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d'Expression médicale n°278
Hebdomadaire
francophone de santé
27 Janvier 2003
Vocabulaire en "e"
par Dr Jacques Blais
Retrouvons ici un principe déjà plusieurs
fois mis en action, celui d'un choix de mots issus du vocabulaire
médical, mais pas uniquement, pour en illustrer certains
usages, quelques contrastes, et diverses applications instructives.
Nous retiendrons aujourd'hui plusieurs mots par groupes de
deux, aisément appariés ou opposables en apparence,
comme Écouter et entendre, ou bien Échec et efficacité,
eu encore Évaluation et évidence. Et nous resterons
un moment sur l'intérêt apporté par l'étude
de l'empathie, de l'érection, et de l'écriture. Avec
une escale instructive sur la fonction de l'ergothérapeute.
Retrouver la confiance:
C'est dans cette optique initiale que nous allons considérer
les notions, jointes, consistant à écouter et
entendre. Illustrons par un exemple. Un patient déclare
: "j'ai parlé trois fois à mon urologue de mes
ennuis urinaires depuis l'intervention, il ne m'a jamais écouté"
Or, à l'interrogatoire soigneux, il est évident que,
lors de la première consultation l'urologue a prescrit pour
cette incontinence séquellaire une rééducation,
la deuxième fois un médicament, la troisième
fois une nouvelle série de rééducation. "Disons
plutôt, Monsieur, que vous ne vous êtes pas entendus, mais
votre urologue vous a bel et bien écouté, puisqu'il
a répondu à votre plainte par trois prescriptions.
En fait, tout en vous écoutant réciproquement,
vous n'êtes pas parvenus à vous entendre sur vos objectifs réciproques.
Celui du chirurgien urologue était de vous guérir
de votre cancer, il est atteint, le vôtre était apparemment
de n'avoir aucune séquelle urinaire, et vous n'êtes
alors pas en concordance"
Il arrive donc manifestement qu'en s'efforçant d'écouter
on n'écoute que soi-même, sans parvenir à entendre
la vraie plainte de l'autre, tout comme parfois derrière
les symptômes répétés de l'autre, parfaitement
entendus, le thérapeute n'a pas réussi à écouter
la vie, l'existence, la détresse, la peur... Encore un cas
de figure, "n'écoutant que son courage, le patient est
allé au delà des limites pourtant bien signalées
par le soignant, qui entendait bien le prévenir. De malentendus
en erreurs dépassant l'entendement, patient et soignant ne
se sentaient pas écoutés..."
Autre abord de vocabulaire : échec et efficacité.
"Votre nouveau traitement, tout comme les précédents,
ne m'a encore rien fait" déclare la patiente à
un praticien commencant à éprouver, à la longue,
plusieurs sentiments. Une vague inquiétude : serait-il mauvais
au point de ne pas trouver de solution thérapeutique pour
cette patiente ? Une interrogation sournoise : la patiente ne serait-elle
pas de ce type hypocondriaque, s'inventant de nouveaux symptômes
agaçants à chaque épisode ? Et enfin un malaise
diffus : pourquoi cette forme d'échec le rend-elle triste,
énervé, abattu, et douloureux en même temps
? Et si, de nouveau ici, les objectifs des deux protagonistes acteurs
du théâtre n'étaient pas du tout les mêmes
? Le médecin est formé à diagnostiquer, traiter,
apporter une solution efficace, et le sentiment d'échec devant
l'inefficacité apparente le perturbe nettement. La patiente,
celle-ci en tout cas, a un tout autre objectif inconscient, celui
d'un bénéfice secondaire à retirer de cette
rencontre répétitive avec le médecin. Il lui
témoigne une attention, il est gentil, aimable, il l'écoute,
il l'aide beaucoup finalement, elle se sent bien après ces
consultations, et tout ce qu'elle souhaite, c'est que ce sentiment
de bien-être dure, se poursuive, et se répète.
