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Lettre
d'Expression médicale n°311
Hebdomadaire francophone de santé
15 Septembre 2003
Expression
médico-théâtrale
Docteur François-Marie Michaut
Lorsque nous avons créé
Expression Médicale en 1997, nous avons demandé au
professeur Jean-Paul Escande de bien vouloir soutenir notre initiative
douvrir un espace de dialogue autour des questions de santé.
Ce quil a fait de grand coeur en faisant partie du comité
éditorial de la LEM, car, de son côté, il milite
depuis des années pour une autre médecine, qui ne
soit pas sous la coupe de lindustrie pharmaceutique ou des
pouvoirs en place. Nous devons aussi à la vérité
de dire que nous avons fait ensemble une tentative sur la LEM 180
du 8 février 2001.
Retrouver la confiance:
En voici le texte :« En dissidence : Boussole
Jean-Paul Escande
Alors mes chers confrères : qu'est ce qu'on fait ? Qu'est
ce qu'on fait de sérieux, d'utile, qui soit bon pour les
malades, bon pour nous et bon pour l'omniprésent complexe
médico-industriel ? Je vous propose de redéfinir les
bases qui nous lient au dit complexe médico-industriel lequel
compte sur nous pour prescrire les médicaments qu'il fabrique,
utiliser les appareils qu'il fabrique, faire tourner les centres
médicaux quil met en place. Ce cher complexe nous prend
souvent pour des petits enfants : " Fais pas ci ! Fais pas
ça ! ". Et nous répondons en petits enfants "
Oui monsieur, Bien madame ". Il faut repenser tout cela. Il
nous faut réaimanter la boussole affolée de l'honneur
médical dérivant. Tout le monde y trouvera son compte.
Le " complexe " le premier. Faire avec lui ? D'accord.
Faire autrement ? Impératif. A bas l'infantilisation publicitaire
du médecin. Vous supportez, vous les publicités qui
nous poussent à prescrire ? Moi non.
Alors ? On en discute ? Ouvrons le forum.
_______________________________
Ndlr. Ca tombe très bien. Il existe ce forum. Il ne demande
quà fonctionner à plein régime si nous
avons la volonté de sortir de notre isolement, et de notre
timidité. La liste Exmed1 est là pour servir datelier
de travail. Avis aux amateurs. »
Restaurer la conscience
Hélas, dès la première réponse, la discussion
sest arrêtée net. Nous lavons toujours
regretté. Alors quand nous apprenons que Jean-Paul Escande
a choisi pour sexprimer la scène du théâtre
de la Gaîté-Montparnasse ( Figaro du 3 septembre ),
nous dressons loreille. Un one-man show pas vraiment comme
les autres, qui prend la forme dun long conte. Et qui, en
vérité, se révèle une consultation
médico-théâtrale selon la formule utilisée
par Christine Fauvet-Mycia. A Exmed, aussi, et à notre façon
infiniment moins médiatique, nous avons conscience que lexpression
par le biais de lart théâtral pouvait contribuer
à mieux faire toucher du doigt au plus grand nombre des réalités
du monde de la santé et de la maladie dont on parle peu,
ou avec des mots qui ne portent pas, qui ne parlent pas. Comme vous
le savez Jacques Blais propose ainsi au public que cela pourrait
intéresser ses pièces sur le site Exmed.
Renforcer la compétence:
Quun
patron hospitalier renommé, doublé dun homme
de science authentique, soit aussi un passionné de communication
avec le public, au risque de se faire juger sévèrement
par ses pairs ne peut que nous réjouir. La grande
médecine sortant de ses murs pour oser monter sur les planches
afin de parler presque comme tout le monde de presque tout ce qui
entoure la santé de tout le monde, voilà un bel encouragement
pour tous ceux qui croient à limportance, sinon à
lurgence, de ne pas se laisser enfermer dans un rôle
technique de plus en plus déshumanisé. Jean-Paul Escande
a choisi de sadresser directement à un public très
parisien. Exmed, en fait, poursuit une voie parallèle et
complémentaire, dans laquelle ni lespace, ni le temps
nont les mêmes limites. Mais nous demeurons décidemment
sur le même bateau : celui de lexpression médicale
librement ouverte à tous. En un mot, celui de la métamédecine.
l'os
court :
« Le vrai théâtre
- pour ma concierge- cest une reine qui a des malheurs.»
