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Lettre
d'Expression médicale n°236
Hebdomadaire
francophone de santé
8avril 2002
La
liberté d'expression, c'est la santé
Dr Marc
Arazi
L'homme
est au bord des larmes. L'émotion l'étreint. Cet homme
au physique d'instituteur,au petit bouc triste, raconte comment
pendant la guerre d'Algérie - "tout simplement"
- il va participer comme des milliers d'autres à des actes
de tortures odieux. Comme cela, tout simplement. Pour faire comme
tout le monde. Pour ne pas être montré du doigt. La
scène se répète encore et encore avec de nouveaux
visages, avec d'autres histoires mais toujours avec la même
réalité, avec la même horreur.Trois reportages
sont passés sur la chaîne France 3 il y a quinze jours
pour relater une histoirequi date de quarante ans. Une histoire
laissée dans un placard bien fermé, que personne n'avait
vraiment envie d'ouvrir. Une phrase résonne à mes
oreilles. "Cela a gâché ma vie". L'homme
triste a tout dit. Il est peut-être entré sur le chemin
de l'apaisement avec lui même. Mais pourquoi avoir attendu
quarante ans pour oser dire ? Quel temps perdu. Quel gâchis.
Retrouver
la confiance:
Cela me renvoie à l'importance du travail d'information et
au rôle majeur des médias et tout particulièrement
de la télévision. Quels sont les critères observables
qui peuvent suggérer un minimum d'objectivité en matière
d'information?-Des émissions en direct où sont invités
des intervenants de diverses opinions, pour retrouver un peu le
style inimitable des émissions de Michel Polac dont l'arrêt
- même si elles avaient fait grincer bien des dents - a été
le détonateur de la fin d'un véritable espace d'information
et de démocratie.-La suppression de l'oreillette des animateurs-journalistes
dont la présence laisse à penser que tout est bien
sous contrôle.qu'il n'y aura pas de mauvaises surprises ni
de dérapages.
-Des présentateurs(trices) moins belles gueules pour gagner
le coeur des ménagères de moins de 50 ans - cibles
on ne peut plus stratégique des publicitaires.
Restaurer
la conscience:
Et si,
tout simplement, cela se résumait au courage et à
la clairvoyance de certains journalistes pour qui la vérité,
l'humain sont des valeurs inaliénables ?La télévision
aujourd'hui retrouve quelques éclairs de vérité
en particulier sur France Télévision et sur la Cinq
(émission du dimanche soir : "Ripostes"). Il me
parait bon d'encourager ces initiatives au moment où nous
avons un débat présidentiel orchestré et où
l'on ne nous épargne pas avec certains programmes qui font
appel à nos instincts les plus bas.
Renforcer
la compétence:
Il existe
un autre facteur d'optimisme : Internet qui permet un espace d'expression
et de liberté extraordinaire. L'outil est ce qu'on en fait
et même si quatre vingt pour cent des revenus de France Telecom
sur Internet proviennent des sites pornographiques, on trouve des
pépites, rares, précieuses.La LEM pour moi en fait
partie. Cela fait dix huit mois que, lecteur attentif, j'en apprécie
le ton, le sens, le respect, la générosité.
En un mot, la très grande humanité des participants.
Vous avez même réussi à me communiquer votre
envie d'écrire, de formuler, d'échanger. On s'aperçoit
alors combien il est difficile de passer d'une expression orale
à une expression écrite qui nécessite une construction,une
cohérence dans le propos et qui engage. Cela me fait au passage
déplorer que certains, cachés derrière leur
écran "se lâchent" et laissent libre cours
à des propos grossiers, violents, très loin de l'esprit
qui règne sur la liste de discussion Exmed-1.Finalement,
il me parait qu'un site qui se préoccupe de la santé
doit aborder tous les sujets, politique, sociologie, économie
et donc parler aussi des médias qui en rendent compte. Notre
perception du quotidien influencée par la radio, la TV ,la
presse, internet fait de nous des réceptacles où s'entasse
sans fin toute l'information du monde. Sommes-nous prêts pour
recevoir tout cela en permanence? Comment faire face? Comment être
utile? Voila autant de questions que je me pose, que je vous pose.
