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SEYCHELLES
(Océan
Indien)
L'île, derrière ses yeux pervenche
Et son air propret du dimanche
N'a, pour se rendre présentable,
Besoin que de l'indiscutable,
De l'eau pour lui baigner les yeux,
Et du vent pour peigner ses cheveux!
L'île, au cœur de terre étanche,
Et malgré sa robe de mer blanche,
demande si une solitude coupable
ou bien cette latitude enviable
placent à part ses chemins creux
qui lui prêtent cet air radieux ?
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Du corail et des écailles
La différenciation entre les îles volcaniques
a déjà été abordée. Revenons
sur deux grandes catégories, les îles volcaniques
non coralliennes, celles dont l'eau de mer ne présente
ni la température ni les conditions pour développer
du corail : méditerranéennes comme Sicile, ou
par extension Iles Grecques comme Santorin, atlantiques telles
celles des Açores, du Cap Vert ou des Canaries.
Et les coralliennes, qui seront situées dans le Pacifique
ou les Caraïbes, ou encore l'Océan Indien. Parmi
celles-ci, une grande partie n'auront conservé que
leur cône volcanique entouré d'une modeste barrière
de poussée corallienne : Seychelles, Nosy Be, La Réunion,
Antilles, Iles de la Société pour quelques-unes.
D'autres, autour de ce cône résiduel, ont laissé
se développer un lagon assez conséquent, comme
certaines îles de la Société, certaines
des Loyautés (voisines de la Nouvelle Calédonie).
Ou à un degré moindre, Maurice.
D'autres encore n'ont conservé, du volcan initial,
et des cercles concentriques créés par les éruptions
et le retour de la mer dans les lacs internes, que la périphérie
extrême, à savoir les îlots résiduels
ou motus qui constituent une bordure de l'ancien atoll. C'est
le cas des Maldives, des Tuamotus, ou d'Ouvea parmi les Iles
Loyauté. Voire d'Eleuthera ou de Cat, situées
dans l'archipel des Bahamas.
Et il reste enfin les atolls complets, devenus rares, mais
représentés par Bora Bora, ou quelques îles
du groupe Cook, comme Aïtutaki.
Honnêtement, le touriste ne se posera pas la question
ainsi, mais en fonction de ses sensations émotionnelles
en abordant ces îles. Et selon ses aspirations, ses
envies et ses rêves ayant provoqué le départ
vers une destination précise. Plongée sous-marine
ou simple observation des fonds marins fabuleux et des poissons
multicolores ? Baignade dans les eaux bleutées et changeantes
d'une douceur et d'une limpidité absolue ? Promenades
dans les palmeraies, ou sous les cocotiers, sur des sables
à l'allure de farine et à la blancheur étonnante
? Ou simple contemplation extatique sous la brise marine,
à observer les variations des couleurs de l'eau à
mesure que le soleil prend de la hauteur ?
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POLYNESIE
(Océan
Pacifique)
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Lagons et tangons
Un tangon est un accessoire de navigation à voile servant
à écarter et maintenir certaines voiles ou vergues
en position pour recevoir un maximum de vent sans retomber
dans un axe inadapté par rapport au choix du skipper.
Aborder quelques archipels à la voile, ou parcourir
les zones entre les îles est parfois un gage de supplément
de sensations. Le silence, la lenteur, et surtout la capacité
d'accoster par une berge inaccessible autrement certaines
plages fantastiques et vierges d'occupants est une expérience
grandiose. Dans un classement personnel plaçant les
plages des Seychelles en haut de l'échelle, en dehors
de la rime, je suis conscient du supplément apporté
par un premier séjour à bord d'un voilier avec
skipper, qui autorisait l'abord de certaines îles, comme
Curieuse, de façon idéale, avec le surcroît
de la cuisson sur le sable du poisson à griller pêché
à la traîne pendant le parcours. Repassant une
dizaine d'années plus tard, sans voilier cette fois,
et en dépit de gros grains de pluie, j'ai confirmé
dans ma tête cette qualification de plages splendides.
