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Lettre
d'Expression médicale n°317
Hebdomadaire francophone de santé
27 octobre 2003
Les
conducteurs du B.U.S.
Docteur Jacques Blais
Selon des accords entre partenaires
de santé, essentiellement la Caisse Nationale d'Assurance
Maladie et les médecins libéraux, à la suite
des modifications des tarifs des consultations des généralistes
dont nous gardons mémoire, des modalités nouvelles
sont intervenues. Prescription accentuée des génériques,
chacun s'en souvient et son effet commence à s'intensifier,
et puis un autre point, demeuré assez ignoré du publice,
celui dit des "AcBUS" autrement dit ces actions en faveur
du Bon Usage des Soins.
Retrouver la confiance:
Une manière de proposer une confiance nouvelle aux praticiens,
ce B.U.S., bon usage des soins, a pour conducteurs à la fois
les décideurs économiques, financiers, administratifs,
qui proposent des actions résultant d'études mettant
en évidence des cibles utiles de modifications des comportements,
et naturellement les praticiens prescripteurs, en principe tous,
libéraux et hospitaliers, qui auront pour mission de piloter
ces actions jusqu'à leur terme, qui se mesure en efficacité.
Ce bon usage des soins peut ainsi s'appliquer à des objectifs
aussi variés que les relations entre professionnels de santé
dans la prescription logique et le bon usage des soins de kinésithérapie,
ou d'orthophonie. Le grand public a été particulièrement
réceptif aux recommandations portant sur l'usage adapté,
logique, réduit, des antibiotiques, par exemple.
Il devient évident qu'une association, une addition des compétences
entre professionnels est indispensable, bien davantage qu'une concurrence,
pour que, en reprenant cet exemple, kinésithérapeutes et
médecins, ou bien orthophonistes et praticiens, puissent
s'entendre, se comprendre, et réaliser quelle est la part
de chacun dans la prescription, la responsabilisation, l'influence
sur la dépense en matière de coût de la santé.
Restaurer la conscience
C'est un fréquent débat, que l'on pourrait résumer
en la question : qui, du professionnel de santé
paramédical et du praticien médecin, connaît
le mieux le sujet ? Les deux mon conducteur ! Le médecin
pose un diagnostic, donne une indication propose un traitement en
fonction de ses données cliniques. Mais bien souvent sa compétence,
et c'est logique, s'arrête là. Le kiné saura
bien mieux quel type de rééducation proposer et mettre
en place, voire même combien de séances, selon son
expérience, seront nécessaires. L'orthophoniste sait
infiniment plus mettre une étiquette sur le trouble réel,
et adapter une prise en charge et un nombre de séances. Le
tout est, et doit être, que tout le monde demeure professionnel,
conscient du coût entraîné, et respectueux au
plus haut point de l'éthique, rejetant dès lors tout
esprit de clientèlisme, de commerce, de rapport financier
à exploiter.
BON USAGE DES SOINS.
Les cibles les plus récentes datant des décisions
en provenance des Commissions portent par exemple sur la prescription
des examens de laboratoire utiles pour surveillance et dépistage
d'une affection thyroïdienne, et sur l'épineux problème
des bons des transports en ambulance et véhicules sanitaires.
Comment prendre de telles décisions, qui comportent en parallèle
des objectifs chiffrés de diminution des dépenses
en pourcentage à atteindre ? Par le recours aux évaluations
souvent évoquées ici de la Médecine par les
Preuves, que les anglo-saxons nomment Evidence based medicine. Un
ensemble d'études précises, de statistiques, comparant
des résultats, et aboutissant à définir quels
examens sont utiles, indispensables, nécessaires, en fonction
des résultats à en espérer, du rapport
entre le prix de revient et le service rendu. On pourrait estimer
à juste titre que "c'est du solide, du rentable, du
logique, du prouvé, de l'évalué" et l'exercice
médical actuel ne saurait fonctionner autrement.
Renforcer la compétence:
Notons
à cette occasion que la Formation Médicale Continue
des professionnels de santé ne fonctionne pas autrement.
Face à telle situation, telles hypothèses, tel
diagnostic, quelles sont les investigations utiles, efficaces, rentables
en rapport coût sur efficacité, quels sont les apports
des études de la Médecine par les Preuves, et par
voie de conséquence que devra faire le praticien? Quel sera
et deviendra son "bon comportement", c'est à dire
le Bon Usage des Soins ?