Vos réflexions seront les bienvenues.
l'os
court : << Qui l'eût cru ? C'est cuit >> .Cath
Hoche
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Lettre
d'Expression médicale n°237
Hebdomadaire
francophone de santé
15 avril 2002
Les
médiateurs en matière de harcèlement psychologique
Dr François-Marie
Michaut
La
lutte contre le harcèlement moral (HM), nommé plus
clairement harcèlement psychologique par nos amis québécois,
est un des dossiers prioritaires dExpression Médicale.
Nous y consacrons, vous le savez, une liste spécifique de
discussion par courrier électronique ouverte tant à
ses victimes quaux soignants qui y sont confrontés.
Ce fut une grande satisfaction pour ceux qui se sentent concernés
par ce type de comportement violent pervers quand la loi en France
- longtemps après les pays scandinaves, lAmérique
du Nord et le Royaume Uni - dans un ensemble dit loi de modernisation
sociale a prévu de punir la pratique du harcèlement
dans le travail. Du côté de nos amis belges, il nous
lont appris, il nexiste encore aucun texte législatif.
Peut-être un jour lEurope ... Des amendes significatives,
et même des peines de prison ont été prévues
par le texte de la nouvelle loi votée juste avant les élections
par les parlementaires à Paris.
Retrouver
la confiance:
Un tribunal des affaires sociales a de son côté qualifié,
on ne peut plus lourdement, la pratique du harcèlement moral
comme une faute inexcusable de lemployeur. Tout semblerait
vraiment pouvoir aller enfin dans le bon sens pour que les cibles
des harceleurs ne demeurent pas des victimes sans aucune arme pour
se défendre. A un détail près, qui a été
soulevé par lun de nos colistiers. La procédure,
en cas de dépôt de plainte pour HM, prévoit
lintervention dun médiateur entre la ou les victime
et lemployeur. Cette disposition est certainement nécessaire,
tant il est difficile de prouver objectivement des manuvres
de harcèlement, multitude de petites touches insidieuses
dont aucune prise isolément ne semble très importante.
Cest laccumulation et le répétition qui
en occasionnent la gravité. A linverse, de fausses
accusations volontaires ou pathologiques de HM peuvent avoir de
graves conséquences pour ceux qui en sont lobjet.
Restaurer
la conscience:
Afin de ne pas placer les juges devant des missions impossibles,
la loi a prévu lintervention de médiateurs entre
les plaignants et les employeurs. Leur premier rôle semble
être celui davoir la capacité dasseoir
le diagnostic de H.M, de démêler le vrai du faux,
pour paraphraser le sous-titre du dernier livre de Marie-France
Hirigoyen Malaise dans le travail ( Syros). Ceci nest
pas évident du tout !
Renforcer
la compétence:
Qui peuvent bien être ces précieux médiateurs
? Des juristes, des policiers, des syndicalistes, des directeurs
des ressources humaines, des médecins du travail, des thérapeutes
compétents dans les conséquences sur la santé
du management des relations humaines par le stress
pervers ? De cela, pas plus que de leurs moyens daction, la
loi ne dit rien. Et les préfets - représentants de
lÉtat dans chacun des départements français
- à qui la charge délicate de désigner de tels
médiateurs a été confiée - nont
toujours nommé personne. Tel est le constat amer fait par
nos colistiers. La loi destinée à réprimer
le harcèlement moral dans le milieu du travail est donc encore
inapplicable. La foule des hommes brisés psychologiquement,
avec des répercussions organiques parfois dramatiques, continue
ainsi de saccroître dans le silence de cimetière
des sujets à la mode des médias quand le temps des
projecteurs est passé.
Alors, comme à Exmed nous pouvons nous offrir le luxe de
ne pas être soumis à ce type dobligations pour
séduire des lecteurs vite blasés, plus que jamais
nos pages sur le HM demeurent à la disposition de tous les
internautes. Pour la petite histoire, la page internet http://www.exmed.org/exmed/har.html
est actuellement la plus consultée par les internautes à
Exmed, juste après la page daccueil.
Os
court: << Jengage à prix dor des gens dont
on me dit quils sont pleins didées et aucun ne
veut faire ce que je lui dis ( paroles de patron) >> . Abe
Burrow
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Lettre
d'Expression médicale n°238
Hebdomadaire
francophone de santé
22 avril 2002
Système
Dr
Jacques Blais
Le
femme qui entre dans le cabinet du docteur T. lui est inconnue.
