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Hebdomadaire électronique francophone de santé - 23 novembre 2001
Un jour fixe de la semaine, les femmes du Burkina Faso n'ont pas le droit d'aller faire leur marché. Ce jour-là, cette tâche est exclusivement réservée aux hommes, comme celle de s'occuper des enfants. Ensuite aux femmes burkinabèes de raconter avec beaucoup d'humour les mésaventures de leurs maris, en particulier lorsque ceux-ci accusent, à tort, les femmes du marché d'augmenter discrètement les prix quand ce sont eux, qui viennent faire les courses. En vérité, ils n'ont aucune idée de la valeur des produits, qu'ils doivent acheter.
En entendant les premiers mots de ce reportage à la radio, j'ai pensé, qu'une fois de plus les femmes étaient discriminées. Quel soulagement et quel amusement en entendant la suite, quel enseignement aussi nous donne ce petit pays d'Afrique dans sa façon de vouloir résoudre concrètement le problème de la réévaluation du statut de la femme et de sa place essentielle au sein de la famille ! Quelle bonne idée toute simple, d'apprendre aux « hommes » à reconnaître les « femmes » en leur faisant partager, ne serait-ce qu'une fois par semaine, un peu du lot quotidien de celles-ci !
Reconnaître l'existence de l'Autre, qu'il soit homme ou femme, est devenu si difficile dans notre monde occidental, anesthésié par les désirs de carrière, de profit des uns et des autres, le mobbing et l'égoïsme. Pourtant les événements nous le montrent, sans solidarité notre monde ne survivra pas. Quelle solution pourrions-nous trouver, nous les Occidentaux, pour résoudre ce grave problème de l'indifférence allant jusqu'à l'ignorance voulue ou non de l'Autre ? Comment faire pour redonner l'envie de dialoguer et de partager, comment faire pour que chacun prenne ainsi conscience de sa responsabilité envers l'Autre, non seulement à l'échelle de la politique internationale comme cela est nécessaire en ce moment à cause du terrorisme mais aussi à une échelle « individuelle » dans notre vie de tous les jours ? Les émotions positives vécues en commun ont tellement plus d'impact que les grands discours.
Quel grand bol d'oxygène m'a apporté cette petite anecdote avec son air de conte africain, plein de bon sens et de leçon de morale ! Espérons que les Burkinabès continueront sur leur lancée. Malgré les nombreuses ethnies, le pays est un des plus stables économiquement et politiquement de l'Afrique. A propos, Burkina Faso veut dire : Pays des Hommes Intègres !
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Hebdomadaire électronique francophone de santé - 30 novembre 2001
Comment nous y retrouver ? Quand nous avons du coeur, ce n'est pas le bon, et il n'est pas bon d'avoir du coeur. On ne fait pas avec ce que l'on est, mais il faut être en fonction de ce que l'on fait. On veut nous mettre un coeur artificiel. Le clivage entretenu dans notre société entre ce qui doit être effectué avec et ce qui exige d'être effectué sans coeur nous maintient dans une contradiction paralysante. Dans le monde du travail, la performance élimine le coeur, alors que le social et l'humanitaire sont là pour nous rappeler de façon coupable que nous en avons un, qui a le droit de se manifester dans un cadre déterminé et organisé.
Nous sommes toujours mis en pleine contradiction, toujours coupables de ne pas être ce qu'il faudrait. L'impression d'impuissance qui découle de cette contradiction pousse à l'inaction, et permet à d'autres de nous dicter notre conduite, de parler et d'agir en notre nom pour le bien de l'humanité.
Dans ces conditions, mieux vaut ne pas agir dans une société où l'on est toujours en contradiction interne. Alors, puisque nous n'agissons pas, nos responsables s'en chargent à notre place.
On veut nous mettre un coeur artificiel, comme si nous n'étions plus capables de réagir entre nous avec coeur. On veut nous faire croire que nous n'en n'avons pas, en menant en notre nom des activités charitables. Quelle perversion , jouer ainsi avec notre coeur pour nous faire croire que nous n'en n'avons pas.