Marcel Achard
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d'Expression médicale n°312
Hebdomadaire francophone de santé
22 Septembre 2003
Quand
de lentraide renaît lespoir
Marie-France Bru-Daprés (*)
Tout commence le jour où sa vie bascule de lautre côté.
Quand de bien portant, on se retrouve soudainement dans
le camp des malades.
Cest ce qui mest arrivé, il y a dix ans, alors
javais 34 ans, et que dans la vie tout me souriait.
La soudaine apparition de nombreux abcèsdans
les plis inguinaux et les creux axillaires, leur résistance
à lantibiothérapie, me conduisirent tout droit
du cabinet de mon père vers une table dintervention.
Diagnostic confirmé : maladie de Verneuil.
Douce et docile, je me suis laissée faire, sans trop me poser
de questions. Après tout, le problème était
identifié, le geste pratiqué. Pourquoi aurais-je du
men faire?
Le prise de conscience est arrivée lorsquune deuxième
intervention fut nécessaire, et que lon pratiqua lexérèse
totale du premier creux axillaire. Le chirurgien, fort délicatement,
joignit ces quelques mots à mon père dans le compte-rendu
opératoire : votre fille va devoir sarmer
de beaucoup de patience et de courage.
Alors Attachée de Recherche Clinique, je me suis mise en
quête dinformations. Dans les livres de médecine,
sur Internet, mais rien ne me permettait de rassasier ma soif de
comprendre ce que javais, ni surtout pourquoi jen étais
là!
Les interventions se succédaient, et je nétais
pas plus avancée. Je sentais bien que mon moral commençait
à flancher, mais il était hors de question pour moi
de laisser transparaître la moindre détresse.
Retrouver la confiance:
Si je devais faire face à quelque chose de long, alors je
devais dabord savoir ce que jallais affronter. Jai
donc cherché à contacter dautres malades atteints
de la même maladie que moi. Cest ainsi que je me suis
retrouvée inscrite sur une liste de discussion anglophone.
Jai alors très vite réalisée que jétais
la seule francophone, pour la bonne raison, quil fallait alors
savoir que la maladie de Verneuil était connue, dans les
autres pays, sous le nom d hidradenitis suppurativa.
Jai très vite pris la décision de mettre à
profit mes diverses périodes darrêt maladie pour
créer un site Internet. Il ma fallut une année
entière de recherche, de traductions, mais aussi dapprentissage
de certains logiciels informatiques. Cette période fut la
première étape de mon envie de partager
avec dautres malades.
Le jour même de sa mise en ligne je reçu un premier
message, de Belgique. Jétais si heureuse! Je retrouvais
enfin mon courage et ma confiance en lavenir.
Restaurer la conscience
Ce long travail mavait tout doucement et insidieusement amenée
à une certaine acceptation de ma maladie. Il y avait toujours
les interventions, bien entendu, mais jy allais plus sereine.
Au fur et à mesure que de nouveaux malades nous rejoignaient,
je prenais conscience de limmense tâche qui mattendait
alors. La création dune association me semblait une
suite logique, et a très vite suivie. LAFRH était
née. Une première évidence sest très
vite imposée, les malades nattendaient pas de notre
part un simple apport dinformations. Il voulaient aussi entrer
en contact avec ceux qui savent, ceux qui vivent la même
chose. Il fallait, en outre, leur redonner la force de se
battre, faire naître en eux une lueur despoir, les engager
à passer du statut de spectateur à celui dacteur
sur leur maladie. Comme dans beaucoup dautres pathologies
chroniques, pour lesquelles il nexiste pas encore de traitements,
un grand nombre dentre eux sétaient détournés
du corps médical pour se laisser séduire par le monde
de lirrationnel, de ces vendeurs de miracles, magnétiseurs,
gourous de sciences ou médecines dites énergétiques,
ou encore naturelles. Mais quy trouvaient-ils donc de
plus? Le plus souvent une oreille, de lattention, ou une simple
reconnaissance de leur statut de malade. En les aidant à
comprendre que limpuissance des médecins à les
diagnostiquer, et à plus forte raison à les guérir,
découlait plus dun manque dinformation, de traitement
disponible que dun désintérêt de leur
part, nous avons permis de provoquer un retour au dialogue médecin-patient.
