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Lettre
d'Expression médicale n°341
Hebdomadaire francophone de santé
13 avril 2004
Respect
et rituels
Docteur Jacques Blais
La place de la gare est relativement
peu fréquentée à cette heure, un dimanche matin.
Deux Mercédès se livrent à une curieux manège
au ralenti, les portes extérieures droites grandes ouvertes,
et si l'on regarde attentivement, on perçoit que les deux
conductrices de cette noria ont dans les 15 à 16 ans. Le
train de banlieue arrive de la ville voisine. A l'écart,
rangées en épi, les 3 fourgonnettes blanches que les
utilisateurs nomment "camions" attendent, postées
en surveillance. Tout s'accélère bientôt, on
entend quelques cris, de jeunes hommes sortent du tunnel en
courant, ils plongent dans les voitures par les portes ouvertes,
puis des coups de feu s'échangent, des voyageurs
s'accroupissent ou se couchent au sol. En quelques minutes l'espace
est nettoyé, à l'exception de larges traînées
sanglantes sur le macadam. Et la devanture de la Pharmacie de la
Gare a ramassé, pour la troisième fois de l'année,
un nouvel impact de balle, un trou prolongé par une
étoile de fentes... Un film ? Non, c'est la pharmacienne
qui raconte la suite, elle était de garde en ce matin aussi
réel que les autres.
Retrouver la confiance:
"La livraison de la drogue en provenance de la ville voisine
s'effectue parfois bien. Mais souvent, un affrontement entre bandes,
le non respect d'un contrat de vente, mène à ces scènes
terribles. Et dans ce cas, outre ma vitrine perforée, je
suis ensuite aux premières loges pour les steristrip, le
sparadrap, et le mercurochrome. Car cela commence au cutter et se
termine à balles réelles"
Une banlieue nord-ouest de Paris, un dimanche d'automne frais mais
lumineux sous un ciel dégagé....
Affirmons le d'emblée, il ne sera jamais question de montrer
du doigt une population, une ethnie, seulement une occasion de plus
de réfléchir et de tenter d'observer. Les gens du
voyage, a fortiori les non sédentarisés, tziganes,
roms, manouches, vivaient il y a une quinzaine d'années dans
le respect absolu de rituels religieux, profanes, ethniques, familiaux.
Et le médecin, observateur au quotidien de la vie sociale,
comprenait que dans ces populations on respectait les parents, la
femme de celui qui était incarcéré, les préceptes
du pasteur, les fêtes traditionnelles. On tentait de gagner
sa vie dans le commerce des étains, le travail de la paille
de vannerie et des sièges, les anciens étaient vénérés.
Depuis le passage des générations, la drogue a fait
son apparition, infiniment plus lucrative, le grand et le petit
banditisme, et les frères, les oncles, ne respectent même
plus ni les anciens ni les épouses, dans les banlieues. Et
le médecin nettoie les plaies par balles, les samedis après-midi,
et constate les décès si nombreux par arme blanche.
Le plus récent, un homme en permission de 48 heures de sa
prison, qui a ainsi puni de la mort son oncle, qui avait mis sa
propre femme enceinte...
Restaurer la conscience
Un homme de 45 ans, maghrébin, terrassé par un chagrin
indicible, raconte à son médecin l'impensable : son
fils de 16 ans vient de le braquer avec un revolver, pour lui extorquer
de quoi acheter sa dose de came du soir. Trois jours plus tard,
un autre père, Marocain bien inséré, travailleur,
vient avouer qu'il a mis dehors son fils dès le lendemain
de ses dix-huit ans. "Pouvez-vous imaginer, docteur, moi je
travaillais de nuit, et lui interceptait le courrier, je viens d'apprendre
d'un coup ses convocations chez le juge, ses condamnations, ses
amendes, et je dois payer une somme égale à un an
de mon salaire !!!" La semaine suivante, un jeune beur
arrogant descend de sa décapotable, me tend son formulaire
de Couverture Maladie Universelle, et m'annonce "c'est pour
les médicaments à emporter au pays, alors vous me
mettez tout ce qu'il faut pour le mois hein docteur, ça va
vous au fait ? Oh vous savez on peut y aller, moi je pars en avion,
pas comme mon vieux, qui met trois jours avec sa guimbarde, c'est
la folie ça.."
Caricature ? Non, tout est intégralement vrai, et partagé
par tant de confrères. Le médecin est un anthropologue
qui étudie l'humain à longueur de vie, même
si cela déchire en lui des voiles de conscience et de désespoir,
de terreur et d'horreur.
Il y a vingt ans, le jeune maghrébin saluait son père
avec le plus immense respect, il écoutait les anciens raconter
les rituels, et même s'il ne partageait pas la religion il
l'admettait et la respectait aussi. Il vénérait sa
mère, craignait son grand-père, et plaçait
comme tous la plus âgée des veuves sur le piédestal
de la reine du groupe familial. Et puis sont arrivés le chômage,
la déchéance des pères, réfugiés
dans le silence et la honte, les grands frères ont pris le
pouvoir, accumulant tellement plus d'argent en dealant qu'en travaillant,
les jeunes ont perdu le respect, les rituels, et sont allés
vivre dans la rue, donnant à la bande ce qu'ils réservaient
à la famille, ignorant tout du pays, de l'histoire, du labeur
fantastique des pères pour les amener ici.