La situation est terriblement plus compliquée, mais la cible
non moins justifiée, lorsqu'il s'agit d'éléments
à composante subjective, comme le transport remboursé
par les Caisses. A partir de quand un transport remboursé
devient-il justifié, en tout cas plus logique que celui en
individuel par la voiture du patient ou celle d'un proche, ou que
celui en collectif par les transports en commun ? Il a fallu légiférer,
inventer des expressions qui fixent une "impossibilité
du fait d'un handicap, d'un état de santé, d'une pathologie,
privant le patient d'une capacité à se déplacer".
Allons au bout de nos constats. Tous les jours sans exception, dans
n'importe quel service d'un hôpital, les secrétariats
reçoivent des demandes exprimées ainsi : "envoyez
moi un bon de transport en Véhicule Sanitaire Léger,
puisque j'y ai droit, je suis pris à 100 %"
"je suis venue en train, mais je vais essayer de récupérer
une partie de mon transport, alors envoyez moi un justificatif"
Ou ensuite tous les "dérapages" : "c'est trop
compliqué à cette heure là, avec le trafic,
alors je vais venir en VSL, envoyez moi une prescription"
"je suis sortie de mon hospitalisation en voiture, mon mari
est venu me chercher, mais dans le fond j'aurais très bien
pu avoir un transport remboursé, non ? alors adressez moi
un bon, je vais voir ce qui est possible"
Tout ceci est parfaitement authentique, vérifié. Le
Bon Usage des Soins concerne et les professionnels, qui ont a améliorer
considérablement certaines prescriptions, par une formation
professionnelle continue permanente et performante, et tout autant
les usagers qui ont un besoin absolu, énorme, d'apprendre
le sens du collectif, du raisonnable, du rationnel, de la logique.
Saluons ce type de décision de la part des instances, tenter
de diminuer considérablement le coût de transports
si souvent entièrement injustifiés, inutiles, abusifs.
Le bénéfice d'une Affection de Longue Durée
signifie des soins spécifiques, remboursés intégralement
pour LA pathologie concernée, et rigoureusement pas un DROIT
AU TOUT GRATUIT comme le perçoivent les usagers. Un dernier
apprentissage indispensable, pour tous, usagers et prescripteurs,
celui du NON motivé. Nous avons également souvent
abordé cette question. "Non Monsieur, non Madame,
je vais vous expliquer pourquoi je ne vais pas vous délivrer
ce bon, ce justificatif, cette attestation, le transport est pris
en charge par les Caisses quand la personne ne peut en aucun cas
se déplacer autrement, et cela concerne assurément
des milliers de gens, mais quand on peut venir comme vous en bus,
en metro, en voiture, à pied, à la consultation, rien,
vraiment rien ne saurait justifier une dépense qui n'a pas
lieu d'être. Ne m'en veuillez pas, jamais, pensez toujours
collectivement, contribuez à sauver votre système
de santé en n'en abusant pas, restons bons amis en demeurant
objectifs, constructifs, logiques et lucides sur tous nos actes
sans la moindre exception."
l'os
court :
« La seule véritable
bête de somme, c'est la mouche tsé-tsé .» Pierre
Dac
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d'Expression médicale n°318
Hebdomadaire francophone de santé
3 novembre 2003
Plus
on est de fous
Docteur Iulius Rosner (*)
( A la manière de Raymond Devos )
- Pourquoi va-t-il chez le psychiatre ? - Parce quil est fou.
- Qui, le psychiatre ? - That is the question.
- Doit-on être fou pour aller chez le psychiatre ? - On y
va pour savoir si on est fou.
Retrouver la confiance:
- Et si le psychiatre est fou ? - Il pose un diagnostic fou.
- Le diagnostic fou est-il fiable ? - Fol est qui sy fie.
- Cest quoi un fou ? - Un mec qui déraisonne.
- Cest quoi déraisonner ? - Raisonner autrement.
- Qui décide que lon raisonne autrement ? - Cest
le psychiatre.
- Et si le psychiatre déraisonne ? - On ne sen rend
pas compte.
Restaurer la conscience
- Cest quoi être sage ? - Cest ne pas être
fou.
- Cest quoi un sage dans un monde fou ? - Cest le seul
fou sur Terre.
- Cest quoi aller chez un psy ? - Cest aller chez le
psychiatre, ou chez un psychopathe.
- Cest quoi un psychopathe ? - Cest un intoxiqué
par la pensée.