Et en mettant en apparence en échec ce praticien, elle n'exprime
qu'une seule demande vraie : "laissez-moi revenir, donnez-moi
cette autorisation, j'ai besoin de vous, si vous "me guérissez"
je n'ai plus de motif valable pour vous retrouver régulièrement.
Alors vous ne parviendrez pas à me guérir selon vos
critères appris, par contre, vous arrivez à m'aider
considérablement selon mes attentes à moi".
Existe-t-il une solution ? Oui, la parole. "Madame, au fil
de nos rencontres et de nos échanges, j'ai réfléchi,
il me semble que vos attentes ne sont pas tant celles d'un médicament,
comme je le croyais au départ, alors si vous le voulez bien
parlons-en, quelle "efficacité" réelle attendez-vous
de moi, qu'avez-vous à me dire bien au delà des signes
que vous décrivez ?"
Restaurer la conscience
Nous parvenons tout doucement à ces chapitres d' évaluation
et d'évidence. L'évaluation est devenue une
nécessité, un passage obligé, de toute action
se voulant thérapeutique, pédagogique, formatrice.
Qu'a-t-on transmis, traité, comment mesurer les résultats
objectifs de nos actions ? Quels critères définir
? Et en particulier en matière de non tangible, de non mathématique
? Pourquoi tel praticien a-t-il deux fois plus de "clientèle"
que tel autre ? Meilleurs résultats cliniques, thérapeutiques,
ou meilleure qualité relationnelle, meilleure écoute,
plus grande disponibilité, respect plus important des êtres
? Ou horaires de travail tout simplement plus vastes, ou prescriptions
moins chères ? Mais sont-elles alors nécessairement
plus adaptées, plus efficaces ? L'observance des traitements,
terme appréciant le respect des prescriptions dans la qualité
et la quantité, la durée, est-elle une mesure ?
Le mot évidence est celui des anglo-saxons pour dire la preuve.
Nous avons souvent évoqué cette notion, celle de la
médecine par les preuves, un mode de référence
utile, au moins un guide, une orientation, une manière de
jauger plus que de juger l'opportunité de traitements, d'examens
complémentaires utiles ou non, apportant un progrès
appréciable ou non. Il est assez probable que la combinaison
des deux éléments, évaluation et évidence,
représente une des clefs de cette prise de conscience de
la partie de maniement d'un savoir, et d'un savoir-faire, du praticien.
Le savoir-être s'avérant d'un autre domaine, l'évaluation
en serait-elle alors celle du miroir renvoyé par les patients
?
Renforcer la compétence:
Comment devenir alors compétent en empathie, cette capacité
d'un praticien de placer son niveau d'humeur, d'accueil, d'écoute,
de compassion, ou d'aide, exactement à celui nécessaire,
utile, attendu, par son patient, comme si les sympathies spontanées
ou naturelles entraient en contact profond pour se mêler
? Est-ce que cela s'apprend, s'enseigne, ou la part d'instinct,
de vocation, d'appel vers les autres, suffit-elle ? Il est probable
qu'en ajoutant à ces éléments la prise de conscience de
la part "médicament" du médecin dans son
exercice, qu'en complétant avec l'apprentissage s'il est
nécessaire des attitudes, de la signification et de la représentation,
de l'interprétation du non-verbal, un progrès considérable
est apporté.
Dans ce "vocabulaire en E" que vient faire ici le mot
d'érection ? Un simple constat, environ 40 % des hommes à
partir de 45 ans, porteurs ou non de pathologies ou de traitements,
auraient besoin de parler de leurs difficultés érectiles
avec leur médecin, et seul un sur deux y parviendra. Dans
cette impuissance réelle ou non, qui "ne peut pas"
? Le praticien, apeuré, non formé, inhibé,
fuyant le sujet, trop rigoureusement organiciste, mal à l'aise
? Ou le patient, apeuré, non informé, inhibé,
fuyant le sujet, trop rigoureusement orienté vers ses organes,
mal à l'aise ? Une éducation, une incitation, un apprentissage,
à prévoir....