Renforcer la compétence:
La mère, caissière au supermarché, est épuisée,
à cran, elle a pris les transports pour rentrer, est passée
chez Leclerc au retour, a mis une machine en route, préparé
un dîner, récupéré le plus jeune des
enfants chez une nourrice énervée et en attente parce
qu'elle avait dix minutes de retard. Le père, usé,
repus de bière, de bruit, de cadence, et agacé par
un pneu dégonflé sur sa voiture, et un pot d'échappement
défaillant, furieux contre les trois factures du courrier
et l'enveloppe du loyer, regarde la télé. Lagaf, Ruquier,
Greg, Star Ac, tout défile et il zappe entre les gosses qui
zappent autant.
A 22 heures la mère s'écrie : "Au lit, éteignez
cette télé, et puis ne mange pas n'importe quoi, tu
aurais mieux fait de dîner, et toi arrête cette game-boy,
et toi tu ne pourrais pas un peu leur dire, non, et m'aider des
fois ?" Le père hurle, boit, tape, et sort.
Le médecin est un sociologue qui écrit chaque jour
avec son scalpel tragique l'histoire de la civilisation. Et dans
notre civilisation occidentale aussi, les rituels aussi ordinaires
que de se coucher quand il est l'heure, éteindre la télévision
quand il n'est plus l'heure, manger aux repas et non en dehors,
équilibré et non n'importe quoi, écouter ses
parents, tous les rituels ont disparu également, quant au
respect qui sait encore ce que peut signifier ce mot, comme d'autres,
responsabilité, honneur, probité, honnêteté,
travail, mérite, des vocables dont le respect s'apparentait
autrefois à un rituel... Pourquoi alors respecter l'enseignant,
le médecin, le policier, le conducteur du bus, le voisin,
le pompiste, l'être humain ?
Vues d'un cabinet médical, quelques civilisations plus anciennes
encore, mais tellement plus neuves en matière d'immigration,
les africains, les asiatiques, persistent quelquefois à conserver
une image du père un peu respectable, et des rituels religieux,
profanes ou familiaux préservés. En provenance, cette
fois, d'un même cabinet médical, ces observations de
cet anthropologue, sociologue, écoutant, soignant, homme
au service des hommes, semblent intéresser des minorités.
J'aurai eu l'immense chance, ainsi, d'être invité à
évoquer ces situations devant diverses assemblées.
Les services sociaux de mon département, sur le sujet La
systémique de la famille en un quart de siècle d'observation
d'un cabinet médical. La fédération nationale
des HLM sur le thème du Rôle non médical d'un
médecin dans une cité. Une IUFM (Institut Universitaire
de formation des Maîtres) départementale devant des
profs, et une École d'infirmières, à propos
de Culture, origine, religion, croyances et pédagogie ici,
ou santé là. Ou une radio régionale récemment
sur l'idée Saisir les opportunités de la vie pour
donner sa chance à l'existence. Ou encore un congrès
national de professeurs d'éducation physique sur La signification
cachée d'un certificat de dispense de gym.
Ne jamais imaginer ou voir là aucune prétention, lucidité
et chance sont deux mots que j'emploie sans cesse, et lucidement
la chance a été de mon côté à
moi, d'apprendre infiniment au contact de ces multiples professionnels
et sociétés, comme à celui des ethnies et civilisations
différentes rencontrées sans cesse. Non, ma remarque
de conclusion est que, si d'évidence une clef des énormes
difficultés de nos sociétés actuelles réside
dans la disparition des rituels et du respect, si une autre évidence
est que le médecin est perpétuellement observateur
de ces évolutions, et serait donc utile comme témoin
et acteur, les seuls à ne jamais jamais comprendre, admettre
ou réaliser cela sont les médias, les éditeurs,
les gouvernants, en fait tous ceux que mène d'abord le commerce,
le pouvoir, le profit, l'audimat, bien avant les préoccupations
réelles de la société. Celles qui, d'un bout
à l'autre de son exercice, bousculent et mobilisent le médecin.
l'os court :
«
Si vous voulez être respecté, commencez par être
respectable et, en outre, assez costaud pour imposer le respect.
» Somerset
Maugham
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Lettre
d'Expression médicale n°342
Hebdomadaire francophone de santé
19 avril 2004
Système
modèle 1945
Docteur François-Marie Michaut
L analyse systémique nécessite
souvent un petit effort de mémoire pour devenir fertile.
Lannée 1945 a été, et demeure bien souvent
de façon inconsciente, une période exceptionnelle
pour notre nation française. Si nous nous y intéressons
ici, cest parce quelle a vu naître notre système
actuel dassurance maladie, dit de Sécurité Sociale.
Au moment où de grands débats nationaux devraient
se développer, (re)prendre conscience dun certain nombre
de faits et de réalités nest probablement pas
inutile. Ce devrait même être, en bonne méthode
logique, sinon en stratégie électoraliste ordinaire,
les indispensables prémices pour bâtir toute réforme
digne de ce nom. Car tout changement véritable implique forcément
la mort du système antérieur, afin quun nouveau
puisse prendre sa place laissée libre.
