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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°306
Hebdomadaire francophone de santé
11 Août 2003
Père
à qui perd gagne
Dr Jacques
Blais
De nombreuses interrogations, autant
d'études, ont été effectuées sur cette
fascinante question des rôles respectifs du père et
de la mère par rapport à l'enfant. Caroline Eliascheff
s'était penchée sur cet élément fusionnel
mère-fille, nombre d'ouvrages ont été produits
depuis sur l'idée d'un rapport spécifique père-fils.
Presque tous s'accordent à penser qu'il est de toute manière
nécessaire à l'enfant de s'identifier à l'un
des parents.
Un livre récent, celui du Docteur Bernard FONTY, auparavant
très impliqué dans les combats d'avant-garde relatifs
à la contraception, à l'avortement, à la naissance
en douceur, offre déjà un titre prometteur : Les pères
n'ont rien à faire dans la maternité.
Retrouver la confiance:
Il y a lieu de noter que ce titre éventuellement provocateur
tire presque directement sur le premier degré de cette perception,
en affirmant que les pères ne sont pas obligés de
subir, comme le dit l'auteur, cette mode actuelle du "socialement
correct" qui voudrait imposer aux hommes de s'asseoir aux côtés
de leur femme pour les séances de préparation à
l'accouchement sans douleur, leur tenir la main et leur rafraîchir
le front dans la salle de travail lors de l'accouchement, et enfin
couper de force le cordon avec entre les mains les ciseaux de la
sage-femme alors qu'ils sont au bord de la nausée ou sur
le point de s'évanouir. Laissez les vivre, dit en quelque
sorte ce gynécologue-accoucheur.
Le praticien vote pour un espace de liberté pour l'homme
dans ce monde de la maternité, en remarquant que, quoi qu'il
fasse, le père demeure spectateur. Avant, pendant, et après
aussi, une fois l'enfant paru. L'organisation de la grossesse, la
relation privilégiée du médecin qui suit la
parturiente médicalement, psychologiquement, est entièrement
faite pour oublier le père, ou du moins est-ce le piège
principal de ce mode de fonctionnement.
Restaurer la conscience
Le développement de la théorie devient très
intéressant quand il tourne autour de l'idée selon
laquelle si la mère fait l'enfant, c'est bien l'enfant
qui fait le père. Formulation très séduisante.
Nous praticiens, nous pères également, avons été
perpétuellement témoins de ce phénomène.
La mère est mère pratiquement dès l'instant
qu'elle a perçu, à travers son corps, ses manifestations
hormonales, son intuition, qu'elle commençait une grossesse.
Neuf mois durant, elle communique avec cet enfant, elle le met physiquement
au monde, et elle garde encore longtemps cette fusion des corps,
des sons, des échanges, cette symbiose de tous les instants
avec son nourrisson. Le père peut être proche, aidant,
accompagnant, impliqué, il n'est alors qu'un témoin
extérieur.
Et c'est bien, même si naturellement personne ne nie la participation
de la semence, des spermatozoïdes, des chromosomes du père
s'il l'est biologiquement, la mère qui fait, qui fabrique
l'enfant. Un enfant qui à son tour va aussi se créer
quasiment un père. il est des pères qui le sont dès
que le ventre de leur femme s'arrondit, parfois même s'ils
savent parfaitement ne pas en être le père reproducteur,
ils sont déjà pères. D'autres ne le seront
qu'à la naissance de l'enfant. Et un très grand nombre
d'autres ne le deviennent que lorsque l'enfant le leur dit,
le leur montre le leur fait percevoir. Quand il bouge, marche, ou
quand il dit Papa, quand il parle. Parfois seulement quand il a
12 ans, besoin d'eux, qu'ils échangent, main dans la main. Quelquefois
même, pourquoi pas, quand ils ont enfin, entre jeune adulte
ou grand ado et père, leur première discussion d'hommes...
Il n'existe ni règle ni loi, ni faute, ni modèle,
et c'est bien là que la formulation de l'enfant qui fait
le père est attractive.
Renforcer la compétence:
L'auteur du livre définit le père comme celui qui
fait du bien à la mère. Encore un aspect très
intéressant. Bien des pères, par envie, par instinct,
ou besoin, ou poussés par le schéma nouveau social,
l'image du "nouveau père comme il faut" voudraient
intervenir dès les premiers jours, partager, tenir un rôle.
Et en souhaitant s'approprier l'enfant, une sorte de conséquence
liée à la médicalisation de la maternité,
que cette féminisation de la paternité, certains hommes
en oublieraient leur rôle de père, celui qui fait du
bien à la mère. L'ambiguïté est bien connue
dans ces mois où la mère veut garder son enfant fusionnel,
le père veut récupérer une femme. Les travaux
de Winicott rappellent bien que la mère dispose d'une sollicitude
maternelle primaire. Sa compétence en quelque sorte, tout
comme cette capacité d'un fonctionnement psychique archaïque
se mettant au niveau du bébé pour en écouter
en permanence cet enfant fondamental et unique. Et il n'apparaît
pas scandaleux de penser que le père ne possède pas,
lui, cette compétence là. Mais il sait faire du bien
à la mère.
