Formation
économique 14
D'un caducée à l'autre n°70
31/8/00
Une
pratique plus saine de la médecine
Hippocrate
- L'aspect du projet de société qui limite à
la sphère marchande ce qui est naturellement marchand est
on ne peut plus légitime.
Exocrate
- Légitime et nécessaire. Cette position implique,
sous peine de contradiction, que ce même projet ne limite
pas la pratique de la subvention aux seules prises en charge qui
relèvent des devoirs familiaux et civiques impérieux.
Hippocrate
- Il y a là un des réglages mouvants de la vie sociale
qui, comme tant d'autres, ne peut être qu'empirique et largement
subjectif. Es-tu maintenant en mesure d'annoncer ta définition
?
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
Que
la théorie de la répartition du revenu global soit
un point crucial, c'est assez facile à pressentir. Mais cette
théorie n'est pas elle-même facile à cheviller
non plus qu'à exposer. Le degré de rigueur conceptuelle
et le degré d'impartialité sociale que cela nécessite
sont nettement plus élevés que ceux du discours économique
et social ambiant. Ce qui est en jeu vaut largement cet effort.
Qui le consent en tire une vue beaucoup plus optimiste sur la viabilité
sociale d'une économie libre et, par conséquent d'une
société libre. Médecins et auxiliaires médicaux
ont tout intérêt à chercher dans cette vue et
dans ses attendus relativement techniques une argumentation de fond
à opposer à ceux qui souhaitent soustraire le plus
possible les soins médicaux " aux lois de marché "
en raison du caractère réputé par eux antisocial
ou asocial de la mécanique des libres échanges marchands.
Ce sont leurs propres attendus, à l'origine desquels il y
a des préjugés de nature purement idéologique,
qui sont faux et au nom desquels ils commettent de lourdes et d'insalubres
injustices sociales en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour
que tout un arsenal législatif, réglementaire et planificateur
- la maîtrise comptable des dépenses de santé
leur donnent la conscience du devoir accompli.
4.10.
De la relation PP'R - une rentabilité
R est nécessairement égale à une profitabilité
P multipliée par une productivité P' : R = P . P'
-, découle que la profitabilité P du revenu global
est égale à la division de la rentabilité R
de l'épargne placée par la productivité P'
de cette même épargne : P = R / P'.
Rappelons
que la profitabilité du revenu global est le pourcentage
que représente la rente totale par rapport au revenu global,
la rente totale étant l'une des deux parts du revenu global
; la rentabilité de l'épargne dont le placement procure
la rente totale est le pourcentage que représente la rente
totale par rapport à l'épargne placée ; la
productivité est le rapport entre le revenu global et l'épargne
placée. L'algèbre la plus élémentaire
suffit à établir que la profitabilité du revenu
global, c'est-à-dire la part relative de la rente dans le
revenu global, est nécessairement égale, quoi qu'il
arrive, à la rentabilité de l'épargne divisée
par la productivité de cette épargne.
Mais
montrer que P = R / P' n'est pas établir que, dans le cas
de la répartition globale, P résulte effectivement
de la division de R par P'. Il n'y a un tel résultat que
si c'est la rentabilité R et la productivité P' qui
établissent le niveau de la profitabilité P dans ce
cas. Qu'en est-il ?
Des
trois termes P, P' et R, il n'y en a qu'un seul qui règle
finalement la répartition globale. C'est celui qui détermine
la part de la rente totale dans le revenu global et, en reste, la
part du salaire total. La rentabilité R et la productivité
P' sont les variables de commande, au moyen de la profitabilité
P, de la répartition du revenu global si les tendances qui
affectent ces variables sont indépendantes de la répartition.
Pour, avec la certitude que la vérification statistique confirmera
toujours la prédiction théorique, pouvoir affirmer
que la profitabilité P du revenu global résulte nécessairement
de la division de la rentabilité, nous devons identifier
les causes qui commandent l'évolution de la rentabilité
R et de la productivité P' et vérifier que ces causes
sont bien indépendantes de la répartition du revenu
global. Pour ce qui de la rentabilité R de l'épargne
placée, nous avons déjà identifié ces
causes et la tendance qui en résulte. Mais c'est si important
pour percevoir ce que sont les lignes de force naturelle et complètement
sociale d'une économie libre que nous allons le répéter.
