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Lettre
d'Expression médicale n°395
Hebdomadaire francophone de santé
25 avril 2005
Infections
Docteur Françoise Dencuff
Encore un scandale de plus. Cent sept hôpitaux et certains
parmi le plus réputés (Montpellier par exemple) sont
KO par coup de Point. Pardonnez ce vilain jeu de mot
Lhebdomadaire
Le Point publie sa fameuse liste noire.
Grand battage médiatique, haro sur les ânes en blouses
blanches. Quelle honte ! Comment est-ce possible dans cette ère
toute dévouée au sacro-saint principe de précaution
?
Retrouver la confiance:
Il faut reconnaître que la culture de la qualité nest
pas encore vraiment entrée dans les murs médicales.
Ou plutôt la culture qualité copiée sur lindustrie
et donc en lien avec la fameuse obligation de résultats.
Car la résistance est forte chez nos confrères quand
il sagit de juger de la qualité de leurs actes. Et
dappliquer grosso modo les mêmes règles que celles
qui régissent la qualité dune boîte de
petits pois.
Certes le corps médical et les soignants en général
ne sont pas exempts de tout péché. Certes nous vivons
très mal que des confrères et à plus forte
raison des administratifs viennent mettre le nez dans nos affaires.
Nous résistons à la mise en fiche, processus et protocoles
de tout poil.
Mais croyez-vous vraiment Messieurs les techno-journalistico-démagogues
que ce soit la bonne méthode pour faire entrer la qualité
dans la tête des médecins ?
Restaurer la conscience
La vraie problématique se situe en amont. Dans la compréhension
des mécanismes en jeu dans lacte de soin. Deux personnes
en face à face, au milieu la maladie, et tout autour des
lois, des censeurs, des croyances. Parmi ces croyances la plus pernicieuse
de toute : le médecin va prendre en charge la maladie pour
en soulager le patient.
A voir létat du corps médical il faut avouer
que pour ce qui est de prendre en charge les maladies, il en est
devenu tout exsangue.
Mais revenons aux croyances ; prendre en charge les maladies cela
signifie, et depuis fort longtemps, tout à la fois déresponsabiliser
le malade et prendre le pouvoir. Pouvoir tout puissant qui par un
tour de passe-passe soulagerait magiquement les patients. Combien
de médecins ont cru à ce pouvoir, Harry Potter en
blouse blanche volant sans cesse au secours de ses semblables ?
Et même si nous ny croyons pas vraiment, les yeux désespérés
de nos malades nous font vite succomber.
Quelle extraordinaire sensation que celle qui nous fait sentir indispensables.
Alors certes il nexiste aucune excuse à la mort dun
patient par négligence ou excès de supériorité,
il ny a pas dexcuse non plus à linanité
des études médicales mais il y a des explications
et pas seulement des infos sensationnelles.
Infection : Pénétration dans un organisme d'un agent
étranger (bactérie, virus, champignon, parasite) capable
de s'y multiplier.
A ce demander quelle sorte dorganisme étranger est
en train dinfecter la médecine. Nul besoin de réfléchir
très longtemps : largent et son corollaire léconomie
de la santé. Depuis quune énorme partie des
enveloppes est dilapidée par des administrations pléthoriques.
Cest toujours avec surprise que je regarde la différence
des surfaces occupées par les bureaux par rapport à
celles des services de soins.
Les infections nosocomiales ont toujours existé. Pour ceux
qui ne connaissent pas ce terme, il fait référence
aux infections que lon risque dattraper au cours dune
hospitalisation. Autrement dit les infections que véhiculent
ceux qui sont censés nous soigner. Autrefois, c'est-à-dire
avant les découvertes pasteuriennes, il était admis
que la vie et la mort nappartenaient pas aux humains et que
lorsque la personne mourrait des suites dune intervention
ou dune maladie, cest que son heure était venue.
La découverte des vilaines petites bêtes qui pénètrent
nos cellules, de lantibiothérapie et des techniques
de stérilisation, a fait régresser ce type dinfections.
Du moins dans les pays où la situation sanitaire est correcte.
Mais il reste encore un taux de « surinfections » difficiles
à expliquer. En effet, comme dans toute maladie, les causes
sont multiples.
Renforcer la compétence:
Dans notre monde précautionneux, il est logique de vouloir
combattre ces infections puisque le risque est banni de notre vocabulaire.