Et l'identification de l'enfant à un des deux parents se
fera bien par la différenciation des sexes. Une mère
présente des caractéristiques de mère, qui
a bâti, construit, porté, fabriqué, écouté
son enfant. Un père en possède d'autres, que le regard,
l'attitude de l'enfant, vont éclairer, magnifier, développer,
et aussi la manière dont la mère présentera
le père à son enfant, ce qu'elle dira de lui, la place
qu'elle lui proposera. Le jour où le père baigne l'enfant,
lui parle, le regarde, l'entend, il le respecte différemment.
Mais de nouveau il n'existe pas de règle ni de loi, et un
père ne parviendra éventuellement à entendre
son enfant que des années plus tard. Voire même la
toute première fois où il ressent chez cet être
un besoin de lui en tant que père.
Une notion est certaine, la paternité ne saurait avoir un
modèle féminin comme on voudrait actuellement le décalquer.
Il y a dans la société moderne une immense quantité
d'enfants sans père. Ce qui veut aussi dire sans identification,
sans notion de leur filiation, sans parole de père. La maternité
se construit sur le corps, les sens, la biologie, alors que la paternité,
elle, et de plus en plus, repose sur un processus de pensée,
de connaissance, et ne peut s'exprimer que par la parole et l'échange.
Y compris cette notion finale qui se discute, interroge, l'échange
du nom. Là aussi une évolution vers la liberté,
certes, celle du choix, excellente mais avec la conscience de ce
que, parfois, l'ultime, infime, idée de paternité
qui persiste pour certains enfants aurait pu être un nom,
quand des adultes ont décidé pour lui de gommer jusqu'à
ce lien ténu. Qui ne remplace jamais une main à tenir,
mais qui pourrait figurer pour quelques uns la dernière trace
de paternité qu'ils rechercheront à vie.
First Éditions Paris. Bernard Fonty. Les pères
n'ont rien à faire dans la maternité.
Le Quotidien du Médecin. 14 Mai 2003
l'os
court :
« Si vos parents nont
pas eu denfants, il y a une bonne chance que vous nen
nayez pas non plus.»
Clarence Day
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°307
Hebdomadaire francophone de santé
18 Août 2003
Le
spasme à la française
Docteur Jacques Blais
C'est une expression qui surprend,
mais dont on pourra concevoir au fil du déroulement de l'exposé
qu'elle peut légitimement simposer. Et une fois encore,
nous percevrons l'implication et l'intégration du domaine
de la santé dans un univers bien plus général
de la systémique du pays entier. Découvrons cela ensemble,
si vous le voulez.
En commençant "tout petit" par un premier spasme.
Celui dit du sanglot, survenant chez de petits enfants dans les
premières années du développement. Un enfant
contrarié, face à un refus, une situation de colère,
de douleur, de frustration aiguë, développe soudain
une manière qui est la sienne propre, même si elle
s'avère inadaptée, de réagir. Au lieu de trépigner,
de jeter ses jouets, ce bambin va se pâmer, devenir blanc,
bleu, s'éteindre dans une attitude spasmodique, comme une
sorte de perte de connaissance, il ne parvient à reprendre
son souffle, effrayant la mère, presque jusqu'au malaise.
C'est le spasme du sanglot. il est à noter en permanence
que cet épisode survient en présence d'une spectatrice
"privilégiée", habituellement la mère,
nécessaire et suffisante. Devant la nourrice, la baby-sitter,
l'enfant se contentera de brailler et taper du pied, et d'exprimer
sa colère, face au NON énergique et intraitable de
ces responsables non parentales.
Retrouver la confiance:
Cette première illustration de spasme est étayée
de plusieurs éléments fondamentaux à retenir.
Il faut une spectatrice qui n'est pas anodine, la mère, cette
démonstration a valeur de crise de pouvoir, si la mère
quitte la pièce avant le déclenchement il ne se passera
rien, et le non en provenance d'un tiers ne produira pas le
même effet.