En engageant nos adhérents à se rendre chez leurs
médecins, en les engageant à participer à cet
effort dinformation, nous leur ouvrons une nouvelle voie.
Celle de léchange.
Renforcer la compétence:
Cest
donc dans cet esprit que jai travaillé, afin de pouvoir
fournir au corps médical la meilleure information possible,
la plus actualisée qui soit. Mais il ne suffit pas de sentir
les choses pour quelles se fassent. Encore faut-il les étayer
sur des bases solides. Pour cela jai cherché, lu, sollicité
lappui de différents médecins, souvent peu enclins,
il faut lavouer, à sengager à nos côtés.
Ce travail dinformation des professionnels savérait
alors indispensable face à une maladie dont la plupart navaient
même jamais entendu parler au cours de leurs études.
Aujourdhui, et au bout de 3 années dexistence,
notre association a pu constituer son Comité Scientifique
sous la Présidence du Professeur Revuz. Une première
étude clinique se met en place. Le recrutement vient dêtre
lancé. Deux autres essais devraient voir le jour dici
la fin de lannée. Si peu de chercheurs jusque-là
sétaient penchés sur la Maladie de Verneuil,
tant en France que dans le monde. Ma fierté est quaujourdhui,
après presque 150 années de quasi silence, la maladie
de Verneuil a été abordée aux entretiens de
Bichat, où le nom de notre association et ladresse
de notre site ont été mentionnés. De même,
lors des prochaines Journées Dermatologiques de Paris ce
sujet sera à nouveau abordé. Notre prochaine étape
est de tenter définir plus exactement la prévalence
de cette maladie. Jouvre donc un appel à tous ceux
dentre vous qui souhaiteraient nous apporter leur concours,
car nous navons pas encore achevé notre travail, loin
de là. Tous ensemble nous pouvons encore renforcer nos compétences,
et de cette entraide faire renaître lespoir!...
(*) mfrance.bru@libertysurf.fr colistière dExmed, Présidente
- Fondatrice de l'A.F.R.H.
Association Française pour la Recherche sur l'Hidrosadénite
772, Avenue du Professeur Louis RAVAS
34080 Montpellier
Tel : 04 67 16 00 37
http://afrh.ifrance.com
l'os
court :
« Il faudrait essayer
d'être heureux , ne serait-ce que pour donner l'exemple .»
Jacques Prévert
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d'Expression médicale n°313
Hebdomadaire francophone de santé
29 Septembre 2003
Vomitoire
Docteur François-Marie Michaut
On nomme vomitoire, affirme le dictionnaire, lissue permettant
au public, dans lantiquité romaine, de quitter les
gradins de larène à lissue des jeux du
cirque. Cest cette image, avec toutes ses connotations, y
compris les plus triviales et les plus sanglantes, que suggère
la lecture du livre de Iulius Rosner Dans les coulisses du
rideau de fer, sous titré Autopsie dun
régime totalitaire ( Le Cherche Midi , éditeur
). Ouvrage dun médecin et dun brillant chercheur
roumain qui raconte sa vie dans lunivers dune démocratie
populaire de type stalinien succédant à un régime
fasciste pro nazi.
Retrouver la confiance:
Comment limmense espoir du jeune étudiant issu dune
famille bourgeoise dorigine juive choisissant, au péril
de sa vie, lidéal communiste sest peu à
peu érodé jusquà se transformer en une
méfiance permanente vis à vis de tout et de tous ?
Les évènements quil a vécu tant en Roumanie
quen Russie au moment de la mort de Staline, les hommes de
tout calibre quil a rencontré, dont un minable Nicolae
Ceaucescu, bien avant quil ne soit devenu le génie
des Carpates de lugubre mémoire.
Restaurer la conscience
Ainsi propulsés dans les couloirs du pouvoir de Bucarest,
une description clinique, dune plume à la précision
chirurgicale, nous promène dans des scènes successives
tout au long dune vaccination progressive. Vaccination contre
une énorme manipulation collective au nom du bien du plus
grand nombre, recouvrant des agissements de plus en plus deshumanisés
et deshumanisants. Vaccination croissante contre une idéologie
aussi noble dans son principe initial quabjecte dans la mise
en actes qua vécu le médecin jusquà
lasphyxie. Et, enfin, à lâge de quarante
ans, lexil en France en 1962 avec sa femme et sa fille, sans
espoir de retour, et contre le paiement dune rançon
de 10 000 dollars par une tante américaine.