Juste pour le vocabulaire, et la compétence, qu'est donc
dans la réalité un ergothérapeute ? D'une
part un intervenant qui, après des études éventuellement
issues d'une passerelle avec celles de début des kinés,
va avoir pour premier axe de fonction spécialisée
celle de travailler dans des centres souvent institutionnels, pour
se servir de tâches comme la peinture, le dessin, les travaux
manuels, afin d'aider des sujets en difficulté à
retrouver une coordination, une agilité, une mémorisation,
lorsqu'ils sont touchés par des pathologies très variées,
physiques ou mentales. Et une toute autre partie de ces professionnels
vont s'attacher à la réadaptation des patients handicapés
dans leur quotidien, inventant, calculant, trouvant pour eux des
solutions techniques pour faire installer à leur domicile
par exemple des appareillages, des plans inclinés, des monte-charges,
des travellings de fauteuils, des matériels à bonne
hauteur, des bricolages ingénieux pleins de trouvailles facilitant
leur(s) évolution(s) et leurs actes.
Terminons sur écriture. Le monde moderne n'écrit
plus guère, dans le sens du script, de la plume courant sur
le papier. Les ordonnances, les courriers, sont tapés sur
ordinateur. Cette part là, si graphologique, de la personnalité,
disparaît. Reste l'échange fondamental, celui de la
forme, des idées, de l'expression, de l'émotion, qui
dans le sujet nous occupant ici en permanence, celui de la relation, est
remplacé dans la rencontre patient-médecin par l'oral
surtout, mais dont nous retrouvons sur des sites d'échange
la saveur et le suc, par l'écrit et le lu. Nous pourrions
y ajouter un ultime mot en "E" celui d' envie. Dans deux
sens, selon l'habitude, donner envie, ou faire envie, ce qui corrobore
tout simplement l'idée habituelle : dans la vie comme dans
la biologie, il y a des donneurs, et des receveurs, le tout est
d'être conscient d'une part de son état propre à
un instant précis, d'autre part de la réversibilité
permanente de cette fonction. Et on aurait "si envie"
bien souvent, d'écrire cela EN VIE, non ?
Un tour d'horizon sombre, mais lucide, et non dépourvu d'énergie,
issu de la Lettre mensuelle d'information publiée par Equilibre
et Populations (<mailto:info@equipop.org>info@equipop.org)
Terminons sur un slogan publicitaire ancien mais si aisément
reproductible dans de si nombreux lieux de consultation, dans tout
l'hexagone : "le monde entier est dans ma salle d'attente",
un très grand nombre de soignants se trouvent confrontés
au quotidien à toute cette problématique. Seule l'échelle
varie. Affaire de niveau. Exactement comme l'étage pour les
pompiers, ou les déménageurs, seule l'échelle
varie. Tous les jours, à leur échelle, des citoyens
impliqués, des soignants affairés, des travailleurs
sociaux, des enseignants, des thérapeutes, etc, prennent
conscience d'une autre mondialisation, non plus seulement celle
des politiques, des médias, des producteurs, des commerçants,
mais celle des êtres humains dans leur détresse et
leurs besoins incommensurables.
l'os
court : «La vie
est un compte de faits.» Henri Jeanson
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d'Expression médicale n°279
Hebdomadaire francophone de santé
3 Février 2003
Repérer
la manipulation mentale
par Dr François Michaut
Depuis longtemps déjà,
nous abordons ici un certain nombre de dossiers dans lesquels la
manipulation mentale apparaît régulièrement
en toile de fond. Quil sagisse de harcèlement
moral, de fonctionnement des sectes, de systémique ou de
dévoiement des informations, cest une évidence.