Passons à une situation adulte. Une employée de bureau,
simple exemple et surtout pas mise en accusation, est dans une situation
difficile, à titre personnel, détresse, ennuis familiaux,
conjugaux, etc, ou à titre professionnel, altercation, conflit,
etc. Elle va déclencher une "crise" tout aussi
violente que celle de l'enfant, effrayant son entourage, les témoins,
elle va menacer de s'évanouir, éprouver des difficultés
respiratoires, pâlir, faiblir... Nous avons déjà
plusieurs fois évoqué ce type de situation, le premier
spectateur, et ils sont indispensables, qui jettera le mot de "spasmo-quelque-
chose" avec un nom compliqué évoquant une maladie
aura gagné. La collègue de travail, la chef, la copine
accourue en hâte. Ensuite interviendront les porteurs d'uniforme
en position de pouvoir, malgré leur absence de capacité
clinique, diagnostique, pronostique, et thérapeutique : l'infirmière
de l'entreprise (absolument valable en milieu scolaire) les pompiers
ou ambulanciers. Avec parfois la complicité liée
à l'angoisse, au souci de se protéger de la responsabilité
du médecin d'entreprise (valable en milieu scolaire) puis
ensuite à d'autres porteurs de blouses en position de pouvoir
exécutif, l'interne des urgences, le cardiologue, etc.
L'essentiel de nos propos du jour ne se situe plus là, mais
dans ce spasme, symptôme national.
Restaurer la conscience
Il est à noter que cette célèbre "spasmophilie"
pour lui donner le nom utilisé avec jubilation dans la presse
féminine et pas seulement, n'existe pas dans la nomenclature
internationale des pathologies et maladies. Une exclusivité
Française. Qui ne constitue pas la seule, la France opère
aussi infiniment plus de fausses appendicites que n'importe quel
autre pays, prescrit très nettement plus d'examens complémentaires,
de médicaments psychotropes et d'antibiotiques, et distribue
bien plus d'arrêts de travail que les autres pays européens,
par exemple.
Et juste derrière ce spasme, apparaît une autre entité
passionnante à étudier, celle du NON. Le Docteur Patrick
Lemoine, psychiatre à Lyon-Bron et membre de la commission
de transparence de l'Afssaps a étudié particulièrement
ce phénomène. En percevant que, de l'enfant qui se
pâme à l'adulte qui produit spectaculairement son malaise,
transformé ensuite par toute une chaîne de porteurs
de pouvoirs inadaptés en une maladie souvent définitive
alors qu'elle n'a jamais existé, il a manqué en cours
de route toute une série de NON qui n'ont pas été
prononcés au moment voulu. Non tu n'auras pas ce que tu voudrais,
parce que ce n'est pas pour toi, et moi ta Maman je te l'explique,
mais si tu te conduis violemment je ne pourrai pas rester dans cette
discussion, et je ne céderai pas parce que ce que tu demandes
est dangereux, ou illogique. Non je ne vous donnerai pas l'arrêt
de travail, la prescription de scanner, l'antibiotique que vous
exigez, nous allons prendre largement tout le temps nécessaire
pour en discuter, que j'écoute votre demande, que vous en
perceviez vous-même les tenants et aboutissants, et que je
parvienne à vous expliquer que ni un scanner ni un bilan
biologique ne vous donneront la date de votre mort, et qu'un arrêt
ne me semblerait pas dans la situation présente constituer
un apport thérapeutique.
En faculté, de très nombreux modules proposent
maintenant des thèmes comme communiquer pour écouter
et entendre, comprendre pour proposer, proposer pour négocier,
négocier pour obtenir une observance, apprendre à
dire non de manière motivée et valorisante, etc. Car
contrairement à ce que l'on peut présumer, l'instinct,
l'affectif, l'empathie, le naturel, la spontanéité,
ne suffisent pas, et un apprentissage est nécessaire pour
que le futur praticien sache dire non sans devenir coupable, sans
se sentir mal à l'aise, et en comprenant les mécanismes,
les interactions, le relationnel, les échanges avec ses patients.
Renforcer la compétence:
Nous
allons maintenant tenter d'élargir encore, à d'autres
domaines dont l'actualité nous a nourri longuement. Remarquons
que le système de santé libéral à
la Française, un embryon minime d'explication, allié
à des conditions économiques extrêmement précaires,
amène l'idée de "clientèle" un mot
horrible mais réel. Nombre de praticiens ne disent jamais
non, ils en conviennent d'ailleurs en privé, pour ne
pas perdre leur clientèle indispensable pour vivre.
Le système politique à la Française fonctionne
sur la même base. Un gouvernement tarde, hésite, ou
rechigne à dire non, pour ne pas perdre sa clientèle
électorale. Un syndicat ne procède pas autrement.
Face parfois à l'absurdité d'une situation, à
l'idée discutable d'une revendication, à une ébauche
de conscience d'un intérêt national, la centrale syndicale
ne dira même pas non à ses propres militants, par peur
de perdre sa clientèle électorale. Phénomène
de pouvoir. Qui si l'on y réfléchit lucidement débute
dès cet affrontement entre la mère et l'enfant. La
demande de l'enfant est irrecevable, mais pour ne pas "risquer
de perdre son amour" avec aussi les culpabilisations innombrables,
la mère cédera à l'attitude de crise spasmodique
du petit au lieu de dire non et de poursuivre son chemin.
