Formation
économique 10
D'un
caducée à l'autre n°39
Comité
éditorial : Jean-Paul Escande, Paul Fabra, Odile Marcel.
Conception
& réalisation : Dominique & François-Marie
Michaut
Une
pratique plus saine de la médecine
But
et moyen (4)
Hippocrate - Dans tous les métiers, la morale et la concurrence
incitent à la serviabilité. J'en conviens. Les statuts
protégés réduisent cette incitation. J'en conviens
aussi. Mais alors à toi de convenir de deux autres évidences.
La serviabilité est secondaire dans nos mĎurs. Les gens au
travail ne font pas, en majorité, du maximum de serviabilité
leur but professionnel numéro un.
Exocrate
- La serviabilité secondaire dans nos mĎurs ?
Non. Les actifs ne faisant pas, en majorité, du maximum de
serviabilité leur but professionnel n° 1 ? Oui. Tu ne
vas pas manquer de m'objecter qu'un tel " non " doublé d'un
tel " oui " est paradoxal.
Hippocrate - Tu vas donc m'expliquer pourquoi il s'agit d'une contradiction
apparente.
Exocrate - Les discours font nos comportements apparents. Or
que dit le discours convenu sur le but économique des individus
? Il dit de ce but qu'il est consubstantiel à la nature humaine.
Le but prétendu inné est le maximum de plaisirs pour
le minimum de peines. Variation sur le même thème :
le maximum de gains pour le minimum de dépenses. Le maximum
de profit en tant que " but " des entreprises va avec. C'est la
mentalité qui nous est inoculée. C'est la mentalité
que nous inoculons. En réalité, aucun fait objectif
ne permet d'affirmer que l'homme est doté d'un but économique
inné. Je répète que ce que nous en disons,
c'est de l'acquis, du culturel très largement préjugé.
Les
faits auxquels nous sommes soumis font, eux, nos comportements réels.
Un fait essentiel induit par la relation d'offreur à demandeur,
c'est-à-dire de fournisseur à client, est que l'offreur
rend service au demandeur. Ce service est certes plus ou moins bien
fourni. Mais le manque de serviabilité du fournisseur est
sanctionné d'une façon ou d'une autre. Cette sanction
existe aussi pour le fonctionnaire, fournisseur des produits de
son travail à un établissement public. Il est vrai
que dans le secteur public et para public la sanction, quand elle
n'est pas neutralisée pour des raisons qui n'ont rien d'intérêt
général, est plus molle que dans le secteur privé.
La cause est évidente. Le citoyen n'a pas la liberté
du choix du fonctionnaire le plus serviable - le plus compétent,
le moins partial. La liberté de choix du client contraint
les fournisseurs à la serviabilité.
Hippocrate
- Dois-je déduire de ce dernier propos que tu
es partisan de la liberté de choix du soignant parce qu'elle
te paraît indispensable pour pousser les professionnels dits
de santé à se montrer aussi serviables qu'ils ont
la possibilité de l'être ?
Exocrate
- Oui. Où sont, au demeurant, les raisons authentiquement
d'intérêt général de restreindre cette
liberté ? Tout recul dans la conquête des libertés
et des vérités économiques dégrade la
vitalité du corps social. Ne pas dire aux salariés
que leur couverture sociale est entièrement à leur
charge et ne coûte rien à leurs employeurs est le refus
de dire la vérité économique qui affecte le
plus ta situation, Hippocrate. Face au médecin choisi librement
il faudrait des clients économiquement responsables.
Hippocrate
- N'ais crainte, Exocrate, nous y reviendrons. Si tu
veux bien, refermons pour l'instant cette parenthèse.