Renforcer la compétence:
Iulius Rosner, il y a longtemps que cette signature figure
sous des articles particulièrement brillants et libres desprit
dans la presse médicale française. Car notre confrère,
après une expérience dans lindustrie pharmaceutique,
a finalement choisi de devenir médecin généraliste
à Dijon, où il a exercé jusquà
lâge de 76 ans. Excusez du peu ! Alors quand un homme
de cette trempe prend la plume pour témoigner, le moins que
lon puisse faire est douvrir largement ses oreilles.
Alors, quand il lui a fallu trois ans, malgré le soutien
de sommités scientifiques, pour trouver un éditeur
qui accepte de le publier, on se pose des questions. Quand les médias
( à la remarquable exception de Richard Liscia, rédacteur
en chef du Quotidien du Médecin ) restent totalement muets
devant un ouvrage de cette valeur humaine, le doute, hélas,
se précise. Dans notre beau pays de liberté, lempreinte
de la pensée moulée par le marxisme dans nos élites
intellectuelles serait-elle si agissante que personne ne voudrait
prendre la responsabilité de donner lécho quil
mérite à ce témoignage profondément
troublant ?
Ici, à Exmed, ce qui nous frappe, cest de voire décrit,
sans trace de haine ou de règlement de compte, ce type dunivers,
celui de nimporte quel totalitarisme, dans lequel le parti
unique cultive la méfiance généralisée
entre les hommes, développe une inconscience systématique
et encourage si fortement lincompétence sous toutes
ses formes. Or cest très exactement linverse
de nos trois souhaits rituels à Exmed, ceux qui rythment
en intertitres toutes nos LEM.
Bravo, Iulius Rosner, vrai médecin bien dans la tradition
dune ère des Lumières qui , quelles que soient
nos craintes devant toutes les pensées uniques, na
pas fini de faire parler delle.
l'os
court :
« Un livre est un miroir.
Si un singe sy regarde, ce nest pas limage
dun apôtre qui apparaît.»
Lichtenberg
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d'Expression médicale n°314
Hebdomadaire francophone de santé
6 Octobre 2003
Silence
de mort
Docteur Jacques Blais
Une expression très habituelle associe ces deux mots, lorsqu'on
évoque Un silence de mort, dont il est possible d'éprouver
l'exacte transposition quand vous vous trouvez dans une salle de
cinéma à regarder l'admirable film, primé à
Cannes, de Denys Acand, "Les invasions barbares". Un scénario
qui, comme pour apprivoiser, débute par une solide approche
ludique, avec un humour féroce et salace, puis grimpe dans
des échanges très culturels entre universitaires canadiens,
avant d'aborder dans le dernier tiers le coeur du sujet, la mort.
Vous entendez alors son exact silence, dans une salle devenue tombe
muette et figée, puis si vous écoutez en plus d'entendre,
vous parviennent ces souffles retenus, des gorges crispées,
des déglutitions tendues, des lunettes ôtées,
des mouchoirs extraits, et des sanglots retenus ou non. Impressionnant
comme ce film remarquable attaque votre meilleure résistance,
avec une pudeur extrême, tout est suggéré, livré
à l'imagination, et la vôtre pleure ouvertement ou
intérieurement.
Retrouver la confiance:
A la même période, les médias donnent à
voir et penser avec le drame de cette mère qui abrège
les souffrances, et bien davantage à travers ses mots la
désespérance sans issue de son fils quadriplégique.
A cette occasion, les propos du représentant du gouvernement
sont élevés, nobles, humains, quand le Premier Ministre
affirme que la question n'est pas du ressort de la politique. Et
lui aussi évoque ce silence de la mort, en demandant de le
respecter autour de cette famille.
Enfin le même jour encore, une émission d'une radio
nationale évoque également le problème, dans
un reportage tout de pudeur et de respect ("Là bas si
j'y suis", Daniel Mermet) , au cours duquel une famille évoque
l'euthanasie du père, qui a perdu tout contrôle de
son idéation et de sa conscience depuis des mois. Beaucoup
de notes extraordinairement importantes, dans ce reportage là
: d'une part les membres de la famille ne parviennent pas tous,
si tous ont donné leur accord, à "agir l'acte".