Certes dans la santé le risque zéro nexiste
pas, en tout cas cest le discours ambiant mais lorsque nous
sommes malades nous exigeons que les soins qui nous sont appliqués
nentraînent aucun risque supplémentaire. Normal
!
Malheureusement ce nest pas une affaire de compassion pour
nos frères humains mais de règlements de compte. Quest
ce qui tout à coup a fait réagir nos politiques et
vendre beaucoup de papier à nos médias ? Le souci
de lautre ? Nous en doutons quelque peu. Par contre ce genre
denquête participe tout à la fois du besoin de
scandale et de victime expiatoire, et de celui de faire des économies
sur les montants versés par le Fond daide aux victimes
ou par les assurances (donc par les banques
)
Les censeurs refusent de comprendre que nous sommes dans une période
de bouleversement complet des pratiques médicales. Et que
tout changement suscite des résistances. En quelques années,
sous la pression des patients de mieux en mieux informés
et des politiques de plus en plus fauchés, nous devons passer
du règne médical au règne sécuritaire.
Quelque soit lépoque, aucun médecin digne de
ce nom (et certes il en existe qui ne méritent pas dexercer)
na jamais souhaité la mort dun patient et à
fortiori si cette mort survient à la suite dun de ses
actes. Mais jamais non plus le médecin ne fut autant suspecté
quaujourdhui. La résistance se nourrit de cette
suspicion et la tendance naturelle est de se replier entre soi pour
éviter les coups.
Pire encore, à force de brandir la diffamation, les médecins
se retournent les uns contre les autres. Le corporatisme médical,
comme tous les corporatismes, est insupportable. Il ne fait que
se renforcer pour faire face aux attaques incessantes. Nous dépensons
trop, nous soignons mal, nous ne sommes plus assez disponibles,
assez nombreux, etc.
Il faut un coupable à la justice et comme notre monde est
malade il est évident que la faute en revient aux médecins.
Il est clair que beaucoup de choses sont à rectifier mais
nous ne sommes pas responsables du malaise de la société
et nous ne pouvons pas le prendre en charge. Nous subissons nous
aussi de plein fouet le mal être général. Nous
sommes valdingués de lois en procès, nous avons un
taux de divorce bien supérieur à la moyenne
Il
est inutile de crier haro sur le baudet, la société
est malade et malheureusement les soignants ny peuvent pas
grand-chose puisquon ne les écoute quà
la hauteur de leur télévisiogénisme !Le risque
est grand puisque de moins en moins de jeunes ont envie de suivre
cette voie qui na plus rien de royal.
A trop vouloir adorer le veau dor nous perdons le sens de
lessentiel : malgré des médecins nuls et une
médecine en piteux état nous sommes le pays où
les gens vivent les plus vieux (juste après le Japon). Alors
faisons-nous donc si mal notre métier ? Non bien sûr
mais nous le faisons avec générosité c'est-à-dire
trop cher pour les gardiens du trésor.
Il paraît quon ne peut pas avoir le beurre, largent
du beurre et le fils(fille) du laitier. Moi jaffirme que si.
Il faut juste un peu de patience.
l'os court : «
Lassassinat est la forme suprême de la censure.»
George Bernard Shaw
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Lettre
d'Expression médicale n°396
Hebdomadaire francophone de santé
2 mai 2005
Donner, donner,
donner
Docteur François-Marie Michaut
Le 23 avril le coeur de Jacques Blais a cessé de battre.
La première - et unique fois- que je lai rencontré
physiquement, cétait à Paris en janvier 1997
dans une réunion de médecins généralistes
organisée sous sa direction par le journal Le Généraliste
à la suite dun de ses éditoriaux. Costume cravate
rigoureux, lunettes décailles, parlant peu, écoutant
beaucoup. Presque timide. Pas de trace dune volonté
de domination, de recherche de prise de pouvoir sur les confrères
présents. Le thème ? Comment sortir du silence pour
notre profession restée sidérée par les mesures
autoritaires du plan Juppé dit déjà de sauvetage
de lassurance maladie. Quelques états dâme,
quelques passes darmes entre syndicats, mais seulement un
peu de bruit sans vision densemble et sans aucune suite pratique.
Larticle du Généraliste en rendant compte parut
sous le titre désabusé en une de Onze Généralistes
en quête dun avocat .
Retrouver la confiance:
Et puis chacun est retourné dans son cabinet pour soigner
ses patients. Tout le reste sest fait uniquement par courrier.
