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Lettre
d'Expression médicale n°390
Hebdomadaire francophone de santé
21 mars 2005
Affection intrusive
Docteur Jacques Blais
Drôle de sujet. Comme cela nous arrive, mais d'une manière
générale tous les sujets de réflexion issus de
la vie, cette vie, si souvent subie, qui, comme nous le précisons
perpétuellement en détaillant, conduit ensuite à
l'existence, choisie elle, ces sujets apportent une vision, ou une
découverte, fascinante des êtres. Et nous allons ici
entrer dans un aspect rarement envisagé, celui où l'affection,
oui la tendresse, l'expression amicale, l'amour, l'empathie, parviennent
à devenir pesantes. Au risque de choquer, mais parce que cela
permet d'avancer l'observation. Et précisément aussi
parce que cette affection quasi envahissante s'adresse alors à
des individus atteints eux-mêmes d'une affection, grave.
Etonnant, ce que les mots disent, non ?
Entrons dans le sujet en "fracassant la porte de derrière"
: extrait de la lettre jamais écrite d'une femme sous traitement
de chimiothérapie, qui tenterait de se défendre contre
cette intrusion affective que nous détaillerons longuement
ensuite, mais n'aura pas été au delà de l'intention,
par respect pour la bienséance, les convenances, les règles
implicites de la systémique familiale et sociale (et mes excuses
habituelles pour la longueur du texte) "Mon cher grand fils chéri,
tu as 34 ans mais tu es tellement dépendant de mon amour, Ma
chère amie depuis 20 ans, tu es si dépendante de notre
amitié, vous êtes tous deux au nombre de ces intrusifs
du portable, qui ont besoin de "toucher des oreilles" mais
de surcroît vous êtes aussi les 2 invasifs qui ont besoin
de toucher du doigt et des yeux la preuve encore vivante que je ne
vous abandonne pas. Vous allez donc débarquer la veille de
chacune de mes séances de chimio, malgré mes efforts
de dissuasion, pour me prouver votre amour supérieur aux autres,
en réalité pour vous assurer que je ne vais pas vous
lâcher en route. Et ceci alors que je souhaitais plus que tout,
ces soirs là, demeurer blottie sur mon canapé en pyjama
à lire, ou somnoler devant la télé, mais surtout
à ne pas évoquer cette séance qui me prend la
tête comme le casque réfrigérant. Ma grande fille
chérie de 30 ans, comment te résister lorsque tu me
demandes si tendrement si tu peux "juste passer m'embrasser avant
d'aller à ton travail" les lendemains de séances
? Sauf que, précisément ces matins là je ne suis
pas levée à 8 heures, pour éviter vertiges et
nausées, je n'avais pas l'intention de me donner si tôt
"un petit coup de propre", tu sais après chimio on
a une haleine à fuir, et me laver les dents comme une folle
pour ne pas t'épouvanter me provoque des éructations,
me parfumer ces jours là m'indispose comme toute odeur, et
je ne pensais pas mettre si tôt, pour la retirer dix minutes
plus tard, ma perruque juste par coquetterie pour toi, mon amour....Mais
tous, vous aurez cru vous montrer merveilleusement affectueux, quand
un SMS, un texto, un message sur mon répondeur, ou une petite
carte auraient suffi et même été si adaptés,
moins intrusifs, non invasifs"
Impressionnant, ce que les non-dits hurlent, non ?
Retrouver la confiance:
Nous allons prendre un exemple "simple", celui d'une situation
susceptible d'arriver à n'importe qui, de survenir dans la
vie, devenant alors une part d'existence, de chacun. Vous êtes
atteint(e) d'un cancer, et un traitement par chimiothérapie
vous est prescrit. Cet exemple parce qu'il va mener à toute
une série d'actions, de contacts, de manifestations, souvent
voire toujours extrêmement chaleureuses, affectives, amicales,
généreuses, d'une cohorte de personnes qui représentent
les sous-groupes de votre systémique, et que vous recevez avec
confiance. Proches, parents, voisins, amis, relations, collègues,
membres de vos sociétés de toutes natures, éprouvent
de façon naturelle et plutôt empathique en apparence
le besoin de vous joindre.
Là où l'observation dans le temps, la durée,
la répétition, devient instructive et intéressante,
sociologiquement parlant, c'est de réaliser qu'affectif ne
signifie nullement positif, que se manifester ne veut pas nécessairement
dire positiver, que contacter n'est pas forcément synonyme
de construire, et que montrer son envie d'exprimer peut parfois, et
c'est bien là que l'on risque de commencer à choquer,
devenir envahir, possèder, accaparer.