La réflexion est dès lors la suivante : n'existe-t-il
pas un parallèle entre toutes ces situations évoquées
et le mode de fonctionnement social de notre pays ? Notre nation
semble, pour sa conduite sociale comme pour sa santé, fonctionner
à l'exception. Appendicites en nombre incroyable, existence
d'une spasmophilie niée partout ailleurs, prescriptions multiples.
Exactement comme, face à des situations quasiment "cliniques"
telles causes (chômage, démographie, économie,
etc) produisant tels effets, comme dans le domaine de la santé
(alcool, tabac, drogue, stress, angoisse, alimentation, récusés
et remplacés par un abord technologique commode pour masquer
la réalité) vont entraîner la nécessité
de crises aiguës nécessitant obligatoirement des spectateurs,
pour être bien effrayantes, bien coûteuses (comme le
sont les prescriptions inutiles et les examens complémentaires
nuisibles) et placer en position de pouvoir absolu des personnages
au départ non porteurs de capacités cliniques, diagnostiques,
thérapeutiques...
Là où toute une série de NON, verbalisés,
expliqués, argumentés, valorisés par des
considérations économiques, sociales, démographiques,
des projections d'avenir, mèneraient à une réflexion
et une négociation, la nation fonctionne rigoureusement selon
les mêmes critères et mécanismes que les individus
en difficulté, en utilisant des crises soigneusement spectaculaires,
des spasmes symptomatiques, destinés consciemment ou non,
à impressionner, et à faire reculer tous les NON indispensables.
Gouvernements, syndicats, instances et autorités agissent
alors strictement selon les même comportements. Prescrire,
céder, accéder aux demandes, pour ne jamais perdre
la clientèle, leurs actions étant aggravées
par les "porteurs d'uniforme en position de pouvoir" ici
non plus sanitaires mais politiques et syndicaux, qui posent des
diagnostics et proposent des thérapeutiques sans être
en position de pratiquer ainsi. Ce ne sont là que réflexions,
bien sûr, mais ce parallèle entre ces spasmes symptomatiques
nationaux donne à penser pour trouver un sens.
l'os court :
« Dans la bouche dune femme, non nest que le frère
aîné de oui .» Victor Hugo
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°308
Hebdomadaire francophone de santé
25 Août 2003
L'image
des parents
Docteur Jacques Blais
L'idée de ce texte est née
d'un "coup d'oeil" paru sur nos écrans, illustrant
une forme de détresse et d'angoisse des étudiants
en médecine, notons le surtout lors de leur quatrième
année, celle où l'on passe de la théorie des
sciences fondamentales à la pratique des vrais malades à
rencontrer, au point que plusieurs facultés ont établi
des services d'écoute mis à la disposition des carabins.
Et également des remarques de certains parents réagissant
ensuite en évoquant la manière dont leurs propres
rejetons abordaient ou non ces études médicales.
En préambule, notons que cette "image des parents"
concernant l'adoption ou le choix par certains étudiants
en médecine de la profession d'un des parents a très
longtemps été celle du père, notre génération
d'anciens à nous connaissait une proportion de 70 hommes
pour 30 femmes, une statistique des années 2000 montre qu'en
matière d'installation nouvelles actuelles la parité
est arrivée, une femme s'installe nouvellement pour un homme.
Enfin pour ceux d'entre nous qui ont la chance de travailler en
faculté en troisième cycle, le constat est évident
: depuis 5 ans environ, en médecine générale,
nous avons affaire à 20 étudiantes pour seulement
5 garçons.
Retrouver la confiance:
Nous avons déjà abordé ce thème de la
féminisation des professions. Autrefois les filles optaient
pour des professions d'investissement social, institutrices, infirmières,
puis leur niveau d'ambition, l'évolution sociale, le regard
parental, ont donné accès et c'est une excellente
chose, à des professions toujours investies d'une mission
"humaniste", avocates, sage-femmes, médecins, et
depuis une dizaine d'années et plus, la réussite souvent
meilleure, l'application des filles les ont menées à
se diriger vers toutes les professions envisageables, à partir
au début des "Grandes Écoles" et maintenant
sans restriction.
Ce n'est même pas une question de confiance, les étudiantes
sont extrêmement performantes, motivées, leur taux
de réussite est supérieur à celui des garçons.
Le résidu de tout petit bémol actuel se loge
dans le choix de départ. Les filles choisissent plus souvent
des études, un cycle, sans transformer d'emblée ce
choix en une profession, quand les garçons optent pour un
métier en incluant dès le départ leur apprentissage
sous l'aspect d'un travail ultérieur.