Cela a été le projet dun lieu ouvert à
tous, une sorte datelier décentralisé
pour tenter de jeter une passerelle sur le fossé qui se creusait
entre la société et ses médecins. Ne plus se
comporter en élèves obéissants confiant leur
sort aux institutions prétendant les représenter,
mais en professionnels adultes et responsables. Et cela sans autre
arme que celle de notre capacité de nous exprimer, et déchanger
en toute égalité à distance. Nos confrères
des syndicats ont refusé cette initiative, parfois de façon
violente. Les autres ont eu bien du mal à sortir de leur
petite sphère personnelle. Tout de suite, et sans condition,
Jacques a donné son accord, malgré toutes ses activités,
pour amener sa collaboration active.
Restaurer la conscience
Débuts rudimentaires, avec une simple circulaire dactylographiée,
photocopiée en une quinzaine dexemplaires et envoyée
par la poste. Puis, notre LEM put élargir son audience en
assurant sa diffusion par fax. Enfin, en novembre 1997, le pas de
lutilisation de lInternet fut franchi avec le lancement
du site Exmed.org. Voila qui narrangea pas notre ami Jacques,
si prolixe en lettres manuscrites, et se sentant si gauche devant
un clavier. Pourtant, là encore, il nhésita
pas à donner de lui-même sans compter pour se mettre
à lInternet. Et les contacts par mails, ils en devint
bien vite un fanatique et un orfèvre.
Renforcer la compétence:
Avec Christine Bruzek, notre webmécanicienne, nous avons
fait un petit inventaire dans la pile des dossiers dExmed
en ligne. Rien que parmi les 396 lettres hebdomadaires stockées
( un sacré bouquin pour des chercheurs ), Jacques Blais a
signé 87 LEM. Presque une lettre sur quatre. Et il en reste
encore quelques unes dans nos tiroirs. Donné des poésies,
donné deux pièces de théâtre dont un
prophétique Vivant, donné toute une série
de voyages dont nous navons encore publié quune
partie, donné les photographies quil en ramené,
donné des dessins pour illustrer ses écrits. Donné
encore une grande partie de nos coups doeil quotidiens. Voilà
ce que je voulais dire et redire aux Internautes. Cette façon
dêtre, laissant toute latitude pour une libre utilisation
de ses textes, sans jamais aucune récrimination, sans la
moindre demande pour lui-même, a été exemplaire.
Car finalement, Jacques a été un splendide anticonformiste
en donnant sans compter en un temps où chacun ne cesse de
se battre de façon puérile pour faire valoir ses droits
à recevoir, recevoir et recevoir sans jamais rien ... donner.
Jacques le moraliste, ce titre en forme de clin doeil littéraire
laurait certainement fait sourire, comme il savait si bien
le faire. Alors, pour conclure laissons la parole de notre Os Court
final à notre immortel Pierre Dac.
l'os court : «
Si la façon de donner vaut mieux que ce quon donne,
la façon de ne pas donner ne vaut rien.» Pierre
Dac
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Lettre
d'Expression médicale n°397
Hebdomadaire francophone de santé
9 mai 2005
La peur
Docteur François-Marie Michaut
Nous médecins, navons pas le nez propre, disons-le
demblée. Nous nhésitons guère,
au nom dun prétendu intérêt supérieur
de la santé, à agiter le grelot inusable de la peur
chez nos patients. « Si vous nobservez pas nos doctes
interdictions en matière de régime alimentaire, de
règles de vie, dites hygiéniques, de pratiques sexuelles
ou de comportements sociaux, vous serez les seuls responsables des
multiples maladies qui vous guettent. » Tremblez, braves gens
!
Retrouver la confiance:
A notre décharge, les capacités encore bien limitées
des interventions curatives en cas de maladies déclarées
ne sont pas exceptionnelles. A notre décharge encore, il
ne nous est pas facile de soigner des humains qui causent eux-mêmes
leurs maux, et qui semblent sourds à tout langage logique.
Que tous ces gens se tuent en buvant, en fumant, en mangeant mal,
ou en se suicidant, voilà qui nous énerve ! Si, au
bout dun bon nombre dannées de pratique, nous
avons la curiosité de mesurer nos tentatives de modifier
le comportement des autres, le résultat est bien maigre.
Du même ordre que celui dit de la prévention.
Restaurer la conscience
Cette manipulation de la peur pour obliger les hommes à obéir,
nous ne lavons pas inventée. La médecine la
simplement empruntée à notre tradition religieuse.