Etrange, ce que disent les verbes, non ?
Restaurer la conscience
Une immense partie de nos actes ne s'effectue pas en toute conscience,
loin de là. Lorsque, dans les circonstances citées,
le décor mis en place, la situation évoquée,
vous recevez soudain, en quelques jours une fois l'annonce de votre
affection grave répandue, mettons 30 appels des membres de
votre systémique, outre un effet relatif de saturation banalement
mathématique, vous recevez surtout des formes totalement polymorphes,
variées, d'expressions de la réaction des autres. Et
votre propre réaction va devoir très rapidement s'accoutumer
à une réalité. 25 de vos appelants sur 30 vont
en réalité vous appeler pour projeter leur peur, leur
terreur, leur désarroi, leur vision de la vie, leur noirceur,
leur pessimisme, leur effroi ou simplement au minimum le niveau de
leur émoi décontenancé. Traduisons en termes
plus réels, psychologiques, sociologiques. Une immense partie
des êtres qui entrent en relation avec vous viennent de réaliser,
très souvent mais pas toujours pour la première fois,
que vous allez bien mourir un jour. Et qu'éventuellement du
même coup, cela pourrait bien leur arriver à eux aussi.
Que par contrecoup vous pourriez aboutir à leur manquer, non
laissez votre orgueil de côté, leur faire défaut
en tant que personnes dépendantes de vous.
Soyons lucides. Pour un certain nombre de ces êtres relationnels,
vous avez été une aide, une écoute, un soutien,
ou un ami, un camarade, un partenaire, quelques uns ou une majorité
selon vos natures réciproques, ont eu terriblement besoin de
vous, pour entendre et soutenir leur détresse, ou pour un avis,
un partage, ou simplement parce que vous avez été là,
présent. Et ils viennent de réaliser qu'un beau jour
il leur faudra poursuivre seuls une route semée d'embûches
et de faux pas, d'échecs et d'erreurs.
Bon Samaritain ? Non, très tranquillement quelqu'un qui compte,
et sur qui on compte. En toute réciprocité avec tant
d'autres.
Ce qui devient extrêmement instructif, c'est que vous allez
devoir vous-même gérer cette demande, car finalement
la plus grande partie de vos appelants vous demandent de vivre, et
non plus du tout vous assurent de leur soutien, si vous les écoutez
bien.
Stupéfiant, et difficile à admettre, ce que disent les
intentions, non ?
Renforcer la compétence:
Faut-il être compétent pour appeler utilement un individu
sous la menace d'une affection grave avec l'idée de lui apporter
l'expression de son affection ? Le comble est, probablement, que oui.
Les 5 appelants efficaces sur 30, qui sont-ils, et que font-ils de
différent des autres ? Ils construisent, apportent, bâtissent,
consolident, fabriquent, d'abord. Ensuite ils misent sur l'avenir,
le vôtre, le leur avec vous, l'après. Et enfin, ils vous
écoutent au lieu de vous asséner, envahir, conseiller,
consoler, parler sans cesse, accaparer, ils vous interrogent, et déduisent
et adaptent leur conversation, sans en imposer le sujet, le thème,
la durée, ils vous questionnent et ils mettent en route une
stratégie modulable en fonction de ce qu'ils perçoivent
de vos envies, vos désirs, vos espoirs, vos idées, etc.
Et c'est loin, très loin, d'être donné à
tout le monde, ou intuitif, inné, et bien réparti entre
les êtres.
Et les 25 autres ? Ils croient, ou pensent, ou sont persuadés,
en gémissant sur votre sort, l'injustice du monde, en employant
un ton maladif, un vocabulaire de compassion lugubre, une expression
de désespoir et de peur, qu'ils vont vous aider, ou vous montrer
combien ils vous aiment. Alors qu'ils ne vous projettent à
l'oreille, ne vous envoient à l'âme, ne vous matraquent
à l'envi, que leur vision pessimiste de l'existence, et leur
équation de leur propre avenir si tel évènement
surgissait dans leur vie.
Les plus proches de vous ne vous épargneront pas. Et tant pis
si, de nouveau, le spectre de propos choquants surgit. Mais votre
fratrie, vos propres enfants, vos parents, selon leur nature, leur
existence, leur tempérament, leur psychisme, leurs apprentissages,
peuvent être les pires. Tel de vos enfants, le plus tendre et
affectueux, sera le plus mature, qui vous glissera juste un texto
judicieux au moment opportun, quand tel autre, à l'angoisse
palpable de vous perdre (et lequel de vos descendants aurait-il eu
auparavant une seule occasion de songer que vous mourrez bien un jour
?) sera parmi les plus difficiles à empêcher, à
freiner, à convaincre si laborieusement de ne pas sans cesse
vous appeler aux pires moments des cures de chimiothérapie.