Et toutes les approches socio-économiques aboutissent à
une conclusion inexorable : une profession qui se féminise
énormément voit diminuer son niveau de vie, ses ambitions,
son application pratique en terme d'investissement. Il est à
noter là une logique marchande, si l'on peut dire, avec des
répercussions à tous niveaux. Il est aussi difficile
de mener à bien une carrière que la création
et l'éducation d'une famille, et les deux conséquences
sont nettes : l'âge de maternité recule en raison de
l'investissement professionnel des femmes, et le niveau de vie diminue
pour celles qui exercent en raison du temps souvent partiel consacré.
Rien ici d'un quelconque jugement de valeur, un simple constat statistique,
démographique, sociologique, économique.
Restaurer la conscience
Soulevons maintenant bien d'autres points, ayant trait à
l'image. Une profession, et donc ce qui la précède,
les études, répond à deux appréciations
: celle de l'image donnée par le personnage titulaire, que
l'on peut qualifier de place dans la société, notoriété,
prestige, rémunération, niveau de vie, etc,
et l'autre versant qui est la fonction, que l'on peut qualifier
de rôle dans la société, d'investissement personnel,
de qualification marchande, ou administrative, ou sociale, ou soignante,
etc.
La génération d'après-guerre, qui a précédé
la nôtre, voyait des médecins notables, aisés
ou nantis (au prix d'un énorme travail, ne l'oublions jamais)
dont l'assise, le rôle social, la place, l'aura, dépassaient
le cadre simple de la profession elle-même. Notre génération
à nous, les descendants, a connu une progressive altération
de tous ces éléments. Considération, notoriété,
revenus, place dans la société, image politique, appréciations
négatives des gouvernants, mais ceux d'entre nous qui travaillaient
encore énormément, deux voire trois fois plus que
le reste de la population, conservaient une satisfaction professionnelle
valable. La génération en cours, celle que côtoient
les étudiants qui à présent suivent des stages
en cabinets, ce qui est excellent, mieux vaut découvrir et
connaître avant que "sur le tas", est constituée
de praticiens en difficulté permanente. Revenus très
moyens, accusations de toutes sortes en provenance des gouvernants,
des Caisses, les médecins sont devenus des individus insatisfaits,
vivant dans des appartements "ordinaires", conduisant
des voitures "normales", sujets permanents d'agressions
fiscales, administratives, et maintenant physiques, verbales, d'une
clientèle les considérant comme un service rémunéré
à leur discrétion.
Le "rôle" social, avec son amplification en vocation
de soignant, s'éteint sous l'avalanche des avatars de la
"position" sociale dévalorisée, malmenée,
invectivée. Ce que semblent traduire les comportements étudiants.
Angoisse extrême, abandons de leurs études, refus dramatique
de l'installation, aggravée par cette fameuse féminisation
(n'oublions pas cette statistique sur 2 facultés parisiennes,
depuis les 5 dernières années, 20 % seulement des
étudiants utilisent leur diplôme en s'installant en
exercice libéral de médecine générale,
les 80 % d'autres n'exerceront jamais, ou trouveront des biais administratifs,
bureaucratiques, industriels, pharmaceutiques, des vacations diverses,
en somme autant d'échappatoires à ce qu'ils avaient
préparé comme diplôme), voire conduites extrêmes
comme le suicide.
Renforcer la compétence:
Lorsque j'entends sept confrères l'an dernier, en
deux groupes, quatre dans un cadre de formation continue, trois
dans le monde de l'enseignement, recevoir comme une sorte d'affront,
ou d'échec personnel, ou d'interpellation de leur place de
parent, de remise en cause, l'annonce par leurs fils (il s'agissait
sept fois de garçons) de leur non acceptation en médecine
à l'issue des années préparatoires, et pour
deux de l'abandon avant nouvel essai encore possible, plusieurs
interrogations me viennent.
Qu'entend le parent dans cette sorte "d'échec"
généralement présenté comme tel ? "Mon
fils ne sera pas médecin, j'en suis sincèrement désolé
pour lui, ce métier le tentait vraiment" Ou bien
"Mon fils ne reprendra décidément pas ma clientèle,
j'en avais pourtant rêvé, qu'il succède à
son père aurait été un accomplissement".
Ou bien encore, et sans parvenir à l'avouer, "ce garçon
me déçoit, et même pire il me vexe, décider
soudain de ne pas suivre mes traces, est-ce que mon métier
ne lui convenait pas ?" Et il restera bien d'autres options,
s'attachant à l'image, aux traces, à la descendance,
à la pérennisation, presque au passage d'un témoin
dans une affaire familiale, comme les agriculteurs, les vignerons,
et si inconsciemment à la transmission d'un savoir, d'un
pouvoir, d'une position, d'un art.