Deux participent totalement, et il est intéressant de noter
que l'un est le fils biologique, l'autre une fille adoptée,
quand trois demeurent à distance, une autre fille adoptée,
l'épouse, et un enfant biologique du père dont on
achève la vie. Deux lapsus du fils, lors de son récit,
sont à noter, il dit d'abord "j'ai avorté mon
père" et plus tard "j'ai autopsié mon père"
en voulant dire j'ai euthanasié mon père. Interrompre,
autre sens de la même idée, et "explorer dans
son corps intime" comme résultat, en quelque sorte.
Un dernier point, le fils déclare, serein, "il m'aurait
semblé logique d'injecter le produit moi-même, c'était
mon rôle à moi..." Oui, dans ce silence terrible,
pudique, mérité, logique, obligé, subi et subit,
qui entoure cette mort-là, si particulière, nous parlons
bien de l'euthanasie, le sujet dont on ne parle surtout pas tout
en le plaçant dans les têtes, les coeurs, et devant
les micros, sur les lèvres.
Restaurer la conscience
Seuls deux pays, disons-les d'Europe du Nord, ont légiféré
sur ce sujet délicat, douloureux, et en même temps
sensible, lucide, inéluctable, et d'une actualité
croissante. Nous n'allons évidemment pas prendre le moindre
parti, car si effectivement ce n'est pour une fois certainement
pas une décision d'ordre politique, elle ne saurait appartenir
davantage au seul monde médical. Tout en ayant conscience
de ce que, tous les jours sans exception, des professionnels de
santé ont à donner une opinion, en recueillir d'autres,
prendre des décisions actives ou passives, et surtout naviguer
en permanence entre le non-dit, l'interdit, l'entendu tacite, la
logique, et la si subtile différence entre cesser d'agir,
interrompre la part de soins de survie artificielle, et décider
d'agir, comme dans l'exemple du film de Denys Arcand, dans une clandestinité
hors territoire médical, mais avec quelques aides et complicités...
L'émission de radio évoquée établissait
un parallèle subtil de difficulté entre décider
en 1974 de la Loi sur l'IVG, inacceptable pour beaucoup, et indispensable
pour plus encore, et cette actuelle interrogation sur un consensus
sur l'euthanasie, à défaut de Loi. Et pour enfoncer
ce clou là, les médecins de ma génération
gardent un souvenir précis. Celui d'une nuance résolument
hypocrite, combien de discussion entre des praticiens jamais confrontés
à des demandes d'Interruption Volontaire de Grossesse, grâce
ou à cause d'une appartenance manifeste et affichée
à des clans opposés, catholiques purs par exemple
mais pas seulement, laissant alors les autres confrères concernés,
eux, se débrouiller avec les 3 demandes quotidiennes de gamines
de 15 ans dans des cités dites défavorisées,
mais de nouveau pas seulement, ou bien pire encore, certains praticiens
clamant une nuance entre le stérilet qu'ils refusaient car
à l'origine d'un "mini-avortement d'oeuf déjà
conçu" et d'une pilule qu'ils acceptaient.
Renforcer la compétence:
Si à l'époque ce type de considération
pouvait faire hurler, comment évaluer la nuance actuelle
entre décider de cesser des soins de survie, et décider
d'agir comme la mère de ce jeune homme. "Ce n'est pas
du tout pareil" pourrait-on immédiatement entendre.
Voire. Et c'est alors toute l'interrogation, dans laquelle nous
ne prendrons certainement pas parti. Parce que le but de cette réflexion
est de comprendre le préalable systémique. La compétence
si elle doit être définie n'est pas politique, mais
un législateur devra au moins par défaut intervenir
pour ne pas condamner ou fixer un cadre, une commission, un collectif.