Amis lecteurs, si un tel texte qui peut heurter pouvait être
utile, instructif ? Lorsque vous avez un parent, un proche, un ami
en chimiothérapie, réfléchissez que le verbe,
la parole, la téléphonomanie du monde moderne véhiculent
une intrusion incroyable. Quand quelques relations ou amies, au bout
du quatrième épisode où ils tombent sur le répondeur
automatique, n'ont toujours pas compris que leur appel est inopportun,
quand nombre d'appelants ne parviennent pas à imaginer qu'une
personne, dans les jours qui suivent une séance de chimio,
ne veuille pas sortir de son canapé pour répondre à
un téléphone, parce que les vertiges arrivent les nausées
aussi, liées au changement de position, vous, pensez-y, réfléchissez
y.
Rappelez vous cette ancienne activité d'autrefois, l'écriture,
que lon retrouve dans les SMS, la messagerie e mail, ou les bonnes
vieilles lettres. Usez de ce mode là de communication. Tendre,
affectueux, sensible, et votre interlocuteur en affection grave y
lira toute votre affection à vous, relira même vos lignes
dans les jours de détresse au fond du trou, quand les mots
parlés s'envolent, abusent, envahissent parfois. Et surtout,
n'appelez pas la veille ou l'avant-veille des séances, quand
le patient ou la patiente en traitement n'a qu'un espoir, une envie,
surtout ne pas parler avec qui que ce soit de son épreuve qu'il
ne risque pas d'oublier. Ecrivez, laissez un mail, un SMS. Et n'appelez
pas non plus dans les 4 jours qui suivent, quand la victime se demande
quand il ou elle parviendra à retrouver un minimum d'énergie
pour bouger, quand enfin son tube digestif le laissera en paix, et....quand
ces sept, neuf, dix appels traités par le répondeur
pour pallier l'absence totale de désir de parler à qui
que ce soit cesseront d'interrompre sa somnolence bénéfique.
Surprenant, ce que cachent les silences, non ?
Avant de nous montrer intrusifs, en utilisant nos réflexes
à nous, notre vision du monde, nos élans spontanés,
nos impressions, réfléchissons à l'autre, tentons
d'imaginer l'autre, écoutons l'autre, acceptons une autre manière
d'exister, et interrogeons nous sur nos vraies motivations. Quand
vous offrez un cadeau à quelqu'un, vous choissez ce qui vous
plaît à vous, ou bien ce qui a la plus grande probabilité
de plaire à l'autre ?
l'os court : «
« Un ami, cest quelquun sur qui vous pouvez toujours
compter pour compter sur vous.» François Perrier
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Lettre
d'Expression médicale n°391
Hebdomadaire francophone de santé
28 mars 2005
Histoire sordide
Docteur Iulius Rosner
La patiente, âgée de 79 ans, fonctionnaire retraîtée,
appelle le médecin de garde. Je me présente. Une fois
dans lappartement de trois pièces, jobserve une
propreté remarquable. La dame se plaint de fatigue, de douleurs
abdominales, de nausées ; elle a perdu quatre kilos mais
est néanmoins rondelette.
Retrouver la confiance:
Je lexamine et la seule chose que je constate est une coloration
jaune des muqueuses suggérant un obstacle sur les voies biliaires,
calculs ou cancer. Comme elle vit seule - elle est veuve depuis
quatre ans - je lui propose de se faire hospitaliser quelques jours
pour faire des examens susceptibles détablir un diagnostic
précis. Elle veut savoir si lhospitalisation est absolument
nécessaire ; si elle doit mourir, elle veut que ce soit chez
elle ; elle nest pas seule, elle a une femme de ménage
qui fait ses courses quatre fois par semaine. Elle na jamais
été malade ; le médecin de famille qui a soigné
son mari a pris sa retraite. Elle me demande dêtre désormais
son médecin, ce que jaccepte. Aussi voudrait-elle me
donner une procuration pour la banque. Elle na pas assez confiance
en sa femme de ménage pour lui confier ses économies.
Je décline sa proposition ; ce nest pas le rôle
dun médecin. Sil ny a pas dautre
possibilité, je peux lui envoyer une assistante sociale.
Non, elle na pas confiance. Elle regrette mon refus de moccuper
de ses économies. Elle devra recourir à des parents
par alliance, une nièce de son mari qui na plus donné
signe de vie depuis le décès de son oncle. Non, elle
ne veut pas lui écrire et me prie de la contacter, ce que
je lui promets ( la vieille dame est très sympathique ).