Exocrate - Traçons mentalement les deux axes de coordonnées
X et Y. Affectons l'axe des X au degré d'organisation des
marchés. Ce degré est d'autant plus élevé
que les mesures ont été prises pour assurer le maximum
de bon aloi sur tous les marchés, dont en premier lieu celui
de l'emploi. Sur l'axe des Y, le degré de privatisation d'une
économie. Il est d'autant plus élevé que les
collectivités territoriales, États en tête,
sont centrées sur leurs rôles spécifiques -
le devoir d'organisation des marchés en fait partie.
Il
est inévitable qu'il y ait dans tout pays et à tout
instant des mesures à prendre pour progresser sur chacune
de ces deux dimensions de l'économie. Si, génération
après génération, de tels progrès se
succèdent sans de trop lourds retours en arrière,
la quantité et la qualité de services, marchands et
non marchands, augmentent aussi. L'effet heureux d'une plus grande
serviabilité des uns envers les autres est nécessairement
obtenu. Cet effet doit bien sûr être nié ou au
moins largement sous-estimé pour éviter de rendre
moral ce qu'on tient avant tout à juger définitivement
vil.
D'un
caducée à l'autre n°40
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Une
pratique plus saine de la médecine
But
et moyen (4)
Hippocrate - Ce n'est à rien de moins qu'à une révolution
que tu me convies. Tu veux me faire admettre que la vocation naturelle
d'une économie libre est le maximum de serviabilité.
Moi, je croyais, comme presque tout le monde, que c'était
plutôt le maximum de gains et de plaisirs moyennant le minimum
de dépenses et de peines ou quelque chose de ce genre. Tu
veux me faire admettre que le but professionnel naturel (logique,
rationnel) est le maximum de serviabilité. Moi, je croyais
que c'était plutôt de jouir du maximum de pouvoirs,
avec en premier lieu le maximum de pouvoir d'achat.
Exocrate
- Les mesures qui renforcent abusivement la tutelle des
pouvoirs publics sur la pratique médicale, comme sur tant
d'autres activités, sont conçues par des individus
qui voient l'économie libre assez exactement à l'envers
de ce qu'elle tend à être. Ils entendent, au nom de
l'intérêt général bien sûr, réduire
la portée du secret médical, réduire ta liberté
de prescrire, réduire la liberté des consultants de
se faire examiner et soigner par qui ils veulent, réduire
le temps de travail, etc. Tu n'as rien d'assez fondamental à
leur opposer si leurs préjugés sont aussi les tiens.
Dans ce cas, ton humanisme et, ce qui revient à peu près
au même, ton éthique, ne sont que des variantes de
leur propre philosophie sociale.
Hippocrate
- Supposons que je fasse mienne la culture économique
la plus compatible avec mes aspirations humanistes et éthiques.
Admettons que ma pratique de la médecine et de la citoyenneté
s'en trouve revigorée. Certes c'est déjà beaucoup.
Mais j'exerce mon métier sous tutelles. Que faire pour que
ces tutelles en viennent à considérer que ma culture
économique est sensée ? Pour qu'elles ne m'imposent
pas ce que je refuse ? Pour qu'elles ne prennent pas pour destruction
ce qui est sage conservation ou vrai progrès ?
Exocrate - Les tutelles tirent leur inspiration d'une mentalité
générale. Observons attentivement comment cette mentalité
générale s'est formée et se conforte sur toutes
les questions peu ou prou économiques. Ne cherchons qu'ensuite
une réponse principale à ta question sur ce qu'il
faut faire. C'est nécessaire pour que cette réponse
soit pertinente.
...
par une conception renouvelée de l'économie
3.
Théorie du capital et du profit (suite)
Proposition
10. Il existe deux taux de profit.
C'est pourquoi quand il est question de taux de profit, il est souvent
nécessaire de préciser de quel taux il s'agit. Grande
est la tentation de théoriser sur le taux de profit en général.
Maints auteurs n'ont pas manqué d'y succomber. Il faut pourtant
y résister tout simplement parce qu'il n'existe pas un seul
taux de profit. Ce que l'on peut dire de l'un de ces taux peut se
révéler faux pour l'autre et inversement. Voyons cela
d'un peu plus près.