Et il est très concevable que cette étape soit terriblement
difficile. Et pour le parent, face à ces deux options aussi
violentes, l'échec ou le refus, trop d'incapacité,
ou trop de rébellion, pas assez de possibilités, ou
trop de personnalité, et pour le jeune étudiant, renvoyé
à son propre miroir : mon père me dépasse donc
toujours, je ne parviens à l'égaler ? Ou à
ses audaces salutaires : il fallait impérativement que je
parvienne à un moment à leur faire comprendre que
je voulais vivre ma vie à moi, et non celle du "fils
de..." ("oui, vous savez, c'est le petit du docteur, pourtant
il était bon à l'école, eh bien il n'a jamais
voulu faire docteur à son tour, oh ça l'a bien vexé
et même désespéré son père, vous
savez, il y comptait tellement, et puis si gentil, c'est dommage
le petit aurait sûrement fait un bon docteur aussi, vous voyez...)
De sorte que me viennent deux ultimes réflexions, et je vous
laisse aux vôtres, espérées. D'abord si cela
avait été le cas j'aurais souhaité que mes
descendantes ne choisissent ce métier fabuleux que pour l'enthousiasme,
la passion, le souci permanent du soin adapté, le bonheur
d'aimer et d'être aimé, et surtout jamais, jamais,
pour une hypothétique position sociale, ou les retombées
financières de l'invraisemblable travail qui aura été
le mien trente années durant... Et par complément,
pour ces sept et tellement d'autres confrères douloureusement
frappés par échec et/ou refus filial de reprendre
le flambeau : qui éclairait ce symbole, les parents
ou l'enfant, qui souhaitait, poussait vers ce choix, les parents,
ou l'étudiant, qui cela valorisait-il, les parents ou le
rejeton ? Et qui, le plus fondamental de tout, portera l'échec
le restant de ses jours, s'il n'est pas parlé, résolu,
discuté, verbalisé, traité, les parents ou
l'étudiant(e) ? Avec quelle formulation : j'ai déçu
mon père, ma mère, je ne les vaux pas, mérite
pas, ou bien ouf les circonstances m'auront libéré(e)
mais je vois bien que j'ai donné un coup fatal aux vieux,
comment s'en sortiront-ils ?
l'os court :
« Ils naperçoivent quune brève part
de la vie : hommes dun destin éphémère,
fumées que le vent agite et dissout. » Agrigente .
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°309
Hebdomadaire francophone de santé
1er Septembre 2003
Morts
évitables
Docteur François-Marie Michaut
La littérature médicale
parle volontiers de morts évitables pour qualifier
des décès qui nauraient pas eu lieu si on avait
respecté des mesures de prévention ou adopté
des soins médicaux efficaces. Des morts par accidents de
la route ou suicide aux affections cardio-vasculaires précoces
en passant par certains cancers liés à lenvironnement,
la liste est longue. De plus en plus longue, en vérité.
Retrouver la confiance:
Le maniement dune telle notion, en apparence limpide, certes
utile pour ceux qui soccupent dépidémiologie
ou de santé publique, nest pas sans danger. Le risque
est de laisser entendre de cette façon que la mort, notre
mort, celle de nos proches, est une donnée relevant uniquement
de la médecine. La mort, et notre ami exmédien le
philosophe Alberto Asero en serait certainement daccord, devient
ainsi une sorte de maladie. Et une maladie que les médecins
devraient de plus en plus faire reculer, à défaut
de pouvoir (encore?) la faire disparaitre. Quête dimmortalité
aussi vieille que lhumanité si lon en croit tous
nos mythes, nos contes et , à leur façon, ... nos
religieux ?
Restaurer la conscience
La fréquentation assidue de séries télévisées
à succès fabriquées aux USA ne fait que renforcer
auprès du plus grand nombre cette idée folle de la
toute-puissance, non plus des traditions religieuses, mais de la
médecine. Quand la réalité vraie, celle que
nous vivons, fait irruption dans nos vies, il ny a plus de
miracle salvateur. Il ny a plus que des hommes bien humains
se battant du mieux quils peuvent pour dautres hommes.
Et quand léchec ou la mort est au rendez-vous en dehors
du petit écran, la tentation de demander réparation
à la justice devient de plus en plus forte. La maladie na
pas été vaincue : cest jugé proprement
scandaleux.
Quand lEurope entière subit un été particulièrement
chaud, la société française éberluée
se trouve face à une importante surmortalité des personnes
les plus fragiles qui ont été victimes dhyperthermie.
Étrangement, avec un thermomètre encore plus féroce,
ni la Grèce, ni lItalie, ni lEspagne, ni le Portugal
nont vécu cette hécatombe. Que sest-il
donc passé de particulier chez nous ?
Renforcer la compétence:
Laissons
de côté les inutiles et classiques jérémiades
et polémiques contre les pouvoirs publics à qui on
reproche, pêle-mêle, tout et son contraire. Dans nos
campagnes, le Dr Bossuet en a témoigné en praticien
de terrain sur notre liste Exmed-1, il ny a eu aucune surmortalité
spectaculaire. Tout simplement parce quune compétence
ancestrale, jugée ringarde et dépassée chez
les maîtres à penser du moi dabord
de nos modernes cités, a discrètement survécu.