Pour ce qui est de la productivité P' de l'épargne
placée, l'identification de ces causes et de la tendance
qui en résulte est plus facile et fait l'unanimité
chez les économistes - ne pas en conclure que nous en sommes
aussi arrivé à l'unanimité sur la théorie
de la répartition et, par conséquent, à la
théorie du salaire. Nous allons, bien entendu, examiner ces
causes et situer cette tendance.
D'un caducée à l'autre n°71
5/9/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- L'économie est le système socialement naturel que
la pratique des échanges marchands, des contributions obligatoires
et des subventions tend à établir. Cette définition
repose sur une hypothèse et rend nécessaire des vérifications
répétées de sa pertinence.
Hippocrate
- Tu vas me dire ça mais je veux d'abord te dire que ce qui
me frappe dans cette définition est qu'elle ne comprend rien
qui fait appel à des sentiments humanitaires. C'est peu habituel.
Exocrate
- C'est humaniste. Les réponses assurées aux questions
de savoir pourquoi les hommes ont des activités économiques
et pourquoi les hommes sont des hommes ne peuvent reposer que sur
des réductions de l'homme à un schéma dont
la pauvreté et l'incertitude ne sont pas humanistes.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.11.
La tendance sur longue et très longue période de la
rentabilité (R) de l'épargne placée (E) est
à la stabilité, étant entendu que : a) le taux
moyen de profit sur capital s'abaisse après le retour au
plein-emploi stable et s'élève en période de
sous-emploi (relation E.P.C.E.), b) le taux moyen d'intérêt
perçu par l'épargnant ne varie proportionnelle-ment
au taux moyen de profit sur capital que si la création monétaire
est réglée à cette fin.
Il
y a du vrai dans l'idée que " les luttes sociales " empêchent
la rentabilité de l'épargne placée - le revenu
du rentier - d'augmenter au point de réduire durablement
les salaires réels. Mais même sans le train continu
et naturel de négociations salariales (qui ne datent pas
d'hier !), une élévation de la rentabilité
qui n'aurait plus pour raison d'être l'accès ou le
retour au plein-emploi durable en viendrait à s'étouffer
d'elle-même. L'excès de l'offre d'épargne placée
par rapport à la demande de financements émanant des
entreprises et des collectivités publiques ferait baisser
le taux moyen de rentabilité. Inversement, une insuffisance
de la même offre par rapport à la même demande
ferait remonter le même taux s'il devenait excessivement faible.
Cela
étant, il y a la création monétaire. Elle est
constante par les mécanismes du crédit accordé
par les établissements financiers même quand les banques
centrales ne font pas fonctionner " la planche à billets
" sur ordre gouvernemental ou de leur propre initiative. La création
monétaire est bien réglée quand elle n'est
pas génératrice d'inflation se manifestant soit par
une hausse généralisée des prix, soit par une
bulle spéculative sur le marché des valeurs mobilières
ou sur le marché de l'immobilier (c'est soutenir une contre-vérité
de soutenir que l'inflation est aujourd'hui éliminée
alors qu'elle n'a fait que migrer d'une sphère d'activité
à une autre). Ce réglage pose non seulement toute
une série de problèmes d'organisation et de limitation
des emprunts publics et privés mais aussi celui de son but.
Sans entrer maintenant dans une discussion de ces problèmes,
disons un mot du but qui paraîtrait devoir être celui
des autorités qui agissent sur la création monétaire.
