Braves gens, écoutez, écoutez le doux son,
Qu'en entrant dans les buts vient produire un ballon.
Mille voix en délire hurlent leur délivrance,
Admirant les fouteux s'embrassant dans les transes !
De tels exploits montrant si haute intelligence,
Leurs auteurs aussitôt, ont si belle prestance,
Qu'ils renvoient dans l'oubli les grands faits historiques,
Les discours politiques, inventions et techniques.
Sur les écrans télé supplantant les ministres,
Quand leurs propos géniaux aux ondes on enregistre,
Ils deviennent idoles, on les couvre d'euros.
On parle Panthéon pour ces sublimes héros.
D'ailleurs, entendez les, ces parfaits virtuoses,
Dont les médias mendient un avis sur les choses :
Aux leaders politiques, ils donnent des leçons.
Prodiguant subtilement des conseils de gestion,
Ils proclament haut et fort de grandes indignations.
Sur toutes les questions, ils ont des solutions,
Comme l'éducation, la monnaie, les régions,
Les discriminations et toutes religions.
Sur tous les grands sujets, ils donnent la méthode
Et par leurs attitudes influencent la mode.
Ils sont d'autant plus forts que leur belle sagesse,
Les fait vivre où l'impôt est d'insigne faiblesse.
Le foute guérit tout, c'est la drogue absolue.
Il lave les cerveaux, les vide et c'est voulu.
Bien mieux que lavements, dialyses, aspirine,
Les antibiotiques ou vaccins, l'insuline.
Il anesthésie l'homme, aussi son jugement,
Altère ses pensées et l'obsède en dormant.
La pandémie fouteuse endort comme un haschisch
Dont l'euphorie réjouit les pauvres et les riches.
Le soir d'un très grand match, le français ne fait rien,
Et devant sa télé, son souffle il retient.
Stop aux invitations, aux rendez-vous galants ;
Même les amoureux ont déserté leurs bancs.
Dans les matches de foute, au vu des statistiques,
Un but est rareté, un haut fait historique,
Une curiosité, une exception magique,
D'esprits purs le prodige, un miracle mythique.
Car dans ce jeu étrange, un score un-à-zéro
Est bien le plus fréquent ; et chez des maestros !
Personne ne veut voir, qu'avec si peu de buts
C'est surtout le hasard qui fera le vaincu.
Sur le terrain de jeu, c'est l'arbitre, la clef ;
Et c'est de son humeur que dépend le succès !
Tel hors jeu est-il sûr, qu'un arbitre a cru voir ?
Et puis ce pénalty ? Où on s'est laissé choir …
A quoi reconnaît-on la grandeur des nations ?
A leur niveau de vie, aux belles inventions ?
A leur agriculture ou à leur industrie ?
A leurs grands politiques, à leurs démocraties ?
Vous êtes dans l'erreur : ce qui fait leur aura,
Que dans chaque pays, le peuple l'aimera,
Ce sera le renom du foute national
Qui fera dans le monde un pays capital.
Mieux que ses sous-marins, mieux que ses porte-avions,
Il vendra ses joueurs, ses coupes et ses fanions !
Moins chère que LA bombe, une équipe championne,
De la gloire d'un peuple en brandit la couronne.
Alors, laissez tomber les thèses didactiques,
Les grèves et élections, les partis politiques.
Suivez plutôt le foute et l'humeur des joueurs,
Leurs lectures et loisirs, leurs manies, leur labeur,
Entrainements d'enfer, avec crampes et horions,
Drames et vague à l'âme, envies, chagrins, passions…
Pour leurs anniversaires, ayez plein d'attentions,
Etudiez bien leurs goûts, leurs hautes distractions,
Leurs vacances ? Assez zen ? Sont-ils assez repus ?
Tous faits fondamentaux pour voir marquer des buts.
Car leur moral fragile est de nos jours, sans doute,
Le meilleur argument d'une équipe de foute.
J'entends tel avant-centre évoquant sa grand-mère,
Cet ailier droit touchant parlant de son grand frère,
Ce joueur « hollandiste » dans sa belle colère,
Et ce goal brésilien qui adore la bière !
Ou bien cet espagnol risquant de divorcer
Parce que du ballon, sa femme en a assez !
C'est mieux que du Verlaine et me tire des larmes !
Pour ce sport, c'est si beau, que les âmes se charment !
Je ne lis plus Hegel, Stéphan Zweig ou Flaubert :
A ces grands romanciers, l'Equipe je préfère.
J'ai jeté mes Nothomb, d'Ormesson, Beigbeder,
Du Dieu foute, à présent, je veux voir les mystères !
Pensons à nos champions ; il faut qu'ils se délassent.
Sont-ils bien protégés, isolés de la masse ?
Sont-ils bien reposés ? Et nourris ? Et logés ?
Ne sont-ils pas stressés, surmenés ou inquiets ?
On oublie les impôts, les modernisations,
Les déficits, la dette et la spéculation.
Le foute est donc la clef pour résoudre les crises,
Les putschs et les faillites ou les grèves qui nuisent :
Envoyer nos ministres à des stages de foute,
Leur apprendrait comment éviter la déroute.
S'ils voulaient bien se mettre aux chaussures à crampons,
Leurs cendres à eux aussi , iraient au Panthéon.
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