- Le psychiatre le guérit-il ? - Non, il le consulte.
- Et si le psy devient furieux ? - Le psychiatre ou le psychopathe
?
- Où est la différence ? - Réponse inutile,
on crie au fou.
- Que fait le fou ? - Il court en diagonale.
- Namuse-t-il pas le roi ? - A la cour, pas aux échecs.
- Aux échecs, il lui fout la trouille.
- La folie est-elle un danger ? - Plus on est de fous, plus on rit.
-En amour, cest lamour fou.
- Le psychiatre sen mêle-t -il ? - Non, la guérison
est spontanée.
Renforcer la compétence:
- Dans la folie, que fait le psychiatre ? - Il dit au patient
quil est fou.
- Nest-ce pas blessant pour le fou ? - On sen fout,
la loi limpose.
- Pourquoi une loi qui blesse le fou ? - Parce quelle est
folle.
- Pourquoi est-elle folle ? - Parce quelle a été
faite par des fous.
- Uniquement par des fous ? - Non, par des cons aussi.
- Comment les différencie-t-on ? - Sils prennent des
décisions, pas de différence.
- Les psychiatres guérissent-ils les cons ? - Pas plus que
les fous.
- A quoi servent-ils donc alors ? - A élaborer des théories.
- Et faire comme Erasme
- Léloge de la folie.
(*) Ce texte de Iulius Rosner est déjà paru dans lexcellente
revue Prescrire qui traite des thérapeutiques médicamenteuses
en toute indépendance de lindustrie pharmaceutique,
son équilibre financier étant assuré par les
seuls abonnements payants des médecins. Le mettre à
la connaissance dun public plus large nous a paru intéressant.
Les titres et intertitres sont de la rédaction dExmed.
( NDLR )
l'os
court :
« Un psychiatre est
un individu qui va aux Folies-Bergère et qui regarde le public.»
Mervyn Stockwood
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d'Expression médicale n°319
Hebdomadaire francophone de santé
10 novembre 2003
L'affaire
Humbert
Docteur François-Marie Michaut
Jusque dans le rayon des livres dun magasin à grande
surface, nous avons été submergés par un ouvrage
dont la presse avait beaucoup, beaucoup parlé. Un jeune homme
devenu tétraplégique ( paralysie des membres supérieurs
et des membres inférieurs) laurait dicté à
sa mère, afin de faire savoir quil souhaitait que sa
vie prenne fin. Et donc que sa mère accomplisse pour lui
les gestes du suicide quil ne pouvait pas effectuer. Présenter
cette très intime et dramatique histoire dune vie humaine
sur la scène publique - comme une marchandise à consommer
parmi les autres, entre les appareils électroménagers
et les fromages - na peut-être pas été
sans conséquences sur la suite de cette affaire.
Retrouver la confiance:
Dhabitude, en effet, ce type de situation dramatique pour
tout le monde, reste confiné dans le dialogue singulier entre
le patient, la famille et les responsables de léquipe
soignante. Cela permet à certains dévoquer l'hypocrisie
de cette habituelle attitude de discrétion, non sans larrière-pensée
dimposer à tous leur désir que la loi définisse
et codifie ce type de situation
au nom du droit à mourir dignement. Les médecins sont
forcément appelés à réfléchir
à ces questions deuthanasie, et à se donner
des règles de déontologie conformes à leur
éthique. Il ne sagit donc pas pour eux dimprovisations
individuelles devant des cas exceptionnels.
Restaurer la conscience
Alors, quand Monsieur Humbert, ayant reçu, nous a-t-on dit,
une forte dose de barbituriques, se trouve hospitalisé au
Centre Hélio-Marin de Berck en service de réanimation,
la machine médiatique sexacerbe encore. Et là,
cest le Docteur Chaussoy, médecin responsable, qui
subit la pression incroyable de nos chercheurs de ce quils
nomment - de façon souvent abusive - des informations. La
fonction de médecin sexerce (sagement) à labri
des caméras et des micros, et notre formation ne nous prépare
absolument pas à affronter les journalistes. Une déclaration,
immédiatement rendue publique par des professionnels peu
regardants sur les conséquences de leur prose, éclate.