Le
symptôme de l'inflation se manifeste parce que, en dernière
cause, le taux moyen de profit sur capital ne joue pas le plein
rôle régulateur qui est naturellement le sien. La raison
n'a rien de mystérieuse, bien qu'elle ne soit jamais avouée
publiquement par les autorités qui régissent la création
monétaire et l'octroi de crédits " à l'économie
" et bien qu'elle soit aussi tenue sous le boisseau par les économistes
: en matière de financement des activités productives,
la préférence intéressée des hauts fonctionnaires
financiers, des banquiers centraux et de leurs homologues des banques
commerciales va au crédit au détriment du capital.
Pour que le crédit soit la
source
majeure de ce financement, il faut que le taux directeur du niveau
d'activité économique et l'outil " volontariste "
de régulation monétaire soit un taux d'intérêt.
Cela détourne de voir dans le capital la source la plus saine
du financement des activités productives et, par conséquent,
de voir aussi dans le taux de profit sur capital le régulateur,
indépendant de toute volonté catégorielle,
de " la cherté de l'argent ".
Le
rôle excessif joué par les emprunts publics et privés,
nécessairement complémentaire au rôle insuffisant
joué par un trop petit stock de capital, n'empêche
cependant pas la rentabilité de l'épargne placée
(en titres d'emprunt et en parts de capital d'entreprises) d'être
vouée à plafonner puis à redescendre quand
elle se met à monter et aussi à remonter tôt
ou tard quand elle est au plus bas. Cette tendance à la stabilité
fluctuante - ondulatoire - est propre à la rentabilité
R de l'épargne placée. La productivité P' et,
en conséquence, la profitabilité P évoluent
selon des tendances constantes à la hausse et à la
baisse, comme nous allons le constater.
D'un
caducée à l'autre n°72 14/9/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- L'économie est le système socialement naturel que
la pratique des échanges marchands, des contributions obligatoires
et des subventions tend à établir. Une définition
de ce genre, il faut en poser une au commencement d'une étude
un tant soit peu méthodique. Mais en ce commencement, on
ne peut aussi que poser l'hypothèse que les flux et les stocks
de pouvoir d'achat forment un système logique comportant
des mécanismes régulateurs. La vérification
de la justesse de cette hypothèse et celle des autres éléments
de la définition initialement retenue doivent être
conduites tout au long de l'élaboration et de l'exploitation
du corps de doctrine tiré de cette définition.
Hippocrate
- C'est à ses fruits qu'il faut juger l'arbre.
Exocrate
- Est-ce que de la théorie bâtie sur la définition
retenue peut découler un ensemble, réaliste et équitable,
de principes, durablement viables, de gestion des entreprises et
des affaires publiques ?
Hippocrate
- Cet ensemble est équitable s'il ne sacrifie aucun intérêt
légitime d'aucune catégorie sociale. Il est réaliste
s'il reste dans les limites de ce qui est techniquement faisable.
Les principes retenus sont durablement viables s'ils sont exempts
d'effets pervers aussi lointain que soit le terme considéré.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.12.
Tant qu'il y a progression des techniques de production, il y a
hausse de la productivité (P') de l'épargne placée
(E). C'est par cette hausse que les progrès techniques commandent
une augmentation " des richesses ", c'est-à-dire du revenu
global.
On
peut dater approximativement des premiers usages réguliers
de la machine à vapeur une accélération des
progrès des techniques mais non le fait qu'il y a eu progrès
depuis les temps les plus reculés. Si les hommes ont profondément
changé leurs conditions de vie, c'est de toute évidence
avant tout au moyen de l'accumulation de ces progrès.
Un
effet à peine moins évident de cette accumulation
est qu'elle alimente une hausse de la productivité de l'épargne
placée. Hors des inévitables ratés, les équipements
et les méthodes modernes augmentent les rendements physiques.
Ces rendements sont, pour exemples, des quintaux à l'hectare,
des tonnes fabriquées ou transportées par personne
employée, des heures de travail par objet fabriqué,
des normes de temps moyen de fonctionnement sans panne, etc. Un
instrument ou un procédé nouveau s'impose en remplacement
d'un précédent qui a fait ses preuves parce que, en
règle générale, il y a à la clé
une augmentation des rendements physiques.