Celle des tables de la Loi de Moïse, celle du péché,
celle de lenfer et du paradis. Il serait illusoire de penser
que notre éloignement apparent des valeurs issues des fils
dAbraham nous libère de cette peur. Partout, à
tout propos, et hors de propos, elle est actionnée par tous
nos communicateurs à la mode. De la destruction annoncée
de la planète par réchauffement à lasservissement
mondial des moins riches sous la dictature sanguinaire des marchés
tout puissants, de la perte de sens de nos sociétés
à la décadence annoncée de nos moeurs et de
nos arts, rien ne nous est épargné. Ajoutez-y une
bonne pincée de jugements de valeurs implicites sur les différents
terrorismes, et voyez dans quel état émotionnel nous
baignons.
Renforcer la compétence:
Si, comme tout nous y incite, nous sommes branchés en permanence
sur tous nos médias, il est bien difficile de ne pas vivre
en permanence dans une atmosphère permanente de peur. Peur
de quoi, au fait ? Du passé quon connait, comme du
présent quon vit, on na jamais ( pardon Wolinski
) vraiment peur. On a fait ou on fait face par laction. Seul
ce qui peut se passer après ou demain effraie nos esprits.
Nous ne cessons de trembler devant ce futur que nous savons parfaitement
ne pouvoir maîtriser totalement. Nous navons aucun moyen
de le diriger à notre guise. Avoir peur cest se conduire
comme un enfant. On pique une colère parce quon ne
fait pas obéir le monde à nos désirs, et on
se précipite en courant vers nos parents tout puissants pour
se mettre à labri de tout risque. Cultiver cette peur,
dans quelque domaine que se soit, cest oeuvrer à maintenir
la population dans un état de dépendance de type infantile.
Curieux,amusant et paradoxal quun ancien pape ( en Italien
: papa ) et un président de la république française
tiennent le même discours.
« Nayez pas peur ». Cultivons notre lucidité
: la peur est le moteur le plus puissant de tout pouvoir. Et si
on décidait en voyant les choses comme elles sont, et non
comme elles devraient être de ne plus avoir peur, on serait
infiniment moins manipulables.
l'os court : «
Jai peur du passé, du présent, du futur,
du passé simple et du plus que parfait du subjonctif. »
Wolinski
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Lettre
d'Expression médicale n°398
Hebdomadaire francophone de santé
16 mai 2005
Accréditation
Docteur Françoise Dencuff
Un petit rappel pour tous ceux (celles) qui nont pas la
chance de faire partie du corps de santé : « L'accréditation
est une procédure d'évaluation externe à un
établissement de santé, effectuée par des professionnels
indépendants de l'établissement et de ses organismes
de tutelle, évaluant l'ensemble de son fonctionnement et
de ses pratiques. Elle vise à assurer la sécurité
et la qualité des soins donnés au malade et à
promouvoir une politique de développement continu de la qualité
au sein des établissements de santé
L'organisme accréditeur établit avec les professionnels
du système de santé, des référentiels
pour apprécier les structures, les procédures et les
résultats en terme de gain de santé et de satisfaction
du patient. » Définition officielle de lANAES
A lorigine, et officieusement, cette accréditation
avait pour objectif de fermer le plus possible détablissements,
économies obligent. Devant les levées de boucliers
des maires et des usagers pratiquement aucun établissement
na eu à fermer à la suite du jugement des experts
visiteurs.
Retrouver la confiance:
Pour être tout à fait honnête cest une
obligation pleine de bon sens. La qualité des soins repose
sur la qualité des prestations offertes par les établissements.
Lorsque nous devons nous remettre entre les mains dun chirurgien,
même si nous avons confiance en ses compétences nous
avons le droit dêtre rassurés sur la stérilisation,
la gestion des déchets, des risques. Nous naimerions
certes pas que lon nous enlève une jambe au lieu du
petit grain de beauté sur la joue. Des normes, des processus
et des protocoles sont là pour permettre dharmoniser
et de coordonner les pratiques des différents intervenants.
Dans la première version de laccréditation qui
a démarré à la fin des années 90 il
sagissait en résumé, de vérifier la qualité
des soins apportés aux patients. La seconde version (V2)
qui démarre maintenant est beaucoup plus axée sur
les pratiques de management des établissements.
Cette V2, qui, rassurez-vous, na rien à voir avec les
fusées du même nom, a été lancée
pour viser les mauvais manageurs qui dépensent inconsidérément
les sous de nos concitoyens.