La compétence est systémique, avec tous les sous-groupes
habituels : la famille, (et les exemples cités prouvent qu'elle
doit être élargie), au delà de la biologie,
le groupe familial disons, certains proches, amis, amants, connaissant
et sachant infiniment plus des idées, désirs, souhaits,
du mourant que sa famille parentale, les soignants, très
élargis également, médecin traitant, équipe
de réanimation, de soins, et tous les intervenants divers
d'assistance et de support. Et s'il y a lieu d'autres personnes
existant dans la conscience, la confiance et la compétence,
un thérapeute, un confident, un religieux s'il y en a dans
l'existence du patient, un conseiller....
On voit que, lorsqu'il y a eu condamnation de personnel soignant,
il s'agissait d'individus, ayant agi sans concertation globale,
sans consensus familial, et de l'équipe soignante, il ne
saurait exister de marche à suivre qui ne soit un produit
résultant d'un système, d'un ensemble. Et le dernier
point de ce lancer de réflexion est de revenir à ce
silence du titre. Un silence de mort, qui convient pour entourer,
protéger, aider, respecter, parce que l'acuité à
nulle autre pareille d'une telle succession d'idées, de pensées,
de réflexions, d'échanges, qui même en additionnant
des compétences se situeront dans l'être bien plus
que dans le savoir, et surtout jamais dans le pouvoir ou l'avoir,
justifie toute la pudeur du secret des existences, et certainement
jamais le battage, l'écho, et le bruit pour rien. Même
s'il s'agit du plus haut degré imaginable de l'existence,
très loin des riens de la vie.
Si les hommes parviennent un jour à trouver un comportement
juste et collectif dans le domaine de la mort consensuelle, cela
signifierait que les êtres arrivent à se respecter
même dans leurs systèmes.
l'os
court :
« L'homme est adossé
à la mort comme le causeur à la cheminée. »
Paul Valéry
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d'Expression médicale n°315
Hebdomadaire francophone de santé
13 Octobre 2003
Liberté
de la presse et liberté de publier
Docteur Iulius Rosner
Les médecins libéraux sont accusés par un hospitalier
dêtre des délinquants. Indigné, jécris
à une publication médicale pour déclarer que
la majorité écrasante de mes confrères est
parfaitement honnête. On ne me publie pas.
Retrouver la confiance:
Je téléphone au rédacteur en chef : «
Je suis insulté, je veux répondre » . Que nenni
: mon nom nest pas cité, donc je nai pas de droit
de réponse. Je réplique : « Les médecins
doivent-ils accepter les injures dun petit con ? ».
Mon interlocuteur affirme que le calomniateur a une fonction de
grande responsabilité. « Donc, mea culpa, il sagit
dun grand con ! ». Ma lettre ira à la corbeille.
Restaurer la conscience
Monsieur Spaeth, président de la CNAM ( caisse nationale
dassurance maladie - NDLR ), Monsieur Johannet, son directeur,
le professeur Allemand, médecin conseil national de la CNAM,
signent en 1999 un ouvrage qui parle de valeur
médicale ajoutée, ce qui est une absurdité
caractérisée ( pour ne pas dire une bêtise à
100%) . Je laffirme et le démontre dans deux articles.
Les rédactions censurent les phrases critiquant de manière
ironique le professeur Allemand.
Renforcer la compétence:
Dans un article adressé à un magazine de droite,
en analysant le coup détat de Pinochet, je justifie
le doute concernant la culpabilité du général
chilien : si, en 1924, Staline et son gouvernement avaient été
massacrés par un coup détat, les troubles déclenchés
auraient fait des milliers de morts, mais auraient sauvé
les 20 millions de victimes de la longue terreur stalinienne. Combien
de Chiliens ont été sauvés par le regrettable
sacrifice des trois mille morts attribués à Pinochet
? Le directeur du magazine ma répondu - grand honneur
- que le sujet avait déjà été traité
!
Conclusion : il ny a aucune relation entre la liberté
de la presse et la liberté de publier.