Léquipe du Docteur Chaussoy a fait le choix, déontologiquement
inattaquable, selon lenquête du Conseil de lOrdre
des Médecins, et courageux pour dédouaner la responsabilité
éventuelle de la mère, de ne pas poursuivre ce quil
faut bien nommer un acharnement thérapeutique. La réponse
des autorités judiciaires à cette publicité
inhabituelle pour un acte généralement discret est
immédiate : il y a eu mort dhomme, le Dr Chaussoy est
mis en examen. Immense émotion dans un corps médical
qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive - cette fracture entre
les robes noires et les blouses blanches - alors quil a le
sentiment dagir en conscience. La question que nous nous posons
est la suivante. A partir du moment où les médias
diffusent le fait quun médecin déclare avoir
mis fin à une vie, la Justice peut-elle rester les bras croisés
sans risquer dêtre taxée de ne pas faire son
travail ?
Renforcer la compétence:
Nous navons aucunement envie de donner des leçons
à qui que ce soit. Nous navons aucune compétence
pour donner raison ou tort à la Justice. Nous sommes seulement
persuadés que toutes ces questions entourant la mort méritent
que nous y réfléchissions en profondeur, afin de ne
pas tomber dans une quelconque pensée unique
. Ou une législation qui prétendrait régler
toutes les questions de société. Nous sommes trop
bien placés pour savoir combien chaque histoire humaine est
particulière, et mérite le plus grand respect des
soignants. Voila pourquoi, nous avons ouvert un débat
sur notre liste de discussion Exmed-1, dont nous publierons sur
ce site les contributions, parce quelles nous permettent à
tous, médecins comme non médecins de renforcer notre
compétence humaine en ce qui concerne ce que beaucoup
nomment sans trop réfléchir leuthanasie.
Chacun y apporte son expérience et sa vision des choses.
Il lexprime en son propre nom de citoyen libre, et non comme
porte-parole dune quelconque institution. Le fait divers qui
ne joue que sur lémotion immédiate tombe aux
oubliettes, pas notre réflexion. Et, comme il sagit
bien deuthanasie, nous poursuivrons par la publication la
semaine prochaine de la LEM 320, dans laquelle Iulius Rosner nous
livrera sa lecture de ce terme si dangereusement galvaudé.
Et, dans la LEM 321, Philippe Deharvengt évoquera les effets
pervers quentraînerait une nouvelle législation
dans ce domaine. Vous voyez, nous avons du pain sur la planche !
l'os
court :
« La médecine
légale concerne souvent des individus plus ou moins illégalement
décédés. » Pierre Dac
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°320
Hebdomadaire francophone de santé
17 novembre 2003
Euthanasie,
précisions
Docteur Iulius Rosner
Si on rend au mot son sens initial, dévoyé par ceux
qui lutilisent à tort, leuthanasie est la mort
naturelle et sans souffrance. Le médecin qui soigne un mourant
combat, si elle est présente, la douleur physique ou morale.
Il soulage le malade dans le tout dernier moment de sa vie, mais
ne le tue pas. Ainsi leuthanasie est dhabitude le prolongement
logique et ultime des soins palliatifs qui peuvent durer longtemps.
Retrouver la confiance:
Malheureusement, le terme est utilisé sans raison dans le
sens de tuer sans souffrance. Donner la mort est un assassinat,
qui peut parfois bénéficier de circonstances atténuantes
mais qui reste tout de même un homicide. Aussi parle-t-on
de manière injustifiée deuthanasie active ou
passive.
Restaurer la conscience
Leuthanasie active serait la détermination du décès
par ladministration de la dose mortelle dune substance
chimique, ou par lutilisation dun moyen physique susceptible
dentraîner une mort immédiate. Ce terme a été
inventé pour dépénaliser un assassinat charitable
(parfois susceptible de hâter un héritage ...).
Leuthanasie passive serait linterruption dun traitement
qui maintient artificiellement en vie. Ce terme a été
inventé pour couvrir en fait larrêt dun
acharnement thérapeutique, injustifiable moralement.
Renforcer la compétence:
Un cas à part : le suicide assisté si
le patient est incapable, par son état même, de mettre
fin à ses jours. Situation difficile, dautant plus
que lon nest jamais sûr que le désir du
malade, clairement exprimé, sera encore présent au
moment de lirréversible passage à lacte.
Si on accepte uniquement le sens primitif du mot euthanasie,
mort naturelle sans souffrance, tout médecin digne de ce
nom a eu loccasion de la favoriser chez ses patients mourants.