Plus subtilement, des attitudes de soignants sont plus proches de
cette destructrice réalité que des images presque
(trop) angéliques de thérapeutes que nous prenons
tant de plaisir à exprimer sur Exmed. Tout cela risque cependant
de paraître au lecteur un peu trop ésotérique,
et, en fait peu utilisable en pratique. Voilà pourquoi, au
risque de schématiser à lexcès, nous
souhaitons livrer à votre analyse critique une grille simple
pour déterminer si la personne en face de qui nous nous trouvons
est un manipulateur ou non. Notre guide est Isabelle Nazare-Aga,
qui se définit elle-même comme psychothérapeute,
avec un extrait de son livre : Les manipulateurs et lamour
( Éditions de lHomme 2000, Québec, Canada).
Retrouver la confiance:
Environ trois personnes sur cent dans une population fonctionneraient
sur le modèle qui va être défini au moyen des
trente items suivants dobservation clinique simple.
« - Il culpabilise les autres, au nom du lien familial, de
lamitié, de lamour, de la conscience professionnelle
etc
- Il fait croire aux autres quils doivent être parfaits,
quils ne doivent jamais changer davis, quils doivent
tout savoir et répondre immédiatement aux demandes
et aux questions.
- Il utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins
(courtoisie, humanisme, solidarité, antiracisme, gentillesse,
générosité, bonne ou mauvaise
mère etc.).
- Il met en doute les qualités, la compétence, la
personnalité des autres : il critique, dévalorise
et juge.
- Il peut être jaloux, même sil est un parent
ou un conjoint
- Il utilise des flatteries pour nous plaire, fait des cadeaux ou
se met soudain aux petits soins pour nous.
- Il joue le rôle de la victime pour quon le plaigne
(maladie exagérée, entourage difficile,
surcharge de travail, etc.
- Il se démet de ses responsabilités en les reportant
sur les autres.
- Il ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses
sentiments et ses opinions
- Il répond souvent de façon floue.
Restaurer la conscience
- Il change carrément de sujet au cours dune conversation.
- il évite ou séchappe de lentretien,de
la réunion.
- Il fait faire ses messages par autrui ou par des intermédiaires
( téléphone au lieu du face à face, laisse
des notes écrites).
- Il invoque des raisons logiques pour déguiser ses demandes.
- Il prêche le faux pour savoir le vrai, déforme et
interprète.
- Il ne supporte pas la critique et nie des évidences.
- Il menace de façon déguisée ou fait un chantage
ouvert.
- Il sème la zizanie et crée la suspicion, divise
pour mieux régner et peut provoquer la rupture dun
couple.
- Il change ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon
les personnes et les situations.
- Il ment.
Renforcer la compétence:
- Il mise sur lignorance des autres et fait croire à
sa supériorité.
- Il est égocentrique
- Son discours paraît logique ou cohérent alors que
ses attitudes, ses actes ou son mode de vie répondent au
schéma opposé.
- Il utilise souvent le dernier moment pour demander, ordonner ou
faire agir autrui.
- Il ne tient pas compte des droits, des besoins et des désirs
des autres.
- Il ignore les demandes (même sil dit sen occuper).
- Il produit un état de malaise ou un sentiment de non-liberté
(piège).
- Il nous fait faire des choses que nous naurions probablement
pas faites de notre propre gré.
- Il est efficace pour atteindre ses propres buts mais au détriment
dautrui.
- Il est constamment lobjet de discussions entre gens qui
le connaissent, même sil nest pas là ».
Le côté sommaire de cette grille, sa volonté
bien américaine defficacité peuvent froisser
nos esprits latins. Et pourtant, si nous cessions de passer régulièrement
à côté de la compréhension de ce système
de fonctionnement, qui peut être utilisé par notre
médecin ( et oui, ce nest pas du tout exceptionnel),
de notre collègue de travail ou de tel ou tel membre de notre
famille, de certains patients, nous parviendrions beaucoup mieux
à nous protéger des dégâts sur la santé
physique et psychique que crée partout cette vampirisation
psychologique. Étrange cécité de notre
médecine qui poursuit, impavide, son bonhomme de chemin comme
si tout allait toujours de soi ( et pour le mieux) de façon
quasi mécanique dans les rapports humains. Passez donc à
cette moulinette un certain nombre de gens que vous connaissez,
ou que vous avez connu, et vous men direz des nouvelles. Les
manipulateurs sont bien parmi nous, et leurs dégâts
sont dautant plus terrifiants que nous avons tant de mal à
les démasquer.
l'os
court :
«
A certains êtres, ne donne même pas la main gauche.»