Retrouver la confiance:
1945, soyons francs : la France est totalement broyée, affamée,
ruinée, pulvérisée par la plus cinglante défaite
des armes quelle ait jamais connue, par la plus longue occupation
étrangère jamais subie. Le régime de Vichy,
à lévident tropisme fascisant, est détruit,
avec toutes ses institutions de lEtat Français. Devant
ce vide, les plus anciens sen souviennent, le mot dordre
fut : la reconstruction. Reconstruction des ponts, des voies ferrées,
des bâtiments, des entreprises et des institutions, afin quun
peuple humilié au delà de toute expression, puisse
reprendre confiance en lui-même et en son avenir.
Restaurer la conscience
Car, répétons-le, tout est cassé. Dans notre
pays dincurable tradition, un séisme a fait disparaitre
nos vieilles institutions, et avec elles, nos vieux pouvoirs. La
France vit le drame des règlements de comptes et des exécutions
sommaires des collabos. Se souvient-on que du côté
de Limoges ( selon un témoin direct) , lun des spectacles
les plus prisés du public fut alors dassister à
de telles scènes de tuerie et de torture. Presque tous nos
intellectuels neurent plus alors, comme horizon enviable que
ce qui, pensaient-ils, se passait à lEst, du côté
de cette Union Soviétique, dont lArmée Rouge
a été lun des deux grands vainqueurs de lAllemagne
nazie. A Yalta, les Américains et les Russes coupaient la
planète en deux sphères dinfluence. Prémisses
dune guerre froide effrayante et ruineuse.
Renforcer la compétence:
Cest sur le modèle soviétique, quand un électeur
sur trois votait communiste, que sur le vide créé
par la guerre, se sont constituées nos institutions. Nationalisations
des chemins de fer, de lélectricité, des usines
Renault, de lindustrie de larmement, de certaines banques
et compagnies pétrolières etc ... Les fonctionnaires
eux-mêmes, sous la poussée de Maurice Thorez, alors
ministre, ont droit à un statut unique obligatoire. Notre
assurance maladie ( maternité et vieillesse) fut construite
sur le même modèle dit du centralisme démocratique
et de la dictature du prolétariat, comme on le disait sans
rire à lépoque. Est-ce bien, en vérité,
à cette idéologie-là que nous autres Français,
presque 60 ans après, sommes encore viscéralement
attachés, comme le disent les médias ? Navons-nous
pas perçu que notre société vit dans un environnement
national et international totalement différent ? Voilà
la question systémique essentielle que personne, à
notre connaissance, nose poser clairement. On préfère
invoquer la force de la tradition à la française.
Nous avons parfaitement conscience de ce que cette mise en cause
a de dérangeant pour ceux qui ont coulé leur vie dans
de si confortables routines. Acquis social indestructible
dit le catéchisme syndical. Hélas, cet acte de foi
aveugle na aucune incidence sur les possibilités matérielles
de restaurer une antiquité aussi moribonde. Notre exception
française en matière de protection sociale est devenue
parfaitement inacceptable par et dans cette Europe à laquelle
nous sommes si profondément mêlés. Quelles que
soient les péripéties et les contorsions déquilibristes
auxquelles nous assisterons quand il faudra remettre sur pied lassurance
maladie, cette contrainte européenne sera toujours la plus
forte. Que de temps gagné si les Français pouvaient
le comprendre.
l'os court :
«
Le jour où personne ne reviendra de la guerre, ce sera parce
que la guerre, enfin, aura été bien organisée.
» Boris
Vian
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Lettre
d'Expression médicale n°343
Hebdomadaire francophone de santé
26 avril 2004
Le
clignotant de labsentéisme
Docteur Jacques Blais
Il y a quelques mois, le 6ème
épisode des Rencontres de Médecine de Famille organisées
à Marseille par l'Union Régionale de Formation continue
a été une excellente occasion d'évoquer un
thème dont nous avons plusieurs fois signalé ici même
l'importance et la nécessité d'en évaluer les
conséquences, mais surtout la signification : l'absentéisme.
Dans le cadre de ces rencontres, qui avaient choisi pour thème
"Être de bons parents" il s'agissait essentiellement
de l'absentéisme scolaire. Mais nous essaierons d'étudier
d'autres formes de cet absentéisme tout aussi symptomatiques.
Retrouver la confiance:
Parmi bien des points de repère mis en évidence par
le Dr Michel Sokolowsky, pédopsychiatre intervenant au colloque,
un constat très réconfortant : "le médecin
de famille est aussi un conseiller pédagogique" pour
les parents. Certes souvent empirique, peu formé, utilisant
bien plus une compétence acquise sur le tas qu'une formation
précise. Sauf, et là également nous avons plusieurs
fois soulevé cette question, chez un petit nombre de praticiens
ayant choisi de se perfectionner, ou d'acquérir une compétence
en Thérapie Familiale et en Systémique.