Si on est daccord avec le terme deuthanasie active
( malgré labsurdité de ladjectif ) aucun
médecin ayant prêté le serment dHippocrate
ne pourrait la prodiguer sans être parjure.
Légiférer pour établir les circonstances dans
lesquelles le médecin est habilité à donner
la mort serait irrationnel, inutile et dangereux.
l'os court :
«
Que voulez-vous donc faire , Monsieur , de quatre médecins
? N'est-ce pas assez d'un pour tuer une personne ? »
Molière .
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°321
Hebdomadaire francophone de santé
24 novembre 2003
Légiférer
?
Docteur Philippe Deharvengt
Une brûlante actualité nous conduit
à une réflexion sur l'opportunité de légiférer
à propos de deux crises de société : l'euthanasie
et le port du foulard islamique . Doit-on laisser aux seuls politiques
la responsabilité de penser et d'agir en notre nom ? Il ne
saurait être question ici d'apporter une réponse univoque
, mais seulement d'ouvrir le débat .
Essayons d'imaginer quelles seraient
les conséquences d'une telle mesure étatique .
Retrouver la confiance:
Tout d'abord concernant le très
douloureux problème de l'euthanasie .
Imaginons un patient en phase terminale
d'une maladie incurable . Quand il était encore valide et
sain d'esprit , il a très clairement fait connaître
à ses proche sa volonté d'être aidé à
perdre la vie le jour où il n'y aurait plus d'espoir . Il
a confirmé par écrit sa volonté , en signant
par exemple le texte-type proposé par l'ADMD ( Association
pour le Droit à Mourir dans la Dignité ) .
Le jour venu , deux situations peuvent
se présenter : soit le demandeur est conscient , sain d'esprit
et en état de réitérer sa demande d'aide à
finir sa vie ; soit il ne l'est plus , et c'est à ses proches
qu'il appartient de faire exécuter sa volonté . Dans
les deux cas , la demande devra parvenir à un magistrat ,
qui instruira l'affaire . Il devra s'assurer de l'authenticité
du document manuscrit par une ou plusieurs expertises graphologiques
.Il devra entendre le témoignage des personnels soignants
en charge du patient , et ordonner une expertise médicale
par un collège de plusieurs experts . Ceux-ci rendront leurs
conclusions dans un délai plus ou moins long . Conclusions
qui pourront être discordantes , auquel cas une autre expertise
diligentée par un autre collège d'expert devra être
ordonnée . D'autre part , si le patient est dans l'incapacité
d'exprimer sa volonté , le magistrat devra réunir
un conseil de famille pour vérifier la réalité
de la demande . Il devra s'assurer de la réalité des
liens familiaux qui unissent chacun des membres au demandeur . Des
discordances peuvent survenir au sein du conseil de famille . Dans
cet imbroglio médico-légal , il sera souhaitable que
le demandeur ou son entourage soit assisté par un avocat
. Tout cela a évidemment un coût , à moins que
le demandeur puisse bénéficier de l'aide juridictionnelle
, ce qui rendrait encore plus longue la procédure . Pendant
tout cet interminable calvaire , le demandeur devra impérativement
être maintenu en vie , au prix d'un acharnement thérapeutique
terriblement préjudiciable pour le patient et pour son entourage
. Car si le décès survenait en cours de procédure
, il apparaîtrait éminemment suspect , et l'équipe
soignante ne manquerait pas d'être inquiétée
.
Au total , même si le tableau
est un peu poussé , on voit quels effets pervers pourrait
avoir un tel système si on retirait aux médecins la
responsabilité d'agir seuls , en n'écoutant que leur
conscience et en parfaite concertation avec l'ensemble de l'équipe
soignante ainsi qu'avec le patient ou son entourage .
Restaurer la conscience
Concernant le port du foulard islamique
: à quoi bon légiférer ? A quoi bon rajouter
une législation à un principe fondamental inscrit
dans notre Constitution ? Rappel :
<< Constitution de la Vème
République , texte consolidé - octobre 2000 .
Préambule :
Article premier : La France est une
République indivisible , laïque , démocratique
et sociale . Elle assure l'égalité devant la loi de
tous les citoyens sans distinction d'origine , de race ou de religion
. Elle respecte toutes les croyances >> .
N'est-ce pas assez clair ? Le principe
de laïcité étant inscrit dans la Constitution
, il appartient à chaque responsable d'établissement
ou d'institution de le faire respecter . Qu'il s'agisse d'institutions
ou d'établissements scolaires , universitaires , hospitaliers
, ou tout autre lieu public et laïc .