José Artur
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d'Expression médicale n°280
Hebdomadaire francophone de santé
10 Février 2003
Perception
et conception
par Dr Jacques Blais
Les dix dernières années de la gestion par des gouvernements
successifs de toutes couleurs, rose, bleue, verte, rouge, avec et
sans cohabitations, ont eu des caractéristiques spécifiques
relatives à la perception du monde de la santé. Différents
dirigeants ont tenté de placer aux gouvernes d'abord des
politiques, J.Barrot, C.Evin, C.Aymard, ou des personnes issues
des affaires, R.Teulade, en leur associant, avec l'idée d'amadouer
le corps médical, divers médecins comme P.Douste-Blazy,
E.Hubert, B.Kouchner, au profil généralement aussi
politique avant tout, et au pouvoir totalement inopérant
sur les orientations du système de santé, puisqu'ils
ne possèdaient jamais les clefs du budget, travaillant aux
ordres et sous dépendance des ministères de tutelle.
Ensuite deux figures féminines du pouvoir rose se sont succèdées
pour achever la rupture et l'incompréhension, de nouveau
deux personnages à forte personnalité complètement
étrangers et au monde de la santé et à la conception
réaliste des difficultés des professionnels, M.Aubry
et E. Guigou. Résumé cruel, dur, lucide, réaliste.
Retrouver la confiance:
En
même temps se développait cette pensée unique,
si ancrée dans le monde politique en général
: les professionnels de santé sont les responsables
exclusifs des dépenses, (les usagers n'existent donc pas)
par leurs excès de prescription, leur absence de volonté
d'implication dans la régulation et l'objectivité,
leurs revendications tarifaires exclusives. S'est ensuivie, à
partir de cette perception biaisée, une conception minimaliste
: pour réduire les dépenses, réduisons le nombre
des professionnels, d'abord. Numerus clausus étriqué,
en dépit des alertes rapides des statisticiens avertissant
d'une pénurie prévisible à l'horizon 2008 alors.
Mises en retraite anticipée des vieux praticiens, présumant
à l'envers et au mépris de toutes les études
également statistiques en provenance des Caisses elles-mêmes
qu'ils coûtaient cher. Or au contraire, un praticien chevronné,
expérimenté, aguerri, n'ayant plus de souci de rentabilité, et
moins d'angoisses diagnostiques et thérapeutiques, est nettement
plus économe qu'un jeune formé aux technologies modernes,
angoissé et par sa nécessité de gagner sa vie
et de ne pas perdre ses patients. Du coup la prévision statistique
de pénurie a été revue à l'avance de
2005.
Après le nombre des professionnels, la tendance a été
de réduire le nombre des actes. Application déguisée
ou non selon les catégories professionnelles de quotas, réels
pour les actes infirmiers, et de kinésithérapie par
exemple, indirecte pour les médecins par application de coefficients
normatifs et coercitifs. Encore un problème de conception
et de perception. Les professionnels de santé ont depuis
toujours été d'accord pour optimiser une prestation
de qualité, médecine par les preuves, application
et évaluation de critères de rapport entre coût
et utilité, choix pour un même résultat des
thérapeutiques les moins onéreuses. Ceci pour la conception.