Et pourtant, si en tant qu'individu il ne l'a jamais rencontrée,
il a entendu parler d'elle. En effet, Madame D. est une collègue
de sa belle-sur, orthophoniste, et elle a depuis des semaines
pris en charge la nièce de sa secrétaire, qui est
en difficulté de lecture. Et le mari de cette femme se trouve
être professeur de piano dans le conservatoire de la ville,
il a même donné de nombreux cours à l'ex-épouse
du médecin. Madame D., à l'issue d'une consultation
émouvante, émaillée de larmes et hachée
de paroles difficiles, va évoquer les troubles internes de
son couple, le médecin va déceler un état dépressif
réactionnel, un intense besoin d'aide et d'écoute.
Le prof de piano est également membre du Conseil Municipal,
une assemblée d'élus dont le praticien de santé
entend souvent parler car sa propre deuxième épouse,
professeur au lycée, a pour collègue et amie une autre
élue de ce Conseil. Et une de ses associées s'avère
être adjointe au Maire de la commune également. Les
parents de cette associée, la mère de la belle-sur
orthophoniste, et la mère du docteur T. font tous partie
d'un club de troisième âge, effectuent des sorties
ensemble, et se rencontrent fréquemment.
Retrouver
la confiance:
Une
histoire effroyablement complexe, et finalement embrouillée
à plaisir ? Non, une situation concrète, illustrant
la notion de système. La vie entière de tout être
se situe en permanence au milieu de zones d'influences délimitées,
familiales, professionnelles, amicales, relationnelles, associatives,
etc., elles-mêmes incluses dans des sous-ensembles plus élargis,
comme les "milieux", parmi lesquelles le "monde"
scolaire, politique, religieux, sportif, des loisirs, commercial,
et tellement d'autres. Ces groupes élargis entrant à
leur tour en contact, en opposition, ou en association, en combinaison,
en interférence, avec d'autres domaines plus vastes, comme
les administrations, les communautés ethniques, politiques,
religieuses, ou des sphères directement qualifiées
de systèmes, comme celui de la santé, ou la communauté
européenne à titre d'exemples...
Dans, à travers, au sein de tous ces groupes et sous groupes,
des relations de confiance autant que de défiance, de collaboration
autant que de concurrence, de compétition comme d'association,
se dessinent et se composent, s'établissent et se métamorphosent
au fil du temps. Même au cur de la plus petite entité,
un couple, une famille, des courants, des conflits, des alliances,
des coalitions, des interférences, se produisent en permanence.
Restaurer
la conscience:
Le médecin peut, ou plutôt doit ou devrait, être
par essence conscient de sa situation dans l'intime nud,
le plein cur, les spires et les boucles et circonvolutions
d'un tel système. Sustema, en grec classique ancien
ne signifie rien d'autre que ensemble. Le praticien, à l'égal
de tout individu, n'est jamais isolé dans son action, même
si dans les faits il se trouve seul dans son bureau face à
un ou des personnes pour écouter, décider, entendre,
comprendre, prendre en charge, proposer, apporter soins et aide...
Il est en réalité en plein milieu d'un ensemble. Il
a habituellement une conscience pleine des sous-groupes immédiats
: son personnel, ses associés, les patients et leur environnement
familial, et il ressent tout en veillant à éviter
contact, ou mélange, ou trop intense interférence,
son appartenance à une sphère familiale propre, d'autant
que sa conjointe l'aide parfois pour la réception du cabinet,
que ses enfants vont lui téléphoner en cours de journée,
ou d'autres membres de son entourage. Le médecin découvre
ou réalise à d'autres moments toutes ces implications
indirectes, celles des cercles élargis : club de sport, communauté
associative, religieuse, ethnique, intrication très complexe
des liens entre familles actuelles et "précédentes"
celles de "la vie d'avant" qui naturellement ne sauraient
jamais cesser d'exister ou s'arrêter à une frontière,
appartenances politiques, et dans sa propre vie professionnelle
les relations avec son association de formation continue, un groupe
de pairs avec lesquels il se réunit, un syndicat, une implication
dans un organisme comme bénévole, etc.