LES SEYCHELLES
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L'île Curieuse
Cependant, en tant qu'îles
dans leur complétude, les atolls gardent une faveur
absolue, celui d'Aïtutaki dans les Cook, à un
moindre degré Bora Bora à laquelle je reprocherai
toujours son artifice, tant dans la conception du site que
dans son exploitation. Une vision cependant persiste, un après-midi
de pluie fine, une chaise vide de métal, sur le sable,
comme celles que l'on trouve dans les parcs de villes de cure
ou les jardins du Luxembourg, un siège en attente tourné
vers le large, sous l'abri des filaos trempés, offrait
une ambiance nostalgique prenante et on ne peut plus poétique
: comme l'absence d'un être attendu, aimé. Viendrait-il
ou elle finalement, ou le spectateur resterait-il avec son
angoisse et sa déception ? Un lieu mythique, et l'attente
non comblée, symbolique, métaphorique, cette
vision fugitive m'avait marqué d'un sceau, ne disons
pas existentiel, mais d'une pensée de poète
sur la beauté d'un lieu vide.
Un groupe d'îles illustre à mon regard ce contraste
de l'artifice et de la simplicité, de façon
plus cruelle encore, les Bahamas. Il existe véritablement
deux aspects. Celui de l'argent, disons plutôt du fric,
avec les casinos de Nassau, la capitale, les palaces, les
limousines gigantesques, paquebots de la route à la
cuirasse immaculée dont le chauffeur astique le blanc
obsessionnellement. Avec l'exagération, exaspération
même, du monde américain si proche, de monstrueuses
silhouettes d'une obésité maladive comme un
détournement de civilisation, exactement comme cette
suffisance, cette arrogance, d'un personnel qui toise les
malheureux ne répondant pas aux normes de l'argent
facile et dû. Et puis il suffit de partir pour trouver
les autres Bahamas, les vraies. Dès l'aéroport
loco-régional, où en entrant dans la cafeteria,
la mamma édentée et burinée comprend,
dans son langage bien plus latino-espagnol qu'américain
civilisé, que son plat du jour vous intéresse,
un mixte de feijoada brésilienne aux fèves et
pois chiches et de porco mexicano à la sauce relevée,
enfin un gringo qui ne mange pas des hamburgers, l'aventure
commence. L'insolite après, avec ce minuscule avion
tubulaire étroit emportant ses 16 passagers d'un trait
d'aile sous les nuages vers un trait de sable dans la mer,
Eleuthera l'île dont le nom signifie liberté,
une bande de plage vierge entre le bleu profond de l'atlantique
et le turquoise d'un faux lagon résiduel volcanique.
Quand vous voudrez louer un véhicule, dans un lieu
que n'occupent que la mer, quelques ananas, des souvenirs
brisés du cyclone Andrew de 1992, et trois champs de
cocotiers désséchés, le voisin le plus
proche vous apportera une vieille Buick quadragénaire
dont les portières ne ferment plus, les clignotants
n'ont pas d'ampoules, et le frein à main est un clou
attaché à un fil de fer! Et il vous louera cela
sans papiers, ni contrat, ni demande de permis, pour toute
assurance sa confiance et la vôtre, en vous signalant
simplement que la prochaine pompe à essence, si elle
marche, est à trente miles de là, vers le nord!.
L'île! Un taxi de la mer, le hors-bord des Caraïbes,
vous en fera franchir un bras en dix minutes d'embruns, pour
atteindre sur Harbour Island les maisons victoriennes si colorées
de Dunmore, où vous dégusterez une mousse de
dauphin en soufflé. Ces îles que j'aime à
regarder alors!
L'observation aussi, à Lifou, une de ces fameuses Iles
Loyauté bordant « le caillou » comme on
appelle la Nouvelle Calédonie, de la variation progressive
d'une eau merveilleuse de lagon, au fil des heures montantes.