Hebdomadaire électronique francophone de santé - 6 décembre 2001
Le bruissement clinquant de la mode médiatique, avec ses excès coutumiers,s'apaise. La question de la santé des personnes au cours de leur vie professionnelle s'éloigne bien vite pour laisser la place aux étranges péripéties politico-socio-financières de l'instauration des 35 heures hebdomadaires du travail salarié en France. L'enquête publiée par Marie-France Hirigoyen , psychiatre ( Malaise dans le travail, harcèlement moral, démêler le vrai du faux, Syros 2001) est cependant éloquente. Les personnes de plus de 50 ans sont plus souvent victimes de manoeuvres de harcèlement moral que les plus jeunes de la part des entreprises. Principalement parce qu'il est bien plus économique d'obtenir leur démission que de procéder à leur licenciement légal. Sait-on dans le public que l'amendement Delalande oblige dans ce cas les employeurs à verser une contribution à l'Etat ? Tout comme les médicaments, les remèdes sociaux et juridiques à de vrais risques peuvent aller à l'encontre du louable objectif recherché. La vieille balançoire de cet enfer qui est pavé de bonnes intentions n'est peut-être pas périmée.
Comme dans toutes les formes de violence, des plus évidentes aux plus subtiles, l'égalité des sexes ne parait pas se vérifier. Il serait question, dans cette enquête, de 70% de femmes victimes contre 30% d'hommes. Bien que tout le monde s'en défende dans les déclarations publiques, le machisme n'est pas mort. En creusant encore un peu les caractéristiques des personnes dont l'intégrité psychique, et souvent somatique, est menacée par le management pervers des entreprises, on va de surprise en découverte.
Le code pénal punit les discriminations religieuses ou raciales dans le travail comme partout ailleurs. Comment alors se débarrasser de collaborateurs noirs, juifs, arabes ou boudistes sans enfreindre la loi, sinon en les contraignant à démissionner d'eux-mêmes ? Ailleurs, il suffit que vous soyez homosexuel, roux aux cheveux longs ou délégué syndical pour que votre "singularité" , votre "altérité"soit insupportable aux yeux de certains responsables.
La frontière de l'intolérance s'arrête-t-elle là ? Malgré le pourcentage obligatoire de recrutement de travailleurs handicapés, toute maladie ou toute infirmité vous expose encore plus que les autres au harcèlement moral. Les services publics, et plus encore les associations, et particulièrement à but caritatif, semblent favoriser ces types de comportement. Les métiers de la santé sont également en première ligne. Dans une étude effectuée auprès de 1000 soignants du sud-est de l'Angleterre, 38 % des soignants, administratifs et personnels non qualifiés ont subi une ou plusieurs formes de harcèlement moral. Et, excusez du peu, 42 % ont été témoins de comportements tyranniques à l'égard de leurs collègues.
Hebdomadaire électronique francophone de santé - 14 décembre 2001
C'est ce qu'affirme Bart Kosko, un Américain. Pour lui fuzzy logic et nanotechnique vont nous ouvrir les portes de l'éternité. La fuzzy logic ou logique floue a déjà permis de créer des robots capables d'imiter d'une façon encore rudimentaire la pensée humaine. La nanotechnique, qui s'appuie sur la science de l'infiniment petit, permet, elle, de fabriquer des microchips, que l'on peut "implanter" dans le corps humain. Ces "micropuces" se composent d' éléments en majorité organiques. L'épaisseur de la couche de silice nécessaire pour les rendre conductibles est si infime que 2 grammes de cet élément suffiraient à couvrir la surface entière d'un terrain de football. Le backup est là, imparable : des microchips animés par la fuzzy logic et hop ! les cellules régénérées font marche arrière, retrouvent leur première jeunesse et nous avec !
Tout en me promenant, je pensais et repensais à cette métamédecine, quand un spectacle, que je n'avais encore jamais pu admirer, attira mon attention : le ballet d'une petite hermine blanche. Elle bondissait, furetait, se redressait avec une grâce et une souplesse inimitables. Après l'étonnement et l'émerveillement, j'ai eu cette idée bizarre de m'imaginer cette petite hermine en fourrure synthétique, bourrée de microchips et dansant ainsi, guidée par je ne sais quel programme d'ordinateur. J'en ai rapidement conclu que je préférais être mortelle et pouvoir admirer le spectacle de la vraie nature, plutôt que d'avoir la vie éternelle et de n'être plus que dans un monde artificiel.