(*) Né en 1922, a été médecin, militant
politique et chercheur à Bucarest jusquà son
exil en France en 1962. Ancien médecin généraliste
à Dijon où il réside toujours, il a écrit de
nombreux articles dans le presse médicale et plusieurs livres,
dont le dernier publiéa fait lobjet de la LEM 313 du
29 septembre, disponible sur ce site. Pour tout contact ou correspondance
avec lauteur, bien vouloir contacter Exmed qui transmettra,
notre confrère ne manipulant pas ( encore ?) lInternet. (
NDLR )
l'os
court :
« La liberté
de la presse, cest le droit de dire ce que pense le propriétaire
du journal à condition que ça ne gêne pas les
annonceurs. » Hannen Swaffer
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°316
Hebdomadaire francophone de santé
20 Octobre 2003
Respect
et responsabilité
Docteur Jacques Blais
La formule est utilisée actuellement dans les discours de
nos politiques : responsabilités individuelles et solidarités
collectives. Nous allons évoquer de nouveau ici des points
souvent envisagés, et constamment remis sur le tapis des
discussions autour des tables quand il s'agit, à propos de
réformes de l'assurance maladie et des excès de dépenses,
de définir des coupables et d'élaborer des solutions.
En gros, et de manière extrêmement simpliste dans le
présumé débat actuel, les professionnels de
santé demandent que l'on fasse prendre conscience aux usagers
de leur responsabilité dans l'accroissement des dépenses,
du bout des lèvres nos instances dirigeantes ajoutent timidement
cette idée à leur solide hypothèse de base
qui demeure essentiellement dans le principe "les prescripteurs
sont les coupables", et on peut lire enfin sous la plume de
Monsieur Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse Nationale
d'Assurance Maladie que l'on ne saurait imputer aux usagers une
telle responsabilité.... Vous avez dit débat ?
Retrouver la confiance:
Cette confiance dans leurs médecins, les patients la crient,
la hurlent, la proclament. Les études allant dans ce
sens sont régulièrement publiées. Celles
qui tentent de définir le profil des consommateurs de soins
existent aussi, mais sont tenues secrètes, pour ne froisser
personne. Nous en rappelons une, souvent citée dans nos pages,
ce "Bloc-Notes" émanant de la Sécurité
Sociale elle-même, une appréciation établie
en 1996 scindant en catégories les usagers de soins. Pour
résumer, une catégorie de "consommateurs anormaux"
apparaissait, elle ne concernait que 4 % environ des assurés,
mais ces usagers abusifs généraient à eux seuls
14 % du budget national des remboursements de prestations. Retenons
de cela que 10 % d'excès de dépense étaient
à trouver là, ce qui n'a jamais entraîné
de mesures visant à modifier, ou supprimer cette dépense
anormale.
Restaurer la conscience
Mais attardons-nous essentiellement sur une autre étude
très récente, extrêmement instructive. Elle
émane d'une structure de Formation professionnelle continue
de Bretagne, coordonnée par le Groupe Repères, très
actif en France. Sous le thème de "l'identité
professionnelle des médecins" identité entendue
comme image, et non comme état-civil, une étude effectuée
par un petit nombre de médecins volontaires s'est attachée
à retrouver, au cours d'une semaine d'activité normale
de généralistes, les "demandes jugées
non fondées" émanant des patients rencontrés
cette semaine là. (Revue du Prat MG 626 13/10/03)
Il ne s'agit pas de demandes anodines, puisqu'elles étaient
classées en cinq catégories plus que significatives
: les prescriptions inadéquates pour des tiers, l'anticipation
pour faire provision de médicaments (par exemple pour un
voyage, ou pour envoyer au pays), l'exigence inadéquate (allant
d'horaires particuliers, de visites à domiciles injustifiées,
de certificats illégitimes, à des prescriptions sous
le nom d'un tiers...), la régularisation a posteriori (arrêts
de travail, examens effectués sans prescription, traitements
achetés sans ordonnance...), enfin une catégorie "autres"
regroupant des motifs variés.
Soyons lucides, n'importe quel praticien en exercice, ou ayant exercé, rencontre
ou a rencontré toutes ces demandes inadaptées. Les
médicaments pour le chien à inscrire (cela ne
vous portera pas préjudice, n'est-ce pas docteur ?) "sur
le 100 % de la grand-mère puisqu'elle ne paie pas",
la prescription au nom du beau-frère "puisqu'il a la CMU
vous comprenez c'est commode", et les quatre jours d'arrêt
"vous voyez docteur comme cela ça fera la jonction avec
le pont des fériés", voire le genre "ils
ont tellement de mal à se soigner là-bas, alors si
je pouvais avoir l'insuline du cousin sur l'ordonnance du voisin
ça les arrangerait...". Et d'innombrables autres exemples,
du sordide au tragique. Lire le livre de Francis Coven, un généraliste
parisien ayant par miracle réussi à se faire éditer
(expérience toute personnelle, on ne dit pas sans péril
et surtout sans s'exposer à tous les refus ces choses-là,
je rejoins notre cher Iulius Rosner dans sa complainte de la LEM
315, vouloir dire la vérité expose aux insultes des
rédacteurs en chef de la presse nationale, aux attaques
et refus des radios nationales, voire même à des remarques
émanant de comités d'éthiques qui se voilent
alors pudiquement les yeux sur les réalités) et qui
décrit nombre de ces situations.
