise de conscience massive de notre ignorance est que nous venons de gagner une grand bataille au moment où nos façons d'agir depuis des siècles mettent le vivant en danger très proche d'extinction. Nous savons que nous sommes ignorants de la façon dont les choses se passent, ou ne se passent pas. Nous avons enfin franchi le temps de la croyance au père Noël.
Alors, si nos cerveaux ne se sont pas atrophiés dans l'épreuve que nous vivons, mettons-les à contribution avec les yeux ouverts. Notre évolution est entre nos mains, rien de plus, rien de moins.
Os court :
« L'ignorance des causes qui nous déterminent nous laisse croire que nous sommes libres . »
Baruch Spinoza
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