Malheureusement cette démarche visant à lamélioration
de la qualité est très difficilement acceptée
par les soignants. Obligés de passer sous le couperet tous
les cinq ans les établissements se réveillent quelques
mois avant le passage des « visiteurs » et se dépêchent
de faire un grand ménage de printemps. Le jour J tout le
monde est au garde à vous.
Une des dernières LEM vous parlait de la manipulation par
la peur. En voilà un exemple excellent.
Pourtant sous les attaques incessantes, nous aurions tout intérêt
à profiter de ce genre de mesure, même si les raisons
obscures de leur mise en place sont lamentables, pour restaurer
la confiance entre soignants et patients. A lire certains commentaires
sur les forum il est de bon ton aujourdhui de crier haro sur
les médecins.
Restaurer la conscience
En effet ce nest pas le plaisir daugmenter la qualité
ou la sécurité pour nos patients qui réveille
les consciences mais la peur. Ne pas obtenir le sésame cest
risquer de figurer au rang des mauvais élèves et donc
de perdre sa notoriété. Vus de lextérieur,
les établissements rivalisent dingéniosité
pour camoufler toutes les compromissions, toutes les faiblesses,
les irrégularités
Les textes voudraient nous faire croire que lorsque ladministration
se mêle de qualité des soins, cest dans lintérêt
des patients. La réalité est plus prosaïque :
ouvrir le parapluie ! Certes il en est, rares mais courageux, qui
défendent cette idée damélioration continue
de la qualité. La conscience dun travail bien fait
existe même chez les soignants. Mais, comme partout dans notre
monde dapparences, elle se dilue dans des tonnes dhypocrisie.
Soyons honnêtes, nous nous sommes intéressés
à la gestion des risques lorsque les usagers se sont adressés
aux tribunaux et que les indemnités versées risquaient
de mettre à mal les bénéfices. Les infections
nosocomiales sont mieux visibles et plus dangereuses lorsquelles
sont « deupardiesques ». Le monde des soins nest
pas pire ou meilleur que nimporte quel autre métier.
Il faut faire comme si. En ces jours de louverture du énième
festival de Cannes nous devons nous réjouir davoir
des acteurs formidables. Dailleurs ne dit-on pas à
tout bout de champ acteur de la santé, de la prévention,
de la justice
À force de jouer des rôles écrits
par dautres, pas étonnant que nous sachions plus vraiment
qui nous sommes. Nous devenons les pantins de politiques de santé
qui ne visent quà restreindre les soins sans toucher
aux faramineux bénéfices de Big Pharma.
Renforcer la compétence:
Alors comment utiliser cette accréditation avec profit pour
les patients ? Tout simplement en faisant de la qualité tant
relationnelle que thérapeutique lobjectif premier du
management. Pas une qualité pour de rire mais une qualité
consciente et compétente.
Comprendre que le soin est un acte damour pour lautre
et pas pour soi même, encore moins pour son portefeuille.
Mettre en uvre des actes ayant pour but unique de produire
plus de vie, plus de confort, de sécurité.
Osons agir et non plus réagir. Osons dire que nous aimons
notre métier, les gens qui nous font confiance. Que nous
pouvons nous tromper, que nous sommes ignorants sur de nombreux
sujets mais quà tout moment nous agissons pour que
celui qui se confie à nos soins aille mieux.
Agissons avec passion et raison et non plus par peur de représailles.
Et commençons par apprendre à nos enfants que si nous
leur demandons de boucler leur ceinture à larrière
ce nest pas parce quun bleu embusqué va nous
sanctionner. Demandons aux enseignants de montrer aux enfants que
lerreur nest pas une faute mais une étape de
lapprentissage.
Mais en attendant il est évident que la peur est «
bonne conseillère » alors pourquoi les experts visiteurs
annoncent-ils leurs visites des semaines à lavance
? Si vraiment nous avons encore besoin de fessées, allons
au bout de la logique. Visites surprises comme pour les agents de
la répression des fraudes. Au moins la qualité sera
respectée à défaut de conscientisée.
