Evaluer
l'Internet Médical
Docteur
Harold Burnham ( USA )
le 5 mars 1998
Le JAMA ( Journal
of Medical Association , l'un des plus célèbres journaux
médicaux du monde , ndlr ) du 25 février 1998 publie
un article critique : " Rating Health Information on the Internet
( Evaluation des informations de santé sur l'Internet
) ", dont le correspondant d'E-M aux Etats-Unis propose ici la traduction
suivante du résumé.
Les auteurs posent
la question en ces termes : « Est-ce qu'on se dirige vers la science ou vers la Tour de Babel
?" Alejandro R. Jadad, MD et Anna Gagliardi, MSc, MLS, sont des
membres du département d'épidémologie clinique
et de biostastitique de McMaster University, Hamilton, Canada.
Ils soulignent que
l'Internet a donné naissance a la plus grande révolution
vécue jusqu'à ce jour de l'information . Ceux qui
fournissent cette information pour les professions de la santé
comme pour les consommateurs ont dorénavant un libre accès
à une masse de renseignements inaccessible avant cette transformation
informatique.
Malgré
des avantages manifestes, tous ces renseignements sur la médecine
et la santé peuvent avoir des effets nuisibles pour les consommateurs
et pour les professionnels qui ne les utilisent pas convenablement.
L'objectif
de l'étude
est d'identifier les instruments utilisés pour l'évaluation
des sites du Web qui fournissent des renseignements de santé,
d'évaluer la valeur des critères employés par
ces instruments de mesure, d'établir le degré de validation
de ces instruments, et de montrer dans quel sens des recherches
devraient se développer dans ce domaine.
Les sources
des données étudiées sont: MEDLINE (1996-1997),
CINHAL (1982-1997), HEALTH (1975-1997), Information Science Abstracts
(1966 to September 1995), Library and Information Science Abstracts
(1969-1995), et Library Literature (1984-1996). Les moteurs de recherche
des sites de santé sont Lycos, Excite,Open Text, Yahoo, HotBot,
Infoseek, and Magellan ; des listes de diffusions sur l'Internet
; des comptes-rendus de réunions; de multiples pages du Web;
et des listes de références.
Les auteurs ont détaillé
les caractéristiques des organisations concernées,
les adresses de l'Internet, le nombre et les ressources de ceux
qui fournissent ces évaluations, ainsi que les données
sur la validité et la sûreté de leurs appréciations.
Il y a eu 47 instruments identifiés, dont 14 qui donnent
une description des critères employés pour arriver
aux évaluations, et 5 de ces 14 ont donné les indications
utilisées pour leur emploi. Aucun de ces instruments identifies
n'a fourni de renseignements sur l'objectivité de l' observation
ni sur la fiabilité des indicateurs utilisés.
Les auteurs sont
arrives a la conclusion qu'il y a beaucoup d'instruments qui ne sont pas encore au
point pour évaluer la qualité du réseau des
renseignements sur la santé fournis par l'Internet.
D'abord,
il n'est pas certain que de tels instruments doivent exister
. Et s'ils parviennent à mesurer tout ce qu'ils affirment,
est-ce que leur impact ( sur la qualité de la santé
) est plus bénéfique que maléfique ( pour les
professionnels comme pour les utilisateurs ) ?
Les patients
sont-ils morts ?
Docteur
François-Marie Michaut
Le 3 février
1998
Les organes de presse
ont relayé dans l'opinion des chiffres concernant le résultat
des mesures de " dégraissage " de la médecine libérale
depuis un an . Environ 1500 médecins entre 56 et 65 ans auraient
choisi la préretraite prévue par les ordonnances dites
du plan Juppé . L'économie ainsi réalisée
par la collectivité aurait été de 720 millions
. Soit 480 000 francs économisés par médecin
et par an peut calculer tout citoyen recevant ces chiffres . Sa
conclusion inévitable : Décidemment ces médecins
, surtout les vieux peu ou mal formés aux techniques de pointe
de la médecine la plus moderne , nous coûtent une fortune
!