Je prescris des analyses de débrouillage ; je la verrai après
avoir reçu les résultats
Restaurer la conscience
Je la quitte et, mes visites étant terminées, je donne
au chomeur ladresse de la nièce. Il connaît la
ville comme sa poche et fait une grimace. Cest un quartier
qui na pas bonne presse, repaire divrognes et de voyous.
Nous y allons. Au fond de la cour, à quelques 25 mètres,
une vieille maison de piètre aspect, aux murs lépreux.
Cou de sonnette ; pas de réponse. Nouveau coup de sonnette
; cette fois-ci, on libère un berger allemand qui vient vers
la clôture en aboyant. Le chauffeur, furieux, prend appui
avec son index sur la sonnerie. Après un temps qui nous paraît
interminable, une femme apparaît au fond de la cour et hurle,
pour couvrir les aboiements du chien : « Cest pourquoi
? » Le chauffeur hurle à son tour : « Votre tante
est malade. » « Vous êtes qui ? » « Le
médecin de garde. » Elle appelle et enferme le chien
et vient lentement vers nous. La conversation aura lieu par dessus
la clôture. « Ma tante peut-elle mourir ? » «
Elle est sérieusement malade ; à son âge, quand
on est malade, on peut mourir. » « Et quest-ce
quelle me veut ? » « Elle veut vous donner une
procuration pour la banque, elle ne peut pas se déplacer.
» « Dites-lui que lon ira. » Elle nous quitte
sans nous saluer. Le chauffeur me demande si je ne pense pas que
la mégère était ivre.
Renforcer la compétence:
Je reçois le résultat des analyses. Tout penche pour
la présence de calculs. Ma nouvelle patiente téléphone
; elle veut que je vienne la voir, mais elle me dit que sa nièce
la prise chez elle pour la soigner. Jy vais. La nièce
ne lance plus le chien, elle vient vite mouvrir, tout sourire
et gentillesse. Elle minforme que sa tante va plutôt
mal. Jexamine la tante qui a un ictère très
intense. Je lui explique que pour guérir, une opération
est nécessaire ; elle laccepte. En me conduisant vers
la rue, la nièce me dit : « Je pense quelle va
mourir. » Je me tais.
Ma patiente est opérée ; après dix jours dhôpital,
elle part en maison de repos pendant près dun mois,
puis revient chez elle. Sinistre surprise : lappartement est
vide, pas un meuble, pas une assiette, pas un couvert, pas un matelas,les
murs, et cest tout ...
Je fais le nécessaire pour quelle soit prise en charge
par une assistante sociale, qui minformera que la tante est
provisoirement abritée et que lon essaie de faire rendre
gorge à la gentille nièce.
NDLR : Le texte de cette LEM fait partie de louvrage à
paraître de Iulius Rosner intitulé : Les Français
vus de près dans lactivité dun cabinet
médical.
l'os court :
« Les voleurs respectent
la propriété. Ils souhaitent simplement que la propriété
des autres deviennent la leur afin de pouvoir mieux la respecter.»
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Lettre
d'Expression médicale n°392
Hebdomadaire francophone de santé
4 avril 2005
De la longévité
Docteur Françoise Dencuff (*)
Réjouissons-nous ! Nous sommes le deuxième pays
au monde où les humains vivent les plus vieux. Le premier
est le Japon dont nous connaissons les vertus « alimentaires
» : poissons et
poissons.
Mais quest-ce qui fait donc « bien vieillir »
les Français. Jai eu beau écouter les radios
ou lire les revues bien informées, pas dexplication.
A priori au pays de la bonne bouffe nous devrions passer ad patres
aux alentours de 60 ans. Nous mangeons trop gras, nous aimons les
bons crus, nous fumons trop, nous travaillons mal, nous pensons
incorrect
Bref nous sommes nuls et vieux !
Retrouver la confiance:
Alors il mest venue une idée aussi sotte que grenue
(sic) : et si notre mauvais caractère était la clé
du mystère ?
Nous sommes de mauvais élèves dans le monde stérilisé
et aseptisé du tout financier. Nous résistons plutôt
bien au puritanisme ambiant. Et je pense que cette résistance
à vivre comme nous en avons envie est sûrement notre
fontaine de jouvence.