Finalement on en revient toujours au fameux « pas vu, pas
pris ». En pleine crise dadolescence notre monde, soignants
compris, a encore à transformer le plaisir de frauder, de
tricher avec le danger ou la mort en plaisir daimer et de
respecter la vie.
l'os court : «
Quand on a peur de la mort et qu'on a peur de la vie, on n'a plus
peur de rien.» Patrice Dard
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Lettre
d'Expression médicale n°399
Hebdomadaire francophone de santé
23 mai 2005
Quadruple centenaire
Docteur François-Marie Michaut
Et oui, notre Lettre dExpression médicale boucle
avec ce numéro la série de ses 300 parutions pour
entrer dans le club des quadricentenaires. Depuis 399 semaines,
notre site poursuit la publication régulière de notre
LEM. En gros, près de 8 ans dexistence : voilà
qui dans le monde si récent de la Toile fait de nous ...
un dinosaure. Alors, à défaut dun bilan de type
comptable qui serait parfaitement ennuyeux, une question essentielle
se pose. Quavons-nous pu constater comme évolution
dans notre petit monde de la santé ? Les trois injonctions
traditionnelles qua inventé notre premier et regretté
complice disparu le Dr Jacques Blais vont, comme chaque semaine
servir de fil conducteur à notre réflexion.
Retrouver la confiance:
Avons-nous retrouvé la confiance ? Si nous en parlions en
1997, cest quelle nétait déjà
plus au rendez-vous. De façon très pragmatique, lenvolée
du tarif des assurances professionnelles des médecins depuis
quelques années est un excellent indicateur de létat
desprit dans les cabinets médicaux. Quel climat de
confiance peut sétablir quand les patients dressés
par la presse sont à laffût de la moindre faute
( ou supposée telle) pour en demander réparation,
confondant le médecin avec le garagiste qui est légalement
soumis à une obligation de résultat ? Quel climat
de confiance peut régner dans la relation médecin
malade, quand le praticien est obligé de se méfier
de chaque patient ? Quant à la confiance qui peut exister
entre les responsables du domaine de la santé - quelle que
soit leur casquette et leur fonction - et les médecins cliniciens,
tout semble indiquer quelle est de plus en plus absente, pour
ne pas dire remplacée par une franche hostilité.
Restaurer la conscience
Et bien, pour la conscience, le tableau est peut-être un peu
moins noir. Lorsque nous avons lancé cette publication, personne
nosait sexprimer dans nos rangs.Comme si nous étions
dans la Roumanie communiste de Iulius Rosner. Seuls les leaders
syndicaux et les journalistes de la presse médicale commentaient
de façon bien superficielle les mesures prises par le gouvernement
de lépoque à notre encontre. La naissance dun
certain nombre de canaux de communications et déchanges
via internet, comme le notre, a permis à un nombre de gens
bien plus important que lon ne pouvait le penser, dexprimer
ce quils avaient sur la conscience. Beaucoup de médecins
se sont rendu compte quil nétaient pas seuls
dans leur coin à avoir telle ou telle opinion différente
des courants officiels de pensée. Et puis, aussi, naissance
dune conscience que nous devons absolument ne pas nous enfermer,
ne pas hésiter à ouvrir la porte du dialogue avec
dautres professions de santé comme avec des citoyens
qui sont des utilisateurs de services de santé. Même
si le nombre des personnes qui acceptent daiguiser ainsi leur
conscience de tout ce qui touche de près ou de loin à
la santé demeure minoritaire, leur influence est considérable,
grâce au formidable porte-voix et enregistreur fidèle
que constitue le réseau des réseaux. Celui qui traverse
les frontières et les continents sans aucune peine. Nous
avons eu ainsi la surprise - bien agréable- de voir des idées
que nous avions défendues resurgir telles quelles dans tel
ou tel media, tel ou tel discours dun dirigeant politique,
syndical, administratif ou journalistique. Ainsi dut-il en être
en des temps comme celui de lEpoque des Lumières
de notre XVIIIème siècle européen.
Renforcer la compétence:
Le préalable logique à tout renforcement vrai de la
compétence médicale nous semble être celui dune
réflexion rigoureuse, et totalement libre de tout pouvoir,
sur létat actuel de notre médecine. Nous avons
nommé cela la méta-médecine : pour nous la
médecine de la médecine. Soigner une médecine
déjà bien malade de multiples dérives. Et là,
parlons clairement. nous navons pas été suivis.
Pas plus que nous ne lavons été quand nous avons
plaidé pour lurgence de donner à la médecine
générale en France les outils qui lui ont toujours
manqué cruellement. Dabord, la place quelle mérite
et na jamais eu dans lUniversité. Où sont
les chaires puissantes et dotées de moyens humains et financiers
nécessaires pour développer cette discipline indispensable
à toutes les autres, pour pouvoir donner aux jeunes lenvie
dexercer ce métier en en découvrant toute la
richesse ? Où en est lindispensable développement
de la compétence des généralistes dans un domaine
totalement privé de chercheurs, et donc denseignants
: celui encore en friche de la systémique médicale
? Où en est la dramatique inculture de la profession en matière
de médecine relationnelle, de psychologie et de sciences
humaines ?