Pour tout professionnel de santé, en étendant cette
appellation aux médecins et infirmières scolaires
bien évidemment, il va de soi que l'absentéisme des
élèves d'un établissement est un signe, doit
être une alarme, est un symptôme, et doit aboutir à
des mesures d'enquête, pour comprendre, déchiffrer
le message, pour découvrir en réalité ce que
la systémique dans laquelle est inclus un enfant, un adolescent
(et on percevra que ceci est parfaitement valable pour un adulte
en milieu professionnel) est en train d'écrire, dans l'histoire
et l'évolution de ce sujet, par le biais de cet absentéisme.
Restaurer la conscience
Je vais me permettre deux illustrations sur ce sujet. Dans le lieu
d'exercice qui a été trente années durant le
mien, nous avions avec le chef de service de psychiatrie local monté
une sorte de réseau, baptisé "de santé
mentale" au sein duquel se réunissaient tous les deux
mois, les personnels associatifs, les représentants de la
justice, de la police, des enseignants de toutes fonctions, des
personnels de santé de secteur public et privé, médecins,
infirmiers, également les éducateurs, les membres
des services sociaux, en bref tous les intervenants se sentant concernés
par l'entourage des adolescents. J'ai déjà eu l'occasion
de faire allusion à cela. Un de nos thèmes de départ
a précisément été l'absentéisme.
Et il a été extrêmement intéressant,
et instructif pour beaucoup, de percevoir que parfois le tout premier
signe d'une perturbation familiale, sociale, d'une problématique
personnelle, d'une maladie d'un membre du groupe familial, etc,
était l'absentéisme. Ce qui, curieusement, ne sautait
pas aux yeux des enseignants, des administratifs, des personnels
sociaux, des membres du système de santé scolaire.
Et à bien y réfléchir, pour un soignant, un
traitant, ce qui est un symptôme n'est qu'une formalité
administrative de plus pour un surveillant, un conseiller, un responsable
d'établissement, c'est finalement une logique de formation.
Nous avions convenu de consacrer de nombreuses séances à
ce sujet, chacun découvrant peu à peu des ramifications
non envisagées au problème. Le jeune absent était
en garde à vue. La jeune maghrébine aînée
de la fratrie est absente car elle "remplace la mère
dans ses tâches" parfois même avec une allocation
spéciale autrefois accordée. Un enfant cache des signes
de maltraitance par trop temporairement visibles. Un deuil éloigne
plusieurs membres d'une famille. Des jeunes dépriment, ou
ont des comportements illégaux, sont occupés de trafics...
En allant plus loin, combien de parents ignorent les absences de
leurs propres enfants des établissements scolaires... Un
enfant est absent les matins où il est chargé d'aller
voler de quoi nourrir ses frères.
Autre situation concernant un autre domaine. Invité sur le
même sujet à un Congrès National de professeurs
d'Education Physique, j'avais pu aussi développer la même
notion d'absence-symptôme, ou de "dispense-signal".
Qui souhaite la dispense de sport, l'enfant ou les parents ? Quel
malaise est-il sous-jacent ? Excès pondéral ? Religion
avec ses rituels de défense et d'interdits ? Le père
musulman refusant de laisser sa fille en short au milieu des garçons
? Une maladie non avouée, non signalée ?
Renforcer la compétence:
De tout ceci ressort une nécessité absolue, celle
de la communication. Entre chefs d'établissements et professionnels
de santé, entre médecins et infirmières scolaires
et médecins traitants, entre parents et soignants, professeurs,
enseignants, et administratifs, éducateurs, responsables
associatifs, et en fait tous personnels participants de près
ou de loin à l'entourage, l'éducation, l'enseignement,
les soins. Car un jeune peut tout autant être absent,
significativement, de ses cours de tennis, de judo, de musique,
du mercredi, ou des terrains de sport collectifs de ses matches,
avec une signification spécifique.
Il en va exactement à l'identique du travailleur salarié.
Qui sont les absents ? Pourquoi ? Quels prétextes, certificats,
quelle signification, quelle mise en garde, quelle alerte, sont
en jeu, en cause ? Et alors la même coopération est
nécessaire entre services de médecine du travail,
direction des ressources humaines, hiérarchie, dans un respect
absolu, ici comme là et comme partout d'un secret protégeant
les personnes quand il doit avoir ce rôle.
Une notion derrière tous ces éléments déjà
évoqués et parfois relativement évidents. Pour
qui traite, s'occupe, est en relation, prend en charge, est responsable,
des êtres humains, constater l'absence répétée
d'un individu est un signe. Un appel, une manière de dire,
un symptôme, un clignotant, exactement autant qu'une plainte,
qu'une demande. Car pour le médecin existe, très souvent
au départ, cette demande d'un justificatif. Et les questions
ne manquent pas alors, si l'on décide de regarder en face
l'existence des êtres, de comprendre, d'entendre, de lire
derrière les mots, les attitudes. "De quoi voulez-vous
vous mettre à l'abri ? De quoi, et encore plus de qui (Relire
le livre de notre FMM) souffrez vous ? Où, pourquoi, comment,
quand, voulez vous vous retirer, ne plus être, ne plus exister
? Quelles protections, quels motifs, quels non dits, quelles souffrances
cachées, quelles circonstances ?" Et vingt autres interrogations.