D'un vert clair en milieu de matinée, pour aboutir,
deux tours de montre plus tard, à un camaïeu,
une bande violette au loin, contre le liseré du corail
brisant des vaguelettes, une zone d'un vert étonnant,
d'herbe irlandaise, à laquelle succédait un
vert de pistache, puis la tranche laiteuse devançant
juste l'ultime croissant translucide qui rejoignait un sable
à la nuance de vanille. Les lagons évoquent
irrémédiablement des yeux, observés de
près, avec leur brillant, leurs variations selon l'incidence,
et leur dégradé de teintes douces et tendres.
Une autre réminiscence encore, de nouveau avec quelques
années d'écart entre deux passages, ce phare
étrange de la pointe Vénus, à Tahiti
(un lieu dont on s'éloigne vite, à part cet
endroit-là) dont la découpe en noir et blanc
se superpose avec deux ou trois cocotiers raides dont les
troncs paraissent caresser la tour, comme des houppettes étranges
et amusantes.
Tant de lieux formant des images résiduelles, souvent
de paix, de silence et de bonheur! La découpe dans
un coucher de soleil mauve, rose et violet, des contours de
l'île proche, sur une plage à contre-jour, avec
alors un cadre noir d'arbres et le fond de surbrillance, devenant
semblable à une vitre, des scintillements du lagon,
un chien sur le sable et un enfant noir dans l'eau!
Les couleurs magnifiées, incroyables, des poissons
entrevus dans un simple masque, autour d'un motu des Maldives!
Ce qui rend si attractives les îles, c'est ce mélange
des expressions de l'esprit poussé à une grande
curiosité de découverte, l'accumulation dans
certains lieux si pétris d'histoire de ces agglomérats
de civilisations et de courants, et cette capacité
du corps d'éprouver toutes les sensations, de se livrer
à toutes sortes d'activités, de sorte qu'à
terme cette alternance de sentiments et de sensations apporte
l'émotion complète.
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L'île sent la mer sur ses hanches,
Quand au soir, tirant leurs clenches,
Ses habitants quittent leurs tables
Sur des propos inéluctables.
Elle s'endort, tard, sous les cieux,
Pleine de tendresse pour ses vieux!
L'île écoute les voix qui s'épanchent,
Et sur ses eaux où font la planche
Des humains fiers et vulnérables,
Dans leurs histoires de grands coupables,
Son lagon caresse les frileux,
Que le soleil rend si heureux!
(« L'île », Juin 2002, JB)
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Les îles lacustres et fluviales
Elles peuvent mériter
quelques lignes, ne serait-ce que pour en souligner l'existence,
l'intérêt, et l'attrait pour nombre de personnes.
De même que l'on aurait pu évoquer celles, presque
côtières, de la bordure Atlantique Française,
ou les Anglo-Normandes, tout autant chargées d'histoire,
supports de conquêtes ou de conflits, et lieux des civilisations
de la pêche, supports de légendes et d'héroïsme.
Pour ne citer qu'un exemple d'îles lacustres, regardons
ce qu'ont pu apporter à l'histoire, au patrimoine européen,
des îles comme les Borromées, sur le Lac Majeur
Italien. Rien qu'à fredonner l'émouvante chanson
de Mort Schuman, on frissonne et on imagine les contours de
crachin de ces joyaux d'architecture et de passion, avec une
ombre floue projetée sur l'eau, un coin de toiture
ou une muraille crénelée.
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L'île est-elle
une philosophie ?
La question subsidiaire serait de savoir si l'on peut
répondre à la précédente ?
Pour tenter une synthèse de plusieurs aspects abordés
de ces îles du Monde, livrons-nous à un constat
qui est celui d'un abord, avec ces terres si particulières,
d'une symbolique assez métaphorique qui les transforme
en lieux particuliers, différents, spécifiques.