Le
profit P rémunère le placement en capital C. Le même
profit P est tiré des ventes V (du chiffre d'affaires, somme
d'honoraires pour un médecin). C'est pourquoi il existe deux
sortes de taux de profit. Il y a le taux P sur C. Il y a le taux
P sur V.
Ces
deux taux ont le même numérateur constitué par
le profit de la période considérée. Mais l'un
comporte au dénominateur la valeur du capital que le profit
vient rémunérer. L'autre a pour dénominateur
la valeur des ventes, ou chiffre d'affaires, de la même période,
grâce auquel le profit a été produit.
Il
est élémentaire et impératif de ne pas confondre
ces deux taux de profit. Le moyen le plus simple d'y parvenir est
de s'imposer la discipline de qualifier le taux de profit dont on
veut parler. On n'alourdit pas beaucoup la manière de s'exprimer
en précisant qu'il s'agit, selon le cas, d'un taux de profit
sur capital ou d'un taux de profit sur vente.
Le
profit est une marge. Ce ne sont pas seulement deux familles de
taux de profit qui existent. C'est, plus globalement, deux familles
de taux de marge. Pour les distinguer, on peut parler de la famille
des taux de marge sur stock, au sens le plus général
de ce mot, et la famille des taux de marge sur flux.
D'un
caducée à l'autre n°41
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Une
pratique plus saine de la médecine
Hippocrate
- Ou bien c'est de la théorie la plus enseignée
dont nous tirons nos préjugés, le plus souvent à
notre insu. Ou bien c'est cette théorie qui est trop perméable
à nos préjugés.
Exocrate
- Oui, la théorie la plus enseignée conforte
nos idées reçues. Ce serait bon si ces idées
tendaient à être, pour l'essentiel, logiques et conformes
aux faits. Ce n'est pas le cas. Il faudrait que cette théorie
nous tire vers la pensée objective. Elle a pris le parti
résolu, explicite, de la subjectivité. Ce faisant,
elle a ouvert la boîte de Pandore du n'importe quoi de préférence
à quelque chose.
Hippocrate - Ton jugement est bien sévère. Comment
puis-je m'en assurer ?
Exocrate - Tu as peu de temps à consacrer à cette
enquête. C'est pourquoi je te suggère une seule lecture.
Elle ne te prendra que quelques minutes. Il s'agit d'un conte titré
L'économie qui est tout, c'est n'importe quoi. Je le tiens
à ta disposition. En note figure la définition de
l'économie que nous avons admise. Si tu as un peu plus de
temps, je te suggère de rapprocher cette définition
de celles que te donneront des gens qui ont étudié
les sciences économiques. Tu auras alors des preuves de ce
n'importe quoi de préférence à quelque chose
de précis.
Hippocrate - J'y ajoute la masse des désordres pour " raisons
" économiques dans mon propre secteur d'activité.
Cette masse résulte de mesures élaborées par
des experts. Leur vision de l'économie des soins médicaux
procède forcément de leur vision de l'économie
tout court. Si cette vision était plus critiquée,
ils seraient sûrement moins sûrs d'eux.
Exocrate - Ce n'est pas mon sentiment, et je vais t'expliquer
pourquoi.
...
par une conception renouvelée de l'économie...
3.
Théorie du capital et du profit (suite)
.
Proposition 11. Utiliser le mot " rentabilité " pour désigner une des deux familles de taux de
marge, et partant l'un des deux taux de profit, rend souhaitable
l'utilisation d'un autre mot pour désigner l'autre famille,
et partant l'autre taux de profit (début).
Même
dans le vocabulaire des économistes et des gestionnaires
les plus diplômés, il règne un flou incompatible
avec les rudiments d'une science. Une science définit son
objet. Une science définit ses objets principaux. La théorie
de l'économie la plus enseignée ne se plie pas à
ces nécessités premières. Elle repose sur un
succédané de définition de l'économie.