Derrière l'absence, il y a la mise à l'écart,
la fuite, la mise à l'abri, la vulnérabilité,
le refuge, et bien évidemment la maladie éventuelle,
mais la sienne ou celle d'un tiers, d'un proche, qui rend alors
dépendant de sa dépendance, et puis tout autant le
prétexte, l'interprétation, le bénéfice
secondaire, l'abus, le profit... Derrière ce repli, ce recul,
cet effacement il y a si souvent le secret, l'incapacité
de dire, d'avouer, d'expliquer, le malaise, la phobie sociale ou
spécifique, il y a ce feu qui clignote et ce cri qui hurle
en silence et qui dit écoutez, entendez, lisez moi ne comprenez
vous pas que je n'ai trouvé absolument aucune autre méthode
que de disparaître pour ne pas affronter, ou que me dérober
pour ne rien expliquer ?
Nous allons conclure sur un leitmotiv : pour lire les absences,
pour traduire l'absentéisme, pour valider ou interroger une
exemption temporaire, ou une dispense, il faut à TOUS les
acteurs une formation, une écoute, une collaboration, un
échange, un respect mutuel, et admettre qu'aucun seul ne
possédera toutes les clefs pour ouvrir la porte, délivrer
éventuellement, ou entrer dans un monde inconnu, insoupçonnable,
parfois jusqu'à l'étrange, ou l'horreur, ou l'évidence
mais après coup seulement.
l'os court :
«
Les absents sont assassinés à coup de langue. »
Scarron
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Lettre
d'Expression médicale n°344
Hebdomadaire francophone de santé
3 Mai 2004
Histoire
tragique
Docteur Iulius Rosner
Monsieur S., colonel retraité,
79 ans, patient fidèle, était en même temps
un véritable ami. Il ne parlait jamais de son passé
militaire, campagne de France, Vietnam, Algérie. Il aimait
discuter avec moi des questions dhistoire et de religion et
manifestait un sentiment presque douloureux devant mon agnosticisme.
Jai eu la tristesse de diagnostiquer un cancer gastrique et
de lenvoyer se faire opérer par un « des dix
meilleurs couteaux » de France. Lépouse du patient,
à laquelle javais communiqué le diagnostic dès
le début ma demandé de ne pas en informer le
malade. Leur fils aîné sest associé à
cette exigence. Jai promis de les satisfaire.
Retrouver la confiance:
Presque trois après lopération qui sétait
déroulée dans dexcellentes conditions, lapparition
de nouveaux symptômes a indiqué une reprise du mal.
Les examens ont confirmé le diagnostic. Lextension
de la tumeur et les métastases hépatiques excluaient
toute intervention à but curatif. Comme la tumeur envahissait
le bas de loesophage, il fallait choisir entre une opération
palliative - une fistule intestinale - pour pouvoir le nourrir et
donc ajourner léchéance fatale, ou le laisser
mourir de faim et assurer des soins destinés à atténuer
sa souffrance. Il devenait clair quune telle décision
ne pouvait être prise que par le malade lui-même ; on
était donc obligé de lui dire la vérité.
Madame S., mise au courant, après avoir consulté ses
enfants, me donne son consentement mais veut, par égard pour
moi, que ce soit le chirurgien qui se charge déclairer
le patient. « Vous êtes trop lié à notre
famille pour quon vous demande ça. »
Restaurer la conscience
Le lendemain, coup de fil du chirurgien. « Cher ami, jai
reçu votre patient. Je lui ai craché le morceau. Il
a choisi lopération, je lopère après-demain.
Il veut que vous assistiez à lopération. »
Une heure plus tard, autre appel téléphonique, cest
le patient : « Jai vu le chirurgien; jai été
très étonné. Cest vous qui, dès
le début, avez connu la vérité. Par votre diagnostic,
vous mavez certainement ménagé une survie sans
problèmes depuis plus de deux ans, et vous ne mavez
rien dit. » « Vous men voulez ? » «
Non, mais je voudrais connaître les raisons de votre attitude.