Simple petite question
logique : que sont donc devenus les patients soignés par
ces médecins si dispendieux ? Pour que les économies
annoncées ( par qui , pourquoi ?) soient réelles ,
il faut probablement que tous ces braves utilisateurs de la médecine
ou soient morts , ou aient renoncé à se faire soigner
. Car , curieusement , la somme annoncée correspondrait assez
bien ... au montant brut des honoraires des confrères mis
en touche .
Un tant soit peu
de rigueur intellectuelle de la part des professionnels de la transmission
d'information (?) exigerait que l'on ne passe pas de tels chiffres
sans le moindre commentaire . Calculer les éventuelles économies
promises par le mécanisme de préretraite ? Une seule
méthode indiscutable : calculer comment ont évolué
les dépenses de santé remboursées par l'assurance
maladie des patients dans l'année qui a suivi le départ
en préretraite de leurs médecins habituels . Une élémentaire
exploitation des données statistiques engrangées par
les systèmes informatiques des caisses devrait être
réalisable , si toutefois l'informatique rigoureuse que l'on
veut imposer aux médecins est déjà une des
règles de gestion entrée dans la réalité
quotidienne . Il faudrait , pour être complet et crédible
soustraire les véritables économies réalisées
de la somme d'argent que coûte à la collectivité
la mise en preretraite des médecins .
Deux paris pour finir
.
Personne n'oserait
mener une telle étude . Le prétexte invoqué
serait l'inadéquation des systèmes actuels de recueil
des informations . Si tel n'était pas le cas , le résultat
ne serait jamais rendu public . Car c'est hélas prévisible
, la réalité est désastreuse . Pour la très
simple raison que tout médecin devenu de plus en plus expérimenté
au fil de sa carrière a de moins en moins besoin de s'entourer
de prescriptions pour soigner ses patients . Il y a des exceptions
? Bien sûr , mais ceux-la ne choisissent pas et ne pourront
jamais choisir de cesser leur activité médicale .
Ils ont besoin pour leur propre survie d'exercer leur activisme
médical jusqu'au bout.
Ultime pari . Cette
observation sera peut-être lue par quelques uns . Et d'expérience
pourtant personne ne prendra la peine d'y répondre . Car
on consomme actuellement l'écrit médiocre ou de qualité
comme tout le reste : on " zappe" très vite sur autre chose
. Or ne pas répondre , au sens premier et le plus simplement
humain du terme , c'est être inhabile à la réponse
, irresponsable .
Romeo
ou l'économie
qui est tout ,
c'est n'importe
quoi .
Dominique MICHAUT
, chercheur en économie fondamentale et appliquée
( Paris) .
Pour
écrire à l'auteur
Il y avait un préjugé
dans l'éducation de Roméo. Dès que l'homme
produit et consomme , lui avait-on appris , il se livre à
une activité économique . Tout activité de
l'homme ayant pour finalité la satisfaction de ses besoins
est économique (1) , lui avait-on fait réciter .
- Quand nous allons au bois cueillir
et manger des fraises , nous produisons et nous consommons une récolte
, lui fit un jour observer ingénuement Juliette .
Romeo fut pris d'un doute . Si ,
se dit-il , la scène charmante que Juliette vient de décrire
est économique , alors notre amour est économique
. En nous y livrant , nous produisons du plaisir et nous consommons
de l'énergie . Voyons les choses objectivement , comme les
docteurs en économie le prescrivent . Nos caresses , nos
baisers et nos étreintes ont pour finalité la satisfaction
d'un besoin ... plus impératif encore , maintenant que nous
sommes grands , que celui de manger des fraises des bois . Ces gestes
d'amour sont donc encore plus économiques que nos récoltes
et nos dégustations sur place .
Cette pensée rendit Romeo
d'abord mélancolique puis franchement dépressif .
L'idée que la science économique puisse jetter le
même regard sur l'offrande de Juliette et sur l'offre d'une
péripatéticienne lui devint intolérable . Plutôt
mourir que d'abîmer notre si pur amour dans le mercantilisme
, se jura-t-il .
-Allons au bois récolter des
champignons , proposa heureusement Juliette peu de temps après
. Nous irons ensuite au marché . Tu y vendras notre récolte
. Avec l'argent gagné , tu m'achèteras la robe dont
j'ai tant envie .