La prise de conscience du praticien consiste aussi à se défier
des indiscrétions et ragots, violations du secret professionnel
en observant une discrétion permanente, tout en prenant constamment
la mesure de tout ce qui lui échappera, ces interférences
et allers et retours inexorables entre les membres du système.
Ce que dira la secrétaire à l'institutrice, qui en
parlera à l'orthophoniste, dont le beau-frère est
le copain du joueur de foot qui rencontre chaque samedi l'ex de....
Renforcer
la compétence:
La médecine de famille a plusieurs bases dont nombreuses
sont celles qui relèvent de la systémique, cette étude
très établie, calibrée, étayée
de mille documents et publications, concernant les interrelations
des êtres. Il est placé en tant que premier recours
pour les problématiques de santé, il est qualifié
pour établir une prise en charge globale des individus, dans
la globalité de leur personne physique et dans la globalité
de leur être au sein de systèmes multiples. Il prend
à son compte la continuité et le suivi des soins nécessaires,
à l'interface de toutes les structures intervenant dans la
vie des êtres. Et il est un acteur de santé publique,
dans la généralité du système de soins
d'un pays.
Les sous-groupes d'un système de santé représentent
dès lors d'innombrables composants. Depuis les unités,
réunies en petits groupes, à la base le médecin
et son patient, l'environnement familial, celui du cabinet du praticien,
en arrivant très vite à d'immenses cohortes : personnels
de santé soignants, services sociaux, patients et leur entourage,
personnels hospitaliers, praticiens du soin, de la recherche, de
la prévention, administrations en rapport avec le monde de
la santé, ministères, industries, producteurs de matériel,
organismes et conseils intervenants comme le Conseil de l'Ordre,
les experts, les assureurs, on conçoit à quelle échelle
fonctionne cette systémique. Et quelles peuvent être
alors, à cette échelle là, les influences,
courants, coalitions, conflits, échanges, mécanismes
de fonctionnement et de ruptures, de courts-circuits, de dérapages.
Depuis des années déjà, dans cette systémique,
chaque praticien libéral prescripteur est informé,
à la deuxième décimale près, de sa participation
personnelle exacte au coût des dépenses. Chaque hôpital
est également exploré, classé, analysé,
à travers des coefficients parfois très discutables
quand ils traitent bien davantage de rentabilité par lit
que de qualité des soins, de l'accueil. Comme de très
nombreuses voix le demandent, dans une période où
chaque voix compte, à quand un décompte précis,
à visée d'information, du coût individuel de
chaque assuré, sachant naturellement que personne ne choisit
d'être malade, mais que la manière d'être traité
diffère, le comportement civique, la façon de percevoir
la maladie, l'angoisse personnelle, la réceptivitéaux
influences des médias, de la pub, des charlatanismes multiples
et alléchants ?
A quand, enfin, dans cette systémique, la publication officielle
du coût des aberrations et inepties des responsables, décisions
ministérielles contradictoires, aveuglements successifs et
leurs conséquences en mouvements sociaux, grèves,
dégradations des soins organisées sous couvert de
CAC 40 et payées à prix fort ?
Question subsidiaire (on ajoute généralement : destinée
à départager les ex-aequo, autrement dit applicable
aux élections ?) : quel thérapeute systémique
s'occupera-t-il de proposer un jour une thérapie pour le
constat permanent des décennies passées, à
savoir trois sous-groupes conflictuels, le Ministère des
Affaires Sociales, détenteur des décisions financières
et des orientations politiques, le Secrétariat à la
Santé, détenteur du décor pour faire joli,
et la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, détentrice du
pouvoir exécutif financier ? Alors qu'un fond de logique
humaine voudrait, pour tous les sous-ensembles, tous, un objectif
unique : l'amélioration de la santé des personnes
?
Os
court:<<
Aussi judicieuse que se présente une idée, elle devient
atroce si elle règne sans partage >> .Michel Serres
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Lettre
d'Expression médicale n°239
Hebdomadaire
francophone de santé
29 avril 2002
Nos
fondamentaux
Dr
François-Marie Michaut
Le
hiatus entre le monde politique au pouvoir et la population vient
de se révéler dans une expression brutale en France.