Cette
augmentation a elle-même forcément pour effet de contribuer
à celle de la productivité (P') de l'épargne
placée (E) pour autant qu'elle touche une assez large partie
des secteurs d'activité de plus grand poids. Il n'y a qu'un
gel des progrès techniques ou des moyens financiers de les
mettre en Ïuvre qui peuvent stopper la hausse de la productivité.
Hors de ce gel, dont les causes les plus difficiles à faire
évoluer sont d'ordre culturel et politique, la productivité
augmente à une cadence plus ou moins vive selon que les progrès
des techniques sont eux-mêmes plus ou moins rapides.
Il
n'entre pas dans la tradition française d'honorer collectivement
la mémoire des grands capitaines d'industrie et les ingénieurs
auxquels ils ont donné les moyens d'exercer leurs talents
et parfois leur génie. Quels qu'aient pu être, en politiciens
qu'ils ont été à leur façon, leurs appétits
de pouvoirs et d'honneurs, ils ont été d'authentiques
bienfaiteurs de l'humanité. Ils ont Ïuvré efficacement
à l'élévation du niveau général
de prospérité en introduisant des techniques qui ont
amélioré le rendement du travail humain. Or il n'y
a de " richesse " que par le travail des hommes, les machines étant
elles-mêmes des produits de ce travail et d'augmentation de
la " richesse " que par une augmentation du rendement du travail
des hommes.
Les
conditions strictement économiques de la croissance économique
ne font aucun mystère, malgré le mal que des économistes
célèbres se sont donnés pour brouiller la piste.
Il faut d'une part des rentabilités de l'épargne placée
d'autant plus élevées que le niveau de sous-emploi
est bas et que la grande pauvreté touche une plus large partie
de la population. Il faut d'autre part que l'épargne investie
augmente et que chaque unité d'épargne placée
devienne de plus en plus productive. Alors la hausse du revenu global
est certaine.
D'un
caducée à l'autre n°73 21/9/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- Produire et consommer ne sont pas des actes économiques.
Hippocrate
- Pourquoi me déclares-tu cela maintenant ?
Exocrate
- Tu m'as demandé une définition de l'économie.
Celle que je t'ai fournie implique que produire et consommer ne
sont pas des actes économiques. La pensée économique
actuellement dominante reste fidèle à une longue tradition
en admettant que produire et consommer sont, au même titre
qu'échanger, des actes économiques.
Hippocrate
- Quels sont tes arguments ?
Exocrate
- Si produire et consommer sont reconnus comme étant en eux-mêmes
des actes économiques, alors tout acte humain est économique
puisque l'homme ne fait rien sans produire et sans consommer. Si
tout acte de l'homme est plus ou moins implicitement réputé
économique, il n'y a pas distinction d'un sous-ensemble des
activités économiques au sein des activités
humaines. La porte est alors ouverte à un humanisme qui n'est,
en réalité, qu'un économisme. Dans une civilisation
atteinte par ce déséquilibre, activités et
mÏurs se teintent uniformément des couleurs éthiquement
délavées du mercantilisme. C'est ce qui nous arrive.
Hippocrate
- Dans ces conditions, comment les mentalités qui prévalent
dans le corps médical peuvent ne pas être, elles aussi,
infectées par l'économisme ambiant ?
Exocrate
- Que doit comprendre l'éthique médicale pour être
moins facilement utilisable en masque derrière lequel cet
économisme accomplit son oeuvre, avec une hypocrisie qui
dégrade plus la situation morale des médecins que
celle de beaucoup d'autres professions ?
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.13.
Sur longue et très longue période mais pour autant
qu'il y ait hausse de la productivité (P') de l'épargne
placée (E) sans baisse de cette épargne, le revenu
global augmente et la profitabilité (P) du revenu global
baisse.
L'augmentation
de l'épargne placée (E) est un phénomène
plus vraisemblable que la stabilité ou la baisse de cette
épargne dès que la dynamique du développement
économique est amorcée. Mais la stabilité,
voire une baisse assez faible, est compatible avec l'augmentation
du revenu global. Il suffit que la productivité (P') augmente.