Romeo aperçut en un éclair
que l'heure n'était pas encore venue de mourir . Si , se
dit-il plus vite qu'il ne faut de temps à le raconter , produire
et consommer , donc satisfaire un besoin , ce qui ne peut se faire
qu'en produisant et en consommant , sont , en eux-mêmes ,
des actes dits économiques , alors leur économie ,
à ces docteurs , c'est tout dans la vie des hommes . C'est
donc n'importe quoi . Ils appelllent économie ce que j'appèle
vie . Ils disent qu'ils définissent l'économie . Ce
n'est pas vrai puisqu'ils n'en fixent pas les limites .
Soulagé , Romeo s'avisa que
le mot économie était bien utile quand on ne l'appliquait
qu'à des circonstances dans lesquelles intervient soit un
échange marchand , soit le don , volontaire ou forcé
d'une somme d'argent ( 3) . L'offre de la péripatéticienne
est économique car , contre argent , elle est marchande .
Le don que Juliette me fait de son amour n'est pas économique
car il n'y a pas de contrepartie marchande . La vente de la récolte
de champignons est économique car elle est un acte marchand
. La récolte et la dégustation de fraises des bois
ne sont pas des actes économiques car il n'y intervient ni
un échange marchand ni le mouvement d'une somme d'argent
. L'achat de la robe tant désirée par Juliette est
économique car il est un acte marchand . Le prélèvement
par le percepteur d'une taxe sur cet achat est un acte économique
puisqu'il y a don , plutôt forcé , d'une somme d'argent
. L'usage que Juliette fera de la robe ne sera pas économique
car il pourra durer ( certes moins longtemps que que notre amour
) san un nouvel échange marchand et sans une subvention reçue
ou donnée par Juliette à cette fin .
Heureux , ils eurent beaucoup d'enfants
qui allèrent à l'école , puis à l'université
. Un jour , l'un des enfants ramena à la maison un livre
d'histoire de la pensée économique universitaire dans
lequel l'auteur , en conclusion , citait des profeseurs qui étaient
de sa génération à lui , Romeo . Dans cette
citation , il était question de " ce fascinant abîme
entre un édifice théorique en quête de cohérence
et un monde en quête de solutions et de réponses "(4)
. L'auteur du livre d'histoire laissait alors tomber son verdict
: l'abîme restait si fascinant que tout s'était passé
ces dernières années comme si sa contemplation avait
absorbé , tel un trou noir , toute l'énergie des chercheurs
; qu'il fallait espére qu'on allait bientôt pouvoir
prouver l'existence , qui paraissait de plus en plus probable ,
de ce trou noir .
Romeo se souvint des fraises , de
la péripatéticienne , des champignons et de la robe
. Il s'enquit des définitions de l'économie professées
maintenant . Les mots étaient devenus encore un peu plus
abstraits . L'absence de limites restait patente . IL écrivit
à plusieurs reprises à l'auteur du livre . Ses lettres
restèrent sans réponse . Il écrivit à
des journaux ou à des revues économiques . Ses lettres
ne furent pas publiées . Des politiques économiques
capricieuses - beaucoup de n'importe quoi de préférence
à quelque chose - , de graves crises , beaucoup de chômage
endémique , trop d'impôts continuèrent à
faire souffrir le peuple bien plus que de raison .
Ce fut bien injuste . Dans le pays
profond , loin des grandes écoles , la langue resta de chair
et non de bois . L'économie continua à ne pas y être
tout . L'économie continua à ne pas y être n'importe
quoi .
A la souffrance du peuple , que Romeo
s'entêta à pressentir en grande partie évitable
, s'ajouta un autre motif pour attrister la deuxième partie
de la vie de l'époux et amant de Juliette . Heureusement
, ils ne faillirent point l'un à l'autre . Le fils qui fit
des études d'économie devint consultant ( comme on
dit aujourd'hui , sans égard au sens naturel des mots , pour
signifier conseiller ) en contrôle de gestion puis , car il
était brillant , en management général . Son
père lui avait donné à lire les lettres restées
sans suite , il avait compris . De clients en clients , il allait
répétant que l'entreprise type n'est pas celle qui
fabrique et qui vend . C'est celle qui revend uniquement . Autrement
dit , l'entreprise réduite à l'essentiel n'est pas
celle qu'il est communément convenu de qualifier d'industrielle
- de production physique et de production marchande . C'est celle
qu'il est communément convenu de qualifier de commerciale
- de distribution , de production marchande seulement ( seulement
au premier coup d'oeil : il y a presque toujours des opérations
physiques appliquées à la marchandise reçue
pour être revendue ) . La vente est , en soi , la production
marchande , répétait-il inlassablement . Et il insistait
: fabriquer n'est pas , en soi , un acte économique .