Il est parfaitement évident
que le port du voile islamique , tout comme celui de la kippa (
calotte portée par les juifs pratiquants , NDLA ) constituent
des signes ostentatoires d'appartenance à une communauté
religieuse pratiquant , pour l'une d'entre elles , le prosélytisme
, la provocation , l'intolérance et l'appel à la violence
quand ce n'est pas au terrorisme . Tous comportements incompatibles
avec l'article premier de notre Constitution .
Alors , me direz-vous , et la croix
du baptême portée en sautoir ? A ma connaissance ,
il n'est pas nécessaire qu'elle soit visible ; rien n'empêche
de la porter sous un vêtement . Chez nous , depuis bien
longtemps nos curés ont renoncé au port de la soutane
, réservant leurs habits sacerdotaux à la célébration
des messes et de cérémonies religieuses à l'intérieur
de leurs lieux de culte .
Les sexagénaires de ma génération
se souviennent certainement de cette période d'immédiat
après-guerre où toute forme de signe extérieur
d'appartenance à un groupe était strictement interdite
au lycée . Même des écussons de louveteaux ,
de scouts de France , de clubs sportifs. Le souvenir de l'étoile
jaune imposée aux élèves juifs était
encore bien présent dans les esprits de tous . Aujourd'hui
, une chance extraordinaire nous est donnée de pouvoir n'arborer
aucun signe de soumission ou de dépendance . La liberté
qui nous est donnée , dans notre société républicaine
et laïque , c'est justement d'être affranchis de ces
signes ostentatoires . Que nos enseignants y pensent , qu'ils retrouvent
l'envie d'enseigner l'instruction civique . Et que les fanatiques
qui refusent cet enseignement soient exclus du système éducatif
et de la fonction publique .
La Constitution , toute la Constitution
, rien que la Constitution . Nul besoin de légiférer
.
Renforcer la compétence:
Trop de loi tue la loi . Serait-ce un rêve utopique que d'imaginer
une société dans laquelle l'individu retrouverait
sa place d'homme libre , indépendant et responsable ? Une
société où le pouvoir politique serait au service
de la collectivité , pour établir des garde-fous destinés
seulement à éviter des abus mais pas pour renforcer
ce pouvoir au seul bénéfice des hommes qui le détiennent
, en abusent , et qui en ont la charge grâce au vote qu'ils
ont extorqué de leurs concitoyens ? Où la Justice
se bornerait à sa mission de pouvoir judiciaire , indépendante
du pouvoir politique et de l'Exécutif ?
Légiférer ? Le moins
possible dans une société adulte et responsable .
l'os court :
«
Il y a tant de lois que personne nest exempt dêtre
pendu. » Napoléon .
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un autre numéro de la LEM Lettre
d'Expression médicale n°322
Hebdomadaire francophone de santé
1er décembre 2003
Lenvers
de la société
Docteur Jacques Blais
Un titre volontairement ambigu, comme on dirait "l'envers du
pouvoir". Mais on aurait aussi bien pu titrer "La Société
à l'envers", comme on le dit du monde. Le 22 Novembre
1993, Xavier Emmanuelli créait le Samu social, qui fête
donc en cette fin d'année ses 10 ans. Un mot sur son fondateur,
chacun pense ce qui convient à son état d'esprit personnel
de cet homme, mais on peut résumer la carrière de
ce Parisien de 65 ans à une quête perpétuelle
de justice, d'altérité, d'équité et
d'éthique. Et bien peu d'hommes dits politiques peuvent prétendre
autant. Médecins sans Frontières, Comité national
d'Ethique, Médecin de l'Administration pénitentiaire
à Fleury-Merogis, Samu social, on lui pardonnerait volontiers
de s'être laissé embarquer, certainement avec la meilleure
foi du monde, dans un bref épisode de 2 ans dans un gouvernement pour
le compte de l'action humanitaire, très probablement parce
qu'il y croyait. Sans doute l'exacte définition d'un honnête
homme, comme l'expression d'autrefois.