• Tant d'îles sont des échantillons
d'histoire et des reflets de civilisations
Si nombreuses sont celles qui ont participé à
un concentré d'histoire militaire, de conquêtes,
de découvertes, d'échanges politiques. D'autres
ont constitué des supports d'artisanats, ou d'activités
oubliées depuis, comme la pêche à la baleine,
ou modifiées et industrialisées, comme la fabrication
de rhum, de sucre. Et quantité d'entre elles persistent
à représenter des lieux de cultures spécifiques,
comme la banane, ou de pêches aussi inhabituelles que
les perles noires.
L'esclavage, qui a marqué si terriblement tant de ces
civilisations, migrations forcées, et mixités
ultérieures de populations, a également été
un courant immense d'histoire.
• Bien des îles sont devenues
de véritables laboratoires de recherche
Elles sont des viviers d'observation des espèces animales,
tortues par exemple, iguanes, oiseaux (découvrir, à
l'île Bird, des Seychelles, des milliers de sternes
à leur période de ponte, extraordinaire spectacle
émouvant que de marcher parmi d'innombrables oiseaux
pépiant, voletant, pondant, est un ravissement), et
des lieux de persistance de quantités de catégories
menacées et ainsi heureusement protégées.
Elles sont de la même manière un observatoire
de la flore, et un refuge de préservation et de reproduction
indispensable. Les Galapagos répondent à ces
catégories.
Laboratoires de l'humanité incomparables, en ne prenant
pour exemples que l'Ile de Pâques, ou les Marquises,
avec le mystère de leurs coutumes ancestrales, des
productions de statuaire des tribus.
Laboratoires de recherche sismologique, vulcanologique, avec
en bien des lieux en permanence la capacité de suivre
des cônes en activité.
• La culture des loisirs en a
fait des lieux de pause, d'escale, d'activités variées
A partir des éléments historiques déjà
cités qui les avaient utilisées, orientées,
vers un rôle de relais des voies de navigations et routes
maritimes et ensuite aériennes, l'élargissement
de ces conceptions a transformé beaucoup d'îles
en lieux de villégiature, d'activités sportives
multiples, pêche, plongée, sports de glisse,
surf, planches, et de vent, voile, windsurf, parapente, parachute
ascensionnel, et naturellement tous les loisirs de plage.
Mais le développement de ces pôles a mené
aussi vers un intérêt historique des visites,
des explorations et découvertes de peuples du nord
vers ces lieux du sud, et inversement, les gens de mer et
de soleil à la rencontre des habitants du vieux continent
européen!
• L'île, surtout lointaine
et inconnue, nourrit le rêve dont elle est miroir
Une illustration mise en évidence par les voyagistes
et les « vendeurs de rêve » précisément,
est cette comparaison avec « le paradis ». Les
îles sont fréquemment proposées et mises
en valeur comme un Eden, une sorte d'idéal du bien-être.
• La symbolique de l'île
repose sur cette philosophie de l'ailleurs
L'île, dans cette symbolique, est beaucoup plus souvent
lointaine, inaccessible éventuellement, au bout du
monde. Autant de clichés, mais de rêves d'évasion.
Et au delà de l'éloignement simple, vers l'inconnu,
existe cette rupture avec le monde habituel, traduite par
une autre symbolique, celle de « l'île déserte
»
Cette étape mène alors vers d'autres notions,
comme celle de solitude, de refuge, d'abri où l'on
ne peut plus être retrouvé.
Et arrive enfin l'ultime étape de toute cette vision
symbolique, celle d'isolement, avec sa racine tirée
du mot île. Une symbolique, certes, une philosophie,
mais à travers ce retour vers des racines, une histoire,
une civilisation, un lieu mythique originel, où l'on
est à l'abri, au paradis, protégé, entouré
d'eau, ne retrouve-t-on pas dans cette île le titre
de ce texte : « en cherchant la mère »
?
Jacques Blais |
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HUAHINE -
Polynésie française
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