Il insistait trop . Grandes et petites
pointures de l'industrie , comme chacun sait noblesse du monde des
affaires au côté des grands et des petits bonnets de
la Banque , supportaient fort mal l'idée que ce soit du côté
de la roture boutiquière , fût-elle de grande surface
, qu'il faille aller chercher concepts et exemples qui les rendraient
économiquement plus intelligents . Ils firent à Romeo
fils la réputation d'un professionnel incompétent
en gestion industrielle . Ainsi échoua une seconde tentative
pour faire parler , en haut lieu , de l'économie plus en
langue de chair que de bois .
L'économie est forcément
mal gérée quand elle n'est pas en pensée ce
qu'elle est en réalité . Elle resta maladive . Le
peuple continua à souffrir plus que de raison . Le recul
de la civilisation s'accéléra .
Dominique Michaut , mars 1996.
Pour
écrire à l'auteur
(1) Bien plus longue que la Litanie
des Saints serait la liste des auteurs de livres d'économie
, dont les manuels , qui affirment cela . Pour exemple , le Dictionnaire
économique et financier de MM. Bernard , Colli et Lewandowski
( Seuil ) comporte , à l'entrée Science économique
, la " définition " suivante ( le soulignement est de mon
fait ) : " Ensemble des connaissances objectives et se rapportant
aux activités de l'homme ayant pour finalité la satisfaction
de ses besoins ". Pour ce qui est
de l'objectivité , ce même ouvrage dit , à juste
titre , du marginalisme , fondement conceptuel du néolibéralisme
: " Cette théorie subjective de la valeur ..." (
le soulignement est de mon fait ) .
(2) Voici deux définitions
qui vont dans ce sens . Economie : pratique des échanges
marchands et des dons , volontaires ou forcés , d'objets
qui pourraient être vendus et de sommes d'argent . Science
économique : observation et théorie a) des échanges
marchands et du système quils forment en situation de concurrences
, b) des prélèvements et des dépenses à
des fins d'intérêt général . En commentaire
de ces définitions , des considérations sur l'utilité
et la nécessité des échanges marchands , des
monnaies , des prélèvements et des dépenses
à des fins d'intérêt général s'imposent
à bien des égards . Ces considérations font
forcément état des besoins que l'homme satisafait
ou croit satisfaire au moyen de ses activités économiques
. Elles n'en sont pas moins des commentaires et non pas des éléments
de définition . Quand elles sont portées à
un point assez haut de contemplation , leur exposé devient
une oeuvre d'art . En complément des ces définitions
, est-il utile de préciser ici que l'échange marchand
se pratique de moins en moins par troc et de plus en plus par le
moyen intermédiaire de la monnaie ? Que ce dernier usage
, pour aussi irremplaçable qu'il soit , n'est qu'une commodité
? Que l'interposition de la monnaie n'enlève rien au fait
que les marchandises s'échangent contre des marchandises
et contre rien d'autre ? Que ce fait , de très grande importance
conceptuelle , serait une évidence triviale s'il était
possible de ne pratiquer que le troc ? Que la théorie économique
ne peut pas être au mieux de sa forme s'il n'est pas placé
, en son commencement , une définition de l'ensemble des
marchandises et une division de cet ensemble en sous-ensembles homogènes
? De ces précisions , Romeo eut l'intuition .
(3) Les auteurs de la citation sont
MM. les professeurs Michel Beaud ( Université de Paris VII
) et Gilles Dostaler ( Université du Québec , Montréal
) . Extrait d'un paragraphe de conclusion cité dans le passage
Un fascinant abîme pages 32 et 33 , avec sa référence
bibliographique 1993 .
Autre "débat"
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