Elle utilise des succédanés de définition du
travail, du capital, du profit, etc. Ses mots qui finissent en "
té " ne font pas exception. Les bonnes à tout faire
" rareté ", " productivité ", " rentabilité
", etc. sont, elles aussi, des succédanés de concept.
Tout cela est nécessaire pour qu'un succédané
de science se fasse passer et se laisse penser pour ce qu'elle n'est
pas.
Il
existe deux familles de taux de marge. Les taux de profit étant
des taux de marge, il existe aussi deux taux de profit. Nous avons
déjà vu que ce qui distingue ces deux taux est leur
base 100. Dans un cas, c'est un stock, au sens le plus général
de ce mot. Il s'agit, par exemple, du taux de profit sur capital.
Dans l'autre cas, c'est un flux. Il s'agit, par exemple, du taux
de profit sur vente.
Cette
distinction s'impose car à un fort taux de profit sur vente
peut correspondre un taux de profit sur capital normal ou faible.
Symétriquement, à un fort taux de profit sur capital
ne correspond pas nécessairement un fort taux de profit sur
vente. Plus généralement, pour des raisons que nous
éluciderons peu à peu, la hauteur d'un taux de marge
sur flux n'entraîne pas celle du taux de marge sur stock correspondant.
Il y a là une authentique loi économique qui joue
un rôle régulateur tout à fait fondamental.
Fondamental en pratique mais pas dans la théorie aujourd'hui
la plus enseignée.
Pour
neutraliser un fait gênant par son objectivité, il
faut pratiquer l'amalgame. La " rentabilité " lâchement
définie y aide. Il vaut de s'y arrêter car c'est plus
qu'un indice de l'état de la pensée économique
moderne. C'est un flagrant délit.
D'un
caducée à l'autre n°42
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Une
pratique plus saine de la médecine
Hippocrate - Tiendrais-tu pour inutile la critique des théories
et des pratiques économiques ? Bien des propos que tu tiens
vont exactement à l'inverse de cette position !
Exocrate
- La critique de la pensée économique a
ses nécessités et ses pouvoirs. De toute façon
une vraie science de l'économie ne peut être que critique
sur ce qui se dit et se fait de contraire à ses principes.
Mais la critique n'a pas en elle-même le pouvoir de déterminer
l'abandon d'un paradigme. J'ai déjà attiré
ton attention sur ce point. Il faut en plus un remplacement. Seul
un nouveau schéma conceptuel peut provoquer, à la
longue, et s'il se révèle meilleur à l'usage,
l'abandon d'un ancien. La microbiologie a tué la génération
spontanée quand les idées pasteuriennes ont pu, difficilement,
s'imposer chez les médecins.
Hippocrate
- Tu dis à la longue ? Les nouveaux moyens de
communication et de formation sont pourtant utilisables pour réduire
le temps nécessaire à ce remplacement.
Exocrate - Les moyens de communication et de formation sont des
contenants, des vecteurs. Or c'est un contenu qui est à renouveler
en profondeur. La scolarisation intensive tout au long de la vie
est défavorable à ce renouvellement. Est classique,
le mot le dit, ce qui s'enseigne dans les classes. La scolarisation
rend classique tout ce qu'elle touche, y compris quand ça
ne tient pas debout. Plus elle est étendue, plus elle freine
le renouvellement des idées. Les innovations techniques à
marche forcée sont aussi un obstacle. Leur assimilation et
leur exploitation consomment du temps et de l'énergie mentale
qui ne sont pas consacrés au contenu. Tu en sais quelque
chose, toi à qui on impose l'informatisation de ton cabinet
!
Hippocrate - Plus ça change dans les formes, moins ça
change sur le fond. C'est, bien cela ? Ton pronostic est fort peu
optimiste. Où sont les chances de guérison ? Faut-il
s'en remettre à l'éventualité d'un Faust moderne,
d'un docteur Miracle ?