Des gens, pas forcément meilleurs ou mieux intentionnés
que quiconque, se sont simplement souciés de ceux qui vivaient
auprès deux, pour les rafraîchir, leur donner
à boire et leur apporter cet indispensable oxygène
dune relation humaine. Faut-il encore le dire, faut-il oser
le rappeler ? Je ne suis pas seul au monde, comme moi les autres
existent, comme moi ils ont le droit dexister. Sans eux, je
ne peux pas plus survivre pour mes besoins élémentaires
quils ne peuvent parfois survivre sans moi. Rudimentaire leçon
de savoir vivre quil serait prudent de ne pas occulter. En
2003, dans nos villes confortables, dans nos appartements si bien
équipés, des milliers et des milliers dhumains
sont morts. Morts de soif parce que nous nétions pas
là. Morts dans la solitude de soif et dhyperthermie
comme des naufragés au milieu du Sahara. Pas de quoi pavoiser,
pas de quoi se sentir en droit de jouer aux donneurs de leçons
en matière de droits de lhomme et de civilisation.
NB : La prochaine LEM 310 paraîtra le mardi 9 septembre.
l'os
court :
« Le cynique est un homme
qui connaît le prix de tout et la valeur de rien.»
Oscar Wilde
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°310
Hebdomadaire francophone de santé
9 Septembre 2003
Deux
ans après le 11 Septembre
Docteur Jacques Blais
C'est du sujet du "debriefing"
post-traumatique dont nous voudrions parler aujourd'hui. A l'heure
de la rédaction de ce texte, selon une routine hélas
devenue presque la règle du fonctionnement de notre société,
entre quelques attentats, une fin de guerre, deux accidents graves
d'autocars, le souvenir récent de tremblements de terre ou
d'ouragans, les sources de situations évocatrices sont légions.
Il suffit d'une interrogation supplémentaire d'une lectrice
quant au mécanisme du "pourquoi et du comment"
et d'un article suggérant une différence de résultats
entre les modes opératoire de ces déconditionnements
de débroussaillage pour donner matière à réflexion.
Dommage d'avoir recours, comme d'habitude, au vocabulaire anglais
pour évoquer cette méthode. Car, comme bien des détournements
modifiant la traduction, debriefing signifie "compte-rendu"
(de mission) c'est à dire une prise de parole plutôt
récitative et passive, justement, et non cette créativité
qui fait la thérapie recherchant le sens.
Retrouver la confiance:
Des études tendraient à montrer qu'il existe une différence
de résultat liée aux conditions de la pratique de
cette intervention rapide de psychologues et d'écoutants
sur les lieux des traumatismes violents et prenant les êtres
humains par surprise, donc par leur point faible, l'absence de défense.
D'une part le résultat est meilleur si l'on a pris la précaution
d'emmener les victimes survivantes à l'abri, protégées
du bruit, de l'agitation, des fumées, de l'oppression, des
sirènes, vers un havre de paix après la crise. D'autre
part il existe aussi une différence entre la méthode
"parlez, nous vous écoutons, videz vous, évacuez"
qui consiste à demeurer au stade du "comment",
la narration répétitive, les circonstances, le vécu,
le ressenti immédiat, et celle qui propose une visée
thérapeutique constructive. Celle-ci repose sur l'expression
du "pourquoi", et elle a pour but non plus seulement de
donner une réalité, une vision, un ressenti physique,
auditif, mais d'apporter un sens. Pourquoi ont-ils fait cela ? Pourquoi
moi et non les autres ? Pourquoi la mort et pourquoi la vie ? Et
cette interrogation sur le sens va déboucher sur bien d'autres
pistes, la culpabilité, le destin, l'existence, et offrir
l'occasion et le but de cette visée thérapeutique
: repérer les sujets à risque, et leur proposer un
suivi.
Restaurer la conscience
Ils étaient assis côte à côte, dans ce
bus renversé, ce métro explosé, ce train déraillé,
ou cet immeuble écroulé, et ne se connaissaient pas,
ne se sont pas parlé. Tous deux sont survivants, mais autour
d'eux, tant de morts inconnus. Un ou deux ans plus tard, posons
en arbitraire que lui, l'homme, va bien. Il est même transformé,
il s'émerveille de tous les instants de la vie, du soleil,
de la rencontre avec les êtres, il prend son temps désormais,
il savoure. Mais la perception, la compréhension de cet essentiel
s'est accompagnée de changements terribles pour les autres,
ses proches, ses collègues, ils ont du mal à le suivre,
et il a du mal à leur expliquer. Il a, dirait-on changé
ses critères de valeur, investi dans des mondes qu'il est
seul à atteindre, et cela a provoqué des ruptures,
des brisures, des douleurs que lui semble bien vivre.