La
rentabilité (R) de l'épargne placée varie,
elle, autour d'une tendance à la stabilité sur longue
et très longue période. La relation P fois P' = R
- la profitabilité du revenu global fois la productivité
de l'épargne placée est égale à la rentabilité
de l'épargne placée - ne laisse aucun doute sur ce
qu'il advient de la profitabilité (P) du revenu global :
elle baisse inéluctablement.
Cette
baisse globale est vérifiée que par des statistiques
sur longue période pour des pays qui ont franchi depuis plusieurs
générations le seuil du développement durable
de la production. Un schéma simple l'illustre : à
gauche un cercle ; à droite un cercle plus grand ; le cercle
de gauche représente le revenu global en début de
période et celui de droite en fin de période ; le
cercle de gauche est divisé en deux parts inégales,
comme s'il s'agissait d'un gâteau à partager entre
deux convives dont l'un est au régime ; la plus petite part
est celle de la rente procurée par l'épargne placée
; le cercle de droite est aussi divisé en deux parts dont
la plus petite représente également la rente procurée
par l'épargne placée en fin de période ; mais
cette deuxième part est relativement plus petite dans le
deuxième cercle que dans le premier, si bien qu'en valeur
absolue elle peut être plus grande que dans le premier cercle.
D'autres
statistiques sur longue période, tirées d'archives
d'entreprises et d'organisations professionnelles, confirment la
baisse des profitabilités des entreprises - baisse des profitabilités
et non pas des rentabilités. Par exemple, autour de 1950,
presque toute la distribution de produits alimentaire était
assurée par des petits magasins, les uns indépendants,
les autres succursalistes. Leurs profitabilités étaient
nettement supérieures à celles de ce qu'il est convenu
d'appeler des " grandes surfaces " alors que ce n'était pas
le cas de leurs rentabilités, approximativement du même
niveau que celles de toutes les autres sortes d'entreprises.
D'un
caducée à l'autre n°74 19/10/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- L'éthique médicale est une chaîne de considérations.
La solidité de cette chaîne est celle de son maillon
le plus faible. Une éthique économique est l'un de
ces maillons. Il y a tout lieu de suspecter que ce maillon est le
plus faible. Quoiqu'il en soit, il est bon de travailler à
en éliminer les faiblesses, ce qui nécessite beaucoup
plus d'apports positifs que de critiques.
Exocrate
- Ces apports ne peuvent provenir que d'une conception de l'économie
assez évoluée pour répondre en vérité
aux questions les plus importantes que la pratique économique
soulève.
Hippocrate
- Les médecins restent, dans leur immense majorité,
très peu
enclins
à un effort de ce genre, tu le sais bien. N'est-ce pas, dans
ce
domaine,
sur la seule économie des soins médicaux qu'il faudrait
concentrer
leur
effort ?
Exocrate
- Il est permis de le penser. Mais il y a un obstacle de taille.
Une
véritable
économie spécifique aux soins médicaux, ça
n'existe pas. Je ne suis pas en train de te dire qu'on ne peut pas
parler d'une économie des soins
médicaux
comme, par exemple, d'une économie des denrées alimentaires.
J'attire ton attention sur le fait que les mécanismes d'une
économie des soins médicaux sont nécessairement
les mêmes que ceux de l'économie en général.
Hippocrate
- On peut donc fort bien illustrer quels sont ces mécanismes
dans le seul cas des soins médicaux.
Exocrate
- C'est juste. Il faut alors commencer par bien identifier ce qui
est économique et ce qui ne l'est pas dans le cas de la délivrance
de soins médicaux - ce qui est marchand et ce qui ne l'est
pas.
Hippocrate
- La définition de l'économie que je t 'ai demandée
ne nous fournit-elle pas tous les repères dont nous avons
besoin pour effectuer ce tri ? Je te propose que nous tentions non
seulement de nous livrer à cette première opération
mais aussi de poursuivre notre effort d'investigation et d'explication
jusqu'à la production d'un schéma d'économie
des soins médicaux.