Le clonage, les microchips, la robotisation peuvent apporter à la médecine des solutions pour des maladies demeurées jusque là incurables. Ces nouvelles techniques apporteront sûrement un soulagement, au niveau des diagnostics et des traitements, mais cette recherche est-elle contrôlée par des organes extérieurs, sans buts commerciaux ou est-elle laissée à la bonne morale de ses chercheurs ?
Le chirurgien italien qui voulait cloner un embryon humain, s'est vu mettre sur la touche par ses collègues internationaux. De même certains chercheurs ont émis des craintes en ce qui concerne l'usage abusif, que l'on pourrait faire, de la nanotechnique moléculaire. Devons-nous nous en remettre simplement à la bonne morale des médecins ou des chercheurs ? Faut-il que les politiques s'en mêlent ? Pour le clonage, des lois ont été promulguées dans plusieurs pays mais pour les recherches sur la robotisation et la nanotechnique, qui mettent en jeu, il ne faut pas l'oublier, tellement d'argent, rien n'a été fait. Puissent les générations futures pouvoir encore jouir du spectacle de la nature, vive cette petite hermine blanche à panache noir qui a su me montrer , alors que j'étais fascinée par ces nouvelles technologies, combien le miracle de la vie est grand !
Sites et bibliographie: http://www.spirtech.com/flv/nano/ http://www.nrc.ca/nanotech/about_f.html http://www.foresight.org/NanoRev/FIFAQ.html http://www.flll.uni-linz.ac.at/pdw/fuzzy/fuzzy.html http://www.austinlinks.com/Fuzzy/basics.html
-Nanobiotechnologie auf einen Blick. Von Uwe Hartmann. Innovation Centre Calipari, NanoBioTechnology, Frau Katia Calipari, Franz-Roeser-Straße 9, D-66119 Saarbrücken. - SCIENTIFIC AMERICAN, deutsche Ausgabe, Spektrum der Wissenschaft Spezial 2/2001, Nanotechnologie Postfach 104840 D-69038 Heidelberg - Nanosystems: Molecular Machinery, Manufacturing and Computation, K.Eric Drexler, John Wiley & Sons - Die Zukunft ist fuzzy. Unscharfe Logik verändert die Welt. Bart Kosko, Piper Verlag (München) - The Fuzzy Future: From Society and Science to Heaven in a chip. Bart Kosko. Crown Publishing Group (NY)
Hebdomadaire électronique francophone de santé - 20 décembre 2001
Il est fatigué ce soir , le Docteur MARTIN . Comme d'habitude , il s'est levé tôt pour les visites programmées avant la consultation . Plus deux urgences non prévues . Et la consultation . Un déjeuner frugal avec un oeil distrait sur la presse médicale , et c'est reparti pour les visites à domicile , souvent injustifiées , mais << vous comprenez Docteur , si on prend le taxi ça nous coûtera plus cher que de vous faire venir , alors . . . >> . Alors il y est allé , comme il le fait depuis trente ans dans ce fichu pays de hauts plateaux où on crève de chaud en été et où on pèle de froid en hiver . Pas un confrère dans un rayon de 20 kilomètres . Impossible de trouver un remplaçant , même à prix d'or . D'astreinte permanente depuis trente ans . Une galère . Et avec ça , les RMO ( références médicales opposables) , la CMU ( couverture maladie universelle) , la télétransmission qui ne fonctionne pas , les fonctionnaires qui fonctionnent pour vous empoisonner l'existence , le dossier informatique , le droit des patients ( et celui des médecins , hein ? ) .
Ce soir , il va faire sa dernière visite . << parce que c'est pas que ça soye urgent , mais la grand-mère elle a plus de médicaments >> . Vas-y , toubib , puisqu'on t'a sifflé . C'est là-haut , sur le plateau , à vingt bornes . Il neige depuis ce matin . La route est hyper-glissante , mais il en connaît chaque courbe , chaque piège , ou presque . La grand-mère ne va pas plus mal . Tout en rédigeant l'ordonnance , le Docteur MARTIN demande des nouvelles du petit dernier , celui qu'il avait soigné voici peu pour une bronchite asthmatiforme . Les parents embarrassés : << faut pas nous en vouloir , Docteur , mais on a pensé que pour la grand-mère vous pouviez encore faire l'affaire , mais pour le gosse on a préféré aller voir un plus jeune , un "espécialiste" de la ville >> .