Confier son mandat personnel au candidat le plus proche de sa conception
de la vie en société ne semble plus être la
règle acceptée et suivie. Refus de voter pur et simple,
ou refus de cautionner tel ou tel parti de gouvernement en choisissant
un candidat extrémiste, cest la même chose. Cest
le règne des coups de poing du plus fort, cest la prime
à lirrespect, à la culture de la division, de
la haine de tous ceux qui sont - ou sont supposés être
- différents. Est-ce bien notre rôle à Exmed
den dire quelque chose ?
Retrouver
la confiance:
Sur
ce site, depuis 1997 saccumulent nos observations. Les patients,
en majorité, aiment bien leur propre médecin. Ce qui
ne les empêche pas davoir la dent très dure avec
les praticiens des autres. Que nous reprochent-ils ? Une seule chose,
en vérité. Nous ne les écoutons pas assez.
La santé de la relation médecin-malade est directement
proportionnelle à la qualité de cette écoute
de lautre. En tant que citoyens, ne sommes-nous pas exactement
dans la même attente vis à vis de nos hommes politiques
? Ne sommes-nous pas las jusquau découragement que
de multiples intermédiaires sexpriment en notre nom
? Nous reconnaissons-nous dans les armées dexperts,
de gestionnaires, de spécialistes des sciences sociales et
économiques, danalystes des moyens de communication
qui sont les seuls reconnus capables de parler en notre nom de ce
que nous voulons ?
Restaurer
la conscience:
Les médias, leur nom le dit clairement, ne peuvent que donner
des points de vue moyens, médians, qui se situent au milieu
dun ensemble de perceptions de la réalité. Hélas,
quand ils constituent la seule source dappréhension
des réalités que nous vivons sur le terrain, ils ne
peuvent présenter quune image moyenne, autrement dit,
méritant ladjectif cousin de médiocre. Oserons-nous,
ici où des blouses blanches acceptent de parler sans se draper
dans leur technicité, demander à notre classe politique
de sortir de ses cercles habituels pour aller au devant des citoyens
de tous les jours ? Jadis, nos souverains aimaient beaucoup aller
incognito prendre le pouls de leurs sujets. Le fou du roi était
dailleurs toujours là pour dire en toute circonstance
lindicible au tout puissant. La santé publique, les
bombardements humanitaires, la démocratie sanitaire, en quoi
ces concepts idéologiques concernent-ils les personnes que
nous sommes ?
Renforcer la compétence:
Utopie dune société dans laquelle les
grands seraient au service des humbles et des sans grade ? Ou obligation
vitale de cultiver et dapprofondir des liens, des relations
même virtuelles, entre des personnes partageant ce besoin
de dialogue dans le respect des autres. Avec un seul objectif. Contribuer,
aussi modestement soit-il, à une meilleure santé des
relations entre les hommes. La qualité, la santé,
de notre vie - et même de notre survie dans ce monde plein
de risques - en dépend. Voilà le réseau Internet
de personnes et de compétences quExmed met au service
de ceux qui partagent ces quelques fondamentaux, pour
parler un langage déconomiste à la mode.
Os court:
<<
Nous manquons pour lhomme dun intellect simplement démocratique>>
. Michel Serres
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Lettre
d'Expression médicale n°240
Hebdomadaire
francophone de santé
6 Mai 2002
Porte-bonheur,
porte-monnaie, porte-voix
Dr
Jacques Blais
Et
portes qui claquent ? Cette chronique est volontairement rédigée
avant la victoire du candidat Chirac, avec un seul état
d'esprit, celui qui chez le médecin fait appel à
la réflexion basée sur des éléments
aussi objectifs que possible : observation clinique, recherche
des antécédents, connaissance de l'environnement
familial, psycho-affectif, social, examen physique, le tout aboutissant
à un diagnostic s'il est possible, un pronostic, un traitement
proposé et négocié.