En dépit des cris d'alarme des professionnels, une autre
utopie a été intégralement négligée,
celle qui suppose que la gratuité des soins en offre et demande,
rigoureusement indispensable pour nombre de personnes, indispensable
répétons le, et qui devait être inventée,
a cependant une conséquence parfaitement prévisible,
humaine, statistiquement prouvée cette année pour
la CMU par exemple, celle de faire croître inexorablement
la dépense au delà de la consommation logique. Pour
la seule raison que personne n'a décidé de contrôler
l'attribution, et ensuite l'utilisation de ces prestations gratuites
et nécessaires pour ne pas les laisser transformer en opportunités,
en trafics, en circuits, en modes de vie inappropriés. Seulement
parce que personne n'aura voulu imaginer la réalité
humaine, et prendre sa mesure lucidement. Changer de conception.
Restaurer la conscience
Dans le cadre de la perception, comment imaginer qu'un praticien
dont tous les coefficients du RIAP (rapports individuels d'activité
du praticien) sont situés "dans la bonne zone"
il ne coûte pas cher en prescriptions pharmaceutiques, en
arrêt de travail, en soins infirmiers et de kinésithérapie,
en examens de laboratoire, soit averti par sa Caisse de ce qu'il
travaille nettement plus que ses collègues du même
secteur, et montré du doigt. Alors que tout simplement il
se lève plus tôt le matin, termine plus tard le soir,
travaille par exemple le samedi, ne prend qu'une courte pause à
midi ? Et quand son coefficient de nombre d'actes pour un même
patient n'est pas supérieur à celui de ses confrères,
que donc il ne provoque pas de retour inutile des patients vers
sa consultation ? Pourquoi vouloir perpétuellement normaliser
tout par le bas, sans laisser à chacun sa propre manière,
son rythme, sa disponibilité, du moment que le critère
qualité est respecté ?
Il est visible qu'au fil des années, des réformes,
des politiques décideurs gouvernementaux exclusivement à
l'affût des cirtères et indices financiers du CAC 40,
c'est à dire en permanence ignorant du quotidien des
professionnels, qui consiste à aider, soigner, écouter,
traiter, accompagner, faire vivre et exister des êtres humains,
les professionnels de santé se sont totalement découragés,
parfois tragiquement désinvestis. A force de voir traduire
sa conception à lui et sa perception de vocation dans des
directions aussi incompréhensibles qu'inadmissibles, le soignant
se lasse. Je suis un humain à vocation d'aide et d'écoute
aux autres, de soins et d'amour, conscient de ce que l'être
face à moi est en attente des meilleurs soins au meilleur
coût pour le respecter et me respecter dans ma fonction. Traduire
je suis un irresponsable dépensier capable de faire n'importe
quoi pour obéir à un usager consommateur lui-même
désireux des soins et de la prévention la plus irréfléchie
véhiculée par des médias poussant à
dépenser.
Renforcer la compétence:
Actuellement hélas, usagers et professionnels touchent du
doigt une situation devenant critique, avant de toucher un fond
imité des anglais nos voisins, ou d'à peu près
tous les systèmes de santé environnants, allemand,
italien, espagnol, portugais à titre d'exemple. Pénurie
gravissime de médecins, d'infirmières, de soignants,
de lits, de matériel, de crédits. Solutions extrêmes
de repli menant des infirmières à ne plus pouvoir
assurer des soins coûteux parce que paradoxalement sanctionnées
alors par la Sécurité Sociale. Kinésithérapeutes
obligés de choisir pour limiter leurs actes, avec les risques
que cela comporte en période d'épidémies de
bronchiolite. N'importe quel examen spécialisé, rendez-vous
technique, intervention particulière, en gynécologie,
maternité, ophtalmologie, urologie, etc, repoussé
à des délais à comper en mois comme au Royaume
Uni. Evacuation des patients pour ne pas dire éjection de
leur lit à peine chauffé de leur présence,
pour raisons d'économies.
Fuites de nombreuses compétences à l'étranger.