Alors, quand on annonce que nous ne pourrons pas avoir un nombre
suffisant de médecins généralistes en France,
comme cest déjà le cas dans de nombreux cantons,
nous nous disons que nous navons pas été assez
entendus, et surtout compris. Vite, il faut tout faire pour utiliser
au mieux toutes les compétences où quelles se
trouvent pour que les patients, qui sont notre seule raison dêtre,
puissent être soignés au mieux. Messieurs les destructeurs
des médecins dans leur goût dexercer ce magnifique
métier, votre responsabilité est hautement engagée.
Sachez que cela, jamais nous ne loublierons et toujours nous
saurons le rappeler à ceux qui pleureraient amèrement
une médecine disparue. Car nous allons tout droit vers la
nécessité dimporter des praticiens de toute
la sphère francophone des pays pauvres pour faire ce que
nous ne voulons plus faire, tout simplement parce que nous ne savons
plus le faire. Étrange situation pour un pays qui ose encore
se vanter davoir le meilleur système de santé
du monde, et qui hurle dès quon parle de mondialisation
ou de délocalisation.
l'os court : «
Bilan : document qui empêche de se raconter des histoires un
mois sur douze.» Philippe Bouvard
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Lettre
d'Expression médicale n°400
Hebdomadaire francophone de santé
30 mai 2005
Humanitaire...ment
Docteur Françoise Dencuff
Je dois reconnaître que mon café a eu du mal à
passer ce matin. En ce début de matinée plutôt
gris (jeudi 12 mai 05), LCI dans son émission « On
en Parle » sattaquait à la question hautement
délicate des aides pour les sinistrés du tsunami.
Face à face deux poids lourds de lhumanitaire : notre
ancien ministre JF Mattei, président de la Croix Rouge Française
et Jean-Hervé Bradol, président de Médecins
Sans Frontières. Était annoncé Francis Charon,
président de la Fondation de France qui a du décliner
linvitation.
La question était la suivante : Que faire des excédents
de dons ? Cette interrogation faisait suite à la décision
de Médecins Sans Frontières (MSF) de demander lautorisation
de rediriger le trop perçu vers dautres actions.
Retrouver la confiance:
Depuis les Arc
naques (*) la vigilance sest renforcée
sur lutilisation des dons et la Cour des Comptes se penche
chaque année sur les bilans de nos associations charitables.
Malgré tout, la question lancinante dune « bonne
utilisation » des dons, taraude tous ceux (et celles) qui
dans un acte de générosité émotionnelle
ont mis la main à la poche. Car cest bien démotion
dont il sagit. Chacune et chacun se dit tout bas : «
et si cétait nous ? »
Très vite balayée cette question dérangeante
fait place à un sentiment de culpabilité. La culpabilité
des nantis. Nous avons ce que dautres passent leur vie à
espérer. Alors forts des valeurs essentielles : le respect
de la souffrance, le partage, les médias événementiels
appuient sur la corde sensible et les très gros sous partent
vers les pays ravagés.
Le temps nest pas aux questions mais à une réaction
viscérale. Et aussi à une sorte de sentiment de puissance,
celui dagir face à la violence. Pas de place pour la
réflexion, lorganisation. Nos réactions deviennent
animales : face à limprévu, au catastrophique
il faut bouger, faire quelque chose
nimporte quoi. Et
la seule action possible est financière.
Pourquoi faut-il que ce soient les plus pauvres qui en prennent
régulièrement plein la tête ? Une petite voix
dit tout bas
et parfois même tout haut : parce quils
ne savent pas se protéger ou parce que leurs dirigeants raflent
tout largent. Pour certains largument sera politique
: parce que nous vivons bien sur le dos de ceux qui vivent mal.
Alors il faut faire taire la petite voix pour avoir le sentiment
dêtre humain et compatissant.
Il me faut aussi être honnête certains dentre
nous appliquent vraiment les préceptes de charité,
héritage de Saint Vincent de Paul ou de Mère Teresa.
Pas de question dérangeante, juste la conscience absolue
dun monde à partager équitablement.