Quelques très rares analystes de cet entre deux tours,
dans la presse ou l'audiovisuel essentiellement radiophonique
ont ainsi établi leurs études sur des plongées
dans le milieu, des enquêtes sur le terrain, l'écoute
approfondie et répétée des votants, et l'examen
de nombreux rapports émanant de sociologues depuis des
années. Ils ont alors opté, eux, pour une recherche
analytique portant sur l'identité, le psychisme, les antécédents,
les réactions, des votants du Front National, sans suivre
le courant automatique réflexe consistant à mettre
en route une lutte contre les affreux, les fascistes, les immondes.
Et, si naturellement et de manière évidente ce sursaut
citoyen a fait plaisir aux Français, leur a fait croire
un moment qu'ils existent en tant que Nation, les a laissé
imaginer qu'ils étaient capables d'union et de solidarité,
il y a très gros à parier hélas que dès
lundi tout sera terminé, le pays retombera dans ses travers
politiciens démagogiques et ses illusions de discours.
Retrouver
la confiance:
Que
ressort-il de ces études très sérieuses,
de ces portraits pris sur le vif, de l'écoute de ces nouveaux
votants FN ? Un tiers des chômeurs vote Le Pen, un tiers
des jeunes également, lorsqu'ils se déplacent pour
déposer leur bulletin. Un noyau dur habituel, inaliénable
et connu depuis 20 ans, adhère aux idées du héros,
qui n'ont pas varié. Qui sont les nouveaux ? D'une part
des humains trahis. "Mon père m'avait appris, affirme
l'un, qu'un parti de gauche travaille pour les pauvres, il DOIT
augmenter les minima sociaux, DOIT faire payer les riches, DOIT
m'assurer un emploi. Or, en cinq ans, les socialistes ont augmenté
une seule fois le SMIG, ils ont osé diminuer les impôts
des riches, ils ont privatisé, et ils ont autorisé
des tas de licenciements" Cet homme trahi a voté ailleurs,
comme un coup de semonce. Ensuite des humains apeurés.
"Moi dans la vie, je ne veux que ma tranquillité,
avoue ce jeune homme de 30 ans, un boulot, mon appartement, ma
bagnole. Or on m'a crevé les pneus, dans mon bâtiment
on gueule et on se bat, et dehors on crame les voitures. Le seul
qui me dit qu'il va arranger tout cela c'est Le Pen..." Ce
jeune homme n'avait jamais voté Front National, jamais
voté tout court auparavant. Puis des humains blessés,
de manière souvent très complexe. Ce couple de retraités,
disposant d'un coquet pavillon, de deux belles retraites, expose
lui aussi ses antécédents : "les parents de
ma femme votaient communiste, explique Léonard, les miens
socialiste. Je suis fils d'émigré italiens. Seulement
nous, à notre époque, on venait pour travailler
et on s'écrasait, pas un mot, se tenir à carreau.
Quand j'ai choisi d'être Français, par naturalisation,
on m'a dit "eh bien mon gars tu pars faire la guerre en Algérie",
et personne ne m'a demandé mon avis... Alors vous voyez,
mon avis je le donne maintenant, avec des années de recul,
je réagis contre tout cela. Je n'avais jamais voté
Le Pen, je ne pense pas qu'il puisse être Président,
mais j'ai tiré un coup en l'air, appelé au secours..."
Restaurer
la conscience:
Il
en reste d'autres, des meurtris comme cet homme licencié
Alcatel à 50 ans, il pourrait avoir été Moulinex,
Danone, Bata. Il jette lui aussi une amertume, une rancur
extrême : "j'ai passé ma vie à travailler,
à économiser, à acquérir un logement,
j'attendais de la gauche une justice sociale, et là je
me retrouve comme un minable, j'ai dû vendre le fruit de
mes économies de la vie, mon appartement, on m'a volé
ma voiture, je vais toucher 750 euros de retraite, c'est
comme si je n'avais jamais existé au bout de 30 ans de
boulot. Alors, à tous ces pourris de politiciens, de tous
les bords, je leur dis juste c'est bien fait pour vous, c'était
la première fois que je votais FN, au deuxième tour
je ne sais même pas quoi faire..." Beaucoup plus
de bruits de larmes, de pantoufles de la tranquillité,
de sanglots étouffés, de cris jamais poussés,
derrière ces votes, que de bruits de bottes.