» « Monsieur, je pourrais vous répondre que vous
ne mavez jamais demandé ce que je pensais. En fait,
la raison principale est, quavec un peu de chance, vous auriez
pu ne pas faire de récidive. Dans ce cas, quel avantage auriez-vous
eu à vivre le restant de votre vie avec cette épée
de Damoclès du retour du cancer ? » « Voyez-vous,
docteur, je vous comprends, mais vous savez quen choisissant
le métier des armes javais décidé daffronter
la mort depuis ma jeunesse. A mon âge, je suis serein, je
crois que la mort nest pas une fin mais le début dune
autre vie. »
Renforcer la compétence:
« Vous êtes serein, Monsieur, mais moi pas. Vous êtes
croyant et convaincu de rencontrer bientôt votre Seigneur
; mais moi, je ne suis pas croyant et je ne peux pas être
serein quand je perds un ami. » Longue pause avant quil
ne me réponde : « Docteur, acceptez-vous de continuer
à me soigner jusquà la fin ? Je sais que ça
ne doit pas être drôle daccompagner un ami sur
son dernier chemin. Je peux me faire hospitaliser ou demander laide
dun spécialiste de soins palliatifs. » «
Il y a 20 ans, jai soigné jusquà la fin
ma propre mère, morte dun cancer. Je suis prêt
à faire mon devoir envers vous. »
l'os court :
«
La mort nest, en définitive, que le résultat
dun défaut déducation puisquelle
est la conséquence dun manque de savoir-vivre. »
Pierre
Dac
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Lettre
d'Expression médicale n°345
Hebdomadaire francophone de santé
10 Mai 2004
Pour
des médiateurs du travail
Docteur François-Marie Michaut
Deux événements importants
se télescopent en ce moment. En France, la disparition de
lassociation Mots pour Maux au Travail. Nous
en rendons compte dans notre page dactualités sur le
harcèlement. Au Canada, lentrée en vigueur,
dès le mois prochain, dune nouvelle loi particulièrement
novatrice. Il ne sagit plus, comme en France ou ailleurs,
de rendre condamnable par la justice des actions de harcèlement
au travail. Ce sont, chez nos amis, tous les employeurs qui sont
tenus de fournir à leurs salariés un environnement
de travail indemne de ce type de maltraitance. Ici, cest
attention, on peut punir -si, toutefois, et cest très
difficile à réaliser, les juges ont des preuves. Outre
Atlantique, le message est : vous avez lobligation,
en tant que patron, de prendre tous les moyens pour prévenir
cette atteinte grave à lintégrité psychique,
et parfois physique, de ceux qui travaillent pour vous.
Retrouver la confiance:
Nul doute à nos yeux, cette nouvelle loi va infiniment plus
loin que la notre. Ce fut pourtant déjà une grande
victoire que la France se dote dune loi. La foi, le militantisme
et le travail de réflexion, de gens confrontés sur
le terrain à cette problématique, comme ceux qui ont
tant donné à Maux pour Mots, na
pas été étrangère à la prise
de conscience générale de cette question très
grave. Et à ladoption de la loi. La dissolution de
leur association strasbourgeoise, et de ses antennes de Colmar,
Brest et Paris mérite toute notre réflexion. Car il
serait inacceptable et injuste que tout ce qui a été
fait par eux tombe comme une pierre dans un puits. Ce serait finalement
une formidable victoire pour les harceleurs. Inacceptable, non ?
Restaurer la conscience
La constitution dune association sans but lucratif, telle
quelle est instituée depuis 1901, est, depuis des années,
une façon classique de répondre à des besoins
que les structures habituelles, notamment politiques et administratives
sont incapables de prendre elles-mêmes en compte. La vie associative
se fonde avant tout sur le bénévolat. Denrée
en vérité bien fragile et bien rare dans un monde
où presque personne ne dispose de temps disponible pour les
autres. Mots pour maux a été aussi loin
quil était possible dans lutilisation de loutil
associatif pour lutter contre le harcèlement moral. Et, très
courageusement, un constat dinadéquation entre les
objectifs poursuivis et les moyens utilisables a été
dressé par ses responsables. Ce sont les limites rencontrées
dans cette action, qui doivent nous conduire à envisager
ce quil faudrait faire pour marcher sur les traces des canadiens
et de leur politique de tolérance zéro
vis à vis du harcèlement psychologique.
Renforcer la compétence:
Sur Exmed, dans nos contacts avec les internautes, dans nos échanges
sur nos deux listes, avec nos expériences diverses sur le
terrain, nous avons acquis depuis 1997 une large vision du harcèlement
psychologique. Voici une tentative de synthèse de tout ce
qui est ressorti sur ce sujet douloureux. Cest de professionnels
solides dont nous avons besoin, pas de bénévoles.
Des professionnels compétents pour servir à la fois
denquêteurs et de médiateurs quand surgit un
cas, tant dans ladministration que dans les entreprises privées.
Si plainte il y a, est-elle fondée ou non ? Y-at-il, ou non,
harcèlement ? Comment en sortir au mieux ? Il est évident
que ce type de consultant doit être indépendant de
tout lien salarié ou institutionnel pour être crédible
... et libre de mener les éventuelles actions qui simposent
avec les employeurs responsables. La justice elle-même, en
ordonnant une expertise (comme elle le fait en matière de
toxicologie ou de médecine), serait ainsi en mesure de savoir
sil y a harcèlement ou non pour que la loi soit appliquée,
car ainsi applicable. Une connaissance académique approfondie
de la psychopathologie, telle que celle des psychologues cliniciens
( que nont ni les médecins, ni les psychiatres, pas
plus que les travailleurs sociaux ou autres professionnels de la
comète psy) est indispensable pour de tels médiateurs
du travail. Une formation complémentaire en systémique
leur serait à lévidence de la plus haute utilité.