Examinons un peu nos domaines résistants :
malgré lenvie de nos comptables politiques le montant
des retraites à verser va augmenter sans cesse,
nous irons toujours chez nos médecins préférés
(parce que quand on aime, on ne compte pas),
nous ne stériliserons pas nos fromages,
nous résisterons à Frankenstein, pardon Bolkestein,
nous râlerons de trop de soleil ou de trop de pluies, de trop
dimpôts, de lois etc.
Comme nos politiques sont malheureux ! Si seulement nous étions
de gentils concitoyens disciplinés. Comment faire avec de
tels électeurs qui veulent tout et son contraire. Quoiquils
fassent pour nous abrutir de politiquement correct et de starac
nous résistons.
Certes nous passons un peu trop de temps devant les écrans
mais lorsquil sagit de mettre nos bulletins dans les
urnes ou de signer un « pouvoir faire nimporte quoi
» alors plus personne.
Désespérant, jen connais qui rêveraient
dêtre à la place de Bush qui peut faire avaler
la guerre entre deux hamburgers.
Et oui contre toute attente le français, den bas ou
den haut en passant par le milieu a plus confiance en lui
quen ses élus.
Restaurer la conscience
Alors pourquoi cette mélancolie dont les médias nous
abreuve ? Et quelle mélancolie ?
Râler nest pas un signe de désespérance.
Cest le signe que nous sommes bien vivant
encore.
Il serait temps que nous comprenions que dire NON est la base même
de la bonne santé. Foin des compromissions et des béni
oui oui. Nous avons encore assez dénergie, grâce
à notre alimentation diversifiée, pour que la négation
ne sombre pas dans le « négationnisme ».
Soyons vraiment conscient de la puissance qui réside dans
le NON. Au risque de le dire une fois de trop ce nest que
lorsquon a dit non que la négociation peu commencer.
Daucun pourrait penser quen ces temps de référendum
je suis en train de suggérer une réponse. Et bien
non, à chacun sa vision des choses. Mais il est simplement
rafraîchissant de regarder mes frères en humanité
résister au courant du tout le monde dune seule voix.
Il ny a pas dharmonie dans un concerto pour une seule
note. Pas dharmonie dans un paysage dun seul vert.
Résister vient de la racine ester : être debout. Chouette
non que le mauvais esprit français fasse de nous des hommes
et des femmes debout.
Donc je reviens à lidée de départ : pour
vivre vieux vivons râleurs. Pas question de cautionner les
commentaires désolés de nos médias qui veulent
nous faire passer pour un pays déprimé. Dailleurs
nous ne sommes pas encore assez rouspéteurs nen déplaisent
aux fabricants des pilules du bonheur. Râler ou déprimer,
le choix est difficile. Il me semble que pour linstant et
même si les raisons exprimées par les râleurs
manquent quelque fois de finesse, vivent les râleurs.
Renforcer la compétence
Mais il faut savoir argumenter ses râlantes. Prenons par exemple
la lumineuse idée de notre cher ministre : faire le choix
de son généraliste.
Quel est largumentaire développé par les partisans
du généraliste à vie : premièrement
cela valorise la place du généraliste, deuxièmement
ça empêche le nomadisme thérapeutique. Bref
ça fait du bien à lego et aux finances.
Comment faire passer largumentaire : si vous ne vous soumettez
pas on ne vous rembourse plus.
Quand donc nos politiques comprendront-ils que dès quils
veulent nous faire peur, nous mettre des limites, une folle envie
de liberté nous envahit.
Sont-ils vraiment convaincus que nous sommes des enfants que lon
peut mettre au coin et priver de dessert ?
Et bien oui ! Nous sommes de grands enfants que lattrait de
linterdit continue de faire rêver au risque de se prendre
une fessée. La compétence de lenfant réside
justement dans sa capacité à dépasser les limites
pour pouvoir un jour les faire siennes. Pas parce que Papa Douste
ou Maman Sécu lont dit mais parce quil pense
que cest bon pour lui.
Renforcer la compétence:
Renforcer notre compétence cest justement ne pas avaler
nimporte quel discours terrorisant. Nous savons bien nous,
les enfants, que le loup qui a mangé le chaperon rouge nexiste
que dans les cauchemars et en plus nous adorons avoir peur
juste
pour voir, pour tester.
Renforcer notre compétence cest aussi cesser dimaginer
que nous avons besoin dun maître à penser, à
écrire, à manger, à se soigner.
Car la résistance ne doit pas se développer contre
la pensée de lautre mais avec notre pensée à
nous ! (ya quà voir qui participe à Exmed
)
Et dailleurs cest ce qui fait de nous des petits vieux
« sacrément » résistants.