Exocrate
- Les chances de guérison se trouvent dans un
exercice qui est devenu inhabituel. Le livre qu'il fallait par l'auteur
qu'il fallait - ton docteur Miracle - viendra quand il ne restera
qu'à condenser avec génie une opinion déjà
plus ou moins maladroitement en voie de formation, comme en coulisse
de la vie publique et institutionnelle. La réalité
de l'ici et du maintenant commande, semble-t-il, cet exercice patient
qui ne fait plus partie de nos mĎurs.
...
par une conception renouvelée de l'économie...
3.
Théorie du capital et du profit (suite).
.
Proposition 11. Utiliser le mot " rentabilité " pour désigner
une des deux familles de taux de marge, et partant l'un des deux
taux de profit, rend souhaitable l'utilisation d'un autre mot pour
désigner l'autre famille, et partant l'autre taux de profit
(fin).
Les
marchés sont eux aussi des succédanés de marché
quand ils fonctionnent sur des comparaisons fausses ou faussées.
Est-ce que le marché de l'emploi fonctionne, pour l'essentiel,
au moyen de comparaisons de bon aloi ? En France notamment, les
distorsions de concurrence sont très lourdes sur ce marché.
Est-ce que de leur côté les marchés financiers
fonctionnent, pour l'essentiel, au moyen de comparaisons de bon
aloi ? Le Price Earning Ratio en lieu et place du taux de profit
sur capital laisse perplexe. La prépondérance accordée
au cours des valeurs (actions, obligations) sur leur rendement va
avec. La confusion qui règne autour de la sacro-sainte "
rentabilité " est encore plus révélatrice du
désordre trop vite tenu pour un ordre supérieur.
L'usage
le plus répandu reste d'appeler " rentabilité " d'une
entreprise aussi bien un taux de profit sur vente qu'un taux de
profit sur capital. Plus généralement, n'importe quel
taux de marge est réputé être une " rentabilité
", aussi bien pour un taux de marge sur flux que pour un taux de
marge sur stock. Ce manque de rigueur permet d'affirmer une chose
et son contraire. La " rentabilité " de l'entreprise E1 ou
de l'activité A1 peut en effet être supérieure
et inférieure à celle de l'entreprise E2 ou de l'activité
A2 selon qu'il s'agit de l'un des taux. Comme cela arrive souvent,
c'est important.
Un
moyen simple d'éviter cet inconvénient consiste à
n'utiliser le mot " rentabilité " que pour désigner
l'un des deux taux de marge et, partant, l'un des deux taux de profit.
D'un
caducée à l'autre n°43
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Une
pratique plus saine de la médecine
Hippocrate
- Tu as parlé d'exercice qui ne fait plus partie de nos mĎurs.
Quel genre d'exercice ?
Exocrate
- Celui, au relent de siècle des Lumières, de salon
d'économie. Son but unique est pour chacun la culture éclairée
de principes d'économie politique.
Hippocrate
- C'est plutôt austère. Peu de médecins et de
soignants doivent être disposés à en faire l'effort
! J'imagine qu'il en va de même dans le reste de la population.
Exocrate
- Qui dit culture de principes d'économie politique dit culture
d'une philosophie sociale. La trop sommaire philosophie qui a cours
est, pour une large part, la cause des maux dont le corps social
souffre. Le sens-tu ?
Hippocrate
- Naturellement. Les maux qui altèrent la santé du
corps médical que je vis chaque jour avec tristesse l'illustrent
bien.
Exocrate
- Donc les maux qui altèrent la santé morale du corps
médical. Il n'y aurait pas lieu de s'occuper d'une conception
renouvelée de l'économie si elle n'était pas
indispensable pour rendre plus sagace notre philosophie sociale.
Hippocrate
- Supposons-le. Mais il me faut l'expérimentation qui m'est
si chère pour le confirmer. Pour l' organiser, il nous faut
un protocole.