Enfin, une connaissance du droit de la personne et du droit du travail
est indispensable. Comme des notaires ou des géomètres,
ces médiateurs du travail ne peuvent être que dexercice
libéral pour assurer leur totale liberté daction
et dexpression. Il faut que chaque personne qui en éprouve
le besoin ( harcelé, témoin de harcèlement,
responsable de harceleur) puisse les saisir, sans que lemployeur
soit informé. Leur rémunération en honoraires,
à la mission, ne devrait poser aucun problème, car
leur intervention, tant à titre curatif que, mieux encore,
préventif, ne peut quaméliorer la qualité
du travail, et contribuer considérablement à la diminution
de labsentéisme des salariés. Le coût
du harcèlement au travail est tellement énorme que
le calcul serait vite fait par les responsables. Enfin, si un corps
de ces médiateurs du travail pouvait se développer,
non pas, répétons-le avec force, pour recycler des
gens lassés de leur métier, mais bien pour lutter
avec vigueur contre linadmissible gestion perverse des relations
humaines, un code de déontologie rigoureux devrait être
établi. Prévoyant notamment, quen cas de situation
particulièrement difficile des collaborations entre médiateurs
soient la règle. Dernière question, qui nest
pas la plus facile à résoudre dans un pays au fonctionnement
aussi formaliste que notre vieille France. Qui, donc, peut prendre
linitiative de créer une nouvelle profession, car cest
bien de cela quil sagit ? Les pouvoirs publics, dont
ce devrait être un souci prioritaire de faire cesser le règne
du harcèlement qui nous atteint si gravement ? La réponse
ne dépend pas de nous.
Toutes vos réactions, toutes vos suggestions, toutes vos
actions, toutes vos démarches nous intéressent. Ne
vous privez surtout pas de nous en faire part.
l'os court :
«
Quand la justice nest pas juste, linjustice est exacte.
» Pierre
Dac
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Lettre
d'Expression médicale n°346
Hebdomadaire francophone de santé
18 Mai 2004
De
tout premier choix
Docteur Jacques Blais
Passons-nous notre temps à choisir,
c'est à dire à éliminer une ou des solutions,
et à opter pour d'autres, et ceci dans tous les cadres de
l'existence et de la vie ? La réponse est oui. Choisir une
orientation professionnelle, un lieu de vacances, un médecin
traitant, qui lui-même choisira de traiter ou non, et choisira
un médicament plutôt qu'un autre... Choisir, entre
cinq solutions pour traiter son cancer de prostate, celle qui sera
la plus exactement adaptée aux craintes, aux appréhensions,
aux espérances, à l'âge, à la condition
physique...et naturellement aux meilleurs critères de guérison.
Car oui, il existera des choix de nature vitale, ou au moins fondamentale,
existentielle, et des choix de niveau plus quotidien, mais non moins
ardus pour certains. Cravate, ou col ouvert ? Tailleur ou robe ?
Vert pâle, ou rose ? et le film de Bertrand Tavernier, ou
la pièce de Schmitt, ou bien plutôt le concert d'Hélène
Grimaud ? Ou encore la marque de la voiture, la capacité
du réfrigérateur, le motif du papier peint de la chambre
du petit, etc...
Retrouver la confiance:
S'il est une première évidence, mise en lumière
par l'apport des thérapies comportementales proposées
aux personnes qui peuvent éprouver une incapacité
pathologique d'effectuer des choix, ou au moins le sentiment de
ce blocage en position de décider, c'est celle de la confiance.
Il apparaît que la toute première nécessité
pour parvenir à un choix serein, efficace, à visée
dirréversibilité ou d'absence postérieure
de regret, est l'estime de soi. Aux deux sens, d'une part d'une
bonne évaluation correcte de ses qualités, carences,
aptitudes et difficultés, d'autre part de se valoriser suffisamment
soi-même pour s'accorder une valeur, un avenir, une existence,
qui vaille alors des choix adaptés à ses critères
propres et à ses aspirations personnelles.
Un deuxième élément tout aussi fondamental,
mais plus habituel à chacun, est celui de la hiérarchie
des critères. Il semble logique et admissible que telle décision,
tel choix, apparaissant comme primordial, prioritaire, pour telle
personne, devienne complètement secondaire pour sa voisine
ou son proche, ou son parent. Et il est certain que tout le monde
est capable de choisir.
Souvent, en thérapie, des gens qui avouent se montrer de
très efficaces décideurs dans un cadre professionnel,
plutôt entraîneurs que suiveurs, bien davantage créateurs
qu'exécutants, se trouvent terriblement complexés,
malheureux, ou souffrants de situations d'indécision
totale en privé. Décider d'un budget industriel, d'orientations
de marché, du recrutement d'un personnel, d'une solution
technique, aucun problème, mais choisir entre parquet ou
moquette, vacances à la mer ou montagne, nuance de la couleur
de ses cheveux ou tenue pour le mariage du cousin, impossible, et
source de conflits, de reproches d'inaptitude, d'indifférence
au cadre domestique, ou de mauvaise volonté. Alors qu'il
ne s'agit que de hiérarchie...