A entendre, écouter, découvrir, connaître
ces votants FN, on réalise encore plus que cela a pu être
dit combien nos politiciens n'ont jamais rien compris des gens,
des êtres, des populations, combien personne ne les a jamais
écoutés, c'est certainement l'enseignement majeur,
noyé sous la marée humaine de la réaction
de la nation. Le risque est à l'illusion, au faux semblant.
Le porte-bonheur du muguet et les porte-voix des manifs éteignant
le porte-monnaie du quotidien, et fermant une nouvelle fois les
portes aux messages de la réalité. A qui se sont
adressés ces hurleurs de la vie, ces sémaphores
de l'impossible, ces cris de détresse, sinon aux trois
candidats qui affirmaient tous la même chose : non aux deux
sortants, qui sont des copies conformes. A juger (effet gifle
en moins, très efficace sûrement) du score de Bayrou,
finalement son discours anti-patron sortant a également
été retenu par cet autre camp aussi...
Renforcer la compétence:
Que se passera-t-il lundi et entre les deux élections ?
RIEN. Les habituels ballets de valets en quête d'un poste
ont déjà démarré depuis longtemps.
Les mêmes hommes bien propres sur eux, raie impeccable,
costume de prix, vocabulaire choisi, tous issus du même
moule, habitués des portefeuilles, déjà tous
prêts à trahir leur électorats urbains en
oubliant du jour au lendemain leurs mairies récemment gagnées
pour obtenir un ministère, sont en marche. On nous en ressortira
même probablement quelque raté de la présidence
d'un parti, d'une mairie de prestige, quelque vieux routard
auquel sont dûs des compromissions et de vieux accords de
réciprocité. Mais qu'en sera-t-il du message vrai
des citoyens ?
Le discours citoyen est simple, voire simpliste : donner aux quatre
ministères éternellement sacrifiés sur l'autel
du CAC 40, Education, Santé, Justice, Sécurité.
Avec des équations très directes. Enfants
= éducation + sécurité + enseignement + avenir,
ce qui sous-entend personnel, qualité, budget, écoute.
Ennuis de santé = soins immédiats + prise en charge
+ disponibilité + prévention, ce qui implique personnel
en nombre, budget colossal admis, sérénité
du corps soignant, qualité, responsabilisation, arrêt
des gaspillages. Délit, délinquance = comparution
immédiate + sanctions immédiates réellement
appliquées et justes, ce qui entraîne personnel en
grand nombre, budget considérable accepté, indépendance
de la justice, réelle adéquation des lois.
Paix, calme, tranquillité, sécurité des citoyens
= prévention, efficacité, contrôle, collaboration
des services, ce qui sous-entend personnel en grand nombre, budget
énorme accordé, sérénité des
personnels, respect, considération. On pourrait ajouter
à cela la sécurité alimentaire, la politique
agricole...
Le message est simple. Mais il est effroyablement peu compatible
avec le pouvoir, les indices et marchés financiers, les
luttes à recommencer éternellement entre partis
dont les dirigeants ont fréquenté le même
Lycée, la même université, la même
ENA, la suprématie européenne, la corruption, les
ambitions personnelles. "Pas de carriérisme, pas de
politique politicienne, pas d'ambitions personnelles, des hommes
disponibles et à l'écoute du pays" a déclaré
le Président sortant-entrant.
Pour ne citer qu'un domaine, celui de la Santé, que verront
dans les jours à venir les patients et les soignants ?
Enfin un VRAI ministère, pas une annexe de l'autre,
avec un VRAI ministre à l'écoute des personnels
soignants, en charge d'un véritable budget ? Ou un gentil
petit ex docteur mis là pour calmer, faire semblant, accorder
les 20 euros, élections obligent, et oublier immédiatement
les réalités. Le médecin, à l'heure
actuelle, se heurte, c'est le mot, à des crises :
d'identité, des familles, de l'emploi, de la société,
économique, démographique de sa propre profession,
de vocations, du monde du travail par le harcèlement, de
violences par la pédophilie, les violences urbaines et
intrafamiliales, etc. Il est seul et unique à y répondre,
avec les autres soignants. La crise de la nation, et ce sursaut,
auront-ils été une pièce de théâtre,
ou un appel entendu ? A suivre....
Os
court:
<<
L'âge d'une femme devrait être déductible de
ses impôts >> Madame
Claude Sarraute
|