Il ramasse ordonnancier et stylo et s'en va en claquant la porte , sans empocher son dû . S'engouffre dans sa voiture et démarre en trombe . Se prend à soliloquer : << Petits morveux ! Lui , je l'ai mis au monde sur la table de la ferme . Et je ne serais plus assez bon pour soigner son rejeton ? >> . Met le chauffage à fond , sa cassette préférée dans le lecteur , tente de se détendre . << A quoi bon se mettre dans cet état ? >> . La nuit est superbe , le ciel s'est dégagé , une belle nuit de pleine lune , cristalline . Et il se prend à rêver : << arrivé chez moi , je vais chausser mes pantoufles , dire à mon épouse de me servir un scotch au coin du feu , et lui annoncer la grande nouvelle qu'elle attend depuis des années : on prend notre retraite ! Demain , petite annonce dans le Généraliste et le Quotidien du Médecin , et à nous la belle vie , on l'a bien gagnée >> . C'est alors que la roue avant droite heurte un gros caillou qui n'y était pas d'habitude . Crevaison . Le copain cardiologue consulté quelques mois plus tôt au CHU lui avait bien dit à l'issue de son électrocardiogramme d'effort : << pas d'efforts violents . En cas de crevaison , pas question de te dépanner toi-même . Tu dois te ménager , tes coronaires sont usées >> . Appeler le dépanneur par le portable : batterie usée . Trouver du secours sur place . Descend de voiture , ferme la voiture à clef , relève le col de sa parka , et cherche un signe de vie , une lumière . . . Rien . Revient à la voiture , actionne désespérément le klaxon . Rien . << Sont tous devant leur télé . Quant il s'agit de me déranger à n'importe quelle heure de la nuit , ils savent bien me trouver , mais pour une fois que j'ai besoin de leur aide , personne ! >> . Seule solution , continuer à pied . Plus que deux ou trois kilomètres . Il passe devant la grille du cimetière , celle du haut car la route décrit une large boucle en descente , et passe ensuite devant la grille du bas . Couper par le cimetière ferait un sacré raccouci . Il pousse la porte , qui résiste , et finit par s'ouvrir avec un sinistre grincement . Et le voici dans l'allée centrale , dans ce lieu éclairé par la pleine lune où il n'était jamais venu . N'étant pas originaire du Canton et n'y ayant pas de famille , nullement enclin à accompagner ses patients jusqu'à leur dernière demeure , ce lieu était le seul où il n'avait jamais mis les pieds . Quel choc ! Sur presque chaque tombe , un nom familier , un souvenir . Tous ces morts , autant de certificats de décès qu'il avait signés , mais aussi autant d'échecs face à la maladie . Angoisse métaphysique : << je croyais être un bon médecin , je ne suis qu'un imposteur , un incapable >> . Il ne veut plus voir tous ces noms . Il presse le pas . Déjà apparaît la grille du bas , au bout de l'allée .
Et soudain une voix sourde , caverneuse , une voix d'outre-tombe semblant venir de sous la terre : << Docteur , Docteur . . . >> . Il se dit qu'il est victime d'une hallucination auditive , à moins qu'il ne s'agisse d'acouphènes ? Vraiment le moment de prendre la retraite ! Et voici que ça remet ça : << Docteur Docteur . . . >> . C'est ici , sous cette tombe , la terre est fraîchement retournée . C'est la tombe du Père Jules , décédé voici quatre jours . Le bon Docteur ne peut s'empêcher de l'engueuler une dernière fois : << Toute ta vie tu m'as empoisonné l'existence , et maintenant que tu es dans le trou ça continue ? >> . Et la voix de répondre : << Docteur , vous n'auriez pas quelque chose contre les vers ? >> .
Lettre d'Expression médicale n°222 Hebdomadaire électronique francophone de santé - 4 janvier 2002
Ce n'est peut-être pas la saison mais c'est la période, au moins des voeux, et si ce n'est pas la période c'est l'occasion, en tout cas celle des cadeaux est arrivée pour bien des corporations, des professions, des personnes dans le besoin. Vous ne m'en voudrez pas de reprendre éternellement la même idée, qui m'apparaît maîtresse : si un seul homme politique, ou bien évidemment une femme, proposait dans son programme "notre pays ne pourra être fier, digne, respectable, que si l'on dirige tous les efforts vers la Justice, la Sécurité, l'Education, la Santé, qui sont les priorités de l'humanisme" elle ou il recueillerait l'approbation de la population, en dépit des grincements de dents des financiers et boursiers.