Restaurer la conscience
Mais revenons à la question. Que faire de toute cette manne
une fois que les missions ont été remplies. Je dois
avouer une certaine admiration devant le courage de MSF de sen
tenir strictement à ce quils sont censés faire.
Une fois les actes durgence passés, ils se retirent.
Ils nont pas vocation de reconstruction.
Mais leur courage réside dans ce quils obligent les
autres associations à sinterroger sur le respect des
nations auxquelles ils portent secours. A voir la tête que
faisait JH Bradol, nous pouvions imaginer quil nétait
pas franchement convaincu par les arguments de JF Mattei. Pour connaître
un certains nombre de pays dits en voie de développement,
il nest pas du tout certain que les plus démunis puissent
recevoir les dons. Pouvons-nous en les aidant transformer radicalement
leur mode de vie ? Comment cette aide, cet argent va-t-il changer
la société et les rapports humains ?
La politique ne peut être absente de ce genre dintervention.
Les autorisations, les contacts se font « diplomatiquement
». Qui sont les intermédiaires ? Et sont-ils aussi
généreux que les donateurs ? Autant de questions pour
une véritable transparence.
Ni la Thaïlande, ni lInde ne sont des pays pauvres. Comme
dans beaucoup de nations, et cela nous pend au nez, cest lécart
phénoménal entre riches et pauvres qui nous choque.
Autrement dit entre une frange de population qui a la main sur les
richesses du pays et limmense majorité de ceux qui
travaillent (beaucoup plus que 35h par semaine) au profit des premiers.
Renforcer la compétence:
Bref, que faire de tout cet argent pour que les donateurs naient
pas limpression davoir été floués
? MSF propose tout simplement de rediriger largent vers des
pays encore plus ravagés. Le Darfour par exemple. Car il
est étonnant de constater que lampleur de la mobilisation
est directement liée à une certaine médiatisation.
Il est évident que le ravage des plages préférées
des usines à rêves est beaucoup plus choquant que lextermination
dune population
sans plage.
Dans notre monde dimage et dapparence, il faut que le
beau, lillusoire domine. La preuve en est donnée par
la rapidité de reconstruction des hôtels. Certains
touristes nont pas annulé leur voyage tout de suite
après le tsunami parce quil fallait continuer à
faire vivre lindustrie touristique, la seule présente
dans certains pays touchés. Et cest là aussi
une question terrible : que deviendront ces pays si le baril de
brut perd la tête et que les prix des voyages senvolent
?
Et comment faire de lhumanitaire humainement ? Comment pouvons-nous
participer à une véritable transformation du monde.
Pas à de simples replâtrages. Les organisations humanitaires
ont beaucoup de poids, pas seulement MSF, Care, Médecins
du Monde, la Croix Rouge
mais aussi lONU, lOMS,
lUNESCO
Quand on regarde linertie de ces montres
administratifs, lampleur des privilèges de leurs salariés
il est normal de se dire que tout existe déjà. Que
ces organisations internationales ont largement les moyens daider
les pays en détresse.
Nous pourrions dailleurs penser
mauvais esprit sentend,
que nos nations dites développées ont largement de
quoi prendre en charge les vieux, les handicapés ou les maladies
génétiques sans faire pleurer dans les chaumières
avec le soutien de nos artistes « engagés ».
La vraie question nest donc pas que faire des sous en trop
mais pourquoi les organisations existantes et très riches,
au niveau des états et du monde, ont-elles besoin de nous
? Surtout quand on sait que les fonctionnaires onusiens sont, eux,
exonérés dimpôts.
La culpabilisation des individus par les états est monstrueuse.
Et le mensonge généralisé. Oui ! Nous sommes
tous daccord pour aider, Non ! Nous refusons dêtre
pris pour des gogos. Et nous espérons tous que largent
récolté ira à ceux qui en ont besoin
même
si cest dans le squat du bout de la rue.
Il semblerait important que la conscience et la responsabilité
des supers états commencent à poser des priorités.
Autrement dit que les besoins essentiels de la population de la
planète soient enfin reconnus : leau, la nourriture,
le logement, la santé. Et ce, avant les illusions de fortune
et de gloire.
On peut toujours rêver non ?
(*) NDLR : LARC, pour nos lecteurs étrangers, est une
association de lutte contre le cancer qui a eu, il y a plusieurs
années, de graves ennuis avec la justice pour détournements
importants de fonds de la générosité publique.
l'os court : «
Les catastrophes, ce sont les fêtes des pauvres.»
Guillaume Hanoteau » |