Exocrate
- Demandons à Praxicrate ce qu'il en pense. Il n'a pas son
pareil dès qu'il s'agit d'organiser. Je lui en ai déjà
parlé. Il nous propose non pas un protocole mais deux.
...
par une conception renouvelée de l'économie...
3.
Théorie du capital et du profit (suite).
3.12.
Nous convenons d'appeler " profitabilité " tout taux de marge
sur flux (de vente, d'achat, de consommation, de valeur ajoutée,
de valeur de la production) et rien qu'un tel taux. Nous convenons
donc de dire d'un taux de profit sur vente qu'il mesure une " profitabilité
" et non pas une " rentabilité ".
Il
y a une autre solution. Elle est souvent utilisée et bien
mal inspirée. Elle consiste à qualifier la rentabilité
dont on veut parler. Un taux de marge sur flux est réputé
être " commercial ". Il se dit aussi qu'il est " économique
". Par ces adjectifs, il faut comprendre " non financier ". Ce dernier
qualificatif est en effet attribué aux taux de marge sur
stock. Entreprises et activités ont donc, selon cette convention,
deux rentabilités. Il y a d'une part les " rentabilités
commerciales ", dites aussi " économiques ". Il y a d'autre
part les " rentabilités financières ".
Opérer
une distinction qui s'impose n'est pas critiquable en soi. Encore
faut-il ne pas créer ou entretenir une faute d'expression.
La suffisance d'un taux de profit sur capital est un problème
tout aussi commercial que celle d'un taux de profit sur vente. Il
en va de même pour n'importe quel taux de marge. Ce qui est
financier est par nature destiné à être à
l'intérieur et non à l'extérieur de ce qui
est commercial. Il en va de même pour ce qui est commercial
et financier par rapport à ce qui est économique :
à l'intérieur et non à l'extérieur.
L'autonomie du financier par rapport à ce qui fait ses raisons
d'être est un grand danger. De la même façon,
ce qui est économique est par nature destiné à
rester à l'intérieur de ce qui est social. La pensée
économique nourrie de fausses séparations est incapable
des distinctions que les faits imposent. Ce n'est pas par hasard.
Un
piège de l'économie générale est d'admettre
trop vite et sans y revenir que des généralités
imprécises suffisent à rendre compte de son fonctionnement.
En réalité ce fonctionnement est précis sur
quelques points. Les généralités précises
cela se peut et se doit chaque fois que possible. Par la distinction
entre profitabilité et rentabilité, nous ajoutons
un élément à l'ensemble des généralités
précises méprisées par la pensée économique
dominante. Pour rappel, il y a dans cet ensemble une vraie définition
de l'économie ; une vraie définition du concept de
marchandise ; la distinction entre valeur d'usage et valeur d'échange
; la distinction entre les marchandises élémentaires
(services du travail, service du placement en capital) et les marchandises
composées ; la distinction entre marchandises composées
rares et marchandises composées industrielles.
D'un
caducée à l'autre n°44
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Une
pratique plus saine de la médecine
Une
pratique plus saine de la médecine
Praxicrate - En fait de salon d'économie, il s'agirait d'atelier.
Le but serait, en effet, de produire des repères. Bien sûr,
un seul atelier d'économie ne produirait qu'à une
échelle très insuffisante. Il en faudrait des milliers,
voire des centaines de milliers.
Hippocrate
- Pourquoi parles-tu au conditionnel ?
Praxicrate
- Á cause d'un préalable indépendant
de notre volonté. Il faut d'abord qu'il soit dans l'air du
temps de se livrer à ce genre d'exercice. Si ce n'est pas
le cas, l'expérience restera sans suite même si ses
protocoles sont bien conçus.
Exocrate
- En cette matière il y a dans l'air du temps
ce que des précurseurs y ont laissé en suspension.