Exocrate
- Essayons. Il s'agira d'un schéma calé sur ce qu'est
le " droit commun naturel économique ", si tu me permets
cette expression.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.14.
Sous l'effet de la baisse de la profitabilité (P) du revenu
global, c'est-à-dire sous l'effet de la baisse de la part
relative de la rente totale dans le revenu global, le salaire total
réel augmente plus vite que la productivité (P') et
que le revenu global.
Illustrons
cette proposition par un exemple chiffré aussi simple que
possible. Supposons qu'entre les deux dates considérées,
éloignées d'une douzaine d'années, le revenu
global ait doublé. En début de période, la
profitabilité P du revenu global est de 10 %, la productivité
de 0,5, la rentabilité de 5 % (P fois P' = R : 10 fois 0,5
= 5). En fin de période, la rentabilité est restée
de 5 % et la productivité est passée à 0,625,
si bien que la profitabilité a été ramenée
à 8 % (P fois P' = R : 8 fois 0,625 = 5).
Le
salaire global représente en début de période
90 % du revenu global (100 % moins 10 % de profitabilité)
et en fin de période 92 % du revenu global (100 % moins 8
% de profitabilité). L'indice du revenu global étant
passé de 100 à 200, le salaire global est passé
de 90 (90 % de 100) à 184 (92 % de 200). L'indice du salaire
global est donc passé de 100 à 204 (184 divisé
par 90 fois 100). Le salaire global a plus que doublé alors
que le revenu global n'a fait que doubler et que la productivité
P' a été multipliée par 1,25 (0,625 / 0,5).
Quant
à la rente globale, elle est passée de 10 (10 % de
100) à 16 (8 % de 200), soit, en indice, de 100 à
160 (16 divisé par 10 fois 100), contre 100 à 204
pour le salaire global.
L'ignorance
de la dynamique naturelle de la répartition du revenu global
dans
une
économie libre ou la volonté délibérée
de ne pas en tenir compte a plusieurs conséquences. La plus
lourde est de laisser attacher au libéralisme une incapacité
sociale originelle et incorrigible sans des mécanismes de
redistribution. C'est une erreur quasi judiciaire : le libéralisme
est injustement accusé et corrigé, même dans
les pays où d'autres considérations, idéologiques
et empiriques, en font un dogme qu'il n'est pas question de remettre
en cause.
D'un
caducée à l'autre n°75 26/10/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Exocrate
- La définition de l'économie que nous avons admise
fait qu'il n'y a pas d'acte économique qui ne soit, d'une
façon ou d'une autre, un acte de commerce. Portons donc le
bistouri là où se trouve l'un des abcès qui
ronge l'éthique médicale. Deux propositions et un
constat suffisent. Proposition 1 : aucun acte médical n'est
un acte de commerce. Proposition 2 : presque tous les actes médicaux
font l'objet d'autant d'actes de commerce. Constat : faire commerce
de son art est le métier qu'un médecin ou un auxiliaire
médical a choisi d'exercer.
Hippocrate
- On peut en dire autant de tous les métiers. Prenons l'exemple
de l'hôtellerie. Proposition 1 : aucun acte hôtelier
n'est un acte de commerce. Proposition 2 : tous les actes hôteliers
fournis par des établissements hôteliers font l'objet
d'actes de commerce. Constat : faire commerce de son art est le
métier qu'un hôtelier a choisi d'exercer.
Exocrate
- Mais faut-il dire de la médecine ce qui peut se dire de
tous les secteurs d'activité productive de services et de
biens ?
Hippocrate
- Théoriquement, oui : tes propositions 1 et 2 ainsi que
ton constat sont sans faute d'observation et de logique par rapport
à ce que nous avons préalablement admis sur ce qu'est
et n'est pas l'économie. Pratiquement, les obstacles restent
considérables, voire insurmontables.