Renforcer la compétence:
Cette étude est passionnante, hélas portant
sur un trop petit nombre, parce qu'elle éclaire pour la première
fois sur une notion quantitative. En effet, ces pratiques ne concernent
que 7 % des demandes, c'est très peu mais cela existe. Et,
aussi intéressant à noter, même si en louant
l'honnêteté des réponses on les déplore
intégralement, 63 % de ces demandes ont reçu un accueil
favorable des praticiens concernés. Pour des raisons non
moins instructives : pour 29 % les "exigences du client roi",
pour 25 % la "complexité de la situation", pour
22 % la "nécessité épuisante de négocier",
pour 5% "l'usage stratégique du système"
par les patients, et pour 5% "ne savent pas trop pourquoi..."
Ce qui signifie que les médecins ont infiniment plus besoin
d'aide adaptée, réfléchie, stratégique,
technique, que de critiques stériles jamais constructives.
C'est passionnant, parce que cela va dans le sens des efforts considérables
de la formation d'une part initiale, l'enseignement des étudiants
en faculté, d'autre part de la formation continue des praticiens
installés. Perpétuellement, des ateliers visant à
apprendre à dire non, ce qui veut dire sans se fâcher,
sans miner sa santé, ou "gâcher ses nerfs",
sans perdre sa clientèle, et en sortant fût-ce paradoxal
grandi et fortifié aux yeux des patients d'un refus motivé,
expliqué, justifié, logique, quitte à utiliser
des termes comme respect de soi-même et de sa profession,
responsabilité citoyenne et professionnelle, civisme, au
lieu des habituels arguments de contrôle de la Sécurité
Sociale, des pénalités des caisses, de la Loi, etc.
C'est également on ne peut plus instructif, car on perçoit
ainsi que 4 % ici (les 6 demandes injustifiées sur 10 obtenant
une réponse favorable) liés à la formation
professionnelle adaptée, à l'aide au médecin
en somme, et les 10 % là (l'excès de remboursement
dénoncé par les Caisses elles-mêmes pour une
seule catégorie abusive minime de consommateurs de santé)
liés, eux à l'absence d'action des contrôles
sur les usagers, cela vous amène cependant, mine de rien
et juste à titre d'illustration, à 14 % d'un budget
de sécurité sociale que cette économie arrangerait
bien...
Et tout cela en utilisant deux mots, respect, et responsabilité,
et en prenant le parti d'aider en ce sens. Je termine sur une autre
"photo du jour". J'entendais récemment une conversation
entre des jeunes dans un lieu public. Une jeune femme, la trentaine,
expliquait fièrement à ses amies qu'elle avait, dans
son mois, rendu visite à 4 médecins différents,
pour obtenir 4 arrêts de travail de suite, d'une semaine chacun.
Ceci parce qu'elle venait de quitter un travail, ne reprenait le
suivant ailleurs que le mois d'après, et "devait bien
pourtant payer son loyer en attendant" Deux points complémentaires
: cette jeune femme avouait n'avoir rencontré une difficulté
qu'avec un des 4 praticiens (apprendre à dire non), et la
Sécurité Sociale, même avec des prescriptions
émanant de 4 médecins différents, n'a
pas jugé bon de la contrôler (se doter des moyens de
responsabiliser les usagers). Eh bien non, le médecin
n'est pas le réparateur des situations sociales tordues,
des anomalies législatives, des problématiques personnelles,
le médecin est là pour apporter son aide, son écoute,
ses soins et ses thérapeutiques justifiés aux
affaires de santé, physique et psychique, dans le respect
et la responsabilité de tous.
l'os
court :
« Quand tu as tout perdu,
il te reste la vie. » San Antonio
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