(*) Râleuse impénitente
l'os court :
« Et dire
que les vieux arbres peuvent être si beaux ! Hélas,
on nest pas de bois. » Henri Duvernois
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Lettre
d'Expression médicale n°393
Hebdomadaire francophone de santé
11 avril 2005
Les chats et la
moutarde
Docteur François-Marie Michaut
Ils sont réputés pour ne pas den laisser compter,
nos amis les chats. Certes, nous vivons auprès deux
depuis des milliers dannées, foi de cousin de descendant
des Égyptiens anciens. Ou plutôt, ce sont eux, les
rois de lindépendance, qui tolèrent en silence
que nous vivions auprès deux. Le Moyen-Âge voyait
en eux des incarnations du Diable, et les médecins naiment
guère les maladies quentraînent leurs griffures
ou leur morsure. Et bien, ces félins qui savent parfaitement
vivre dans le milieu naturel en chassant, comme ils le font dans
nos maisons confortables, ne sen laissent pas compter en matière
de goûts alimentaires.
Retrouver la confiance:
Tenez, essayez donc de faire manger de la moutarde à votre
greffier ! Attention, pas question de le gaver de force, non, ce
nest pas une oie, il saurait vous le rappeler vigoureusement.
Il faut que votre chat mange en toute liberté, vo-lon-taire-ment,
cette fameuse moutarde, quà priori il déteste.
Les discours cajoleurs et autres caresses resteront sans effet pour
mettre lanimal en confiance. Quant aux menaces, elles laisseront
impavide votre boule de poils : la moutarde que vous avez mis dans
son écuelle restera intacte.
Restaurer la conscience
Et bien, voyez-vous, la moutarde, cest la réforme de
lassurance maladie signée Douste-Blazy. Et le chat,
cest dune part la profession médicale. Et le
chat, cest également, chacun de ceux qui sont appelés
un jour ou lautre à bénéficier
des soins de santé dans notre doux pays de France. Une fois
que vous avez bien pris conscience de cela, il devient possible
de mieux comprendre ce qui se passe. Comment faire en sorte quun
chat mange spontanément de la moutarde ? Tel fut le double
problème à résoudre par nos brillants experts
ès administration politique.
Renforcer la compétence:
Du côté des professionnels de la santé, une
vaste campagne daction psychologique sest mise en place
depuis de multiples années.Son objectif a été
de faire oublier à chaque praticien quil est le seul
et direct responsable de la qualité des soins prodigués
à chacune des personnes dont il a accepté de prendre
la charge. Peu à peu, ce message on ne peut plus simple,
et exigeant, a été brouillé en introduisant
deux tiers dans la relation malade-médecin. Dune part,
celui de lassureur, qui, sortant de son rôle indispensable
damortisseur des conséquences économiques de
la maladie, sest auto-instauré lemployeur de
fait des médecins en se faisant le gestionnaire tatillon
du niveau de leurs revenus professionnels. De multiples confrères
sont hélas convaincus quils sont payés par la
seule assurance maladie et les mutuelles, et pas du tout par leurs
patients. Cela les conduit à ne même pas pouvoir envisager
quil leur serait possible sils le décidaient
un jour de sortir du giron protecteur de la sécurité
sociale. Ce lien perverti de dépendance économique
saccompagne dune autre domination. Celle du pouvoir
politique, qui a, pour ses classiques raisons électoralistes,
confisqué à son seul bénéfice le domaine
de la santé des citoyens. Sous le terme, en vérité
dépourvu de sens, de santé publique ( la santé
ne peut-elle être une notion autre que strictement individuelle
? ) , les médecins sont devenus des simples exécuteurs
sur le terrain des décisions prises par les différents
gouvernements tant de droite que de gauche.
Et du côté des usagers, lassurance maladie a
abusé de sa mission pour devenir une sorte de puissance tutélaire
sachant mieux que chacun de nous ce qui nous convient le mieux,
et nous limposant sans le moindre état dâme.
Les intrusions du monde politique dans notre façon personnelle
de vivre ( usage du tabac, de lalcool, comportement sexuel
ou routier ) vont également en croissant. Dormez, braves
gens, vos bons dirigeants veillent sur votre santé. Faîtes
juste semblant de nous écouter, et ne dites surtout rien.
Alors tout ira bien.
Sauf pour chacun de nous que nous soyons professionnel de la santé
ou usager des soins. Il suffit douvrir les yeux et les oreilles
pour le constater partout : nous sommes des chats qui mangent de
la moutarde. Nous la détestons, mais certains ont enduit
de ce condiment piquant notre région périanale, et
nous ne pouvons nous en débarrasser quen la léchant.
Ils ont gagné : les chats avalent de la moutarde.