Exocrate
- Nous allons y venir. Mais une remarque avant cela. En l'état
actuel de nos mentalités le constat ne se suffit pas à
lui-même. Il y a la question du pourquoi. Pourquoi faire commerce
de soins médicaux est le métier qu'un individu a choisi
d'exercer ? Par vocation, pour la contribution au bien d'autrui
? Pour " gagner sa vie " aussi bien que possible ? Parce que ses
droits à exercice étant acquis, c'est son débouché
le plus naturel ? Par élimination des autres possibilités
qui se présentaient à lui ? Par conditionnement parental
? Par déterminisme génétique ? Pour le statut
social ? Etc.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.15.
Les décisions individuelles et collectives de salaires ne
portent directement que sur les salaires nominaux et non pas sur
les salaires réels.
Personne
n'agit directement sur les salaires réels, c'est-à-dire
sur le pouvoir d'achat des salaires nominaux. Hors des fractions
minoritaires de certaines rémunérations qui sont en
nature - logement, effets vestimentaires, véhicule de fonction,
etc. - le plus gros des salaires est fixé en unités
monétaires. Si un gouvernement décide d'augmenter
de x % le niveau général des salaires ou de telle
catégorie de salaires, l'augmentation, la stagnation ou la
diminution des salaires réels correspondants qui en résultera
au bout de quelques mois ou trimestres dépendra de ce que
sera l'effet de cette mesure imposée sur les prix des marchandises
composées - sur les prix de vente des entreprises. La part
individuelle des augmentations de salaires (nous rappelons que les
membres des professions libérales sont économiquement
des salariés) provoque certes une augmentation de salaire
réel (pour autant qu'un éventuel de franchissement
de seuil de certains prélèvements obligatoires n'annule
pas cette augmentation). Cela n'empêche nullement que la relation
entre salaire nominal et salaire réel échappe largement
à toute volonté individuelle, fût-elle celle
d'un dictateur qui s'est emparé de tous les pouvoirs possibles.
La mécanique impersonnelle de la répartition du revenu
global entre le revenu total du travail et la rente totale n'est
pas la seule cause de ce phénomène. Les innombrables
efforts pour accroître, par la hausse d'une grande variété
de rendements et sous l'aiguillon de la concurrence, le rapport
entre la qualité et le prix des marchandises vendues par
les entreprises participent également à l'amélioration
du pouvoir d'achat des revenusÉ ou à sa dégradation
si la concurrence est étouffée par trop d'ententes
et de monopoles. Sans augmentation des salaires nominaux, il peut
y avoir augmentation des salaires réels. Mais dans ce cas,
une variable est bloquée. C'est celle de la hiérarchie
des salaires, question qu'il nous faut maintenant aborder. La théorie
de la répartition ne rend compte que de la dynamique qui
affecte normalement, dans une économie libre, l'amélioration
du revenu total réel du travail. Mais d'où vient que
les salaires nominaux ne sont pas tous égaux ? Qu'est-ce
qui fait que, par exemple, le salaire de telle catégorie
de médecins tend à représenter tant de fois
celle de telle catégorie d'ouvriers ? Comment est réglée
la répartition du salaire total en salaires individuels ?
D'un
caducée à l'autre n°76 2/11/00
Une
pratique plus saine de la médecineÉ
Hippocrate
- Tiens-tu vraiment pour nécessaire de poser la question
des motifs pour lesquels un individu exerce le métier de
médecin ou d'auxiliaire médical ?
Exocrate
- Il me semble nécessaire de poser cette question pour faire
apparaître qu'il convient de la laisser sans réponse
à des fins de prescriptions déontologiques et de théorie
économique. Cette réponse, c'est à chaque individu
d'une corporation de la chercher pour lui-même et en lui-même,
quand il en éprouve le besoin. Instances professionnelles
et économistes n'ont pas à plaquer une réponse
" officielle " sur la variété des motivations, mal
connues par chacun de ceux qu'elles animent, éminemment subjectives
et inconstantes. Une telle réponse comporte forcément
un travestissement d'une réalité qui n'est pas du
tout aussi uniforme que ce travestissement le donne à croire.