Elle, tout au contraire, va mal. La vie lui est devenue pénible,
insupportable, elle se heurte aux murs de son existence, ramène
à elle des culpabilités enfouies, ne supporte pas
le bonheur chez les autres, rend la cohabitation avec ses proches
difficile, voire carrément désagréable, chaque
jour est une lutte, une agression, un agglomérat de récriminations.
Comment cela se fait-il, et pourquoi une telle différence
? Bien que leur "comment" , leurs circonstances aient
été identiques, ils étaient assis côte
à côte au même moment fatidique, leur "pourquoi"
n'a rien de commun. Elle traînait au fond de ses poches les
cailloux d'une vie perturbée par des deuils mal vécus,
des ruptures, des échecs, elle transportait dans sa tête
un album d'images terrifiantes, des visages morts, des expressions
de colère, des souvenirs d'effroi. Coupable depuis toujours.
De ne pas avoir assez aimé, ou pas au bon moment, ou pas
la bonne personne. De ne pas avoir su, osé, essayé,
voulu, d'avoir laissé aller.
Lui était un type qui par nature, par chance, conscient de
n'y être pour rien, de ne pas le mériter plus qu'un
autre, se trouvait être créatif, entreprenant, actif,
adapté, et il ne trimballait pas de remords ou culpabilités
extraordinaires, des morts logiques, l'âge, des maladies "normales",
il avait fait son trou dans la société, était
reconnu, apprécié, aimé même sans doute
de beaucoup.
Renforcer la compétence:
De sorte que, simples exemples artificiels et schématiques,
le "pourquoi" de ces deux personnes, dont le "comment"
immédiat du traumatisme était identique, a évolué
dans des directions terriblement différentes. Pourquoi ceux
là sont ils morts et pas moi ? Pourquoi, moi qui étais
si coupable vis à vis de ma pauvre mère, décédée
loin de moi, de ce frère disparu trop tôt et qui lui
aussi n'avait aucune raison de mourir avant moi, ou à ma
place, ne suis-je pas morte cette fois ? Cela aurait été
logique. Presque...mérité. Pourquoi continuer ? Pourquoi
n'ai-je même pas songé une seconde à mes enfants,
je me suis même dit en tout premier lieu "je suis vivante"
alors que j'aurais dû appeler, m'occuper des autres, etc
Cette femme traumatisée a réactivé à
cette occasion une montagne de "matériel psychique"
présent en elle, qu'elle était parvenue tant bien
que mal à laisser en sommeil, sans laisser vraiment son existence
dans la sérénité, si sa vie, elle, avançait
tant bien que mal.
Cet homme là, - et un autre aurait réagi autrement
-, a bénéficié d'un psychisme différent,
d'une absence relative de traumatismes non réglés,
il n'avait pas dans ses réserves et ses placards de cadavres
et de fantômes insupportables, son image personnelle et son
mode de fonctionnement lui ont permis de se poser des questions
en pourquoi très différentes. Pourquoi garder dans
ma vie des critères dont je viens de comprendre que tout
est si volatil, fugitif, vain, fragile ? Pourquoi alors ne pas privilégier
l'existence, le goût des jours, le charme de la vie, donner
un sens et une direction à mes aspirations, à mes
projets, qui fasse que cette expérience traumatisante me
serve de construction pour la suite ? Pourquoi ne pas accepter,
ou décider, d'être autre, changé, en ayant désormais
mes propres objectifs, au risque de ne les partager que très
difficilement avec ceux qui me connaissaient avant ?
Ces quelques réflexions tentent de répondre aux interrogations
de ceux qui demandent : à quoi bon ces questions perpétuelles,
ces analyses de tous les évènements, des réactions,
des attitudes ? A quoi bon remuer des comment, et accumuler des
pourquoi, au lieu de tenter d'oublier et de continuer à avancer
? En réalité, cette forme de prise en charge des victimes
de traumatismes, dits naturels ou liés à l'homme,
montre que si les comment, quand, où, sont gérés
dans l'immédiat du discours simplement narratif, descriptif,
ce sont les qui, les pourquoi, qui permettront après, avec
un objectif thérapeutique, d'autoriser à vivre, au
moins, voire même de suggérer d'exister, en mettant
la mort dans les mots, en interrogeant les culpabilités,
les fantômes, les visions resurgies, tout ce que le traumatisme
a bousculé effroyablement, pour comprendre, fabriquer, proposer
un sens à ces victimes qui, envers et contre tout, ont à
exister après, et encore après, sans la plus petite
illusion d'un oubli, mais en ayant appris ou découvert quelque
chose de plus de cet épisode d'une insoutenable violence.
l'os
court :
« Tout sarrange,
mais mal.»
Alfred Capus
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