Restaurer la conscience
Le médecin est parfois confronté à des
constats qui le dépassent, le désarçonnent,
ou le choquent, l'attristent. Pas seulement celui d'une décision
d'arrêter de fumer pendant une grossesse, de cesser de boire
avec excès, ou d'abandonner somnifères ou tranquillisants
au profit d'une thérapie. Prenons un exemple précis,
celui d'un traitement substitutif de ménopause. En tant que
médecin, l'effet positif sur la préservation du capital
osseux, la protection vraisemblable contre la maladie d'Alzheimer,
la lutte contre la sécheresse des muqueuses, et donc des
effets vaginaux, urinaires, oculaires, le bénéfice
pour la peau, et les cheveux, le confort des nuits sans bouffées
de chaleur, le sommeil et l'humeur améliorées, vont
représenter autant d'arguments présumés très
convaincants, et avérés tels dans une majorité
de cas. Mais, mais le médecin est un homme, par exemple,
et la patiente va, elle, choisir d'abord de ne plus sentir ses seins
pesants et durs, ou bien avoir comme priorité de ne pas prendre
de poids, voire d'en perdre à tout prix. Et à la surprise
déçue du praticien, sa patiente va choisir, préférer
traduira-t-il, d'avoir de nouvelles infections urinaires à
répétition par insuffisance secrétoire vaginale,
de devoir supprimer ses lentilles de contact en raison d'une intolérance
oculaire par sécheresse, de risquer une moins bonne protection
cérébrale, osseuse, en optant pour un autre traitement
récent et moderne, ou une absence de traitement. Quand il
reverra la patiente, développant de nouveau son argumentaire,
elle lui répliquera dans un sourire "oui docteur, mais
j'ai perdu mes dix kilos, et quand mon mari me prend les seins cela
ne me fait plus mal..."
Admettre alors, accepter, que les choix des autres s'avèrent
entièrement différents, ou même opposés
aux siens et qu'ils en ont le droit absolu. Tenter alors d'entrer
dans le personnage, la peau de l'autre, et imaginer qu'hommes et
femmes, jeunes et vieux, gens d'ici et gens d'ailleurs, êtres
de toutes natures puissent effectuer des choix résultant
de leur vie, de leurs apprentissages, de leur éducation,
de leurs expériences, de leur hiérarchie de critères
et de leur capacité d'estime de soi.
"Votre estimation de moi est biologique et médicale"
pourrait dire cette patiente à son médecin, "quand
mon estime de moi est esthétique, psychologique et liée au
plaisir que je lis dans les yeux de mon homme et pas seulement de
lui..."
Renforcer la compétence:
La définition même de la thérapie comportementale,
lorsqu'elle a été estimée utile ou nécessaire
pour que quelqu'un retrouve la confiance dans ses capacités
de choix et de décision, est très précisément
de montrer aux humains que les tout premiers compétents en
choix sont les intéressés eux-mêmes. On a
pu définir cinq catégories de choix, réparties
en "tris primaires" qui expriment les accès
prépondérants hiérarchisés selon lesquels
les personnes vont sélectionner informations et décisions.
Chacun opérera en fonction d'une sélection avec un
ou deux des points de choix primordiaux, qui sont action, lieux,
personnes, objets, et informations. D'où le constat en apparence
surprenant, mais dans la réalité logique, de ce décideur
qui instantanément ou presque choisit un objet à acheter
ou vendre, alors qu'il se montre en grande hésitation pour
sélectionner un lieu où se rendre en vacances, ou
bien pour accepter ou non une invitation chez une personne.
Question de hiérarchie de critères, certains choix
sont importants d'autres secondaires, et évaluation
de l'estime de soi : dans tel domaine, je sais que je sais, objectif
qui est celui des thérapies que d'aboutir à cette
estime par le patient lui-même, arrivez à définir vos
stratégies de choix, et où vous savez parfaitement
exécuter, faire, décider.
La compétence est également de percevoir que l'anxieux,
l'angoissé, celui ou celle dont l'estime de soi est déficiente,
ne percevra dans une hypothèse que l'accumulation des éventualités
d'échec, d'effets secondaires, de répercussions péjoratives,
de risques, de pièges et de chausse-trappes, quand l'individu
à haute estime de lui sautera sur la première occasion,
quitte à plonger dans un inconnu non dénué
de périls et d'incertitudes à risque, en pensant par
devers lui qu'il s'en tirera de toute manière, comme des
épisodes précédents, avec de surcroît
le bénéfice inestimable d'une expérience de
plus.
Il va de soi que le médecin, le soignant, n'échappe
pas le moins du monde à la règle, et qu'entre les
convaincants, les persuasifs, ceux qui communiquent une confiance
proche de la certitude, qui décident, traitent, proposent,
émettent des hypothèses diagnostiques, et ceux qui
hésitent, délèguent, s'entourent de multiples
précautions sous forme d'innombrables examens complémentaires,
ont recours à des spécialistes, et ne parviennent jamais
à choisir, il existe exactement la même différence
de hiérarchie des critères et d'estime de soi. Résultant
comme toujours des apprentissages, de la vie, de l'existence, de
l'expérience, de l'éducation, du psychisme, de circonstances
et de conditions qui, pour beaucoup, résultaient déjà
de choix, même si parfois ces choix étaient ceux
des autres....
l'os court :
«
Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es
vivant. »
Montaigne
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