Aujourd'hui, l'économie politique est confisquée.
Par qui et comment, c'est secondaire par rapport à la volonté
de mettre fin à cette anomalie. Deux constats simples fondent
cette volonté. Nous vivons dans un monde dominé par
ses activités économiques. Dans ce monde un citoyen
n'est adulte que s'il s'est approprié les concepts de base
de l'économie politique qu'il comprend et qu'il approuve.
Trop peu de précurseurs l'ont dit. Nous devons le dire à
notre tour et nous devons faire ce que nous tenons pour nécessaire.
Hippocrate
- Je partage la résolution d'Exocrate. Quelles
sont, Praxicrate, les caractéristiques communes aux deux
protocoles que tu proposes ?
Praxicrate - La plus importante est le chef d'atelier. C'est lui
qui embauche et qui congédie. C'est lui qui dirige les travaux.
Il utilise un programme et des textes.
...
par une conception renouvelée de l'économie...
3.
Théorie du capital et du profit (suite).
3.13.
La relation, en économie libre, entre l'emploi E, le profit
P, le capital C et l'emploi E - relation E.P.C.E. -montre que le
taux moyen de profit sur capital est normalement voué à
assurer la régulation du plein emploi ( début).
Pourquoi,
en ce pays et à cette époque, ce taux moyen de profit
sur capital ? Il s'agit, admettons-le, d'un pays gouverné,
depuis plusieurs générations, dans le respect de la
liberté de contracter, et par conséquent d'entreprendre.
Est-ce d'un ajustement d'une série d'offres à une
série de demandes que ce taux moyen résulte ? D'où
sa variation provient-elle ? Que nous enseigne la formation de ce
prix sur les rôles du capital et du profit ? Ces rôles
sont-ils fastes ou néfastes à la santé du corps
social ?
Prouver
l'existence de la relation E.P.C.E. fournit des réponses
certaines à ces questions. Cela n'empêche pas du tout
que cette relation soit négligée par l'économie
politique quasi-officielle. Il lui faut cette indifférence.
Ces faits ne sont pas compatibles avec ses présupposés
et, moins encore, ses visées.
La
description de la relation E.P.C.E. dotera notre conception de l'économie
d'une théorie de l'emploi. Notre prise de conscience des
éminents rôles sociaux du libre placement en capital
et du libre profit s'en trouvera améliorée. Il y aura
quand même un pas de plus à franchir.
Par
rapport à la masse totale des salaires, le total des profits
est, dans une économie développée, presque
négligeable. Le profit n'en joue pas moins une autre fonction
elle aussi de très grande importance sociale. Quand la régulation
du profit n'est pas entravée, ce sont les revenus du travail
qui, sur longue période, sont portés au plus haut
possible du lieu et du moment. Ce ne sont pas les revenus du capital.
Nous établirons ce point en prouvant l'existence d'une autre
relation qui a pour termes la profitabilité P, la productivité
P' et la rentabilité R. Nous l'appellerons donc la relation
P.P'.R. Elle aussi est négligée par l'économie
politique quasi-officielle.
La
relation E.P.C.E. fonde une théorie de l'emploi. La relation
P.P'.R. fonde une théorie de la répartition. La promesse
d'une conception renouvelée de l'économie sera tenue.
D'un
caducée à l'autre n°45
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Michaut
Fin
de la première année
-Quand
puis-je dire que j'ai compris l'essentiel ?
-Quand
puis-je dire que j'ai compris l'essentiel de la mécanique
d'une économie libre ?
L'acte
créateur de cette mécanique est la pratique de l'échange
marchand. Si je ne classe pas ou si je classe mal les sortes d'échanges
marchands, ce sont les organes de cette mécanique que je
n'identifie pas ou que j'identifie mal.