Retrouver la confiance:
Quelle meilleure disposition, pour définir cet état
d'esprit du Samu social, que celle de retrouver la confiance ? Toutes
les stratégies de Xavier Emmanuelli ont tourné autour
de la notion d'exclusion, d'urgence, d'aliénation, de respect
de l'être humain, de dignité. Avec des pôles
spécifiques, la santé physique délabrée
nécessairement par le maintien à l'écart en
condition précaire, et la santé mentale, effroyablement
laissée à l'abandon. Un sujet dont l'état mental
est perturbé, délabré, en grand besoin de soins
et de suivi, ne risque jamais d'être amélioré
par l'exclusion, l'incarcération, le séjour dans la
rue, ou l'absence de traitement régulier. Le système
psychiatrique est en déshérence, aucun exclu porteur
de troubles psychiatriques ne se rendra seul et volontairement dans
un Centre Médico-Psychologique, il a déjà fort
peu de chance d'aller dans un centre d'hébergement.
Restaurer la conscience
Xavier Emmanuelli, lorsqu'il se livre à un bilan après
dix ans, estime que trois cercles d'exclusion existent. Les très
grands exclus, les 2000 de Paris plus ceux des autres villes,
sans plus aucun lien social, voire sans existence sociale. Les marginaux,
ceux que la vie a mis à l'écart, les circonstances,
les conditions, les aléas. Et puis les 6 millions de personnes
dont le lien social est celui des assistances, des minima sociaux,
des aides, ceux qui vivent en permanence au bord du précipice.
Mais la pire nouveauté évolutive est l'arrivée
progressive, mais considérable, des migrants et de leurs
familles, en provenance d'Europe de l'Est, d'Asie, d'Afrique, du
Maghreb, et de toutes les régions de conflits meurtriers,
qui saturent les dispositifs d'urgence par la force des évènements.
Enfin une dernière évolution criante de cette marche
à l'envers de la société, les femmes ont augmenté
de 16 %, les enfants de 34 %, et les personnes âgées
sont en croissance permanente.
Renforcer la compétence:
Dans
leurs deux premières années dans la rue, 25 % des
personnes sont atteintes de troubles liés à la consommation
d'alcool. Ce chiffre grimpe à 85 % au delà de ces
deux années. Les pathologies cutanées, gales, poux,
ulcères de jambes, mycoses,sont légions. Un tiers
des personnes marginalisées présentent une souffrance
psychique évidente. Adolescents en errance à grand
danger, femmes battues, seniors très isolés.
Il y a également lieu d'être conscient de ce que l'incidence
de la tuberculose, habituellement de 11 pour 100000 personnes en
France, monte à 51 pour 100000 à Paris, et atteint
chez les exclus 250 pour 100000. Comment dépister efficacement
des gens sans trace ni lieu fixe, comment diagnostiquer, et pire
ensuite, comment assurer un traitement ambulatoire de six comprimés
par jour pendant six mois ?
Des chiffres encore, car c'est ce qui frappe au moins l'espace d'un
instant de lecture. En 2002, le 115 a géré 710000
demandes de nuitées en provenance de 31300 personnes, et
6000 exclus sont passés par les centres du Samu social sur
une estimation de 10000 nécessitant cette approche.
La compétence, définie par le fondateur du Samu social,
est celle d'une chaîne d'actions comportant contact avec les
nécessitants, évaluation des besoins de ces êtres
en détresse mais parfois sans demande vraie, soins primaires
de tous ordres, alimentaires, médicaux, psychiques, et orientation
vers les structures les plus adaptées.
Xavier Emmanuelli établit un constat cruel : actuellement
la pénurie de logements aboutit à un nouveau combat,
celui des clochards contre les migrants pour devenir bénéficiaires.
Les exclusions évoluent en progressant : les handicapés
le sont de plus en plus, et les familles rejoignent les individus
isolés des années antérieures. Enfin le plus
grand chantier concerne la prise en charge psychiatrique des sans
domicile, entièrement à construire. Mais cet homme
à la voix douce, paisible, posée, et au sourire raréfié
au fil des années alors qu'il sait être si chaleureux
ne saurait conclure sans une note d'optimisme : objectivement, l'état
de santé des personnes dans la rue est bien meilleur qu'il
y a dix ans. A rapprocher de ce constat permanent d'une autre réalité
répétée par tous les professionnels depuis
si longtemps : actuellement l'état du système hospitalier
est sans conteste pire qu'il y a dix ans. Cherchez l'erreur.....
(D'après Le Généraliste magazine du 14/11/03)
l'os court :
«
A partir de novembre, pour les clochards il ny a plus que
deux solutions : La Côte dAzur ou la prison . »
Michel Audiard
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