Hippocrate
- Le but du thérapeute est de dispenser des soins qui soulagent
et, chaque fois que cela se peut, participent à la guérison.
Le moyen d'être thérapeute est de faire commerce de
ces soins. Quand il y a distinction entre le but et le moyen, il
n'y a pas de travestissement, non plus que de subjectivité
investie à contre-emploi.
Exocrate
- Puisse cette sage prescription être enfin appliquée
non seulement dans le monde médical et à son sujet
mais aussi dans et pour tous les autres milieux ! Le monde médical
paraît avoir particulièrement besoin de reconnaître
que la raison d'être de n'importe quelle profession non médicale
est aussi de dispenser des soins, certes non médicaux mais
souvent tout aussi vitaux, et que le moyen d'exercer cette autre
profession est aussi de faire commerce de ces soins. Sans cette
reconnaissance, le monde médical travestit la réalité
en prêtant à une large partie du monde non médical
un but lucratif qu'il n'a pas objectivement, quand bien même
tous les membres et observateurs de ce monde affirmeraient que le
but de toute activité commerciale est de gagner le plus d'argent
possible.
Hippocrate
- Cette reconnaissance est en même temps celle de l'absence
de fondement logique à la distinction juridique entre profession
libérale et profession commerciale. L'abolition de cette
distinction ne changerait rien au fait qu'il est d'ordre public
que la pratique de la médecine reste commercialement bridée,
notamment en interdisant aux médecins de faire de la publicité.
...
par une conception renouvelée de l'économie
4.
Théorie de la répartition et du revenu du travail
4.16.
La hauteur de chaque salaire individuel dépend de la fourchette
des salaires admise pour la qualification professionnelle concernée.
L'idée
est assez répandue que, " le travail étant une marchandise
comme une autre ", les salaires, " comme les prix de toutes les
autres marchandises ", sont avant tout soumis à " la loi
de l'offre et de la demande ". Les trois membres entre guillemets
de cette phrase sont à prendre avec beaucoup de circonspection.
Il n'est pas juste, notamment, que les prix de toutes les marchandises
résultent avant tout d'un ajustement entre une offre et une
demande.
Pourquoi
le niveau moyen de salaire d'un médecin généraliste
tend-il à être n fois celui d'un instituteur, d'une
infirmière, d'un chauffeur routier, etc. ? Pourquoi n'existe-t-il
pas une tendance forte à l'égalisation des salaires
? Pourquoi, inversement, la hiérarchie des salaires tend-elle,
dans certains pays, à se rétrécir ?
C'est
la subjectivité collective, et non pas un mécanisme
de marché, qui fixe les ordres de grandeur des salaires nominaux
qui sont considérés, ici et maintenant, comme normaux
pour chaque qualification professionnelle. Le salaire moyen nominal
d'un médecin généraliste n'est pas nettement
plus élevé ou nettement plus faible parce qu'il est
collectivement admis qu'il est convenable, comparativement à
ce qu'il en est pour les autres qualifications professionnelles.
Il n'y a pas besoin, pour cette appréciation approximative,
que ce salaire moyen nominal soit rendu public. Le train de vie
des médecins généralistes suffit à instruire
lentement ce jugement et à le faire évoluer non moins
lentement.
La
durée et la difficulté des études, les responsabilités
auxquelles il faut faire face, la pénibilité du travail
entrent dans l'instruction de ce jugement mais il n'y a rien d'automatique,
du genre un bac + 8 ça fait 4 fois le salaire minimal. C'est
bien d'une sorte de régulation assurée par la concurrence
que les niveaux des rémunérations procurées
aux membres d'une profession résultent. Cependant voyons
bien que le premier ressort de la concurrence, c'est la comparaison
et la coopération. La compétition n'est certes jamais
absente mais la comparaison et la coopération la devancent.
Formation
économique 14
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