FENETRE
Ils n'ont plus que l'angle d'une fenêtre
Par où rêves et lumière pénètrent,
Pour continuer d'imaginer dehors
Pour tenter d'esquisser un décor,
Ils n'ont plus qu'un coin de tête
Par où sort encore la fête,
Pour persévérer, se croire forts,
Pour éviter de se voir morts.
Chambres ou cellules, ils essaient d'être,
De s'évader ou de renaître,
Pour poursuivre la voile hors du port,
Le soleil de cuivre sur les corps,
Ils restent tard en éveil, qui guettent
Lueurs, éclats d'une allumette,
Pour persister à compter sur le sort,
Quand la nuit a dompté celui qui dort.
Ils n'ont plus, las, qu'à disparaître,
Par où surgissent, en noir, les prêtres,
Croquant la vie, celui-là mord,
Celui-ci craque sans remords....
Ils n'ont, de leurs jours, que dettes,
Pourtant la vie leur semble d'or,
Pour eux son prix est sans rapport.
Mais si la lucarne est bien piètre,
Si le ciel a chaussé ses guêtres,
Les branches partent en sémaphore,
Et les nuages sont des amphores.
Qui sait si, là-haut sur la crête,
On n'aperçoit quelques vedettes,
Et si ce jour qui va éclore
Annoncera un meilleur score ?
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L'hôpital
est un lieu particulièrement spécifique
à cette nécessité, pour les
occupants temporaires, d'une évasion par
tous les moyens envisageables. Lecture, télévision,
visites, échanges et paroles, mais aussi
cette rêverie inconsistante et salutaire
qui va autoriser l'esprit à vagabonder
en extérieur, vers les cieux et les paysages,
les lieux imaginaires et les lumières espérées
qui amèneront un autre monde à portée
des jours longs et laborieux, ou douloureux et
lents. Et cette fenêtre symbole de toutes
les évasions est si précieuse, même
si elle donne parfois sur un terrain de football
à l'ouest, et sur la morgue à l'est....
JB Février
2002 |
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UN
LIEN TENU
Qu'il est étrange, ce lien ténu,
Qui relie des mots à comprendre
Avec des maux qui font peur.
Quelle phrase émouvante et nue
Met souvent, sur un lit de cendres,
L'amour près de celui qui meurt ?
Comment donc a-t-on obtenu,
Avec la manière de les tendre,
Que les sons bientôt soient fleurs ?
Est-ce ce chant qui atténue
Ce soupir qui allait se rendre,
En modulant la mue des pleurs ?
Qu'est surprenante la voix menue
Qui transforme et qui engendre
Une parole sans cris ni heurts
Et la vie coule et continue,
Mais c'est le cœur qui va entendre
Combien joie et douleur sont sœurs.
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REGARD
Quand elle observe à travers ses mèches,
Deux flaques d'eau verte à reflets noirs,
Le premier regard est bien souvent
Celui de deux plaques d'herbe fraîche
soulignées d'encre de moire,
Et dont l'aspect est émouvant.
Sources vives sous les pousses rêches,
Ces éclats sont aussi miroirs
Striés d'argent quand joue le vent,
Qui aime à plisser l'herbe sèche,
Comme la main s'en vient le soir
Froisser ces cheveux de doigts savants.
Un regard clair que rien n'empêche
De tout livrer et de tout voir,
Des yeux sereins et captivants
Qui sont à la fois cibles et flèches,
Fenêtres ouvertes et faire-valoir,
Qui ensorcellent et vont de l'avant.
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