Depuis très longtemps nos confrères britanniques exercent
au Canada et aux USA, remplacés chez eux par des médecins
Pakistanais. Les praticiens Français sont en train d'effectuer
la même démarche, ce qui en ajoutant à la pénurie
totalement prévisible et négligée depuis 10
ans par toutes les autorités, mène peu à peu
tous les patients à des probabilités de rencontrer
pour tous soins des praticiens Libanais, Syriens, Espagnols, Maghrébins.
Certes compétents, mais probablement si nettement plus utiles
dans leurs propres pays
Une nouvelle compétence approche, celle du patient. A lui
d'apprendre la patience, la débrouillardise, les moyens du
bord. A lui d'apprendre encore plus le caractère collectif
du système de santé, la courtoisie, la hiérarchie
des pathologies, le partage, l'importance et la qualité de
l'existence, au delà de la vie. A cet appelant téléphonique
pour un rendez-vous hospitalier, qui va insister dix minutes, pour
obtenir une date qui ne tombe ni durant les congés de ses
petits-enfants dont il ou elle doit s'occuper, ce qui est louable,
ni pendant sa cure de thalasso, ou sa croisière aux Caraïbes,
et pas le matin car il a horreur de se lever tôt, et pas tard
l'après-midi, parce qu'avec les embouteillages, la nuit qui
arrive, et Questions pour un Champion à ne pas rater à
la télé, et puis surtout jamais un vendredi, non,
c'est son jour de cartes avec les amis.... à cet appelant
inconscient de sa chance, de son égocentrisme, de l'invraisemblable
capacité de soins de son pays en dépit des difficultés
croissantes, il va être nécessaire de donner quasiment
un cours de morale collective. "Voyez-vous, Monsieur ou Madame,
depuis ce matin vous avez été 74 à demander
la même chose, avec les mêmes exigences correspondant
à votre logique à vous, mais dans la même période
13 personnes ont appelé pour des problèmes de cancer.
Et ces patients là, eux, ont accepté les délais,
les horaires, les jours proposés parce que leur priorité
était à leur santé, à leur vie, à
leur avenir. Alors n'oubliez s'il vous plaît jamais, derrière
vos privilèges d'usagers bénéficiaires, même
dans l'optique des énormes difficultés qui nous attendent
tous en logistique de santé, que chaque jour des êtres
sont en vraie souffrance, silencieuse et sans exigences irrecevables.
Et eux ne diront pas "cela fait trois heures que j'essaie de
vous joindre", eux diront "merci de m'avoir écouté
et guidé"
Une autre compétence. Monsieur J-F Mattéï a
été trente ans un médecin en exercice vrai,
hautement responsable et respecté, il semble bien être
un homme d'écoute et de dialogue, et pour la toute première
fois depuis vingt ans un ministre médecin, également
chargé du budget de son ministère, tente de rassembler,
de proposer, de réunir. Il paraît avoir compris le
désespoir et la détresse des professionnels, entendu
la nécessité d'élargir, de renforcer, de réformer,
de modifier, d'écouter. Reste à attendre pour évaluer
sa capacité à durer même s'il persuade (ou surtout
s'il y parvient ?) soudain les gouvernants, financiers, décideurs,
que si la vie a forcément un prix la santé a nécessairement
un coût, que les patients sont des êtres humains
nécessitant des soins et une approche globale, les professionnels
de santé des humains nécessitant un respect, une écoute
et une approche responsable, et qu'une vision humaniste de notre
monde devrait nécessairement placer avant le CAC 40 la Santé,
l'Education, et la Justice, valeurs susceptibles de rendre un pays
fier de son image. Infiniment plus qu'un porte-avions à 5
milliards (?), ou le CAC 40 à 5000 points.
Notre perception à nous de la Santé, un monde d'humanisme
et d'échange pour un soin optimal égalitaire, notre
conception de votre rôle, Monsieur Mattéi, confiance,
conscience et compétence, pour répondre aux attentes
et entreprendre.
l'os
court :
« La solution est au problème ce que le résultat
est à lentreprise.» Pierre Dac
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