« le un » pour tous

28 avril 2014
Docteur François-Marie Michaut

La lente agonie des journaux imprimés ne réjouit pas obligatoirement ceux qui expérimentent les capacités virtuelles de l'expression et de la diffusion numérique de textes écrits.
Foin d'une stupide querelle entre les anciens supposés du papier et les prétendus modernes des écrans. Gutenberg n'a jamais tué les conteurs que l'on sache, le téléphone n'a pas occis la lettre du facteur. Une naissance, c'est une naissance, et cela mérite un faire-part et, si le coeur y est, une fête.

Soudain est apparu dans les rayons des kiosques un nouveau journal au titre intrigant de « le un » (les minuscules du titre ont été choisies); illustré de deux longues silhouettes accolées du chiffre de l'unité.
J'y entends la voix rassurante d'une double voie (à moins que ce soit la voie d'une double voix). Ce serait un signal d'exclusion de toute velléité d'expression unique de la part des concepteurs du nouveau-né ?
L'objet de papier de qualité, d'un bureautique format A4 ( 21x29,7 cm), a pour caractéristique de contraindre le lecteur à le déplier au fur et à mesure des pages lues. Faire l'effort d'aller plus loin, de prendre le temps de creuser, c'est le salutaire contre-pied d'une certaine information linéaire, à usage et à contenu aussi facilités que possible au cerveau (supposé) du lecteur consommateur standard.

Lire des textes d'auteurs, c'est vivifiant. Ce sont des créateurs, des artisans ou des artistes dont l'outil de haute précision est la langue française. Un autre univers, en vérité, que celui des claviers débitant leur jus de neurones dressés selon les critères stéréotypés et les canons des écoles de journalisme.
Choisir de consacrer chaque numéro à un seul thème me semble une bonne méthode. C'est exactement celle d'un examen clinique bien mené.
Prendre le temps de mettre ensemble (juxta poser) différentes façons d'observer un même sujet. Croiser les avis de gens qui réfléchissent, en évitant les infantilisants experts. Sans oublier, ce qui nous réjouit ici, de donner de la place à la poésie et à l'expression graphique.

Un petit voyage de l'esprit chaque mercredi, libre de toute intrusion publicitaire, juste pour prendre le temps de respirer et de vivre sans écran, le projet est séduisant. Je ne dois pas être le seul à le penser, le premier numéro (malgré une bien modeste publicité) a été vendu à 70 000 exemplaires.

Ah, oui. Le prix ? Au temps des gratuits (sinistre manipulation des consommateurs), il peut sembler élevé : 2 euros 80.
À moins de calculer que 40 centimes par jour pour nourrir son cerveau de nutriments de qualité, juste pour rendre sa vie personnelle plus belle et plus riche, cela n'a vraiment rien d'excessif.
Toute comparaison avec quelque molécule psychotrope que ce soit, remboursée ou non par la sécurité sociale, légale ou circulant sous le manteau, n'est pas obligatoirement hors sujet.

Il ne reste plus à l'hebdomadaire « le un » qu'à continuer à creuser sans dévier son propre sillon. L'encourageant état de grâce des débuts ne met jamais à l'abri du définitif coup de grâce de la fin.
Ce sont les lecteurs, et eux seuls, enfin considérés comme des adultes et non comme des consommateurs à manipuler habilement, qui en décideront.

Retrouver la confiance

 

Restaurer la conscience


Renforcer la compétence


Os court : « Ce que je reproche aux journaux, c'est de nous faire faire attention, tous les jours, à des choses insignifiantes, tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie des choses essentielles. »
Marcel Proust (Du côté de chez Swann)
Cette lettre illustre notre Charte d'Hippocrate.
Lien : http://www.exmed.org/archives08/circu532.html

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