Pour terminer, rendons à César ce qui lui revient.
Lhistoire du chat qui mange volontairement de la moutarde
a été racontée à lauteur par son
ami Iulius Rosner.
l'os court :
« Si je préfère
les chats aux chiens, cest parce quil ny a pas
de chat policier. » Jean Cocteau
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Lettre
d'Expression médicale n°394
Hebdomadaire francophone de santé
18 avril 2005
Lordre du
mérite
Docteur Jacques Blais
Nous écrirons cet "ordre du mérite" sans
majuscule. Car il ne s'agira pas de cette récompense de reconnaissance
nationale, loin, très loin de nous une telle ambition, mais
de l'ordre davantage dans le sens de "rangement" c'est
à dire de cette idée de rang. A tenir plus que hiérarchique.
Et chacun classe, range, dans sa tête selon une idée
personnelle du mérite. L'association de Formation Médicale
Continue dont j'ai été responsable pendant 25 ans
a, en 97, gagné un Prix National Lilly de formation continue,
pour une étude épidémiologique menée
avec la collaboration de 46 praticiens, hospitaliers, spécialistes
libéraux, et généralistes. Ce qui représentait
un considérable travail d'élaboration, de recueil,
de coordination, de communication, qui méritait cette récompense,
et elle m'avait touchée, en dehors de l'idée qu'elle
rapportait à l'association une belle somme pour l'époque,
permettant de s'équiper en matériel moderne, photocopieuse
et ordinateur. Bien que demeurée une goutte dérisoire.
Retrouver la confiance:
Une autre récompense m'avait fait carrément rire,
quelques années auparavant. Pour un roman ayant eu une poignée
de lecteurs et demeuré complètement ignoré,
j'avais été distingué par le Prix du Roman
de l'Académie des Provinces Françaises, dont j'ignorais
tout jusqu'à cette minute. Et je suis donc allé
cueillir ce trophée dans une province de l'Est, remis par
le député-maire local. Je tais son nom, il a depuis
et très récemment encore pris du galon au point d'apparaître
très fréquemment sur nos écrans à propos
d'une Loi récente sur la laïcité. Ce brave
homme n'avait manifestement pas lu une ligne de mon roman, résumé
sans doute par son secrétariat, et il s'est fabriqué
une splendide tirade sur la lutte contre le racisme à propos
des deux personnages, quand le thème en était celui
des êtres voués à la mort par leur mode de conception
ou de naissance, comme par les mères porteuses.
Mais je n'avais pas pour but d'évoquer des anecdotes, demeurant
dans le dérisoire amusant, excusez moi.
Du mérite, nous avons appris de nos parents que l'on mérite
son salaire, que l'on a mérité ce que l'on possède
par son travail, que l'étudiant mérite de réussir
s'il s'est donné de la peine. Une idée d'honnêteté,
de récompense, de rétribution, de justice. Ce qui
recouvre l'étymologie latine, quand la grecque évoque (meiristhai)
ce que nous obtenons en partage. Sont-ce là des "définitions
de vieux ?", celles là mêmes auxquelles notre
génération a adhéré ?
Autrement formulé, peut-on donner sa confiance à un
système incluant une hiérarchie du mérite ?
La question subsidiaire, mais méritant diablement d'obtenir
une réponse, est : la population Française mérite-t-elle
par exemple son système de santé ?
Restaurer la conscience
Nous allons chercher quelques biais pour progresser dans la réflexion.
Les professeurs de philosophie de nos descendants (et il en va certainement
de même pour d'autres matières) reçoivent, pour
noter les épreuves du Bac la consigne ("incitation forte"
serait mieux, voire "ordre" tiens le même mot ?)
de parvenir à une moyenne de notes de 8 sur 20, quelles que
soient les constats éventuels en nullité d'idéation,
d'ortographe, de construction, de connaissance du cours, et d'adéquation
du développement s'il y en a eu un.... Mérite-t-on
sa note ? Non, un système s'impose à la place, d'ordre
politique, social, économique par l'adaptation d'un nombre
de places aux circonstances, aux crédits, au budget ministériel.
Il en va exactement de même pour un concours d'entrée
en médecine, pour celui de l'internat. Système avec
ses règles implicites et explicites, crédits, locaux.
Je crois avoir déjà évoqué le fait que,
dans les universités, une loi datant de quelques années,
détermine le budget alloué aux unités de fonctionnement
non pas au nombre d'enseignants, ou à celui des étudiants,
ou aux résultats, investissements, au mérite en somme,
mais à la surface des locaux utilisés. Voyez
grand avant d'avoir les idées larges !