Madame Guigou est certainement une personne respectable, elle porte des tailleurs élégants, a vite réalisé qu'une coiffure lisse et de bon aloi lui convenait mieux que les frisotis excentriques. Un magazine titrait récemment "le Conseil Constitutionnel renvoie Elisabeth Guigou dans ses buts". Si le financement des 35 heures par les présumés excédents probablement très fictifs de la CPAM (1) la renvoie effectivement vers ses dossiers, les habitants d'Avignon lors des dernières législatives avaient eu la fierté de la remettre dans son canapé habituel, les récents événements obligent Marilyse Lebranchu à revoir la copie d'Elisabeth sur la présomption d'innocence, l'association AARPEC qui défend les débirentiers contre l'absurdité de la nouvelle loi de la même ministre alors Garde des Sceaux sur la réforme des prestations compensatoires de Juin 2000 a démontré dans un livre blanc que, dans 62 cas sur 101, cette loi modifiée s'était révélée inapplicable par suite d'une grossière erreur de rédaction. La confiance s'effrite pour le moins... Et l'on se prend à imaginer que les habitants, aux dernières nouvelles ceux d'une banlieue Nord Est de Paris, qui retrouveront Madame Guigou dans sa quête désespérée d'un reclassement professionnel de ministre en député, auront la même logique de lui indiquer la route du retour vers ses terres d'origine et les vacances.
Aucun objectif dans ces propos de frapper une cible spécifique. Non, le but est d'attirer la conscience sur un fait notoire : les policiers ont pu rencontrer chez leur ministre Daniel Vaillant une écoute aboutissant à un résultat. Les gendarmes, les Pompiers de Paris de même avec leur ministre Alain Richard. Si on se trouve en contact avec des enseignants, on réalise aisément que, cette année, les candidats des IUFM (2) même très loin en liste d'attente sont appelés en dépannage pour occuper les postes d'enseignants vacants, ordre de leur ministre Jack Lang. Reste le monde de la Santé. Si l'hospitalisation publique et privée ont reçu leurs cadeaux de Noël de leur Ministre Elisabeth Guigou, dès lors qu'il s'agit des libéraux, sans la moindre augmentation d'honoraires depuis plus de cinq ans !!!, des internes, "vrais-faux médecins" laissés pour compte, des praticiens à diplômes étrangers, il ne se passe rien. Rien. Car alors est mise en action cette manoeuvre favorite des gouvernements depuis des décennies. En matière de Santé, il y a un "vrai" ministre, débordé régulièrement sous les dossiers d'emploi, de solidarité, d'affaires sociales, et un "faux" qui est là pour calmer, faire joli, faire semblant. Nous aurons eu la transparente et météorique Elisabeth Hubert, six mois de légèreté diaphane, le distingué et très poli Philippe Douste-Blazy, dérivé aussitôt vers la Culture, très seyante, et à plusieurs reprises le coriace Bernard Kouchner. Ce dernier a, en privé, au moins l'immense qualité de la lucidité, avouant que, de toute manière, que ce soit sous René Teulade ou Elisabeth Guigou, s'il réclame quoi que ce soit, la réponse de Papa ou Maman est "referme très vite ce placard aux confitures et arrête de rêver", ou bien "laisse ce frigidaire clos, et si tu touches une seule fois aux chocolats tu en prends une sur chaque joue !!"