-
Bien classer, je le peux en m'avisant de ce qu'est, d'une façon
générale, un échange marchand. L'exploit est
mince. L'échange d'une marchandise contre une autre, c'est-à-dire
un troc, est, par définition, marchand. L'échange
d'une marchandise contre de l'argent l'est aussi. Il me faut donc
diviser l'ensemble des marchandises en sous-ensembles homogènes
pour bien classer les différentes sortes d'échanges
marchands.
Toute
marchandise est élémentaire ou composée. Les
marchandises élémentaires sont elles-mêmes de
deux sortes. Il y a d'une part les placements d'épargne et
d'autre part les services du travail. De leur côté,
les marchandises composées sont rares ou industrielles.
Un
placement d'épargne est en crédit ou en capital. Cela
ne veut pas dire que tout crédit est une marchandise élémentaire.
Un prêt acheté à une banque ou à toute
autre sorte d'entreprise est une marchandise composée. Cette
dernière sorte de prêt est une des raisons pour lesquelles
le stock des crédits en cours est plus important que le stock
de capital. Mais de nouveau cela ne veut pas dire que le capital
est secondaire par rapport au crédit. La propriété
des moyens de production est répartie au seul prorata des
apports en capital. Le capital et le profit ont des fonctions régulatrices
de toute première importance sociale que ne possèdent
pas le crédit et l'intérêt. De plus, je ne peux
pas comprendre de quoi devraient dépendre les prix du crédit
si je ne comprends pas comment varie le taux de profit sur capital.
Si
j'ai compris comment se forme ce taux, ai-je compris comment se
forment tous les prix ? Non, bien sûr. Mais j'ai pris conscience
d'une régulation, centrale dans une économie libre.
C'est celle par laquelle la suffisance en quantité et en
variété des emplois est assurée. N'anticipons
pas davantage sur une démonstration non encore produite ici
(relation E.P.C.E.). Retenons seulement pour l'instant que je n'ai
pas compris un aspect essentiel du fonctionnement d'une économie
libre si je ne sais pas comment elle peut être capable de
rétablir et d'entretenir le plein-emploi.
Mais
le capitalisme ne condamne-t-il pas les travailleurs à la
portion congrue ? Comment se forment les salaires ? D'où
viennent leurs inégalités ? Je n'ai pas poussé
assez loin mon investigation si je ne sais pas répondre à
ces questions. Que me manque-t-il ?
Le
niveau des salaires résulte de deux partages. L'un est indépendant
de toute volonté - c'est un effet mécanique. L'autre
est soumis à la subjectivité collective. Le partage
indépendant de toute volonté est celui du revenu total
entre le revenu non moins total du capital (somme des profits) et
le revenu, toujours total, du travail (somme des salaires). La répartition
de ce dernier total est, elle, soumise à la subjectivité
collective. La juste théorie du salaire est un sous-produit
de la juste théorie de la répartition du revenu total.
L'explication
pas à pas de ces partages nous fera déboucher sur
deux autres révélations. Ce n'est pas le maximum pour
les propriétaires des moyens de production qui est dans le
droit fil de la logique d'une économie libre. C'est, au contraire,
le maximum revenant aux travailleurs. Le capitalisme peut être
géré à l'envers de ce qu'il est en réalité.
Aucun
marché n'assure à lui seul sa prospérité
et sa salubrité. Les marchés primaires du capital
et de l'emploi régulent les échanges de marchandises
composées et sont en retour régulés par eux.
Les prix de ces marchandises sont les instruments de cette régulation.
Or les prix des marchandises industrielles ne se forment pas de
la même façon que ceux des marchandises rares. Nous
ferons l'effort d'aller y regarder de près.
Cet
effort fait, je sais comment les prix des quatre grandes classes
de marchandises tendent à se former. Je sais ce que ces formations
impliquent. En économie, je distingue mieux ce qui est faste
de ce qui est néfaste à l'intérêt général.
C'est le but recherché ici : l'intérêt général
des hommes, donc les meilleures conditions pour notre santé.
Formation
économique 10
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