Alors évidemment, des innovations comme celle du "salaire
au mérite" proposé pour nombre d'emplois de la
fonction publique font grincer sérieusement. Et tout se discute
en effet. Vaut-il mieux évaluer des objectifs strictement
financiers, rapporter tant de milliers d'euros de paiement des contraventions,
ou doit-on plutôt envisager d'établir des programmes
d'éducation des citoyens, des conducteurs, des piétons,
des motocyclistes ? Codifier le mérite, le nuancer, en sus
de l'évaluer, quelle ambition !
Qu'est-ce que ce "T2A" dont on voit poindre le sigle un
peu partout, depuis la réforme entamée sous J-F Mattéï
dans le programme Hôpital 2007 ? Et qui semblerait être
la seule mesure résiduelle. En gros, également, une
allocation budgétaire pour des unités hospitalières
au mérite. En estimant qu'entre un service de chirurgie qui,
brillamment, parvient à un rapport de coût de séjour
par patient de tant, grâce à une courte durée
de séjour, des soins peu onéreux, des économies
de traitement, et un autre aux résultats moins probants sur
ces critères, l'avenir tiendra compte désormais d'autres
éléments quantifiables et qualifiables. Tel service
prend des risques, avec des praticiens extrêmement formés,
en ne traitant que des patients atteints de cancers, avec des
techniques résolument modernes et donc très onéreuses,
quand tel autre reçoit essentiellement des porteurs de pathologies
simples. Lequel "mérite" une allocation budgétaire
plus conséquente ? Lequel aider davantage à progresser
encore, lequel stimuler ?
Renforcer la compétence:
Oui, pour que les populations vivant en France disposent du système
de santé qu'elles méritent, il faudrait que soient
étudiés tous ces paramètres-là. Compétence
des intervenants, niveau des maladies nosocomiales, équilibre
des dépenses indispensables évitant des quantités
d'examens inutiles (déjà pratiqués ailleurs,
ou négatifs, sans intérêt ou preuve d'efficacité,
tout ceci entre dans l'idée du "médecin traitant",
dans celle de la médecine par les preuves), prise de risque
par l'innovation thérapeutique, la formation continue, la
recherche, nombre de patients traités et journées
de séjour occupées, etc.
Mais nous ne saurions nous contenter de ces seuls points d'évaluation.
Pourquoi ne pas accorder un "crédit" fondamental,
mot absolument pas né d'un hasard, aux opinions des patients
traités, de l'entourage ? Niveau et qualité de l'accueil,
état des locaux, installations, dispositions, disponibilité
et accueil des membres du personnel soignant, carences en tous genre,
aspect élaborés spécifiques à tels services
(locaux de réception, d'accueil, de confidentialité,
espaces de répit, de repos et de paix, existence d'un contact
téléphonique préalable agréable, compétent,
médicalisé, information de qualité, aisément
accessible, communication interne opportune, compétence et
disponibilité des services administratifs, identification
des intervenants de toutes catégories, etc), oui toute cette
hiérarchie du mérite qui transforme tel service en
rareté de diamant face à l'immense marée d'autres
unités comparables à des supermarchés des soins....
Et enfin, il va de soi qu'à l'inverse, pour que les usagers
continuent à mériter le système qui leur est
proposé, même si la France est nettement en perte de
vitesse chacun peut s'y faire soigner, là aussi de très
nombreux points de contrôle ont un besoin crucial d'être
développés. Responsabilisation considérablement
accrue des usagers quant à leur consommation, leurs dépenses
et leurs justifications, contrôle permanent et très
développé de toutes les allocations, de tous les "droit
à" et des présumés ayant-droit, de toutes
les attributions et les prestations, pour cesser un jour enfin d'oeuvrer
dans la cécité pour atteindre la lucidité. Même
si les fraudeurs, les bénéficiaires abusifs, les profiteurs,
les détourneurs de prestations, de soins, de remboursements,
les revendeurs de médicaments et de produits, ne représentent
certainement qu'un pourcentage modeste des dépenses de santé,
négliger, ignorer, refuser l'idée de s'attaquer
à cette fraction-là des budgets est non seulement
regrettable mais irresponsable. 10, 12, 14 % du budget des dépenses,
en abus et fraudes, ne représenterait-il pas une gigantesque
économie ? Les usagers raisonnables ne méritent
pas d'être privés de cette part-là. Mais un
système de santé valable devrait savoir aussi
mériter ses bénéficiaires.
l'os court : «
Lordre conduit à toutes les vertus, mais quest-ce
qui conduit à lordre ?» Lichtenberg
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