Professionnels de santé comme usagers de soins, posons-nous la question avec la même lucidité : pourquoi la Justice, l'Education, la Sécurité, ont-ils, eux, de véritables ministères, depuis des lustres, quand la Santé est représentée par un imbroglio théâtral, comme une sorte de multinationale autorisant tous les trafics et toutes les embrouilles ? Deux réponses envisageables. Soit celle qui hurle aux professionnels qu'ils sont des farceurs irresponsables, dépensiers sans conscience économique, doux rêveurs humanistes et irréalistes. Soit celle qui crie à la population que la Santé ne compte pas, aux deux sens de ne pas entrer véritablement dans un budget car sans importance réelle, ou de trop coûter pour se montrer capable de discernement et de mesure. Et si les gouvernements, depuis des décennies car il en est ainsi depuis plus de vingt ans, estiment si peu le domaine de la Santé, en ne lui attribuant jamais une compétence unique pour sa gestion, ses décisions, sa politique, c'est que d'une part au nom de leur humanisme obligatoire et rappelé à l'occasion les professionnels persisteront dans toutes les conditions à traiter, à soigner, à écouter, à aider, eux, et que d'autre part les êtres humains en souffrance n'ont pour le monde politique aucun, mais vraiment aucun intérêt. Dans intérêt il y a ce que rapporte un placement, et ce qui mérite attention..... _________
Notes de la rédaction à l'usage de nos lecteurs non français. (1) Caisse primaire d'asssurance maladie, principal assureur maladie obligatoire des salariés en France. (2) Instituts universitaires de formation des maîtres qui assurent la formation des instituteurs dits désormais par l'administration professeurs des écoles _________
Lettre d'Expression médicale n°223 Hebdomadaire électronique francophone de santé - 10 janvier 2002
Les affrontements chroniques entre les différentes catégories de soignants et les pouvoirs politiques et administratifs en France ne doivent pas accaparer tout notre champ de vision. Aussi importants soient-ils pour les praticiens et les patients, ils ne sont qu'anecdotiques. Les échos que nous pouvons avoir sur la LEM ,et ailleurs, sur ce qui se passe dans les autres pays du monde montrent que nous ne vivons pas une exception nationale. Partout dans le monde, les hommes politiques ont un énorme problème à régler avec tous ceux dont l'activité touche de près ou de loin à la santé des hommes. Si on veut bien prendre le temps de la réflexion et sortir des discours habituels, il est possible de penser dans son ensemble ce qu'Yves Adénis-Lamarre a fort justement défini dans son message sur Exmed du 6 janvier comme " l'origine du malaise".
Le monde dans lequel nous vivons est radicalement différent de celui qu'ont connu nos ancêtres. Nos actions pour améliorer la vie quotidienne, ce qu'on nommait naguère dans nos campagnes - avec la foi du charbonnier - " le progrès", ont bouleversé la vie humaine elle-même. Cette confiance est-elle encore possible ? L'essor démographique en est un des éléments les plus manifestes. Le recul de la mortalité maternelle et infantile, qui hélas continue ses ravages dans les pays les plus misérables, est une réalité. Le fait que l'on ne meure plus principalement des maladies infectieuses, et que de grandes endémies aient notablement reculé, à qui le doit-on ? Que dans beaucoup de pays on se nourrisse mieux, que l'on s'y chauffe mieux, que l'on y dispose de plus de moyens de se distraire, que l'on y ait accès à de plus en plus de connaissances dans tous les domaines, cela change vraiment la vie et en allonge la durée. Notre vie à nous qui avons la chance d'en bénéficier.
Nous sommes allés beaucoup plus loin que cela dans les changements que nous avons imposé à nos sociétés modernes. Les professionnels de la santé, au sens le plus large du terme, ont entraîné par la mise en oeuvre de leurs techniques de nouvelles définitions de la vie, de la mort, de la famille, de la sexualité, du handicap, de l'éthique. Avons-nous pris pleinement conscience du fait que c'est nous les professionnels, et nous seuls, qui imposons unilatéralement ces modifications à toutes nos sociétés ?
Alors sous nos yeux, comme s'il fallait courir après ces innovations, tout semble se médicaliser sous nos yeux, la justice, l'éducation, l'art et l'action politique. Que cela agace ou non les professionnels n'y change rien. Un drame est pourtant là, tellement évident que nous avons du mal à le percevoir. Le pouvoir politique est mis devant le fait accompli de ce que nous, nous mettons en oeuvre. Son rôle se rétrécit à celui, très secondaire, de gérer du mieux qu'il peut les modifications du monde des hommes que nous lui imposons par nos innovations, découvertes et techniques. Est-il bien raisonnable de continuer sur cette voie où un ensemble de professions bien structurées, rassemblées autour de la santé des hommes, imposent à tous de leur propre initiative, et sans aucun débat démocratique préalable, les seuls vrais changements de nos sociétés ?
Os court : « Journal : institution incapable de faire une différence entre un accident de bicyclette et l'effondrement de la civilisation ». G.B. Shaw
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